Trois années n’auront certainement pas suffi à Albus pour se familiariser avec toutes les subtilités de ce monde. Trois années supplémentaires, si ces trois années doivent bel et bien exister, n’y suffiront sans doute pas davantage, mais du moins lui ont-elles offert de connaître, si ce n’est personnellement du moins de réputation, certains noms remarquables, qui pour l’heure ne sont que cela, des noms, au mieux parfois un visage, mais qui pourraient devenir bien davantage si ses plans devaient savoir être mis à exécution. Et en toute humilité, et à peu d’exceptions près (mais quelles exceptions), le sorcier peut sans mal reconnaître que ses plans ne sont pas de nature à échouer.
Face à la menace grandissante naturellement représentée par non pas un, mais deux des plus grands mages noirs de l’histoire de la sorcellerie, les effectifs restreints de l’ordre du Phénix, en dépit de leurs connaissances, de leurs compétences remarquables et de leur volonté certaine, ne pouvaient certainement pas suffire à faire face à une menace grandissante, qui exigeait de se trouver de nouveaux alliés. Nouveau monde, nouvelles règles. Celles qui étaient d’usage d’où il vient ont pris du plomb dans l’aile, pour le meilleur et pour le pire.
A l’inverse certainement de ses opposants, Albus n’observe pas sa position comme supérieure. Il la considère plutôt comme fédératrice, raison pour laquelle tendre la main à éventuellement plus fort que lui ne lui pose aucun problème particulier. La place qu’il se sait tenir auprès de tous les sorciers qui ont accepté, presque aveuglément, de se réunir sous son impulsion, il sait ne pas la mériter totalement. La plupart des membres de ce nouvel ordre fondé à partir de leurs effectifs restants connaissent une version de lui qu’il n’a lui-même jamais ne serait-ce qu’effleuré. Bien qu’ils en aient conscience, cela semble leur suffire à lui adresser toute leur confiance. C’est une forme de pouvoir intrigante, et particulièrement séduisante, et c’est une chose qui ne tarde pas à inquiéter Albus chaque fois qu’il y songe. L’attrait du pouvoir est ce qu’il redoute à tout prix, car il sait y être sujet, bien plus qu’on pourrait le soupçonner de l’être. Il s’est laissé happer par s’être attrait autrefois, est parvenu à y renoncer finalement, mais au fond de lui, il sait qu’un rien serait susceptible de l’encourager dans la même direction. Les circonstances actuelles n’aident d’ailleurs en rien. Les résurgences de son passé sont absolument partout : Ariana, Gellert… bien sûr qu’il lui faut, nécessairement, se remettre en question au regard de ses nouvelles variables.
Pour autant, ce qui aurait pu étouffer sa détermination pour de bon n’a finalement fait que la renforcer, de même que l’espoir que l’on place en lui. Car oui, il y a une grande différence entre espoir et dévotion. Il ne peut pas trahir les attentes de ceux qui s’imaginent, d’une manière ou d’une autre, qu’il pourrait offrir une voie d’accès, quelle qu’elle soit, hors des ténèbres de plus en plus épaisses qui les environne. Alors oui, il en a pris son pari, avec difficulté voire même une certaine mauvaise foi quand il doit être question de Gellert, mais avec la volonté malgré tout de faire ce qui est juste.
En trois années, son savoir – pourtant immense – se sera heurté à bien des incompréhensions, mais il est des réalités qu’il a fini par savoir appréhender. Il a notamment eu vent de l’existence des jedi, autant de leur existence que de leur philosophie, et quand ça a été le cas, il a été certain pour lui qu’il devait rencontrer cet homme du nom de Luke Skywalker.
Il n’eut guère de difficultés à obtenir son adresse et à lui proposer un rendez-vous, dans une missive qui n’avait pas manqué d’être cryptique. Il s’était alors contenté de proposer à cet homme qu’il devine brillant de venir le trouver dans son bureau, à l’université, quand l’occasion lui serait opportune. Et semble-t-il que ce jour soit arrivé, puisqu’après qu’on eu frappé à la porte de son bureau, son regard électrique tombe immédiatement sur celui qu’il reconnaît comme étant notre principal concerné.
« Ah, monsieur Skywalker, merci d’avoir pris la peine de vous déplacer. C’est un plaisir de vous rencontrer enfin », fait-il en tendant dans sa direction une main aimable. « Je suppose qu’il est inutile que je me présente, aussi pourrons-nous sans doute entrer immédiatement dans le vif sujet. » Tout en prononçant ces mots, il s’installe sur une chaise confortable et invite Luke à faire de même. « Savez-vous pourquoi j’ai souhaité vous rencontrer ? »
Code by Laxy
Albus Dumbledore
Happiness can be found, even in the darkest of times, if one only remembers to turn on the light.
La Force était perturbée. De plus en plus. Un danger qui rappelait sans l’ombre d’un doute à Luke ses affres du passé. Il leur avait toujours fait face, même si les dernières années de sa vie soulignaient plus une lâcheté de sa part qu’autre chose. Ici, la situation était totalement différente, car Luke puisait sa force dans tout un tas de puits. Il avait dans un premier temps retrouvé sa famille de sang — son père, sa jumelle et Han étaient ses premiers points d’ancrage solide dans cette nouvelle réalité embrumée. Puis, dans un second temps, il avait créé sa propre famille, celle du cœur, son propre clan. Le Mandalorien et l’Enfant étaient son phare dans la nuit, cette lueur d’espoir qui ne le quittait plus dans l’épais manteau des ténèbres. Si Luke avait longtemps craint cet amour de peur de tomber dans les mêmes travers qu’Anakin, il l’acceptait désormais pleinement, transformant même les sentiments passionnés entretenus à l’égard de Din en une force toute-puissante. Luke savait que, le jour où le soleil lumineux de la Force s’éclipserait dans son cœur, son compagnon de vie serait la seule raison suffisante pour s’accrocher à l’espoir et rallumer la lumière, même dans les moments les plus sombres. Il en était persuadé puisque ce fut son amour pour Din qui l’avait empêché de céder à ses pulsions mortifères lorsque le Mandalorien et lui furent bloqués avec l’illusion de Kylo Ren en train de violemment les attaquer. Luke était un être fort, lumineux, chérissant la paix plus que tout au monde. Le Maître Jedi ne craignait plus les ténèbres, sans pour autant les toiser avec condescendance. Ne jamais sous-estimer son ennemi, telle était la règle d’or. Rien ni personne n’était à l’abri d’un basculement, surtout lui avec le passif qu’il se traînait.
Plus les semaines s’égrenaient dans ce monde et plus il sentait cette noirceur envelopper la ville et les êtres qui la peuplaient. Luke mettait uniquement cela sur le compte du Côté Obscur qui s’étendait inexorablement, mais il décelait une autre entité sur laquelle il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus pour la définir avec plus d’exactitude. En effet, à travers la Force, il percevait les âmes obscures de Voldemort et Grindelwald, mais leur dessin dans cet éther était si étrange et incongru, puisqu’il n’avait jamais rien perçu de tel dans son monde, que Luke en était presque effrayé. Il sentait un vide abyssal et vorace l’attirer dans ses bas-fonds. Leur champ d’attraction était si puissant que cela en était même douloureux pour le maître Jedi qui eut l’impression d’être pris dans un étau. Au point de n’avoir nul autre choix que de se fermer à la Force pour dissiper la souffrance ressentie. « Il faut que tu le protèges Rey. Il y a… quelque chose ici sur cette ile de… malfaisant. Et très puissant. » Il se souvenait avoir prévenu son ancienne Padawan d’un jour à ce sujet, pensant que cela ne concernait que Ben. Or, il était loin, très loin de la réalité. En effet, en plus d’être maudite, la ville était le point de convergence de toutes les forces obscures de tous les univers. En ayant fait un tel constat, Luke ne pouvait que craindre un retour imminent de Palpatine qui se mélangerait assurément à toutes ses malfaisances pour reprendre le pouvoir. Le Maitre Jedi voulait agir, parce que c’était d’une part son devoir de Jedi, mais aussi son devoir en tant que pacificateur. Luke avait passé sa vie à faire la paix, à combattre pour elle quand cela était nécessaire avant qu’il ne s’exile. Se battre faisait partie de sa nature profonde — un trait de caractère qu’il avait hérité assurément de ses deux parents et qu’il avait développé à l’extrême durant toute sa vie. Il ne pouvait donc pas rester passif face à cette situation.
C’est pourquoi le courrier d’un certain Albus Dumbledore ne le surprit qu’à moitié, bien qu’il soit très… énigmatique. Il ne le connaissait que de réputation puisque tous deux travaillaient dans la même faculté. Il avait ouï dire que l’homme était un éminent sorcier dans son monde, faiseur de paix lui aussi. En quelques sortes. Bien entendu, Luke avait fait ses petites recherches sur Albus de son côté pour savoir à qui il avait affaire et satisfaire une petite curiosité personnelle au passage. Plus il en découvrait sur Albus au gré des conversations et de ses découvertes, plus Luke était impressionné par ce sacré personnage. Surtout, il se dit que, s’il l’avait contacté, c’était sûrement parce que le sorcier avait senti la même chose que le Jedi : les ténèbres s’épaississaient et il fallait agir. Vite.
Le jour du rendez-vous, Luke se présentait à son bureau à l’heure prévue. « Ah, Monsieur Skywalker » Toujours étrange pour Luke qu’on s’adresse à lui de cette façon, lui qui n’a toujours connu que « Maître Skywalker » dans son monde de la part des inconnu·e·s. Peut-être s’y ferait-il un jour, mais ce n’était qu’un point de détail ici. Poli, il adressait un sourire à Albus et serra sa main d’une poigne ferme pour sceller cette rencontre. Il affirmait ensuite avec la plus grande des sincérités :« Le plaisir est partagé, monsieur. » Il suivit ensuite Albus dans la salle, sans manquer de lui répondre.« Pas besoin, effectivement. Je dois même vous avouer que j’ai fait quelques petites recherches sur vous, par pure curiosité, et j’ai été impressionné par ce que j’ai découvert. On dit de vous que vous étiez un grand sorcier dans votre monde. » Si cette phrase pouvait flatter Albus, Luke la déroulait simplement pour lui prouver que, en effet, des présentations étaient fort peu nécessaires en l’état actuelle des choses. Il prit place ensuite au côté de Dumbledore à l’une des tables, s’asseyant d’ailleurs sur elle en tailleur puisque c’était dans cette position qu’il était le plus à l’aise — la même pose qu’il prenait pour méditer et qui l’aidait, de ce fait, à se concentrer. Il espérait que le sorcier ne prendrait pas cette normalité dans le monde de Luke pour une impolitesse de sa part. « Disons que… je pense savoir. » Lui aussi rentrait directement dans le vif du sujet. « Depuis que je suis arrivé dans ce monde, je sens… des perturbations. Et leur signal dans la Force… » Soudain, le Jedi se rappelait que la Force était possiblement un concept totalement étranger à Albus, alors Luke cherchait pendant quelques secondes ses mots pour tenter de reformuler. « Disons que mes pouvoirs me font comprendre que la situation s’est drastiquement empirée depuis quelques mois. Et j’ai un très mauvais pressentiment. » Rien qu’en prononçant ses maigres mots, Luke craignit subitement pour la vie de Din et Grogu et ce qui pouvait leur arriver si cette apocalypse arrivait. Maitre de ses émotions, il ne montrait cependant pas son trouble à Albus et poursuivait le plus naturellement du monde. « Je suppose que vous vous êtes renseigné sur moi, ou que vous avez au moins eu vent de qui je suis et que si vous avez souhaité me rencontrer, c’est parce que vous avez senti la même chose. Vous voulez agir en conséquence, me trompé-je ? » Luke adressait un petit sourire malicieux à Albus une fois son exposé terminé.
Albus a pour les échanges de civilités une affection toute particulière. Quand il s’efforce de les réduire au plus strict minimum, on peut avoir l’assurance qu’il se trame alors quelque chose de particulièrement grave et dangereux. Dans d’autres circonstances, moins difficiles, moins obscures, sans doute Albus se serait-il satisfait de seulement partager une bonne tasse de thé en présence de cet homme brillant au parcours semble-t-il remarquable. Mais les situations désespérées appellent les mesures désespérées, et il sera toujours temps pour eux d’échanger au sujet de leurs expériences respectives (autour d’un bon thé au citron de préférence) quand tout ceci sera définitivement derrière eux. Dans l’attente, il leur est nécessaire de clarifier le sujet, de mettre un nom sur cette menace qu’ils sont peut-être parmi les seuls à être susceptibles d’enrayer – en toute modestie, bien évidemment. C’est avec une fine esquisse de sourire sincère qu’il accueille les propos de son illustre interlocuteur quand ce dernier lui affirme que le plaisir de leur rencontre est partagé, malheureusement, ils devront s’en tenir là, en matière de civilités.
Le sorcier n’est guère surpris d’entendre que Luke Skywalker aura procédé à ses propres recherches à son sujet avant que de le rencontrer. C’est une démarche non seulement avisée mais nécessaire dans les circonstances présentes, et qu’Albus n’envisage pas un seul instant de lui reprocher, d’autant que la curiosité que le Jedi peut nourrir à son sujet est tout à fait partagée. La curiosité est une impulsion plus que nécessaire et encouragée dans les circonstances qui les accapare, et qui pourra d’ailleurs leur rendre un fier service, par bien des aspects.
« Vous vous êtes très bien informé », répond Albus sans chercher à faire preuve d’une modestie de façade qui n’aurait guère d’intérêt à l’heure actuelle, tandis que Luke observe qu’on dit de lui qu’il fait partie des plus grands sorciers dans son monde, une réputation qu’il lui semble avoir partiellement volée, à vrai dire, compte tenu du fait que les exploits qu’on lui prête et qu’on vante de lui ont été accomplis par une version de lui-même qu’il ne deviendra jamais. Ce n’est pas pour autant qu’il escompte jouer la carte d’une humilité de façade, qui ne serait guère à propos à l’heure actuelle. Que chacun ait conscience de sa valeur, c’est une nécessité absolue s’ils veulent espérer faire face à des ennemis qui eux n’auront jamais l’absurde idée de sous-estimer leur valeur sous couvert d’une humilité de façade.
Albus est convaincu que son interlocuteur aura su présumer de ce qui a motivé son entretien, et il le lui confirme en effet, tandis qu’il évoque ces perturbations dans la Force qu’il a ressenties. Prétendre qu’il comprend de la Force toutes les subtilités qu’elle enduit serait un mensonge. Sur ce point, Albus a de nombreuses choses à apprendre encore. En revanche, il n’a pas manqué lui aussi de s’informer autant que nécessaire.
« J’ai bien peur que ce mauvais pressentiment qu’est le vôtre soit tout à fait fondé », admet Albus sans détour. Il ne s’agit pas uniquement d’un pressentiment, dans le cas de Luke, et Albus le devine, il s’agit là de quelque chose de plus concret qu’un simple appel à l’émotion. « Et vous avez entièrement raison. Dans les circonstances qui nous préoccupent, j’estime qu’unir nos forces n’est pas un moindre luxe, pour ne pas parler de nécessité. » Il marque une légère pause. « Comme vous le savez sans doute, notre appréhension de la magie… de la Force, dans votre cas… a été pour le moins altérée par cet endroit. Il aura fallu du temps à chacun d’entre nous pour retrouver ses anciennes compétences – pour ceux qui du moins y sont parvenus. La magie s’exprime dans mon monde sous des jours divers, certains bénéfiques, d’autres dangereux. Certains sorciers ont fait sciemment le choix de consacrer leurs aptitudes aux pires des desseins. Ils ont su se constituer un réseau d’influence, et surtout, générer les heures les plus sombres que ce monde ait connu. Deux sorciers sont connus pour avoir été les mages noirs les plus puissants et dangereux qui aient jamais existé, et ces deux sorciers sont ici. » Il marque une pause. « Chaque jour qui passe, leurs pouvoir augmente, le nombre de leurs fidèles également. » Il marque une pause. Et finit par reprendre, avec une étonnante légèreté. « Mais je manque à tous mes devoirs. Vous vouliez boire quelque chose, peut-être ? »
Code by Laxy
Albus Dumbledore
Happiness can be found, even in the darkest of times, if one only remembers to turn on the light.