Toute cette histoire a commencé avec une jeune fille influencée par un mage : Artoria Pendragon. Elle était là, devant Caliburn, l’épée de la sélection lorsque Merlin, le mage qui l’avait entraînée en vue de ce jour, lui posa l’ultime dilemme : si elle voulait devenir Roi, elle devrait renoncer à son humanité pour protéger celle des autres. Entraînée à cela depuis qu’elle était enfant, consciente des sacrifices qu’elle aurait à faire en chemin, de sa nature qu’elle devrait cacher et de tout le reste, elle acquiesça et s’empara de l’épée, devenant ainsi Roi des Bretons. La légende du Roi Arthur se forgea sur ces événements, de même que la création de la table ronde, formée des meilleurs chevaliers, de ses plus proches alliés. Pour jouer le rôle de Roi, il lui fallait une Reine, et c’est à Guenièvre que ce rôle échu, consciente que son mari était une femme, elle accepta aussi de jouer cette mascarade pour le bien du peuple, qui se posa malgré tout une question, à savoir celle de l’héritier.

Merlin usa alors de sa magie, faisant biologiquement un homme d’Artoria pendant un temps donné, de façon à ce qu’elle puisse concevoir un enfant avec Gueniève, chose qui n’arriva pas mais lança alors le plan de la sœur du Roi, Morgane. Cette dernière, emplie de haine envers sa famille et sa sœur, manigança pour concevoir un enfant lui ressemblant comme deux gouttes d’eau en se servant de ses propres pouvoirs magiques. C’est ainsi que naquit Mordred, un homonculus au vieillissement accéléré, née des deux sœurs ennemies et ressemblant en tout point à Artoria.

Jouée du destin et des maningances de Morgan, la jeune Mordred devait tout cacher de son identité jusqu’au moment propice, enfermée dans cette prison de métal qu’était son armure et son heaume, ne pouvant l’enlever en public sous aucun prétexte. Connue comme le chevalier muet par beaucoup pour ne pas donner d’indice même sur le son de sa voix, la jeune femme se détestait, enviait les humains. Elle se savait étrange, se voyait vieillir plus vite que n’importe qui, enviait ses frères et sœurs et les autres humains qui pouvaient vivre une vie qu’ils ne voyaient pas seulement au travers des grilles d’un heaume à la forme démoniaque. Et derrière ces grilles, elle voyait cette personne qu’elle admirait de loin, ce roi idéal et aimé de tous, ne montrant rien, ni peine, ni joie. Au fond, elle rêvait d’être à son service, d’être un chevalier et le suivre jusqu’au bout du monde si elle pouvait. Cette admiration la poussa à accomplir des prouesses, à gagner sa place parmi les chevaliers malgré ses méthodes peu orthodoxes. Brutale en combat, n’usant pas forcément de la chevalerie et du code d’honneur au combat, elle privilégiait le résultat aux moyens utilisés pour atteindre celui-ci. D’un autre côté, elle s’efforçait malgré tout d’être un chevalier courtois quand elle le pouvait, ne voulant pas souiller l’image de son Roi, cette image qu’elle s’était forgée. Pourtant, plus elle était proche d’Artoria, plus elle ne pouvait que voir ses ressemblances physiques avec elle, mais aussi la solitude dans laquelle le monarque s’était enfermée. Jamais ne l’avait-elle vue se mettre en colère, pleurer ou même rire, comme si les vicissitudes de ce monde ne l’atteignaient pas, un fardeau qu’elle ne souhaiterait à personne.

C’est au sommet de cette adoration, alors que la trahison de Lancelot se fit connaître et qu’il tua Gareth, la demi-soeur de Mordred, que Morgane en profita pour annoncer son lien de parenté à Mordred qui se prit pour la première fois à sourire, pleine de rêves et d’idées. Enfin elle pouvait être fière de qui elle était, son cœur sauta un battement en apprenant qui était son père. Pourquoi envier les autres enfants, étaient-ils celui du Roi ? Pourquoi se plaindre de son corps quand elle savait que c’était son héros qui lui avait donné naissance ? Et étant son héritier, elle pouvait peut-être le rendre fier, prouver qu’elle était capable d’autre chose que d’être son bras armé, le bourreau de ses ennemis, qu’elle pouvait devenir son égal.

Des rêves détruits, voilà tout ce qu’elle obtint lorsqu’Artoria lui annonça sans le moindre sentiment dans la voix que jamais elle ne l’accepterait comme son héritière ni ne la reconnaitrait. Sans une explication, sans un mot de plus, elle quitta la salle, laissant Mordred détruite, seule dans un torrent d’émotions qui se mélangeaient, son admiration se mut en haine. Une haine envers elle-même pour ce qu’elle était, envers sa mère pour l’avoir créée et envers son père qui la rejetait et la rejetterait quoiqu’elle fasse, rendant tous ses rêves inaccessibles. Enragée, elle jura de détruire Camelot comme son père venait de la détruire intérieurement. Pourtant, elle continua son rôle de chevalier, se muant de plus en plus dans le silence, ruminant, adorant, haïssant. Cette haine qu’elle ressentait cependant la poussait à vouloir encore le trône, pour prouver à son père qu’il avait tort à son sujet, le pousser à l’accepter telle qu’elle était.

Lorsque le Roi dû partir pour une expédition à Rome, le destin se mit en marche et c’est malgré elle que Mordred, alors régente du Royaume, devint la figure de la rébellion du peuple contre Arthur. Usant de Clarent, l’épée d’Uther, le peuple de Bretagne la voyait comme un nouveau Roi et l’appréciait, la voyant comme un meilleur gouverneur que son père. Elle ? Elle les détestait, les conspuait, nourrissait une haine viscérale envers ce peuple qui dénigrait le roi qu’elle admirait. Artoria donnait tout, sacrifiait sa vie et son bonheur pour ces ingrats ? Ils ne méritaient rien, ne la méritait pas, alors elle les dirigerait. Ainsi, son père n’aurait d’autre choix que d’être fier d’elle, ainsi Artoria n’aurait plus à donner de sa personne pour des hypocrites et pourrait lâcher de leste, ainsi ils pourraient devenir une famille.

Et pourtant Artoria et ses chevaliers se battirent pour reprendre le Royaume. Mordred était vue comme un traître, un usurpateur par les chevaliers qui ne connaissaient pas son visage, et elle ne pouvait pas reculer. Elle aurait voulu que le Roi abdique, elle aurait voulu être à sa place et retirer Caliburn du rocher avant qu’elle ne soit détruite et remplacée par Excalibur, elle voulait juste que son héros puisse être heureux ne serait-ce qu’un peu. Mais rien de cela n’arriva. Lors de la bataille de Camlaan, elle fut forcée d’affronter Gawain, son demi-frère, et de le tuer. Elle aurait de loin préféré que ce soit Lancelot, ce traître qui s’en était sorti grâce à la bonté du Roi, ce « chevalier » qui avait tué Gareth alors désarmée et sans armure, celui qui avait trahi la confiance du Roi et affaibli le royaume en entrant dans une relation adultère avec Guenièvre. Et pourtant c’était elle qui était détestée, rejetée, conspuée ?

Un bain de sang, une colline jonchée de cadavres et au-dessus d’elle se trouvaient maintenant face à face Mordred et Artoria. Lors de leur premier échange, elle désarma le Roi, lui hurla d’abandonner, que c’était perdu, que le royaume n’existait plus. Artoria s’empara alors de sa lance sacrée, Rhongomyniad, et lui dit qu’elle ne l’avait jamais méprisé, mais qu’elle lui refusait le statut d’héritière car elle n’avait pas l’état d’esprit d’un Roi. Un moment d’hésitation, un seul relâchement sur la garde de son épée et Artoria en profita pour la tuer, plantant sa lance en plein cœur. Son heaume tomba, dévoilant son visage à nouveau face à la seule personne qui le connaissait déjà. Elle tendit ses mains, souhaitant juste un dernier regard qui ne vint pas et rendit son dernier souffle. Alors qu’Artoria commença à partir, le corps de Mordred bougea à nouveau. Un sort de Morgane, une malédiction qui brandit une dernière fois la lame au travers du corps sans fils de l’enfant maudit qui vint blesser mortellement le Roi, mettant fin à son règne et faisant entrer la jeune fille dans la légende comme le perfide traître qui avait tué le légendaire Roi de Bretagne.

Coup du sort, l’esprit de Mordred fut invoqué à travers les époques et les guerres comme Servant pour d’autres mages se livrant des guerres pour obtenir le Graal et réaliser leurs souhaits. Amère d’être appelée pour cette chose que son père avait cherché en vain, se rappelant encore à elle comme toutes les malédictions qu’elle avait subi pour cette quête infructueuse et le déshonneur posé sur son propre nom, elle se battit encore et encore pour l’obtenir et avoir le droit de réaliser son souhait : participer à la cérémonie de la sélection de Caliburn, pour mettre enfin un point final à ce conflit qui la rongeait.

Pourtant, cette fois, à son réveil, elle ne semblait pas liée à un quelconque mage. Ses pouvoirs héroïques semblaient avoir disparus dans ce monde qu’elle ne connaissait pas. Son dernier souvenir était une lune rouge qui trônait dans le ciel. Elle ne savait pas si le monde lui laissait maintenant une chance d’être enfin elle-même, ni même si d’autres connaissances de Camelot ou de ses précédentes guerres allaient atterrir dans ce monde, ni comment leur faire face.