Le temps des négociations

feat. Gellert

Il serre si fort le médaillon au creux de son poing qu’il peut sentir la marque du pacte de sang s’imprimer au creux de sa paume, il s’en sert comme d’un ancrage à une réalité qu’il tutoie de très près, qu’il se plaît à effleurer et qu’il cherche à fuir en même temps. Il devine que nul ne comprendra tout à fait ses motivations et ses choix, si ceux-ci doivent s’ébruiter, pourtant, il est bien déterminé à aller au bout de son initiative… Il a su regroupé en son esprit suffisamment d’excuses pour accorder de la validité à son acte, mais il est intelligent, bien trop intelligent pour savoir se duper lui-même. Il sait pertinemment ce qu’il est en train de faire, et que cela n’a que partiellement à voir avec ses ambitions, ce devoir et surtout ces responsabilités qu’un futur qu’il n’a jamais connu a laissé peser sur ses épaules…

Il ne peut pas se leurrer, mais il s’y connaît en matière de gymnastique mentale et morale, celle qui lui permet de concilier autant les promesses qu’il fait à chacun de se montrer digne de leur confiance que ce besoin constant de le garder dans son sillage… Toujours retarder l’échéance, pour le simple plaisir de le garder un peu avec lui, de pouvoir garder son regard ancré au sien et se dissimuler derrière les excuses les plus confortables : prétendre qu’il ne peut rien faire, qu’il est coincé, que le mieux qu’il puisse faire pour l’heure reste de négocier quoi qu’il en soit.

Dans l’intention de conserver le peu de raison encore à sa disposition, il a fixé leur rendez-vous dans un lieu public. Une table pour deux réservé à son nom doit recueillir leur conversation, une façon comme une autre d’éviter quelques débordements malencontreux auxquels Albus se sait bien trop prompt. En la présence de Gellert, la raison et les résolutions d’Albus ont tendance à s’étioler, comme réduites à peau de chagrin. Albus sait – ou espère savoir – quelles limites franchir, et quelles autres il ne devra en aucun cas dépasser, et c’est fort de ces résolutions, qu’il se répète autant que nécessaire, qu’il attend à présent la venue de Gellert, qui ne devrait plus tarder à présent.

Aucun retard à blâmer de sa part, Albus est arrivé en avance, et il compte autant sur la présence que sur la ponctualité de Gellert. Il n’a pas envisagé, à vrai dire, que ce dernier puisse lui faire faux bond. Il ne doute pas réellement du fait que les excuses qu’il ménage pour eux deux afin de le voir lui déplaisent… et par ailleurs, il compte quoi qu’il en soit sur la curiosité de Gellert afin d’obtenir gain de cause, et il ne doute pas que celle-ci ait été aiguisée par ce rendez-vous dont Albus ne s’est pas particulièrement embarrassé d’expliciter la nature.

Encore quelques minutes… Albus relève le regard à l’exact moment où Gellert fait son entrée dans le restaurant, avant de finalement venir le rejoindre à sa table.

« Je me suis permis de commander pour nous deux, tu ne m’en voudras pas trop, j’espère », fait-il en guise de salutation, comme si le menu du jour devait vraiment être au cœur de leurs considérations.

Le temps des négociations

feat. Gellert

Direct, sans détours, sans fioritures, tiré à quatre épingles, parfait… Gellert donne le ton de la conversation, et comme trop souvent, Albus sait que s’il en est un auprès de qui il sera difficile de garder sa pertinence et ses moyens, c’est définitivement lui. Rien n’est susceptible de le troubler en dehors de lui, mais un seul regard de la part de Gellert serait susceptible de remettre en question des milliers de résolutions. Bien sûr, il n’y cédera pas, mais garder dans son sillage, et si volontairement, l’objet constant de ses tentations les plus inavouables n’est certainement pas la marque la plus absolue de cette sagesse que beaucoup lui prêtent et dont il n’a certainement pas le sentiment de faire preuve en cet instant.

Ce qu’il veut ? La réponse à cette question est si évidente qu’elle en est d’autant plus absurde, violemment absurde. Bien sûr, il est nécessaire, d’entrée de jeu, de distinguer ce qu’il prétendra vouloir de ce qu’il souhaite vraiment. Il ne peut confesser à Gellert, évidemment, qu’il a trouvé un prétexte pour le revoir, pour reculer l’échéance, pour savourer sa présent, dut-elle être lointaine. Ces choses-là, Gellert les sait sans doute dans tous les cas. S’il est le legilimens des deux, son ancien amant n’a jamais eu besoin de pénétrer son esprit pour savoir précisément quel était son ressenti vis-à-vis de lui. Ce qui pourrait être déstabilisant par certains aspects avait aussi quelque chose de foncièrement réconfortant à ses yeux. Oui, sa raison, ils la savent tous deux déjà, sans doute, mais comme elle n’est pas acceptable, un autre prétexte se fait jour, qui saura certainement si ce n’est fissurer le masque d’impassibilité de Gellert, du moins attirer son attention, éveiller sa curiosité.

« Puisque tu le souhaites, rentrons dans le vif du sujet », admet Albus, prêt à reprendre la parole avant d’être interrompu par un serveur qui vient remplir leurs verres de vin. Albus lui adresse un sourire de gratitude avant de reporter son attention sur Gellert. « Nous ne serons sans doute plus d’accord sur grand-chose toi et moi, mais au moins sur deux, n’est-ce pas ? La première… » Il ouvre sa main le temps de laisser à Gellert le soin d’apercevoir le pacte de sang brillant au creux de sa paume. « … c’est que nous sommes pour le moment dans l’incapacité de nous faire face. » Une incapacité qu’Albus ne cherche pas vraiment à résoudre, pas pour le moment. Il se repose sur ce prétexte aussi dangereux que réconfortant, qui renforce la légitimité de ce qu’il ajoute ensuite. « La seconde, c’est que nous avons un ennemi commun », reprend-il sans avoir, selon lui à spécifier lequel. Celui que Gellert considérera peut-être comme un rival, et qu’Albus se doit de considérer comme un ennemi. « Dans l’absolu, nos initiatives respectives afin de mettre un terme aux agissements de Lord Voldemort ont de fortes chances d’en diminuer les effets. A moins… »

De coopérer.

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feat. Gellert

Albus baisse le regard sur le médaillon que Gellert effleure du bout des doigts, ignore le trouble qui, naturellement et de tout temps, accompagne toute proximité physique avec cet homme qui sait malheureusement ébranler le moindre fragment de ses conviction du simple fait d’être là. C’est un de ses grands torts, et il en a conscience. Plutôt que de s’engager dans cette entreprise qui, nécessairement, lui coûtera cher, en tout cas moralement, il devrait s’échiner à se tenir à distance de cet homme comme il l’avait si bien fait durant près de trente ans. Loin de lui, ses idées et ses résolutions sont immédiatement plus claires, mais quand il se trouve là… Il doit lutter, terriblement, pour conserver au meilleur fixe des résolutions qui immédiatement paraissent prendre la tangente dès l’instant où il est là. Bien sûr, ce n’est jamais au point qu’il perde tout sens commun (quoique certains en douteront peut-être bien rapidement), il sait d’où il vient et ce qu’il a perdu, il sait s’y raccrocher, mais c’est déjà trop. Pourtant, comme le ferait n’importe quelle addiction, Albus ne sait pas renoncer à ces prétextes, à ces occasions, de faire durer le moment jusqu’à celui, inévitable, où il ne saura plus être question pour eux de s’accorder de tels face-à-face sans que l’issue en soit tragique pour l’un ou pour l’autre (plus probablement pour les deux).

Il relève le regard au moment d’entamer plus longuement ses explications. Il se montre en effet sincère dans ses propos, et Gellert le sait forcément. Il a changé d’avis, c’est un fait, mais jamais, de toute sa vie, il ne lui a menti… De manière générale, d’ailleurs, Albus ne ment pas, pas réellement. Il se complaît plutôt, disons, dans le mensonge et l’omission, et parce que l’on tolère la part de mystère qui l’entoure comme une part intégrante de sa personnalité, l’on ne cherche pas à creuser davantage. Il ne finit pas sa phrase mais il n’a pas besoin de le faire car, bien sûr, Gellert sait exactement et directement où il veut en venir, sans surprise aucune. Oui, c’est bien d’une coopération qu’il est question, et en effet, il ne suggèrerait pas une telle chose s’il n’était pas tout à fait sérieux. Cela comprend une part de risques, certes, mais tant qu’ils y trouvent un intérêt commun, Albus considère que les risques demeurent calculés. Par ailleurs, si vraiment Gellert devait en profiter pour manœuvrer contre lui, il devait savoir d’office quels seraient les risques pour lui également, et ils ne valaient sans doute pas les bénéfices qu’ils pouvaient retirer, tout du moins temporairement.

« Oh j’aurais sans doute trouvé un autre prétexte pour te faire venir ici », fait-il avec un fin sourire avant de boire une gorgée de son verre. « Mais c’est bien de cela que je veux parler. Une coopération. Temporaire, ça va de soi. » En somme, une trêve réconfortante, une manière – de plus – de retarder l’échéance. « Qui exige bien sûr que ce temps durant, tu ne t’en prendras pas à ceux de mon entourage. » Il marque une pause, jette un regard en direction de la porte derrière laquelle il a entraperçu la silhouette de Vinda Rosier. « Et je ne questionnerai pas le tien. »

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feat. Gellert

La caverne était une erreur. Bien sûr que c’en était une. Albus en a tout autant conscience que Gellert, et pourtant… Pourtant, il ne sait s’empêcher de vouloir que cette erreur se reproduise, sachant pourtant que chaque moment qu’il dérobe aux circonstances afin de se donner l’opportunité de passer du temps avec Gellert est comme un lambeau de cœur qu’il s’arracherait à lui-même. Penser à lui lui fait du mal, se retrouver en sa présence le fait souffrir tant il est alors assailli par toutes ces possibilités dorénavant inaccessibles, tandis qu’il ne sait se retenir de se demander ce que leurs vies auraient pu être si Gellert n’avait pas pris la fuite, si lui-même avait décidé de le fuir et seulement considéré que la mort d’Ariana était un dommage collatéral, comme il faudrait en assumer d’autres… pour le plus grand bien. S’il est tout à fait certain de sa décision, il l’est moins de ses émotions chaque fois que leurs regards se toisent.

La caverne était une erreur, et si cela devait se reproduire, cela lui ferait clairement plus de mal que de bien… c’est au fond une bonne chose pour Albus que Gellert pose les choses ainsi. Il aurait pu tout à fait décider d’abuser de ses sentiments comme il l’avait sans doute fait en partie autrefois (mais Albus y avait été plus que consentant, il faut dire)… Il ne le fait pas, Albus pourrait presque y voir une certaine forme de respect à son égard, tout relatif soit-il. Même dans ces circonstances et en dépit de ce qui s’est passé dans cette fameuse caverne, il admet qu’Albus conserve cette même volonté de s’opposer à ses décisions. Et cela, même si cette pensée lui fend nécessairement le cœur, est une chose qui ne changera pas.

« Non en effet », répond Albus qui quand bien même il ne peut que s’aligner sur les propos de Gellert, ne peut ignorer le goût amer qu’il en éprouve. Ils ne peuvent sans doute pas tout à fait contrôler leurs alliés, mais du moins focaliser leur attention sur une autre cible (ce qui dans le cas d’Albus est d’autant plus simple que la plupart des membres du nouvel ordre du phénix ont connu Voldemort, mais pas Grindelwald), et les tempérer autant que nécessaire. « Nous pouvons d’ailleurs toujours nous servir d’intermédiaires afin de nous transmettre les messages nécessaires sans avoir à nous voir pour autant. » Il marque une pause. L’intervention du serveur, qui vient déposer leur entré devant eux, lui évite un fâcheux silence. Il courrait à vrai dire après tous les prétextes du monde afin de s’accorder d’autres occasions de ne serait-ce que le voir, mais il sait bien qu’elles sont toutes bien trop imprudentes. « Tu m’accorderas tout de même de me consacrer ce dîner ? » fait-il avec un fin sourire avant de se pencher sur son assiette. « Il serait dommage de gâcher d’aussi excellents plats. » D’un geste, Albus range le médaillon resté au creux de sa paume et le glisse dans sa poche. « Tu as déjà essayé de le détruire ? Ou tu t’es contenté de le garder sur toi ? » demande-t-il en référence au pacte de sang (très innocemment bien sûr) avant de piocher dans son assiette.

Le temps des négociations

feat. Gellert

Une simple esquisse de sourire répond à Gellert quand ce dernier lui confirme que, puisqu’il a accepté son invitation, il restera jusqu’à la fin du dîner, chose qu’il apprécie, pour grappiller ne serait-ce que quelques absurdes minutes supplémentaires en sa compagnie, quand il est évident, pourtant, qu’il serait préférable, pour l’un comme pour l’autre, qu’ils se débarrassent le plus rapidement possible des points qu’ils ont à aborder pour ne plus, ensuite, s’adresser la parole qu’en des occasions choisies et succinctes… Jusqu’au moment de l’inévitable confrontation.

Il sait, s’il se fie aux dires de ceux qui ont vécu une époque qu’il n’a lui-même pas connue mais où ils l’ont connu (ne réfléchissons pas davantage à ces paradoxes temporels si l’on veut éviter d’avoir mal au crâne), qu’il est parvenu à arrêter Gellert, que cette confrontation a effectivement eu lieu, et qu’à cette occasion, il est parvenu à le vaincre (ou du moins l’emprisonner, pas le tuer – et cette pensée lui a semblé des plus réconfortante quoi qu’alarmante, lui donnant définitivement la preuve de son incapacité à mettre un terme trop définitif à leur relation), ce n’est pas pour autant qu’il s’en estime capable, qu’il sache s’en réjouir ou qu’il éprouve une quelconque forme de supériorité par rapport cela. C’est même tout le contraire : la présence de Gellert a le don de cristalliser toutes ses faiblesses en un seul lieu, pas seulement ses sentiments pour lui, mais aussi ce qu’il sait révéler de la part de lui contre laquelle Albus doit lutter constamment, celle qui se laisserait trop aisément attirer par un pouvoir qu’il se saurait capable d’obtenir aisément si seulement il le décidait. Et plus aisément encore s’il le faisait en compagnie de Gellert.

« Contrairement à tes amis, les miens ont tendance à ne pas tuer leurs ennemis sous n’importe quel prétexte », le reprend Albus avec légèreté, avant de le fixer, en partie intrigué, en partie amusé quand Gellert suggère de mettre en place un nouveau pacte. « Combien de pactes nous faudrait-il conclure, toi et moi, pour ne serait-ce que vivre temporairement en bonne entente ? » répond-t-il simplement, en le fixant avec attention.

Autrefois, les choses étaient bien plus simples, autrefois, leurs chemins n’évoluaient pas en parallèle, jusqu’à se croiser et les mener au conflit. Autrefois, ils avançaient sur le même chemin. Mais une part d’eux avait dû savoir que ce cas de figure pourrait trop probablement se produire. Sans quoi, ce pacte de sang n’existerait pas. Cela avait eu l’apparence d’un engagement l’un vis-à-vis de l’autre, à l’époque, mais ça avait été aussi un moyen pour Gellert d’écarter la menace potentielle qu’il pourrait représenter pour lui.

« Je suppose que nous pouvons envisager une sorte de compromis. »

Il est des façons de s’assurer la loyauté totale de leurs alliés, magiques ou non, s’il ne doit être question que de cela. Mais toutes cette situation en sous-tend bien d’autres, quand bien même elles ne sont pas explicitement formulées.

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feat. Gellert

La vérité, c’est qu’Albus lui-même ne sait pas vraiment à quoi il joue ou même ce qu’il recherche. Ou bien ne le sait-il que trop bien mais sait-il se convaincre des excuses qu’il adresse aux autres et qu’il se fait à lui-même. Il reste certain qu’une alliance temporaire est une folie certes, mais une folie calculée, et qui pourrait leur épargner de contrecarrer sans le vouloir ni le savoir leurs plans respectifs, qui servent pourtant un objectif commun, mais au-delà de ça, bien sûr, il y a tout le reste, ce que Gellert énonce frontalement parce qu’il se contente d’évoquer l’aspect charnel de leur relation, comme s’il en était le fondement ou la pierre angulaire.

Ce serait évidemment mentir que de prétendre qu’en cet instant ou en aucun autre, Albus n’éprouve pas du désir pour Gellert, c’est bel et bien le cas. Mais s’il n’avait été question que de satisfaire à de simples pulsions du corps, se déparer de l’influence que l’homme qui lui fait face a pour lui serait d’une simplicité enfantine. Le sexe n’a jamais revêtu grand intérêt pour Albus, et c’est certainement pour cette raison qu’il ne s’est jamais encombré d’amants quand il devine que Gellert en a souvent eus, ainsi que des maîtresses (et trop y réfléchir lui arrache un peu trop le cœur pour qu’il se sente capable d’y songer trop longtemps). Le sexe avec Gellert, c’était différent. Parce que tout avec Gellert est différent. Leur relation, en tout cas certainement pas du point de vue d’Albus, ne saurait se résumer à quelque chose de trivial, voire d’obscène… Et c’est bien pour cela que, plusieurs décennies plus tard, il en est toujours là, le cœur saigné à vif par chaque parole que Gellert lui adresse.

« Je ne te dois aucun remerciement », réplique-t-il simplement. « Quant à faire tout ceci pour nous, tu n’en ferais rien si ce n’était que pour toi-même », observe-t-il ensuite, d’un ton excessivement neutre car Albus s’efforce de garder le contrôle du ton et du débit de sa voix autant qu’il sait en être capable dans de telles circonstances.  « Ce que tu fais est pure folie. »

Sans doute, évidemment aussi fou et vain que ce que fait Albus lui-même, qui négocie dans le vide comme si cela pouvait encapsuler sa présence dans un instant qu’il pourrait rejouer dans son esprit encore et encore. Même les moments qui lui fracturent le cœur, Albus serait sans doute capable d’y replonger, pour le seul fait de l’avoir face à lui, qu’importe que ce soit dans ces circonstances.

Ses dernières paroles se perdent dans le chaos quand retentit une violente explosion. En même temps que Gellert, Albus se redresse d’un bond. A croire que le destin voulait tout naturellement illustrer de façon grandiose, presque grotesque, cette impossibilité qu’Albus expliquait en mots quelques instants plus tôt. Albus a du mal à comprendre ce qui aura motivé un tel combat quand il ne cesse de répéter que la prudence doit être de mise. Albus n’a pas le temps d’intervenir que Gellert s’en charge lui-même, et quand son regard croise ceux de ses alliés un peu trop zélés. Le combat s’arrête aussitôt.

« Je dirais surtout que mettre en place des règles élémentaires de courtoisie serait un moindre mal », remarque-t-il tandis qu’il adresse un signe aux deux sorciers qui prennent aussitôt la décision de transplaner. « Mais je respecte ta décision. Même si notre promesse d’un dernier dîner sera tombée à l’eau. Sois satisfait d’avoir entièrement raison sur ce point, je voulais seulement passer un moment avec toi », reprend-t-il en portant son attention sur la bien trop belle Vinda. « Mademoiselle Rosier, enchanté de vous rencontrer. »

Non. Il ne l’est pas.

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feat. Gellert

La déférence trop appuyée pour être honnête de Vinda Rosier ne peut évidemment que renforcer le désagréable sentiment qu’Albus éprouve en sa présence. Même lui qui n’a jamais éprouvé d’attirance particulière pour la gent féminine (mais en réalité, il n’a jamais éprouvé d’attirance particulière envers quiconque qui ne soit pas Gellert Grindelwald) ne saurait nier les charmes indéniables de cette femme qui, sans même le provoquer, ou bien d’une manière si indirecte que toute réaction à cela paraîtrait disproportionnée, évoque en lui un sentiment de jalousie pure qu’il voudrait savoir réprimer. À quoi bon l’être ? C’est dans le fond préférable qu’il en soit ainsi, qu’à sa manière insidieuse, Gellert lève tout soupçon au sujet de son éventuelle liaison avec Vinda et lui laisse entendre plus directement, en prenant sa main dans la sienne et en s’adressant à elle avec douceur, qu’ils sont bien ce qu’Albus les avait soupçonnés d’être, amants. Albus n’avait jamais caressé l’idée que Gellert lui resterait fidèle. Peut-on parler seulement de fidélité dans leur cas ? Il sera celui qui aura trahi l’autre en premier, partant de là. Et pourtant, il aura beau rationnaliser cette situation autant qu’il le peut, elle ne sera pas plus plaisante pour autant à ses yeux.

Gellert ne lui doit rien, et il est même très sain qu’Albus se le rappelle… Cela ne l’empêche pas, pourtant, de ressentir cette sorte de morsure au niveau du cœur qui lui donne le sentiment qu’on le chauffe à blanc. Albus a cultivé de longue date une attitude relativement imperturbable, elle lui sert en bien des circonstances. Il dissimule les sujets les plus graves derrière des sourires de circonstances et des réflexions légères, et finalement, ne laisse personne l’atteindre au-delà de ce qu’il aura lui-même décidé – ce qui ne représente pas grand-chose en fin de compte. Insondable. Sauf pour Gellert, à qui il n’a jamais réussi à cacher quoi que ce soit (ni n’a jamais voulu cacher quoi que ce soit), et sera sans doute satisfait de son effet. Il l’a sans doute cherché, il l’a obtenu… Albus a le cœur en miettes. Mais ce n’est pas nouveau.

Il se serait presque attendu à ce que Gellert décide de repartir, puisqu’il a lui-même admis que tout ceci ne servait à rien, mais il reste, et même si Albus songe qu’il aurait sans doute été préférable qu’ils en finissent là, il se sent en même temps soulagé. Il ne veut jamais que ça finisse… et ça peu importe les circonstances. Albus regarde Vinda transplaner avant de reporter son attention sur les quelques curieux alentours. Nul besoin d’articuler le moindre mot pour savoir ce qu’il convenait de faire. L’un et l’autre s’appliquent à oublietter les quelques Moldus qui pourraient se poser des questions et répandre des rumeurs qu’ils s’épargneront bien tous deux.

Après que c’eut été chose faite, Gellert lui suggère de reprendre le cours de leur dîner comme si de rien n’était… Il ne peut pas résister à une telle invitation. Même s’ils ont sans doute fait le tour de question, dans le but, seulement, de prolonger le moment, ne serait-ce qu’un peu. Réinstallé à table, il se concentre un instant sur son assiette, presque comme si rien ne s’était passé.

« Nos plats auront à peine eu le temps de refroidir », observe-t-il avec légèreté. Il ne reprend un peu de sérieux qu’après quelques bouchées. « A défaut d’une collaboration fructueuse, nous devrions fixer quelques termes à cette situation. Par souci d’équité. Décider par exemple de nous focaliser sur notre ennemi commun avant de nous en prendre l’un à l’autre. Communiquer la liste exhaustive de nos alliés pour plus de transparence… », suggère-t-il très posément. « Et bien sûr, quand j’aurais trouvé une manière efficace de détruire le pacte, tu en seras le premier informé, je ne souhaite pas te prendre au dépourvu. » Il marque une pause. « Et je ne t’importunerais plus sous aucun prétexte que ceux-ci. » Il lève le regard et commet l’erreur de soutenir son regard un peu trop longtemps. « Est-ce que ça te convient ? »

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feat. Gellert

« Et pourquoi pas ? » répond simplement Albus en toute conscience bien sûr de ce que ce propos suggère et du caractère naturellement improbable de ce dernier, qui pourrait même laisser suggérer qu’il n’a plus toute sa santé mentale – ce qui n’est peut-être pas entièrement faux, au passage, mais il ne le vit pas si mal. « Je te pensais aussi soucieux que moi de nous battre à armes égales, ce serait certainement la solution la plus équitable. Et je n’éprouverais au demeurant aucune satisfaction à te prendre en traître », reprend-il comme s’il ne discutait de rien d’autre que de la pluie et du beau temps alors même qu’il daigne discuter de ce point qu’il n’oublie généralement jamais d’omettre, que ce soit en présence de Gellert ou de n’importe qui d’autre, et qui l’accapare pourtant totalement.

Il peut faire mine de rien, il peut trouver des occasion de retarder l’échéance parce qu’elle lui déplaît, ce n’est pas pour autant qu’il n’en conçoit pas le caractère inéluctable, et des occasions comme celle-ci ne font en réalité que prouver combien il ressent que l’inéluctable est proche de s’accomplir. Pour autant, il ne s’y sent pas prêt. Pacte de sang ou non, il s’est malheureusement fait une raison à ce sujet : il ne sera jamais prêt à affronter Gellert parce que jamais, ô grand jamais, il n’aura envie de le faire. Mais il le fera malgré tout, à son corps défendant, contrariant sa volonté la plus profonde pour faire ce qui doit être fait. Il ne le doit pas qu’à lui-même. Cette histoire douloureuse, et qui n’a déjà que trop longtemps duré, doit toucher à son terme tôt ou tard. Plus tard que tôt… Mais Albus sait son intuition malheureusement juste – car après tout elle ne le trompe que rarement. Leur histoire est plus proche de sa fin que de son commencement. Et c’est là une pensée déchirante.

« Bien que je le ferais si tu me l’imposes », reprend-il en daignant relever le regard en levant les yeux vers lui. « Dans tous les cas, tu ne l’emporteras pas, pas plus que tu ne l’as emporté dans notre monde. »

Et la question est une nouvelle fois posée, et il serait sans doute temps d’y répondre franchement… Albus ne veut pas réellement s’y soustraire, mais une telle réponse n’a au final rien de satisfaisant.

« Tu sais déjà ce que je veux, Gellert », répond Albus en soutenant son regard. « Je veux quelque chose que je ne pourrais jamais avoir. » Lui. « C’est tristement banal, au fond. »

L’être humain a toujours le don de désirer ce qu’il ne peut posséder, de vouloir ce qui sera susceptible de lui faire le plus de mal. Ce qu’il veut, ce qu’il cherche sans doute. C’est la manière adéquate de lui dire adieu une bonne fois pour toutes. Mais chaque fois qu’il se retrouve en sa présence, le dilemme reste le même et ses démons inchangés. Il n’y a pas de vraie manière de faire le deuil d’une relation telle que la leur, et Albus devine malheureusement qu’il n’en aura pas davantage été capable même après l’avoir vaincu… Et cette parenthèse jamais refermée est ce qui le poursuivra toujours.

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feat. Gellert

Albus ne prend pas la peine de répondre à Gellert quand ce dernier observe que leur fatalité serait donc de s’affronter, peu importe le monde dans lequel il se trouve. Ce n’est malheureusement pas une découverte… Ils peuvent décider d’observer la situation de toutes les manières possibles, ils savent pertinemment que celle-ci n’évoluera pas. Il n’y a rien à répondre à cela, car ils savent tous deux que c’est bel et bien le cas. L’ironie tragique de leur situation s’exprime par bien des aspects, et notamment dans ce fait malheureusement évident, ce sont ces choses mêmes qui les rapprochaient autrefois, qui avaient rendu leur relation si forte, si intense, si unique, qui faisait aujourd’hui qu’elle ne pourrait plus revenir à ce qu’elle avait si longtemps été. Il faudrait pour cela que l’un d’eux consente à sacrifier ses choix et ses valeurs au profit de l’autre, et il est évident que cela n’arrivera pas. Leurs caractères déterminés, ambitieux, intelligents, intransigeants, étaient autrefois mis au service d’une même cause, mais ce ne serait à présent plus jamais le cas. Il n’est de situation acceptable pour eux, qui justifie confortablement autre chose que les trêves qu’ils s’autorisent laborieusement…

Tôt ou tard ils se feront face, tôt ou tard ils se combattront, et cette pensée est certainement la pire entre toutes… Il est contraint à ce qu’il ne sera jamais capable de désirer. Qu’importe les horreurs dont Gellert saura se montrer coupable, qu’importe leur nombre et leur nature, Albus sera toujours tenté de fermer les yeux… par amour pour lui, pour ne pas mettre un terme définitif à ce qui a pourtant pris fin il y a des années de cela, à la mort d’Ariana. Ils ne peuvent pas rebrousser chemin, ils ne peuvent que faire le constat de l’impasse dans laquelle ils se trouvent, et de laquelle ils ne parviennent pas, à l’évidence, à s’extirper. La solution la plus simple serait évidemment de faire le deuil de cette relation, mais en ce qui concerne Albus, il observe cette option comme une impossibilité manifeste. Il ne peut renoncer à Gellert ni l’oublier. Chaque interaction avec lui ranime une flamme qui n’avait jamais fait que couver sous la cendre toutes ces années… et il n’y a rien qu’il sache faire contre cela. Si ce n’est se tenir à distance… Mais comment se tenir à distance de ce que l’on est voué à, invariablement, détruire ? … Ou de ce qui est voué à vous détruire ?

Ce qu’il veut vraiment, Albus le confesse à Gellert – ou du moins à demi-mots, mais des confessions plus directes sont-elles vraiment nécessaires ? Elles n’auraient pour effet que de mettre en exergue ce que tous deux savent déjà pertinemment, en réalité. Ce qu’ils veulent n’est pas la question. L’on n’est pas toujours tenu de faire ce que l’on désire, et certains désirs sont trop violents, trop dangereux, pour être assouvis. Leur idylle n’a duré qu’un temps trop court, et ce n’est certainement pas sans raison. Elle n’aurait peut-être pas durer davantage, et qui sait si leur histoire n’a pas été si forte et marquante du fait qu’elle a été éphémère… Peut-être bien… mais en attendant, c’est une histoire qu’Albus est incapable d’oublier, une histoire à laquelle il revient toujours, d’une manière ou d’une autre.

À ses paroles, Gellert ne répond pas dans un premier temps, mais Albus n’attend aucune réponse de sa part en réalité. Il n’y a rien à dire, au fond, qu’ils ne sachent déjà pertinemment l’un et l’autre. Leur histoire est impossible, c’est ainsi. Le répéter et le savoir ne rendra sans doute jamais la chose plus acceptable, mais elle restera pour toujours telle qu’elle est, sans qu’ils puissent rien y faire. A l’instar de Gellert, Albus se concentre sur son repas, qu’il mange silencieusement. Ce n’est rien, et c’est déjà trop en même temps. Il se satisfait du fait seul d’avoir Gellert face à lui, qu’importe qu’ils ne se disent rien, qu’importe ce qui doit arriver… Pourtant, au moment de lever son regard, il voit quelque chose changer dans les yeux vairons de Gellert. L’instant d’après, ses lèvres sont sur les siennes, et pour Albus, c’est comme une respiration. Inattendu et salvateur en même temps. Trompeur aussi…

Il est juste devant lui, oui, et en cet instant, tout ou presque semblerait possible. Mais même alors qu’Albus glisse une main dans les cheveux de Gellert et l’embrasse en retour, il sait, pertinemment, ce qu’il en est. Il l’embrasse parce qu’il en a envie, et parce qu’il ne peut pas s’en empêcher, mais en aucun cas il n’envisage que ce baiser puisse signifier quoi que ce soit d’autre. Parce qu’ils ne peuvent donner qu’un sens temporaire à ce qui tôt ou tard les rattrape et les met face à cet impérieux constat… Que Gellert ait cédé à l’envie sincère de l’embrasser ou qu’il cherche, dans un élan vague d’espoir de le prendre par les sentiments, il est trop tard, bien trop tard. Si accessible et si lointain en même temps, c’est ce qu’il lui donne le sentiment d’être constamment, à présent.

« Mais tu n’es pas à moi… », répond doucement Albus après avoir daigné détacher ses lèvres des siennes. Il voudrait savoir ajouter également qu’il ne lui appartient pas. Ce serait un mensonge. Il lui a laissé son cœur en offrande il y a des années de cela. Il n’a jamais eu la force de le récupérer. « Toi, qu’est-ce que tu veux vraiment ? » lui demande-t-il alors en sondant son regard.

Le temps des négociations

feat. Gellert

Albus rend à Gellert ce sourire qu’il lui a adressé, si rare qu’il n’en est que plus précieux… Il n’y a rien à répondre à leurs affirmations, parce qu’ils le savent l’un et l’autre… Ils ne peuvent espérer s’appartenir encore, du moins pleinement et entièrement. Pourtant, quand Gellert affirme qu’Albus n’est pas à lui, ce dernier ressentirait presque l’envie de le contredire, car ce n’est pas ainsi, pour sa part, qu’il le perçoit. Certes, il ne lui suivra plus jamais aveuglément ainsi qu’il l’avait fait par le passé… Mais il lui a néanmoins confié une part de lui qu’il ne saurait jamais reprendre. Peut-être n’est-il pas à lui car sa conscience morale lui échappe. Mais son cœur, lui, n’a jamais cessé de battre pour celui qu’il doit se résoudre à considérer comme un ennemi, quand bien même il ne sait poser les yeux sur lui sans vouloir tout lui concéder, s’abandonner à lui et oublier tout le reste. C’est un sentiment instable, volatile, mais aussi violent. De ceux qu’il a compris qu’il ne serait jamais à même de contrôler. D’une certaine manière, il a appris à vivre avec, mais la chose lui est devenue nettement plus difficile à présent… parce que l’étau se resserre petit à petit. Il ne peut plus ignorer la présence de Gellert ou leur sort commun : il doit intervenir en toute connaissance de cause, et cela s’avère être d’une difficulté sans nom.

Ce que veut Gellert, Albus le sait également parfaitement. Il sait quelles sont ses ambitions pour avoir eu les mêmes, à une époque qui ressemble dorénavant à une autre vie, à une époque qu’il ne pourra plus jamais rejoindre, même si l’envie ne lui en manque pas, parfois. Oui, il sait précisément quelles sont les aspirations et quels sont les projets de Gellert… Pour certains d’entre eux, il ne peut pas prétendre ne pas les partager au moins en partie, pas seulement parce qu’il l’a aidé à élaborer ce projet, pour le plus grand bien, mais parce que le discours de Gellert est séduisant pour une bonne raison. Ses idées ne sont pas toutes détestables… Mais leur application l’est bien souvent. Quant au reste…. Quant au reste…. C’est ainsi que l’exprime Gellert, reprenant ses mots. Tristement banal. Pourtant ni l’un ni l’autre, et ce peu importe le camp qu’ils doivent décider de choisir, n’a jamais été fait pour la banalité, c’est une certitude des plus absolues.

Albus veut répondre quelque chose, mais Gellert reprend la parole en suggérant de passer au desser, et sa suggestion lui décoche un nouveau sourire. Tristement banal… Mais dans certains cas, comme celui-ci, la banalité a du bon, et un bref instant, Albus se demande ce qu’il adviendrait vraiment s’ils pouvaient être capable de partager un repas au restaurant, sans drame ni obligations, sans cette épée de Damoclès pesant au-dessus de leur tête, pour savourer le seul et simple plaisir d’être ensemble… rien de plus, rien de moins.

« C’est le dessert que j’aurais choisi », répond Albus comme si ce n’était pas la chose la plus évidente au monde.

Il hèle un serveur, et le temps que ce dernier n’apporte leur commande, il se permet de reprendre la parole.

« Ce monde ne répond pas aux mêmes règles que celui que nous avons connu, ici, le secret magique est bancal, voire inexistant… Tu te bats pour une cause presque obsolète… » Mais c’est ce « presque » qui fait toute la différence.

Il veut reprendre la parole, mais le serveur arrive alors, et Albus prend le temps de commander leurs desserts, et attends que le serveur se soit éloigné pour reprendre la parole.

« J’ai beau savoir l’échéance inévitable… Je n’arrive pas à me résoudre à l’idée de te perdre, quelle qu’en soit la manière. »

Même s’ils se sont déjà perdus depuis très longtemps, en réalité.

Le temps des négociations

feat. Gellert

Albus ne prend pas ombrage de la réflexion de Gellert quand ce dernier observe qu’il a des choses une vision bien trop étroite. Peut-être qu’il n’a pas totalement tort, mais si ce doit être le cas, ils sont deux dans cette situation… Ils ont choisi deux visions différentes et radicalement opposées et ils s’y conforment, mais la vérité, c’est qu’ils sont incapable d’avoir une idée vraiment précise de ce qui les attend, et de ce que les nouveaux codes auxquels obéit ce nouveau monde les exposera. Leur vision est nécessairement imparfaite, et partiellement biaisée. Albus ne croit pas en une nouvelle guerre des castes. Ce qu’il observe quand il regarde autour de lui, ce n’est pas une division profonde, mais bien au contraire une certaine solidarité entre des hommes qui n’avaient jamais rien eu à voir les uns avec les autres…. Les disparités existent toujours, mais ce ne sont plus leur singularité ou leurs compétences qui creusent un fossé entre certaines personnes… Oui, c’est ainsi qu’Albus le voit pour sa part. Il ne veut pas se préparer inutilement à une attaque dont il deviendrait peut-être à l’origine en l’anticipant beaucoup trop.

A-t-il raison pour autant ? C’est une chose que seul le temps saurait dire… car en fin de compte, ceux qui observent sa tendance à vouloir espérer le meilleur de chacun et à laisser le bénéfice du doute à autrui sera probablement ce qui le perdra n’ont peut-être pas tout à fait tort, au bout du compte… L’idéalisme n’est pas meilleur conseiller que le pessimisme… mais comment savoir vers quoi se tourner plus exactement ? Gellert semble considérer que la fin justifie les moyens, mais Albus n’est pas de cet avis… ou plutôt, il sait l’être dans une certaine mesure. Il est des moyens qu’il ne se sent guère capable d’employer. Même si certains d’entre eux pourraient peut-être empêcher une issue qu’il n’a pas la moindre envie de les voir connaître, vraiment pas… Ils n’ont pas que des terrains de mésentente, pourtant. Par certains aspects, ils veulent même exactement la même chose, au bout du compte : mais où Gellert ne se soucie que des « leurs », des sorciers, et veut s’assurer leur pleine et entière liberté, Albus veut se soucier de tous, sans aucune distinction.

Gellert a raison de croire qu’Albus, en effet, défendra la communauté des sorciers si besoin devait s’en faire sentir : c’est en effet le cas. En cas de besoin, bien sûr qu’il défendra les siens… Il ne veut seulement pas anticiper ce besoin au point de le rendre réel quand il aurait pu ne pas l’être.

« Je continue de penser que nous aurons plus de chances de lui régler son compte si nous le faisons ensemble, oui », confirme Albus, qui sait bien néanmoins combien les paroles de Gellert, si séduisante soient-elles, peuvent avoir de revers. « Et je veux le faire avec toi », admet-il d’un ton dont la légèreté ne retranscrit pas réellement ce qu’un tel aveu représente pour lui. « Mais je ne pourrais pas fermer les yeux sur tes crimes ou tes agissements », reprend-il en relevant le regard. « Je le fais déjà beaucoup trop. »

Ce qui est effectivement vrai, au point de flirter méchamment avec la malhonnêteté auprès de tous ceux qui, pourtant, placent en lui (ou plutôt en qui il pense qu’il est en dépit de ces décennies d’existence qu’il n’a pas vécues) une confiance presque aveugle.