L’art de la guerre. Deux termes que l’on n’apprécie guère d’accoler l’un à l’autre, bien que s’y soient risqués, avec plus ou moins de succès, les plus grands auteurs. Il y a dans l’art une subtilité, une finesse, que la guerre occulte et écrase de sa grossièreté. Malheureusement, que l’on en soit l’acteur ou le spectateur, la guerre n’épargne ni l’un ni l’autre, et si l’on veut ne serait-ce que survivre et voir survivre un monde à l’image qui nous intéresse le plus – sans nécessité d’utopie –, il faut en accepter les subtilités qui oui, pour certaines tiennent de l’art. Elles sont faites de réflexion, d’anticipation, d’héroïsme, de sacrifice (car l’un va rarement sans l’autre), et de concession. La guerre qui se profile n'a pas encore de nom mais en revanche une multitude de visages. Difficile encore, pour le moment, de savoir très précisément quels seront les rôles qui seront attribués aux uns ou aux autres, en revanche, il est aisé de deviner qui y a sa place et qui sera certain de la perdre. Admettre la nécessité du sacrifice est un choix fait de longue date par Albus.
Un choix fait à l’instant même où il a dans le même temps fait celui de son camp, un camp dont il n’a dès lors jamais dévié, et dont il est devenu, presque malgré lui, le porte-étendard. A cette paix et cette harmonie si fragile, Albus a sacrifié l’une des valeurs pourtant les plus fondamentales pour lui, celle qu’il défend auprès de tous, et plus encore de ses ennemis. Il a sacrifié l’amour. L’amour de sa vie. Certains sacrifices sont nécessaires, oui, et conscient de cette fatalité, Albus est à même de comprendre la décision équivoque de cet autre qu’il n’est jamais devenu, au moment d’envoyer, si l’on veut, ce garçon intriguant, et qu’il voudrait vraiment rencontrer, Harry Potter, à l’échafaud. Certaines vies doivent être sacrifiés. D’autres le seraient en vain… et pour ces dernières, s’il doit encore être possible de les sauver, alors il fera le nécessaire.
Le cas de Scorpius Malefoy l’intrigue autant qu’il l’inquiète. Au cours de leur dernière entrevue, il s’est montré peu enclin à partager quoi que ce soit de ses tourments, mais ces derniers n’avaient guère échappé à Albus. Le professeur se sent une responsabilité vis-à-vis de ce garçon, et plus encore depuis que lui est parvenue la terrible et inquiétante nouvelle du décès du jeune Albus Potter. Bien sûr, l’enseignant avait immédiatement cherché à rentrer en contact avec son jeune élève, ne serait-ce que pour s’assurer de son état. Mais ce dernier n’avait retourné aucun de ses messages, ni n’avait plus donné signe de vie depuis lors. L’évidence fait loi, le rôle qu’Albus a voulu s’approprier vis-à-vis du jeune Scorpius Malefoy n’est pas le rôle qu’il doit tenir. Celui-ci incombe en revanche à son père, qui comme tout parent d’un jeune homme à peine sorti de l’adolescent n’a peut-être pas entièrement conscience des tourments traversés par sa progéniture – et probablement encore moins des dangers auxquels cette dernière pourrait bien être exposée.
Sans s’avertir – parce qu’il semblerait que ce soit sa marque de fabrique (après quoi il aura tout intérêt à ne pas se plaindre si ses hôtes surprises n’ont pas de thé au citron à lui proposer) –, il vient donc frapper à la porte de la demeure des Malefoy. De Drago Malefoy, Albus ne sait finalement pas grand-chose, des on-dit, globalement, et l’opinion d’un fils qui sera forcément biaisée par le fait qu’il est, justement, son fils. Il sait une chose, néanmoins, par l’intermédiaire de ces précieux témoignages récoltés çà et là concernant sa vie jamais vécue. Ce garçon s’était vu la tâche importante et impossible – autant dire vouée à l’échec – de mettre fin à ses jours. Cela suffit déjà à l’intriguer bien assez. Quand le propriétaire des lieux vient lui ouvrir, c’est avec intérêt que son regard le passe au crible, comme au rayon X, avant qu’il ne prononce le moindre mot.
« Bonsoir Drago, je regrette d’avoir à vous déranger mais je suis certain que vous trouverez forcément du temps à accorder à une vieille connaissance – enfin, plus si vieille que ça », reprend-t-il d’un ton léger. « Vous permettez ? » Il n’attend pas vraiment la réponse de son interlocuteur pour faire un premier pas à l’intérieur. « Bien que je serais tout à fait ravi de rattraper le temps perdu autour d’une bonne tasse de thé – vous avez du thé, n’est-ce pas ? – je suis ici pour une raison précise. » Il s’interrompt. La lueur de malice dans son regard a cédé sa place à des traits plus graves. « J’aimerais vous parler de votre fils. »
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Albus Dumbledore
Happiness can be found, even in the darkest of times, if one only remembers to turn on the light.
WE NEED TO TALK ABOUT SCORPIUS. (( Albus Dumbledore x Drago Malefoy ))
Drago Malefoy s’attend à tout, absolument tout, sauf à recevoir celui à qui il a bien failli ôter la vie, il y a bien des années de cela. La journée a pourtant particulièrement bien commencé. Il s’est rendu sur son lieu de travail, assez tôt dans la matinée pour prendre un important rendez-vous avec l’un de ses plus « fidèles et meilleurs » clients. Un riche homme d’affaires, possesseur de biens immobiliers hors du commun. Son rendez-vous a duré un certain temps. Il n’y a passé que la matinée, avant de rentrer pour le déjeuner – malgré l’absence de son fils, étudiant à l’université – pour travailler de chez lui. Le calme de sa demeure le rend beaucoup plus productif, moins stressé ou porté à des distractions extérieures. Il a surtout besoin d’instants de repos et de quiétude en ce moment. Les temps sont durs pour tout le monde. Drago ne compte plus les heures interminables passées dans son lieu d’études. Il ne compte plus non plus le nombre de fois où il a maudit le ciel de l’avoir envoyé dans un endroit pareil. Il ne porte pour cette île aucune once de sympathie, outre de lui avoir permis de retrouver son fils et d’anciennes connaissances, bien en vie. Depuis trois ans, il vit seul avec Scorpius dans cet imposant manoir, situé au fond d’une allée résidentielle dans le quartier huppé de Baker Street Avenue. (j’allais écrire l’Upper East Side, je dois faire du Gossip Girl, c’est fini, c’est un signe) L’absence de sa femme pèse lourdement sur les épaules du jeune Scorpius, mais Drago préfère se voiler la face et s’enfermer dans un mutisme glaçant. Il ne peut regretter ce qu’il ne se souvient pas d’avoir un jour aimé ou chéri. Il ne peut désirer une personne autant qu’une autre, dont les souvenirs cuisants et forts hantent chacune de ses pensées depuis que le bleu acier de ses orbes se sont posés sur le noisette miel des siens.
Depuis ses retrouvailles avec Pansy Parkinson, il trouve cet endroit encore plus angoissant qu’il ne l’a dans un premier temps estimé, mais forcé d’occuper une place de notable parmi les non-sorciers. Les non-sorciers ou les Moldus. Drago est né avec des préjugés sur la pureté du sang, comme ses parents. Contrairement à eux, ce sont des valeurs qu’il a refusé d’inculquer à son fils unique, Scorpius, de concert avec son épouse Astoria. Astoria, qu’il a complètement oublié, jusqu’à son visage, en arrivant sur cette île. Astoria, la seule qui le ramène à sa part de lumière et de bonté. Aujourd’hui, loin de l’homme bon et compréhensif qu’il a été, les vieilles rancunes, les anciens préjugés et surtout les solutions de facilité et de complaisance refont peu à peu surface en lui. Il se surprend à jauger parfois de haut ces hommes et ces femmes – ces impurs, comme son père les nomment avec un dédain remarquable. Son père, Lucius, qu’il n’a toujours pas retrouvé sur cette île. Le grand-père effrayant. Scorpius a toujours craint comme la peste son géniteur, comment l’en blâmer ? Lucius Malefoy n’est pas un homme agréable. Un véritable tortionnaire, un bourreau froid et cynique qui lui a inculqué des principes immoraux et d’une cruauté rare. Malgré tout, Lucius Malefoy est et restera le père qu’il aimera et cherchera jusqu’à la fin de ses jours à impressionner. En lui faisant l’affront d’une éducation plus souple, il a cherché à attirer son attention, à le rendre furieux, à lui faire exprimer ne serait-ce qu’un froncement de sourcil. Une émotion. Quelque chose. Lucius, ce golem fait de glace et de malveillance est la seule figure paternelle qu’il connaisse. Malgré sa froideur, une part de lui est consciente des sentiments que son père lui porte, mais qu’il comprime si férocement en lui, qu’il lui est bien impossible d’en dévoiler un fragment.
Parfois, Drago repense à lui. Comme maintenant, allongé sur l’un de ses canapés en cuir, son ordinateur portable installé sur ses genoux. Fumant et émettant un grondement particulièrement bruyant. Signe qu’il l’a laissé bien trop longtemps privé de ventilation. Il soupire, en éprouvant une sensation chaude au niveau de ses genoux, et le dépose immédiatement sur la table basse en marbre, recouverte de sillons couleur caramel. D’un simple coup d’œil sur l’horloge du salon, Malefoy s’aperçoit qu’il est déjà dix-sept heures. L’heure du thé. Alors qu’il se lève, un bruit attire son attention depuis l’extérieur de son manoir. Malefoy fronce les sourcils, hésitant quelques instants à aller ouvrir la vieille porte en bois vernis. Il n’attend pourtant personne à cette heure, et Scorpius est supposé être encore en plein cours magistral. Il se retourne alors, cherchant l’une de ses domestiques des yeux. Il perçoit alors un bruit émanant des cuisines et des éclats de voix entre deux jeunes femmes. Ses employés sont toujours au travail, sans doute sur le point de préparer une théière bien fumante de thé, comme toutes les fins d’après-midi. Il s’approche alors de l’une des fenêtres imposantes de son salon, et en tire du bout des doigts les rideaux de lin blanc pour découvrir une silhouette étrangement familière sur le pas de la porte. Un fantôme de son passé. Bien plus jeune, évidemment. L’homme de ses souvenirs est âgé de plus de cent ans, même s’il donne l’apparence d’un homme âgé dans les quatre-vingt ans. C’est impossible, songe-t-il. Pas à cet âge. Drago a connaissance de vieux albums qu’il a trouvé dans la bibliothèque de Poudlard, à l’époque de ses années à Serpentard. Cet homme dans la fin de trentaine ou début quarantaine ressemble à s’y méprendre à… Albus Dumbledore. Jeune, en meilleure santé. Plus séduisant et charismatique encore qu’au temps de sa direction de l’école de sorcellerie. Un long frisson vient parcourir son échine. D’effroi.
« Monsieur Malefoy ? » souffle une voix de femme dans son dos. L’une des employées s’avance, sans doute dans le but de solliciter son avis sur la sorte de thé. « Vous allez bien ? » Elle se montre d’une étonnante prudence, en percevant toute la détresse qui émane telle un petit nuage grisonnant parsemé d’éclairs au-dessus de la tête de son employeur. Drago reste interdit quelques secondes encore, le visage livide. Une expression indéchiffrable, il se tourne vers elle et marmonne quelques mots incompréhensibles avec gravité. Elle recule pour le laisser passer, évitant de peu d’être bousculée d’un mouvement dédaigneux de l’épaule. Drago est parcouru de frissons désagréables et de sueurs froids dans le creux de sa nuque. Il exprime quelques mètres plus loin son intention de se retrouver seul cette nuit, après le thé. Une fois devant la porte vitrée légèrement teintée de jaune de son manoir, Drago repose la paume de sa main contre la poignée en cuivre. Il insuffle une profonde bouffée, et l’ouvre d’un coup, pour laisser place à Albus Dumbledore en personne. « Bonsoir professeur. » rétorque le propriétaire des lieux, sur un ton traînant. Une certaine froideur s’échappe de l’intonation de sa voix, Drago essayant à tout prix d’être le plus détaché possible pour ne pas mettre à mal une conscience déjà tourmentée depuis la fin de son adolescence. Dumbledore. Toutes ses pensées convergent vers ce grand professeur, qu’il a méprisé durant presque toutes ses années à l’école. Se faisant la voix de Lucius Malefoy. Il l’a détesté, moqué, sous prétexte que ce dernier ne l’a jamais vu comme il l’a ardemment espéré. Au fond, c’est à cause d’une jalousie malsaine et réprimée qu’il l’a tant haï. Dumbledore n’a toujours eu d’yeux que pour Harry Potter. Comme l’ensemble du corps professoral de Poudlard. La jalousie, l’envie, la frustration sont des sentiments qui remontent en lui comme un puissant raz-de-marée. Il l’a haï et il a failli le tuer. Severus s’en est occupé de justesse. Parce qu’il s’est montré incapable de réaliser cette tâche. Malgré tous ses préjugés, sa haine, Drago Malefoy n’est pas un meurtrier. Ce n’est qu’un enfant capricieux, un enfant-Roi à qui tout est dû, un jeune homme prétentieux et orgueilleux en manque désespéré d’approbation et d’amour de la part d’un père froid et intransigeant. Il a surfé sur ses pas en pensant le satisfaire, comme Lucius a toujours eu un profond dédain pour Albus Dumbledore.
Dumbledore lui parle, mais Drago est déjà loin. Son corps est présent, mais son esprit est parti vers de lointaines pensées, des bribes douloureuses, des instants qu’il s’est efforcé d’enfouir au plus profond de lui. Il a honte, terriblement honte d’avoir été la cause de la mort de cet homme. Il a échoué dans sa tâche, mais il a provoqué sa fin. Une phrase le fait brutalement sortir de ses pensées tourmentées, et bien qu’étant un occlumens particulièrement doué, l’expression obscure et voilée de ses yeux d’acier expriment suffisamment son désarroi pour qu’Albus ne doive pas farfouiller dans son esprit pour en tirer des réponses. « J’aimerais vous parler de votre fils. » dit le vieux Professeur. Son fils. Scorpius. Son sang se glace alors, et tous ses muscles se tendant. Malefoy garde pourtant la tête haute, même si son visage arbore une expression toujours aussi livide. Il déglutit péniblement, avant de se décider à faire rentrer le sorcier, mais réalise soudainement que ce dernier ne s’est pas gêné pour se frayer un chemin dans son hall d’entrée meublé avec soin. Des vieux meubles élégants et sculptés, fabriqués dans un bois très sombre, comme de l’orme. « Je vous en prie. » ajoute-t-il en refermant la porte dans son dos. « Suivez-moi. » Malefoy le guide ensuite jusqu’au grand salon, où la domestique l’attend encore de pied ferme, n’ayant raté aucun mot de l’échange entre le professeur et son employeur. « Leonora, apportez-nous du thé. » ordonne-t-il d’un mouvement las de la main, avant de présenter deux canapés en face d’une table basse au professeur. « Je n’ai pas de thé au citron, professeur. De la bergamote avec du citron frais vous satisfera tout autant. » Il rattrape Leonor pour lui préciser d’apporter quelques rondelles de citron dans une soucoupe en porcelaine, avant de s’installer sur l’un des canapés.
Un certain malaise est palpable. Drago tremble doucement. Il pose alors les paumes de ses mains avec fermeté sur ses genoux pour calmer sa nervosité apparente. « Vous désiriez me parler de Scorpius. » reprend-il, sans s’embêter de politesse ou de cordialité inutile. Autant aller droit au but. Dumbledore a attiré son attention. « Je vous écoute. » Drago plante immédiatement ses orbes dans ceux de son professeur, cherchant dans le fond de ses pupilles une quelconque émotion. Il y perçoit une grande gravité. Au fond, Malefoy se doute bien de ce que va lui annoncer Albus. Il ne dit rien, mais n’en pense pas moins. Depuis le décès tragique du jeune Albus Potter, le cœur de son fils s’est littéralement brisé. Il s’est effondré. Il n’est désormais plus que l’ombre de lui-même. Un spectacle déchirant pour son père, qui se retient toutefois d’émettre le moindre commentaire. Il comprend mieux que quiconque ce que traverse son fils, pour y avoir été lui-même confronté par le passé. Cette douleur insupportable, cet étau qui se referme sur soi peuvent facilement conduire à la folie. Drago ne fait rien, et se contente d’attendre que son fils se sente suffisamment fort et prêt pour verbaliser sa douleur à ses côtés, pour qu’il lui en parle, tout simplement. Il n’a jamais été particulièrement doué pour exprimer de l’affection ou du réconfort. Cela n’est pas naturel chez le fils de Lucius. Drago ne forcera pas le destin. Cela doit venir de Scorpius. Lorsqu’il se sentira assez prêt pour ouvrir son âme à son père. Et ce jour-là, Drago se montrera à l’écoute.
Il y a une froideur notable dans l’accueil que lui réserve ce jeune homme blond, qu’il retrouve plus âgé quand ce dernier le découvre plus jeune (car à quoi bon la logique et la cohérence dans un monde qui a décidé de les considérer comme accessoires ?), mais Albus n’en prend pas ombrage un seul instant. Il est habitué à susciter des réactions qui rarement s’assimilent à de l’indifférence. Qu’il effraie ou suscite l’admiration, qu’il agace ou soit aimé, quand Albus Dumbledore se trouve sur le pas de votre porte, vous êtes rarement de marbre. Ou bien vous ne faites jamais que semblant de l’être. Cette froideur s’accompagne d’une politesse qui reste appréciée, et le sorcier sait se concentrer sur cette dernière. Il sait qu’ils ont un passif. Il en connaît la nature. Mais l’explorer est nécessairement chose différente quand c’est en présence du principal concerné, qui ne peut plus se dérober à une présence qu’il aurait probablement préféré éviter ou ignorer. Qu’importe, ils ne sont pas là pour rattraper un temps perdu au sens le plus strict du terme, même si cela ne déplairait pas forcément à celui qui n’aura jamais l’occasion de devenir directeur de Poudlard. Ils sont là pour discuter d’un sujet autrement plus important, et qui mérite toute leur attention. Un sujet qui, Albus le sait, retiendra toute l’attention de ce père qui s’efforce probablement de tenir ce rôle au mieux pour un fils au bord de la dérive… s’il n’a pas déjà sombré comme c’est malheureusement à redouter. Albus le constate dans son attitude, il le découvre dans ce semblant de détresse qui voile son regard, Drago est probablement aussi perdu en cet instant que ne peut l’être sa chair et son sang. Et c’est à ce titre qu’Albus pourrait bien se montrer utile. Tenter de sauver le fils, c’est probablement aussi s’employer à sauver le père par la même occasion… les deux ne vont probablement pas l’un sans l’autre. Albus pénètre les lieux à la suite de son hôte, un sourire poli aux lèvres, qui adresse ensuite à la domestique à laquelle Drago s’adresse afin de lui demander de leur faire apporter du thé.
« C’est une alternative tout à fait acceptable », confirme-t-il tout en s’asseyant sur le canapé que lui désigne son interlocuteur, adressant au sujet du thé une attention telle que l’on pourrait probablement croire qu’il s’agit là du sujet majeur de ses préoccupations.
Il ne compte pourtant pas tourner autour du pot (qu’il s’agisse d’un pot de thé ou d’autre chose), pas plus qu’il ne compte faire languir un père dont l’inquiétude pour sa progéniture est trop manifeste pour être ignorée. Albus devra s’épargner de se frayer un chemin jusqu’aux pensées de son interlocuteur, si séduisante cette possibilité soit-elle. Son interlocuteur est visiblement un excellent occlumens. Ce n’est sans doute pas plus mal. Si la legilimencie est une facilité de laquelle il ne se prive pas, il admet qu’elle n’est pas forcément nécessaire en cette circonstance précise, et qu’elle pourrait même avoir le don de biaiser leur échange, ce qui, étant donné leurs enjeux, serait forcément chose dommageable.
« Je sais que je ne vous apprendrais rien en évoquant avec vous la perte tragique que votre fils a récemment dû endurer », commence-t-il, puisqu’il n’y a pas mille façons de présenter la chose, si ce n’est, bien sûr, en allant droit au but. Il ne doute pas de l’intelligence de Drago, certainement pas au point d’imaginer que ce dernier puisse être passé à côté de la détresse de son propre fils sans en être terriblement affecté lui-même. Mais savoir la douleur vive, profonde, d’un être brisé qui attend après votre bienveillance ne signifie pas que l’on soit à même d’offrir à cet être brisé la considération, l’écoute que ce dernier est en droit d’attendre de notre part. Albus le sait mieux que personne. Il ne pourra pas prétendre être lui-même un exemple en la matière, pas alors qu’il a laissé Ariana se détruire avant de contribuer bien trop activement à son sinistre sort. Ses propres erreurs sont impossibles à réparer, il tente de les effacer, partiellement, en se focalisant sur celles des autres, quand les dommages causés ne lui paraissent pas encore irrémédiables. Ses détracteurs voient là de la naïveté. Ils n’ont probablement pas tort. Mais s’il peut venir en aide à un père démuni et à un fils aux abois, alors il le fera quoi qu’il en soit. « Et je suis convaincu que vous vous inquiétez plus que quiconque de l’état dans lequel il se trouve actuellement. » Il sourit aimablement à la domestique qui vient leur apporter leur thé au même instant, et contemple le fond de sa tasse. « Un cœur fragile est plus facilement corruptible. Je suis certain que vous le savez mieux que personne. » Car lui aussi se sera laissé attirer par les sirènes de la gloire présumément facile, et se sera engagé sur un chemin bien trop sombre pour son propre bien. « J’ai quelques raisons de penser que votre fils s’entourerait de personnes pour certaines peu fréquentables. »
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Albus Dumbledore
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WE NEED TO TALK ABOUT SCORPIUS. (( Albus Dumbledore x Drago Malefoy ))
Drago ne prend pas la peine de rebondir sur le commentaire du professeur Dumbledore. Une alternative tout à fait acceptable, lui dit-il. Un léger rictus se forme au coin de ses joues. Drago dissimule sa crispation, ses nerfs sont au plus bas. Il donne l’air d’être parfaitement serein avec cette… situation des plus complexes, mais il n’en est rien. Sous la façade de glace et d’impassibilité qu’il arbore devant son ancien directeur, Drago Malefoy est tétanisé. Cet homme qui se tient dans son salon, ce même homme avec qui il s’apprête à prendre le thé, comme de vieux amis, est l’homme qu’il a ardemment désiré assassiner durant une bonne année. Il se souvient précisément avoir projeté sa mort de toutes les manières possibles. Il a usé d’artifices, de manipulations, de mensonges durant des mois, sans le moindre état d’âme – du moins, pas au début, pour réussir la mission qui lui a été confiée par le Seigneur des Ténèbres. C’est une situation incongrue, très malaisante, mais Drago est bien plus fort que cela. La présence d’Albus Dumbledore dans les murs de son vieux manoir occupe toutes ses attentions, tous ses besoins, toutes ses envies. Il attend avec une impatience fébrile les confessions du professeur, tout en luttant contre une furieuse envie de renverser la table. Tout s’effondre dans sa vie, depuis quelques temps. Astoria, Scorpius… La vie de Scorpius est brisée par la faute de cette même et unique menace. Celle qui a failli briser sa propre vie et l’équilibre de sa famille, il y a bien longtemps. Le Seigneur des Ténèbres. Enfin, la voix d’Albus vient confirmer ses soupçons initiaux. Albus ne peut être qu’ici que pour cette raison. « Je sais que je ne vous apprendrais rien en évoquant avec vous la perte tragique que votre fils a récemment dû endurer. » Drago reste silencieux quelques secondes, les traits déjà lissés de son visage se crispant doucement. « Non, en effet, ce sera inutile. » marmonne-t-il. « Notre famille est coutumière des drames, nous nous en sommes toujours relevés. » reprend Drago, avec dureté. Ses yeux s’ancrent avec force dans les siens, afin d’apporter à ses mots plus de conviction et d’énergie. Drago s’est habitué à la souffrance, cette dernière suit le moindre de ses gestes, telle une ombre, depuis si longtemps. Il a appris à la dure, des mains de Lucius Malefoy. Il a gagné son estime, à la sueur de son front. Il est devenu l’homme dur et torturé qu’il est actuellement par son passé obscur et discutable. Scorpius est en voie de connaître exactement le même chemin.
« Scorpius s’en remettra. » C’est peut-être dur, et sans doute naïf de penser cela, mais Drago ne considère pas les choses autrement. Il pense que Scorpius est suffisamment fort de caractère pour se remettre de la perte de son premier amour. Drago se calque sur sa propre personnalité, pour juger celle de son fils unique. S’il s’en est tiré, seul, son fils ne peut que réussir le même exploit. Scorpius doit apprendre. Scorpius doit grandir. Scorpius doit s’en sortir. Scorpius survivra. Drago en est persuadé. Le même sang coule dans leurs veines, la même dureté, la même détermination. Cette rage de vaincre et de s’en sortir feront d’eux des gagnants. « Il a simplement besoin… de temps. » Comme lui en a eu besoin, après avoir été chargé de la terrible mission de mettre un terme à la vie du plus grand sorcier de tous les temps. Plus son regard s’attache à celui de Dumbledore, plus les souvenirs de sa sixième année à Poudlard refont douloureusement surface, pour l’entraîner un peu plus dans les ténèbres. Le sorcier endure en silence tout le poids de la culpabilité qui le frappe, au moment précis où Leonor, sa domestique, revient avec un plateau en argent, afin de disposer le nécessaire pour le thé sur la table basse. Silencieux dans un premier temps, Drago dévie finalement son regard d’acier de ceux d’Albus pour les poser sur son employée, avec une expression indéchiffrable. « Ça ira. » murmure-t-il faiblement. « Merci, Leonor. » L’interpellée, muette, se contente de lui répondre par un simple hochement de la tête. Drago reporte ensuite son attention sur son invité surprise, l’air grave. Que va-t-il donc lui annoncer encore ? Quelle catastrophe va donc s’abattre sur son foyer, une fois de plus ? Lorsque Dumbledore fait son apparition, ce n’est jamais pour de simples cordialités autour d’une tasse de thé fumante et de quelques rondelles de citron jaune. (tu m’étonnes, l’oiseau de mauvaise augure)
Une fois Leonor repartie, et désormais seuls, Drago reprend la parole lentement, en réponse aux derniers propos tenus par son invité. « Vous présumez juste. Je suis la personne qui se soucie sans doute le plus de l’état de Scorpius. » Une certaine possessivité s’exprime dans le son de sa voix. Il n’apprécié qu’à moitié les intentions de Dumbledore, craignant que ce dernier ne vienne émettre un quelconque jugement quant à sa méthode d’éducation. Ne s’est-il pas toujours cru le plus fort, le plus sage ? De la rage se trouve encore en lui, malgré tout ce temps. Une rage que Scorpius éprouve à son tour. Une rage que Drago désire contenir, quitte à l’absorber et la comprimer en lui pour éviter toutes ces souffrances à son fils. Bien sûr, c’est un mal pour un bien. Scorpius en ressortira grandi, tout comme Drago a beaucoup appris des épreuves qu’il a pu traverser dans sa jeunesse. La trahison, la déception, la guerre, la mort. Il se persuade que c’est pour Scorpius, qu’il vaut mieux apprendre les choses maintenant, pour que Scorpius devienne fort. Le seul reproche que Drago est susceptible de faire à son fils, c’est que ce dernier a été bien trop couvé par sa mère, trop protégé, au point de ne pas être suffisamment armé pour affronter la vie. En pleine dualité, une part de lui considère les choses dans un sens positif, en digne héritier de l’enseignement de Lucius Malefoy, tandis qu’une autre part… est terrifiée et profondément attristée de lire tant de déception dans le regard éteint, et terne de son fils bien-aimé.
Lorsque son interlocuteur reprend la parole, c’est pour l’avertir d’un grand danger. Scorpius est dans un état transitoire, corruptible et brisé. Drago inspire une profonde bouffée d’air pour contrôler le début d’agacement qui monte en lui. Oui, il en a pleinement conscience. Son fils est en souffrance, son fils a le cœur brisé. Son fils est capable… de tout, désormais. Drago n’a toutefois pas encore conscience de l’ampleur de la détresse du jeune homme. Il ignore encore que Scorpius se sent l’âme d’un vengeur. Qu’il est sur le point… de bafouer tous les interdits pour se confronter à leur ennemi de toujours. A son insu. Un détail le trouble toutefois, c’est lorsqu’Albus s’adresse, non pas à lui, mais au garçon corruptible et dangereux qu’il a été autrefois. Un garçon qu’Albus n’a pas vraiment connu. Pas cet Albus-là, en tout cas. « Que voulez-vous insinuer, professeur ? » souffle Drago après un court silence étrangement pesant. « Que j’ai moi-même commis des erreurs en voulant rendre la justice ? » Que j’ai voulu vous tuer pour sauvegarder l’honneur de ma famille ?, se retient-il de justesse de cracher avec véhémence. « Je n’en suis pas fier. Vous le savez. » Oui, il le sait. Il est capable de lire dans les esprits. Il sait que ce n’est pas ce dont il est le plus fier dans sa vie. Qu’il s’agit même… de la plus grande erreur de sa jeune existence. « Scorpius ne fera pas les mêmes erreurs. » C’est la naïveté d’un père un peu trop possessif et orgueilleux qui s’exprime là. Convaincu que son fils saura se montrer aussi fort, et même plus qu’il ne l’a jamais été. Drago estime énormément son fils. Il le pense en mesure de réaliser des choses extraordinaires, bien plus que lui à son âge.
L’odeur du thé lui monte rapidement aux narines. Il fronce le nez, et s’enfonce un peu en arrière dans son fauteuil. Drago n’a pas soif. Non, il regarde un long moment la tasse de porcelaine qui se trouve sous ses yeux, sans daigner s’en approcher. Les mots de Dumbledore l’obsèdent. Son fils est en train de s’entourer de personnes peu fréquentables ? A son humble avis, Albus Potter en est déjà une. Enfin, était. « Quelles sont ces raisons… ? » se risque-t-il, prêt à entendre le pire sur la vie de son fils. Une vie dont il est en réalité mis à l’écart depuis trois ans. Drago appréhende fortement. Ses doigts se referment sur les accoudoirs de son fauteuil, presque malgré lui. S’il doit intervenir pour le propre bien de Scorpius et contre son gré, il le fera. Prêt à protéger son fils des prétendus amis qu’il semble s’être fait.