Juste discuter - Penelope

Certaine chose ne semblait pas changer, même avec les époques. Je me souviens encore des commentaires déplacés de ma mère ou de mes soeurs concernant mon apparence. Oui, j’avais des kilos en trop, je me voyais tout en fait en face d’un miroir, mais je n’étais pas non plus horrible comme elles semblaient le sous entendre. Je n’ai pas vraiment confiance en moi, c’est surement pour cette raison qu’il m’est plus facile de m’exprimer par écrit, qu’oralement. Certes, mais qu’importe, j’entendais encore ce genre de commentaire ici à l’université. Plus sournoise et moins ouverte, derrière mon dos, et je crois bien que c’était le cours de sport qui rendaient encore plus difficile les commentaires. C’est agaçant, j’essaye de ne pas les écouter, j’entends toujours cette petite voix, cette petite conscience qui me rappelle que oui, je suis pas parfaite. Mais qui peut se venter de l’être ? Je n’arrive pas, pas encore en tous les cas, à leur répondre ouvertement. C’est compliqué, mais je vais bien finir par y arriver, après tout. Je soupire fortement, la journée ressemble comme les autres et cette fois-ci je vois monsieur Lasso. Je dois bien admettre qu’au départ, j’ai eu beaucoup de difficulté avec ce dernier. Je l’imaginais, assez naturellement, me dire ce genre de chose : « il faut faire attention à son poids, ta santé est en jeu ». Il n’a pas été comme cela, et intérieurement, je lui en remercie. Ce n’est pas difficile d’être moi, enfin pas tous les jours. J’aimerai juste parfois des journées plus simples. Mais une fois encore, je ne suis pas à plaindre loin de là. J’attendais patiemment devant son bureau, qu’il ne vienne. Il était en retard, encore 5 minutes à l’attendre et j’allais le fuir à la bibliothèque. Mais ce fut bien avant que je le vis arriver à moi.

« Bonjour Penelope. » « Bonjour monsieur Lasso. » Ajoutais-je par politesse. « Désolé pour l’attente, j’espère que ça ne va pas empiéter sur ton prochain cours. »

Je m’installais à son bureau, regardant ce dernier me demandant bien ce que j’allais pouvoir lui dire. Le choix cornélien que j’avais eu la veille sur mettre une salopette ou une robe ? En toute honnêteté je n’étais ni ce genre de femme à me soucier de mes vêtements et encore moi à en parler avec un conseiller pédagogique. En réalité. En réalité, je pourrais lui faire part de mon envie de monter ma propre entreprise mais là encore, il trouverai ça idiot comme mes écrits, sur les potins de la ville. Il y avait quelque chose d’assez désastreux dedans. Je nouais mes doigts sur mes cuisses.

« Comment vas-tu aujourd’hui ? » Je clignais plusieurs fois des yeux, écoutant sa question, réfléchissant à ce que je pourrais dire. « ça va, aucune remarque aujourd’hui. »

Je souriais sincèrement, ce fut le cas, pour une raison étonnante. Puis, je crois que je m’étais assez plainte ces derniers temps, je n’avais clairement pas besoin de rajouter une couche supplémentaire. C’était assez comme cela. Je souriais une nouvelle fois avant de lui dire.

« Et vous monsieur Lasso, comment allez vous ? On parle toujours de moi et pas assez de vous. » Après tout, j’étais à mon tour, très curieuse de connaitre son ressentit. Ce n’était pas à sens unique.

En temps normal, je n'aurai pas du apprécier ce genre de rendez vous, parce que parler de moi, ça avait un côté très désagréable et peu enviable pour tout le monde. Sauf que je savais que monsieur Lasso était un bon professeur, un peu bizarre, un peu trop perspicace mais je faisais avec. Car il était à l'écoute quand j'avais quelques petits problèmes. Je minimisais souvent les choses parce que je ne voulais pas attirer l'attention, puis j'étais désireuse de devenir plus forte, plus indépendante, évitant de penser à ma petite personne. Alors, voilà, j'étais dans son bureau et je tentais d'avancer. Voilà une belle devise.

« Vraiment ? Pas de problème à signaler ou d’ennui avec certains cours ? »

Je le regardais un certain sourire en coin. Ce professeur était plus que surprenant de par sa façon de faire. J'appréciais vraiment qu'il prenne autant de temps pour ma petite personne. Je n'avais pas à me plaindre après tout.

« Tout se passe bien, j'en ai l'impression en tous les cas. » Je me pinçais les lèvres avant d'ajouter. « On m'a même invité à une fête étudiante, il y a des progrès. »

Je souriais en disant cela, même si au fond de moi, je me doutais qu'on ne l'avait pas invité pour moi, mais parce que je parlais avec Colin et que Colin bien évidemment était très populaire. Je détestais sincèrement cette époque pour cela aussi, les apparences comptaient plus que tout le reste. C'était dérangeant de mon point de vu en tous les cas. Je soupirais tentant de rester souriante et ne pas l'alarmer.

« Oh ça c’est parce que je suis là pour t’aider, pas pour parler de moi tu sais … » Je souriais. « Mais c'est bien que ce ne soit pas à sens unique. »

Je me sentais moins dans un tribunal ou quelque chose du genre. Il le savait et il n'agissait pas du tout comme cela. Il était plus du genre à écouter et ne pas juger. Il avait vu certaines choses que d'autres ne pouvaient voir.

« Bon d’accord. Je dois dire que le calme de mon meilleur ami me manque et les moments avec Roy, Keeley et Rebecca me manquent aussi. »

Ahhh il avait donc des choses à dire. C'était une bonne chose, il n'était pas bien lui aussi. Pourquoi me sentais-je presque obligée de l'écouter. Je penchais la tête sur le côté, baissant la tête et à l'écoute. J'allais dire quelque chose mais il prit de nouveau la parole.

« Mon fils aussi me manque. J’espère juste qu’il va bien. »

Je ne m'attendais pas à ce qu'il me parle avec autant de naturel, mais ce n'était pas désagréable. Je me sentais moins seule même si je ne connaissais pas forcément toutes les histoires, toute son histoire et que je n'étais pas certaine de vouloir en connaître plus sur lui, mais soit. Je souriais, comme pour faire preuve de compassion.

« Ils vont bien, c'est ce qu'il faut se dire. Qui sont ses gens dont vous me parlez ? » Etrangement, je n'étais pas désireuse de retrouver ma famille. J'étais plutôt heureuse sans eux. N'est-ce pas étrange ?

« Donc si je comprends bien tu n’as absolument pas besoin de mon aide ? Que ça soit pour les cours ou autre chose ? » Je ne disais rien un moment, de manière volontaire bien évidemment. Je ne savais pas quoi dire.

« Parfois je me demande... » Commençais-je à dire. « ... si les gens sont sympas avec moi, c'est pour une raison particulière. Soit ils sont intéressés, soit par l'intermédiaire de quelqu'un... ou.. pour me faire mal plus tard. » Avouais-je malgré moi, il était fort ce Lasso, très fort.

Parfois on peut être surprise, et vous pouvez être certain que je le suis toujours un peu en la présence de monsieur Lasso. J'avais cru à tord, je dois bien admettre qu'il était le stéréotype du professeur de sport, mais pas vraiment. Il faisait parti de ces rares professeurs à s'inquiéter de leurs élèves. Non pas qu'ils étaient tous horribles, mais parfois à l'université, leurs recherches étaient parfois bien plus intéressantes que les états d'âmes de simple étudiant. Voilà pourquoi j'étais toujours surprise par monsieur Lasso et son regard, tel un laser à vérité.

« Vraiment ? Intéressant. Les fêtes étudiantes de mon époque, n’ont rien avoir avec celle d’aujourd’hui et encore moins de cette ville. Mais c’est une très bonne chose. Impatiente ? Nerveuse ? Confiante ? Y seras-tu accompagnée ? » Je plissais légèrement les yeux. « Êtes vous si vieux que cela ? »

C'était facile je devais l'admettre mais il me tendait une perche. S'il savait dans quelles type de fêtes j'avais pu participer auparavant, il ne dirait surement pas ce genre de choses. Les chaperons, les carnets de danse et tout cela, il ne devait surement pas connaître. Mais je n'allais pas en faire la remarque, à quoi bon...

« Oui, une personne que je connais d'avant mon arrivée ici, un ami de la famille. » Que pouvais dire de plus de Colin ? Sa famille avait toujours été amie avec la mienne, quoique je ne peux pas dire cela de ma mère, mais ils avaient toujours été proche, Eloïse surtout mais Colin aussi. J'étais comme une petite soeur n'est-ce pas ? Pourquoi cette pensée me désolait... allez donc savoir.

« Mon meilleur ami se nomme Beard. Tout le monde l’appelle ainsi ou plutôt Coach Beard. Il était mon bras droit pendant de longues années et il aimait garder son anonymat sur son prénom, ce qui m’a toujours amusé. » J'affirmais d'un mouvement de la tête, je crois bien que je venais de déclencher le super pouvoir de monsieur Lasso : sa facilité débordante à parler, parler, parler encore et toujours... Ahh monsieur Lasso. « Roy Kent et Keeley Jones, sont de très bons amis. Roy était footballeur et quand il a pris sa retraite, il a fait quelques petits boulots, toujours liés au sport, avant de venir entraîner le club dans lequel je travaillais. Keeley était sa petite amie. Elle est drôle, très naturelle et sûr d’elle, même si parfois elle en fait une carapace. »

Etait-il en train de me faire passer un message. Il ne serait pas surprenant que ce soit le cas. Je préférais ignorer, je ne voulais pas lui rendre la tâche trop facile. Ahhh mais il n'avait pas fini.

« Rebecca, elle est mon ancienne boss. Rebecca Welton, directrice de l’équipe de AFC Richmond. Forte, drôle, loyale et la meilleure personne que j’ai connu de toute ma vie. » Ohhh là, je devais bien admettre que mon radar à potin était en train de sonner violemment dans mes oreilles. N'y avait-il pas derrière tout cela, un petit truc croustillant. J'aurai aimé poser la question, mais il reprit si vite la discussion. Enfin, le monologue... « Pour mon fils Henry, c’est le meilleur petit gars du monde. Un fan de foot, un petit génie et je crois qu’il prenait même mes tournures de phrases parfois. »

Finalement, c'était beaucoup plus que je n'avais voulu entendre. Bon, il avait été honnête et je trouvais cela très louable je devais admettre, mais je me sentais un peu intrusive dans sa vie d'un seul coup et il y avait vraiment une étrange sensation. Je pinçais les lèvres montrant une certaine gêne. Non pas insoutenable, mais je me sentais un peu coupable de ne pas être aussi transparente que lui. Mais ce n'était pas naturel chez moi.

« Et bien, je comprends mieux... cela fait beaucoup de personne à qui vous tenez énormément. » Finissais-je par dire tout simplement. Même si je devais admettre avoir une folle envie d'aller plus loin dans les questionnements mais je préférais éviter. Pour le moment.

« Hum, voilà de grandes interrogations. Il doit y avoir un mélange de tout cela. Certains seront juste intéressés parce que ça leur permettra de gravir des échelons ou d’approcher des personnes que tu connais. Mais d’autres seront là uniquement parce qu’ils t’apprécient toi.
» J'affichais une mine neutre, il avait surement raison, le plus difficile étant de savoir dans quelle catégorie se situe chaque personne. Mais là, c'était assez complexe, on pouvait parfois être dé!u par les gens. Etais-je seulement transparente de mon côté pas toujours.

« Avec l’âge et l’expérience tu sauras faire la part des choses. Tu pourras tout de suite dire s’ils sont là par intérêt ou pas. Mais, si c’est le cas, c’est aussi une façon pour toi de savoir pourquoi ils agissent ainsi. Il faut parfois être curieux et comprendre ce genre de comportement. Ca peu t’apporter beaucoup. » En plus d'être professeur, d'être conseiller, il était aussi un grand philosophe. J'étais surprise des différents casquettes qu'il pouvait porter. Agréablement surprise je devais bien admettre.

« Quand tu dis "les gens", est-ce c’est tout ceux que tu connais ou est-ce que tu sais que certaines personnes sont là uniquement parce qu’ils t’apprécient toi ? » Je haussais légèrement les épaules. « Pas tout le monde, enfin je ne sais pas... Mais on a souvent profité de ma naïveté, j'imagine pour me faire croire des choses... En faite non, pour être honnête, j'ai toujours été le vilain petit canard de ma famille, et puisque les apparences et la réussites importaient plus que tout le reste pour ma mère... J'ai toujours été méfiante... »

Et je savais qu'un jour où l'autre j'arriverai comme il le dit à voir la différence. Peut-être que je devais simplement faire confiance aux gens, et même si la déception peut-être grande, parfois il faut passer par là pour y arriver. Oui, surement.

« Le plus dur, c'est d'éviter les moqueries des gens lorsqu'ils ne vous connaissent absolument pas. C'est plus facile dans ce monde que là d'où je viens soyez certaines... Mais je manque cruellement de confiance aux autres et je vois parfois le mal un peu trop partout... A défaut de n'être plus aussi naïve qu'avant. Je progresse voyez-vous. » finissais-je par dire, sur une pointe d'humour.

Je devais admettre qu'il était facile de faire une petite remarque sur son âge, même s'il n'y avait pas un si gros décalage que cela, juste, qu'il avait un discours qui tendait une perche. Bien évidemment, je me suis permise de la prendre cette perche.

« Je me rapproche de la cinquantaine, donc pas si vieux, mais sans doute très vieux pour mes étudiants. » Je me mets à sourire. « Je vous rassure vous êtes pas si vieux. »

Je soufflais doucement, adoucissant les mots que j'avais pu avoir concernant son âge. Ce n'était pas important après tout, il était de très bon conseil c'est surtout pour cela qu'il avait ce poste là à l'université.

« Oh, dans ce cas, ça sera plus agréable pour toi et peut-être pour lui aussi. » « Je l'espère bien. »

Peut-être. Je pense que Colin était sincère dans sa démarche amicale, il m'appréciait comme l'amie que j'étais et cela me convenait très bien, je m'y habituais, j'espérais juste qu'il ne fasse pas cela par devoir ou pitié de je ne sais quoi. Je ne le supporterai pas, c'était certain. Je plissais les yeux de nouveau.

« Désolé. Quand je parle de mes proches, je n’arrive plus à m’arrêter. »

Je l'enviais légèrement, j'aurai aimé être capable de parler de la sorte des membres de ma famille, malheureusement, ce n'était en rien le cas. Loin de là. Je pouvais parler durant des heures d'Eloïse, parce qu'elle était ma meilleure amie et qu'elle me manquait cruellement. Mais après tout, durant tant d'année, je lui avais menti, alors me pardonnerai telle seulement une fois. Un étrange sentiment m'envahit et je fis peine pour le faire taire.

« n progresse toujours, même si ça n’est pas toujours évident à voir. » Je souriais, oui et heureusement mais il était clair que j'avais parfois du mal à le voir. Mais c'était comme cela, après tout.

« aLa famille joue un rôle important dans la façon de nous modeler. Nous avons différentes façons d’être perçue par eux et ça n’est pas toujours évident à gérer. Je ne connais pas ta mère, mais de ce que tu me dis, son influence était grande. Peut-être qu’ici, tu pourras être toi-même. »

Je ne pouvais que confirmer ses paroles. J'étais surprise de voir combien la vie loin de ma mère était plus libérateur que d'écrire des chroniques anonymement. Elle percevait en moi le vilain petit canard, avec son obsession de nous marier à un très bon parti. Je pouvais l'entendre, mais je ne cautionnais pas ses agissements. Je n'étais pas mère et je doute le devenir un jour, mais quoiqu'il en soit, je ne voudrais jamais faire subir tout cela à mon enfant. Non, clairement pas.

« Je suis bien d'accord avec cela, j'aime la liberté que j'ai acquise ici... » Loin d'elle, avais-je seulement envie d'ajouter. Mais j'avais une éducation et je n'étais pas capable encore de dire cela, de manière libre.

« La naïveté est souvent mal perçue, mais pas toujours apprécié à sa juste valeur. Elle peut avoir de bons côtés malgré tout. Mais tu sembles connaitre tes forces et tes faiblesses, ce qui est une très bonne chose. Peu de personne y arrive vraiment. Tu parlais d’un ami tout à l’heure, est-ce que ce dernier pourrait t’aider à voir qui est vrai et qui est faux dans ton entourage ? Si tu as confiance en cet ami, son opinion pourrait être intéressante à avoir peut-être. »

Je souriais légèrement réfléchissant à ses mots lorsqu'il me parlait de Colin. Il était intéressant d'entendre cela, mais que dire de plus ? Je ne savais pas, je savais que Colin était d'une bienveillance inégalable me concernant et je crains qu'il ne soit naturel chez lui de faire cela... Mais voilà, il y avait toujours des doutes. Toujours.

« J'ai confiance en lui, mais vous savez les amis, ils veulent parfois vous protéger et du coup, je ne sais pas si c'est de la pitié ou de la vérité. » Je plissais légèrement les lèvres en disant cela avant d'ajouter. « Ma confiance, je finis par la donner, cela prend plus de temps que prévu et j'ai parfois assez de constater que les gens m'imaginent trop gentille ou facilement critiquable. » Et je soupirai fortement. « Je déteste cela... » Finissais-je par dire, las.