(Abandonné) (( a friend like me )) ✧ – wilhuff – (( nsfw ))

« Galen, tu ne peux pas partir maintenant. Tu t’apprêtais à sortir la dinde du four. C’est le réveillon de Noël. Putain, Galen. On en rediscutera une autre fois ! On est au beau milieu du foie gras là ! Il est où mon pain d’épices, d’ailleurs, tu… Tu ne l’as pas oublié ? Bref, non, attends – Reviens. Pourquoi tu prends ton manteau ? Je plaisantais, ce n’est pas important si tu l’as oublié, ne… Ne t’en vas pas. Ne me laisse pas. » Galen Erso ne lui répond pas. Galen Erso lui offre en revanche une expression froide, blessée même. Krennic ne comprend pas l’absurdité de son raisonnement, focalisé sur le matériel, alors que le cœur de son fiancé saigne depuis qu’il vient d’apprendre la vérité sur l’existence de cet enfant illégitime. La fille d’Orson Krennic. Il lui a dissimulé son existence durant des mois. Et malgré tous ses prétextes, la seule raison qui vient à l’esprit de Galen, c’est… Qui est donc la mère ? Orson en fait tout un secret d’état. Il ne lui a pas même donné d’informations sur l’âge de l’enfant. Est-ce que l’enfant est né sur cette île ? Est-ce l’enfant de l’une de ses maîtresses ? Est-ce un enfant issu d’un lointain passé, dans leur monde, avant qu’ils ne soient tous happé jusque dans cet endroit maudit ? Orson Krennic a refusé de répondre aux questions de son amant, et le voilà qui décide de faire un coup d’éclat d’une rare violence. Krennic est désabusé. Le jour du réveillon de Noël. Il s’en va. Sans un mot. Il lui a simplement dit qu’il partait et qu’il n’était pas certain de revenir dans ces conditions. Il lui a parlé de la confiance, comme quoi cette dernière compose le ciment d’un couple stable et uni, qui s’apprête à se marier. Une confiance qui s’est brisée, encore une fois. Orson ment, Orson ment toujours. Pourquoi ? Au fond, c’est un jeu sadique pour lui. Galen est bien trop laxiste. Il dit amen à tout. Orson se permet, car il sait que Galen ne partira jamais. Galen est dans ses filets. Mais… voilà que Galen se met à faire quelque chose qu’Orson Krennic n’a pas cru cela possible de sa part. Galen fait un coup d’éclat. « Tu as fait les courses, tu as commencé la cuisine, fais-moi le plaisir de terminer ce que tu as entrepris ! Tu sais que c’est une chose qui m’exaspère profondément ! On doit terminer ce qu’on entreprend… Toujours ! » se souvient-il avoir aboyé, en face de la froideur et de l’ignorance de son fiancé, Galen Erso, avant que ce dernier ne saisisse clés, téléphone portable et manteau, et s’en aille en claquant plus que violemment la porte de leur appartement à Baker. Le sang de Krennic s’est glacé. La porte claquée, désormais seul avec ses pensées et son dîner… son premier réflexe fut malheureusement de déboucher la bouteille de champagne. Le pop sonore a résonné dans tout l’appartement. Il en a foutu partout. De la mousse sur le tapis, un peu sur le divan. Il s’est servi une première coupe, amer et blessé. Le sang tambourinant dans ses tempes, le cœur battant la chamade, la gorge nouée. Il lui fallait s’abreuver. Il lui fallait oublier ce départ précipité. Il lui faut… espérer que Galen reviendra à la raison, d’un instant à l’autre.

Lorsque quelques coups résonnent depuis le hall d’entrée, Krennic se tend. Aux aguets. Il se persuade une fraction de seconde que Galen est rentré. Avant d’afficher une mine décomposée, en réalisant que Galen a pourtant pris ses clés. Quelqu’un tambourine à la porte. D’abord doucement, presque timidement, puis de plus en plus franchement. Agacé, il récupère d’une main sa bouteille de champagne et sa coupe à moitié pleine de l’autre, et s’en va dans les dédales de l’appartement, ouvrir à cet « invité surprise ». Quelle n’est pas sa surprise… en découvrant la silhouette bien habillée du Grand Moff Tarkin. Un manteau en cachemire, une écharpe de grande marque négligemment dénouée le long de chacune de ses épaules, et le regard froid. Un bleu acier si… profond. Si meurtrier. Krennic en éprouve un frisson le long de la colonne. Il est blanc comme un linge durant quelques secondes, avant de faire surface. Il s’exclame alors, faussement ravi. Il doit mimer l’enthousiasme. Après tout… Jusqu’à cette rencontre, Krennic n’a eu de cesse de jouer le jeu de Tarkin en prétendant être bel et bien amnésique. C’est l’heure de laisser la vérité éclater au grand jour. Quelles qu’en soient les conséquences. Orson a bu. Pas trop, mais un peu quand même. Il ne fera pas dans la dentelle. Il lui en veut plus que tout au monde. Plus que Scarif. Ou presque. Comment évaluer un assassinat de manipulations sur plusieurs années et d’une intrusion dans sa vie privée ? A cause de Tarkin, le seul responsable de tous ses malheurs, cela dit, Galen Erso est en colère. A cause de Tarkin. C’est Tarkin qui a averti Galen sur sa relation relativement proche avec Thalassa. C’est toujours la faute de Tarkin. Même lorsqu’il n’y est pour rien, comme maintenant. Pour Orson Krennic, c’est toujours la faute du Grand Moff.

« Ahhhh mon ami Wilhuff. » s’enthousiasme-t-il d’une voix incroyablement cynique et faussement enjouée, en découvrant sur le pas de sa porte, l’ancien Grand Moff. Dans un geste de nonchalance parfaitement naturel (non ça l'est pas), Krennic laisse reposer le poids de son corps en se tenant sur son épaule, contre le mur de la porte. « Comme se porte mon meilleur ami ? » Cynique, infecte et acerbe, Orson Krennic le jauge de haut en bas. Il ignore le but réel de sa visite, et cela lui est égal. Wilhuff Tarkin n’a absolument rien à faire dans son territoire. Même le soir de Noël. A bas les masques. Krennic sait toute la vérité. Il sait que Tarkin lui a menti sur la qualité de ses souvenirs. « J’ai beaucoup pensé à toi ces jours-ci. Quel merveilleux ami as-tu fait toutes ces années… Pas vrai, Wil ? » Wil. Un idiot de surnom, qui lui vient à l’esprit à l’instant même. Puisqu’ils sont « amis », ils peuvent dès lors s’attribuer des surnoms. Krennic prend un plaisir malsain à le provoquer, c’est du sadisme pur et dur. La pique est cinglante. Il fait référence à ce fameux coup de téléphone à l’attention de Galen Erso, ayant eu pour but de dévoiler à ce dernier sa relation singulière avec Thalassa Tarkin. Il évoque également à demi-mot ces presque quatre années passées sur cette île mystérieuse à se mentir l’un et l’autre sur la qualité de leurs souvenirs. « Je peux t’être utile en quoi que ce soit ? » Il lui fait des courbettes ridicules. Son ton faussement cordial dissimule tout le venin qui brûle dans ses veines. Wilhuff Tarkin déchaîne chez lui… des émotions d’une rare violence. « Je t’en prie, fais comme chez toi. J'ai toujours cinq minutes pour mes meilleurs amis. Rentre donc. » Il fait immédiatement volte-face. « Je ne vais tout de même pas laisser mon meilleur ami à la porte… Quel hôte déplorable je serais… » se moque-t-il en gigotant un peu excessivement les épaules. Krennic sent son sourire s’allonger, pour devenir de plus en plus arrogant et insupportable. Il insiste lourdement sur ce statut chimérique de « meilleur ami », comme pour marquer que les cartes sont désormais abattues entre eux. Krennic est lourd, excessivement lourd avec ses allusions moqueuses.

Il boit son champagne de temps à autres, dos à son « invité surprise », tout en déambulant dans le couloir, jusqu’à atteindre son salon décoré pour l’occasion – contre son gré, soi-dit en passant. « Je n’ai pas de cadeau pour toi, Wil. » ironise-t-il en haussant les épaules, l’air de rien. C’est vrai… qu’on est le soir de ce foutu réveillon de Noël. Krennic déguste calmement sa coupe de champagne en cristal, élégamment parcourue de motifs en forme d’étoile et de sapins — encore une putain fantaisie de Galen. Krennic déteste cela, mais... pour les beaux yeux du scientifique Erso, il est bien capable d'accepter toutes ses mièvreries et ses traditions. « Navré. Je n’ai plus de budget. Tu coûtes terriblement cher… » Son sourire s’élargit discrètement, tandis qu’il termine d’une traite son alcool pétillant et s’affaire à se resservir une seconde coupe, indifférent aux allées et venues du Grand Moff. « Tu es venu te réjouir sur place ? » maugrée-t-il, en affichant un sourire amer. D'un coup de baguette magique, son visage revêt une expression froide, presque malade.Tarkin sait forcément pour Galen. « Galen ne rentrera pas ce soir, il est… en déplacement pour son travail, mais j’ai des choses à faire ici malgré tout. Alors, fais vite. » Mensonges. Il se ment également à lui-même. Galen n’est pas en « déplacement pour affaire ». Galen est en colère. Galen en arrive à l’épuisement. L’amertume se lit dans chacun de ses traits. Pour une fois, sa dispute avec Galen n’est pas le fait du Grand Moff, mais du sien. C’est sa faute si Galen s’en est allé, au beau milieu de leur réveillon. C’est sa faute, et celle de tous ses mensonges, depuis des mois au sujet de son enfant illégitime. Pour une fois, Wilhuff Tarkin n’y est pour rien, mais cela n’empêche pas Orson Krennic de vouloir rejeter la faute sur son bouc-émissaire préféré. Il soupire, tout en attrapant son téléphone portable en espérant recevoir d’un instant à l’autre un message ou bien un appel de Galen Erso. Rien. Toujours rien. Il semble s’agacer tout seul, et range avec colère son Blackberry dans le fond de la poche de son jean.

« Elle n’est pas là. » marmonne Krennic, d'une voix solennelle, comme lors d'un éloge funèbres. « Elle m’a appelé. Elle m’a dit qu’elle te quittait. Je ne sais pas pourquoi. Une histoire de chasse sur Eriadu… Tu aurais emmené l'une de tes innombrables maîtresses à un gala pour ta campagne politique… Il y avait beaucoup d’informations. Je n’ai pas tout compris. » Il déforme grossièrement les propos de Thalassa, encore une fois. Oui, elle l’a vraiment appelé, mais non, elle ne lui a pas dit envisager de quitter son époux. « Elle était en colère. » Il lève finalement ses beaux yeux bleu océan dans les siens, pour chercher la moindre émotion. De la déception, de la colère, de l’amertume, de la tristesse… Il veut lire la douleur de Wilhuff Tarkin dans le bleu acier de ses yeux. « Passer son réveillon seul… C’est triste, même pour quelqu’un comme toi. » Il marque une pause, attendant ce moment avec impatience depuis une dizaine de minutes. C’est l’hôpital qui se fout de la charité. Lui-même… est seul. Galen est en colère. Galen veut le faire réagir. C’est un ultimatum – Krennic le sait. Il doit changer pour s’assurer de la paix dans leur ménage. Il le fera, il prendra de bonnes résolutions. En janvier ? « Grand Moff. » Enfin. Orson ancre avec intensité son regard dans le sien, pour apporter l’impact nécessaire à son annonce. Il exulte intérieurement. Krennic lui cingle son titre d’une voix brûlante, excessivement victorieuse et orgueilleuse. Il gagne à avoir finalement percé le double jeu de Wilhuff Tarkin sur cette île. « L’île… vous fait beaucoup de bien. Rajeuni, c'est remarquable. Vous êtes plus jeune que moi, désormais. Je confesse... une certaine jalousie à cette idée. J'avais plus d'estime pour le vieil homme que vous étiez dans notre monde. Cynique, en fin de vie et de carrière, au bord de la retraite et sénile. » s'amuse Krennic en éclatant de rire à ses propres plaisanteries. Il n'y a pourtant rien de drôle. « Il n’y a décidément pas de justice pour les ordures dans ce purgatoire tropical. » reprend-il sur un ton plus sérieux, en s’attaquant à sa seconde coupe de champagne, qu'il descend en un clin d'oeil. Gigotant dans tous les sens, Krennic vient loger son dos contre le coin de l’une des fenêtres de son salon. L’intensité dans le bleu océan de ses yeux s’intensifie, à mesure qu’il guette une réaction de la part de son interlocuteur. « C’est ce que j’ai demandé au Père Noël, cette année... » Il ironise, encore. « Vous voulez savoir ce que j’ai bien pu demander d’autre ? » chuchote Krennic en adoptant son habituelle voix traînante, tout en jouant avec les quelques gouttes qui restent dans le fond de sa coupe de champagne en les faisant tournoyer dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Wilhuff répond certainement dans sa tête non, qu'il s'en moque, mais Krennic ne lui laisse pas le temps de le rembarrer. Il ouvre la bouche et laisse passer un blanc, quelques secondes. L'impérial laisse planer le mystère, amusé par la situation. La sienne est en dents de scie, mais celle de Tarkin aussi. C’est là son unique réconfort. Il a besoin d’occuper son attention sur autre chose que sur les conséquences de ses récents mensonges. Krennic se met ensuite à farfouiller dans l’une de ses poches arrière, afin de récupérer un paquet de cigarettes. Il en allume une, dans la semi-obscurité du salon. Son regard balaie respectivement la silhouette du Grand Moff et la forme grossière, éclairée comme avec des néons aveuglants, du sapin qui décore un coin de l’immense pièce. « Que l'on vous fasse vivre l'expérience de Scarif. Rien qu'une fois. » poursuit-il, après avoir installé un silence pesant entre eux. Malgré le poids des années, l'ex-directeur impérial est encore profondément amer. Rancunier, mais comment ne pas l'être ? Tarkin l'a fait tuer sans scrupules, sans avertissement. Krennic ne quitte pas d'une seule seconde les orbes glacés de son rival. Ses mains tremblent, il meurt d'envie de lui mettre son poing au visage, de le faire saigner. Krennic désire plus que tout détruire son image. Le détruire. L'entendre s'excuser pour ce qu'il s'est passé sur la planète Scarif. L'entendre implorer son aide pour rétablir l'ordre et la discipline sur l'île. Personne d'autre ne pourra remettre l’Étoile de la Mort sur pied.

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Et voilà que les remarques acerbes et insultantes fusent de tous les côtés. Orson Krennic, déjà bien éméché, les assimile l’une après l’autre et les laisse couler le long de son corps avec une fausse indifférence. Noël l’a-t-il enfin transformé, en l’ayant rendu bienveillant, patient et aussi sage qu’une image ? Doit-on à la magie de Noël ce brusque revirement d’état d’esprit ? Quoiqu’il en soit, Krennic déteste cela. Il écoute distraitement Tarkin l’accuser de naïveté, et pire encore, de stupidité. Il s’en offusque. Au fond de lui-même, le directeur a conscience que ce ne sont pas des paroles en l’air. Il a effectivement fait preuve de naïveté, mais non pas de stupidité, à l’égard de Tarkin. L’intelligence d’Orson Krennic est exceptionnelle, à son humble avis. Il offre en réponse à son pire ennemi une expression impassible. Froide comme une statue de glace. Seulement durant quelques secondes. L’instant d’après, il lâche, dans un soupir exagéré une réplique cinglante dont lui seul a le secret : « Mon intelligence est peut-être déficiente, mais ta femme a su me trouver d’autres qualités… » murmure-t-il en bougeant à peine ses lèvres minces, délicieusement humectées par trois verres de champagne à plus de deux-cents dollars la bouteille. « Plus sportives. » Et toc. Que va-t-il donc répondre à cela ? Krennic et son ton cynique, aussi désagréable que des ongles longeant cruellement un tableau en ardoise. Krennic et son sourire niais. Krennic est insupportable.

Le rictus qui se niche au coin de sa bouche s’élargit au moment de proférer ces mots, devient béat. Krennic marche sur des charbons ardents. Krennic se retient de rire si fort, qu’il doit se mordre la lèvre jusqu’au sang. C’est si plaisant de souligner s’être tapé la femme du Grand Moff. Il savoure le caractère piquant de sa remarque bien placée, en remettant dans l’esprit du Grand Moff l’infidélité honteuse de Thalassa Tarkin. Il l’observe du coin de l’œil en train de scruter les moindres détails de sa décoration d’intérieur, avec une moue boudeuse. Krennic contient son agacement, qu’il comprime férocement en lui. A tous les coups, Tarkin ne retiendra pas une remarque moqueuse, une quelconque critique sur le choix des bibelots ou sur l’organisation de sa bibliothèque. Tarkin compte rester, apparemment. Krennic est le premier surpris par la présence du Moff au beau milieu de son salon. Surprenant, mais… étrangement pas déplaisant. Il ne l’avouera jamais, mais cela lui a terriblement manqué. Les joutes verbales, les moqueries, les regards électriques et enflammés, les chuchotements, les effleurements. Wilhuff Tarkin est son meilleur rival. Son meilleur ennemi. Son tout, depuis le début. Il l’a challengé durant de nombreuses années et poussé à se surpasser, vis-à-vis des pontes de l’Ancienne République et de l’Empire galactique. Sans cette rivalité avec Wilhuff Tarkin, qu’est-il donc ? Orson Krennic n’est rien sans la haine viscérale qu’il voue à Wilhuff Tarkin. Orson Krennic n’est rien sans cette rivalité. Galen a raison de caractériser ce combat comme une obsession. Quelque part, Orson est obsédé par Wilhuff Tarkin, mais surtout par l'envie de tout lui arracher. Il espère obtenir de sa part tout ce qu'aucun autre n'aura jamais été en mesure d'obtenir avant lui.

« J’ai encore deux bouteilles. » fait-il remarquer, plus à lui-même qu’à Tarkin. Alcoolique ? Non… Il a simplement anticipé les festivités du Nouvel an et la possibilité de convier quelques personnes, comme Ronan. (je crois pas que Galen aurait approuvé cela dit) « Assieds-toi où tu veux. » Krennic ponctue sa proposition, – à moins que ce ne soit un ordre, vu le ton cinglant et autoritaire qu’il a emprunté – d’un geste vif de la main. « Je t’apporte un verre. Reste-là. » grommèle Krennic en articulant un mot sur trois, jouant de son accent singulier. Krennic ne lui demande pas de se débarrasser de son long manteau en cachemire mélangé ou de son écharpe, il se contente de le laisser juger cela ou non nécessaire. Ce qu'il peut apercevoir, c'est les coutures d'un costume, sous le manteau, et surtout d'un chemisier qu'il devine d'excellente qualité. Charmant, impeccable. Tarkin ne lésine jamais sur les moyens. C'est sans doute ce qui contribue à l'éventail de sa panoplie de parfait despote, propret et classe. Orson préfère l'insulter ou le critiquer plutôt que de lui reconnaître la moindre élégance. L'impérial se détache finalement de la fenêtre d’un pas traînant, après avoir logé sa cigarette entre ses lèvres, le temps de la maintenir en place et de récupérer une seconde coupe de champagne – normalement destinée à Galen Erso, désormais sorti. Quelques secondes plus tard, le voilà de retour. Tarkin est toujours debout, non loin du canapé en velours foncé. Il s’approche assez près, afin de l’intimider par sa présence. C’est lui, l’hôte des lieux, après tout. Il ne doit pas laisser Tarkin l’aplatir. « Tes sarcasmes m’ont manqué... » Un compliment déguisé en saloperie. Ses sarcasmes lui ont bel et bien manqué, pourtant. Krennic souffle d’une voix rauque, un peu enrouée par le froid d’hiver, après avoir délogé sa cigarette du bout de l’index et du pouce avec sa main gauche.  « J’aurais bien été incapable de vivre sans… » soupire-t-il, en adoptant un ton assez théâtral. Krennic fait mention de ces trois années de mensonges passées en étant complètement amnésique et convaincu d’être sincèrement ami avec Wilhuff Tarkin. « Je te préfère maintenant plutôt qu’en ce meilleur ami qui m’a toujours voulu du bien. » D’un mouvement brusque, Krennic attrape le bras droit de son désagréable invité, pour glisser entre ses doigts fine une coupe en cristal. Vide, pour le moment. Il récupère après la bouteille de champagne, négligemment posée sur un coin de la table pour servir la coupe du Grand Moff. « Jouer, un rôle, Grand Moff… s’apprend. C’est tout un art. Le rôle d’ami… est loin d’être ta meilleure prestation. » s’amuse-t-il en remuant ses épaules, ricanant à moitié. Sur ces mots, il en profite pour souffler un très mince filet de fumée grise, – presque transparente –, sur le visage de Wilhuff. Il souffle doucement, lèvres plissées, le plus lentement possible. Krennic prend son temps, appréciant le fait d’imposer un rythme au Grand Moff. Il y a quelque chose de terriblement érotique dans ce geste. Loin de se vouloir séducteur, il l’est malgré Krennic. Il l’est par ennui, il l’est par jeu, il l’est parce que son esprit logique est embrouillé par l’alcool, ainsi que par le désespoir d’avoir potentiellement perdu l’amour de sa vie. « Essaie autre chose. » marmonne Krennic, en se débarrassant d’un dernier voile de fumée chaude, au contact de sa bouche. Énième provocation. Il le cherche, il le tente, il essaie d’arracher une grimace ou un rictus d’agacement sur le visage parfaitement lisse et sous contrôle du Moff.

Après une courte pause, un silence électrique entre eux, Orson Krennic profite de leur proximité pour observer longuement, les yeux voilés à cause de l’alcool, les moindres traits du Moff. Il le regarde compulsivement, avec une insistance plus que suspecte, perdu dans l’immensité de sa contemplation saugrenue. C’est fou comme il a rajeuni. Krennic ne peut s’empêcher de se faire ce douloureux constat. Les rides du Moff sont bien moins marquées, son grain de peau est plus lisse, et ses yeux… Ces deux orbes glacés, si intenses, qu’ils lui semblent le déshabiller d’un simple échange de regards le foudroie. Il se surprend alors… à en apprécier la vue. Durant une fraction de seconde. Wilhuff Tarkin n’est pas désagréable à regarder. Loin de là, même… Une fois que la réalisation du charme indéniable du Moff s’est frayée dans son esprit, Krennic s’est vu pris de vertiges et de violentes nausées. Il retient sa respiration une seconde. Le cœur battant encore plus fort dans sa cage thoracique et le souffle plus bruyant et même haletant, Krennic rejette en bloc cette pensée comme la pire des insultes. Comment peut-il… A quoi pense-t-il ? Wilhuff Tarkin est une horreur. Laid, infecte, vieux et sénile. Son cœur est mauvais, encore plus noir que le sien, comme de l’encre de Chine. Comme du charbon. Comme de la suie. Wilhuff Tarkin est le Grinch. Il n’y a absolument rien de séduisant… en lui. L’alcool le fait délirer. Mais c’est malheureusement trop tard, car une fois avoir admis le charme structuré de son visage, s’en suit davantage. Il laisse ses yeux se perdre le long des épaules qu’il devine musclées, du fait d’un entraînement militaire dans sa prime jeunesse. Wilhuff Tarkin est bien bâti. Un corps parfaitement bien entretenu. Un corps d’homme de guerre, loin de se laisser aller comme bon nombre de politiciens véreux et incompétents. Wilhuff Tarkin est un homme d’action. Il confesse volontiers quelques points de similitude entre ce corps et celui de son actuel fiancé, Galen. Ils possèdent tous deux une légère musculature, une forte ossature. Ils ont chacun un potentiel... Certes, mais pour quoi exactement ?

Quelque chose vient troubler le fil conducteur de ses pensées, lorsqu’il réalise avoir négligé son champagne. En voulant servir le Grand Moff, l’ex-directeur impérial a maladroitement laissé la bouteille se pencher quelques centimètres de trop. Agité, Krennic se confond en marmonnements inaudibles. Il bouge les yeux de droite à gauche, cherchant à dominer ses émotions violentes. « Ne fais pas attention. » souffle-t-il en marmonnant dans sa barbe inexistante, en réalisant avoir renversé un peu de champagne sur son beau tapis. Il se maudit et s’insulte de tous les noms. Perdu dans des pensées qui n’ont pas leur place pour des raisons évidentes, il en a perdu tout sens commun. « Je détestais ce tapis. » Mensonges. Il a toujours adoré ce tapis. Krennic est intérieurement hors de lui. Il sent son sang bouillonner de rage dans ses veines. Comment peut-il se laisser distraire aussi bêtement ? L’alcool le rend bien trop souple, même avec… ce sombre putain de traître. Krennic préfère faire bonne figure et prétendre que chacun de ses gestes est calculé, alors qu’il n’en est rien. C’est un accident. Un accident… ridicule. Il s’est laissé accaparé par l’obscénité de la situation, par la solitude, ce besoin inconsidéré de se mettre en danger, lui, et toutes les personnes qui l’entourent. Orson Krennic se sent plus que jamais seul, depuis le départ de Galen. Il a beau se convaincre que ce départ n’est qu’un détail, ce n’en est pas un. C’est un ultimatum. Galen lui en veut terriblement. Orson est allé beaucoup trop loin. C’est le mensonge de trop, qui fait déborder le vase. Comment se faire pardonner ? Il y réfléchit, il ne cesse d’y penser depuis des heures… Comment rattraper tous ces mensonges ? Par un autre, beaucoup plus gros, se dit une voix dans son esprit. Cherche, Orson. Tu trouveras et il te pardonnera. Galen te pardonne toujours. Galen ne partira pas vraiment. Galen reviendra avant minuit. (non) Galen reviendra… Si Galen ne revient pas… Et là, à cette pensée, le sang d’Orson se glace. Si Galen ne revient pas… c’est qu’il aura été trop loin et qu’un nouveau mensonge superposé à tous les autres ne suffira malheureusement pas à camoufler le vice qui sommeille en lui.

« Merci. » répond-il, cynique, lorsque Tarkin affirme ne jamais l’avoir vu aussi pathétique avant cette soirée. « C’est ton cadeau pour moi ? » Il ironise encore, cherchant en réalité à masquer le léger voile obscur qui est venu assombrir son regard, au moment de se perdre dans l’immensité de celui de Wilhuff Tarkin. « Je te signale que tu as autant bu que moi. » remarque Krennic, d’un mouvement de la tête. Il désigne Tarkin. Il sait qu’il a bu. Il le sent à son souffle, qui se dépose dans le creux de son cou, à cette distance. Il n’y a pas que cela… Cette odeur… qu’il hume depuis plusieurs minutes avec ravissement, cette eau de Cologne l’asphyxie. Une odeur très masculine, boisée, avec un arrière-goût de musc. Un parfum de très grande marque, qui lui va comme un gant et qui épouse son épiderme à la perfection en le magnifiant de bien des manières. Pupilles assombries, Krennic s’efforce de ne pas cligner des yeux. Il maintient le regard, profondément ancré dans celui de son invité. Une bouffée de chaleur s’engouffre en lui, presque mécaniquement. Un rien ce soir lui donne chaud. L’alcool, les murs, et… l'odeur entêtante de son parfum. Il regrette d’avoir monté le chauffage de son appartement. C’est une torture. Il meurt d’envie d’enlever sa veste, mais se retient, de peur que ce geste soit excessivement mal interprété. Après tout, il ne s’est pas retiré. Stoïque, à quelques centimètres de Tarkin, en ayant gardé son verre dans une main et sa cigarette dans l’autre. Il t’a quitté il t’a quitté il t’a quitté … Plus Krennic y pense, plus cela devient opaque dans son esprit. Il t’a quitté… Krennic a envie de tout casser. « C’est ce qu’il fait toujours … Il part toujours. » rétorque-t-il, incapable de dissimuler la vérité, maintenant qu’elle éclate sous ses yeux impuissants. « Il reviendra. Il revient toujours. » se convaincs Orson, si narcissique qu’il est incapable de lire la détresse dans les yeux de son fiancé. Le départ de ce dernier est symptomatique d'un réel trouble, quelque chose qu'ils doivent tous deux travailler, ou plutôt qu'Orson doit corriger. Sa fâcheuse manie de camoufler la vérité selon ce qui l'arrange, d’omettre des informations, de manipuler constamment son monde. De mentir, mentir et mentir encore et toujours. Un vrai Pinocchio. « A nos conjoints respectifs. » Il lève sa coupe et trinque sans attendre la réaction de Tarkin, en avançant son verre du sien dans un geste empressé. Un léger tintement délicat s’en suit alors. « Ces fugueurs. » complète Krennic, un sourire idiot au visage, ce qui est encore une fois un effet secondaire de sa consommation d’alcool.

« Au fait… Thalassa et moi, on ne couche plus ensemble depuis longtemps, tu sais. Je t’ai menti la dernière fois. Je voulais voir ta réaction. » confesse-t-il, avec l’intention de lui renvoyer l’ascenseur. Wilhuff l’a attaqué sur un registre personnel, il n’y a rien de plus naturel qu’il poursuive ce que le Moff a commencé. « Puisque je suis pathétique, ce soir, je te présente mes excuses pour ces manigances. Je me suis servi d’elle pour t’atteindre. C’était un infantile de ma part. J’aurais pu trouver plus efficace pour t’arracher ce sourire satisfait. » Orson Krennic se vante de son insolence. « On est tous les deux pathétiques. » Deux monstres, dévorés par le pouvoir et leurs ambitions. Les deux faces d’une même pièce. « On passe le réveillon ensemble. Il n’y a rien de pire que ça. On ne peut pas faire pire… que ça. On ne peut pas tomber plus bas. » ricane-t-il, avec un sourire amer et triste. Orson Krennic se trompe lourdement au sujet de cette dernière affirmation. Il peut toujours y avoir pire. Après un court instant de silence, il reprend, en se raclant la gorge pour ne pas s’étrangler avec son champagne à l’idée de poursuivre… sur cette voie. Cela le rend déjà malade. Il prend conscience de ce qu’il s’apprête à demander à son pire ennemi, la pire personne au monde à avoir chez soi, à vrai dire, mais il le fait quand même. Il ne veut pas… rester seul ce soir, après ce qu’il s’est passé avec Galen. Seul avec ses regrets, sa culpabilité… Même si Tarkin doit être sa seule compagnie. Il fera avec. Galen l’a abandonné. Thalassa est occupée. Il n’a personne d’autre. Personne… Wilhuff est là. Infecte, cruel et condescendant, certes, mais il est présent. Il est physiquement là. Il lui prête une oreille. Il doit le garder, au moins ce soir. Juste le temps de retrouver ses esprits. Tarkin doit rester. Il le distraira. Ils s’écharperont, ils se remémoreront Scarif et le bon vieux temps de l’Empire, ils parleront de tout sauf… de ce qui blesse. Krennic lutte si fort pour éviter de penser à Galen Erso. « Parlons-en, tu… Je me disais que… Peut-être… » grogne-t-il, mal à l’aise. Il tire négligemment sur le col de sa chemise, pris par une soudaine bouffée de chaleur. (il y a sans doute du viagra dans le champagne JE SORS) Orson approche son verre de ses lèvres, avec l’intention de déblatérer sa requête gênante, juste avant de vider d’une traite son nouveau verre en espérant s’y noyer ensuite. « Parce que tu restes, comme tu n’as rien d’autre à faire… » Ça y est. Il l’a dit. Il se frappe mentalement à la seconde même. Qu’est-ce qui lui prend de l’inviter ici ? Krennic se met à tousser, une fois être allé au bout de son idée. Quel con. Ce n’est pas parce qu’ils se connaissent depuis plusieurs décennies, qu’ils ont fait la guerre ensemble, qu’ils se connaissent sûrement mieux que leurs propres conjoints pour s’être autant détestés et avoir pris un soin particulier à épier et utiliser les faiblesses de l’un comme de l’autre, qu’ils doivent passer ce genre de festivités ensemble. Orson considère étrangement que la réponse doit être… affirmative.

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« C’est toi qui es de mauvais goût. Toi et ton putain de cachemire hors de prix. Tu veux me narguer, c’est ça ? Tu exposes tes vêtements achetés avec ta carte platinium, pour me montrer que je resterais avec ma pauvre gold toute ma vie ? Toi et ton accent insupportable. Toi et ton parfum à plus de neuf-cents dollars la bouteille. Je le hais. Il empeste mon appartement. Saloperie de riche. Je te hais. » enrage-t-il intérieurement. (oui oui, ça existe j’ai halluciné aussi, j’ai vu ça dans un reportage sur les avions et les clientèles haut de gamme) Il enrage pour des raisons évidentes, liées à sa jalousie maladive et dévastatrice envers le Grand Moff. Wilhuff Tarkin est un vrai riche, non pas un bourgeois arriviste comme Orson est. Un homme issu de la classe la plus haute, les meilleurs, celle qu’il désespère d’atteindre un jour. Cela a toujours été le cas, même dans leur monde. « Donne-moi une raison de t’arracher tous tes beaux vêtements et de te les faire avaler. » se surprend-il à espérer, à force de se brûler les yeux à contempler le détail recherché du léger pull en cachemire à col V du politicien. Cette pensée comporte une ambiguïté qui le laisse figé comme une statue. Il est pris d’un coup d’effroi. Orson Krennic encaisse énormément de choses devant le Grand Moff. Les commentaires de ce dernier sur le charme de certains éléments de son mobilier ou de sa décoration d’intérieur sont de parfaits exemples. Il se contente de grimacer devant les réflexions de son pire ennemi, retenant tant bien que mal son envie de le frapper avec la bouteille de champagne hors de prix. Même le sourire hypocrite et faussement niais qu’il lui adresse ne suffit pas. Au lieu de se ruer sur son rival, ses doigts se referment sur le bout de sa cigarette, longuement, jusqu’à s’en brûler la pulpe de l’index. Il parvient à comprimer férocement toutes les émotions explosives que Wilhuff Tarkin fait grandir en lui. Il ignore si c’est la température élevée de son appartement, les couleurs aveuglantes des guirlandes électriques de son sapin, ou bien encore l’alcool pétillant qui lui monte au cerveau, mais plus ses yeux se mettent à détailler avec soin les rides d’expression de son interlocuteur, et plus sa vue se trouble.

« Je… » souffle-t-il en réponse, lorsque son interlocuteur s’étonne de sa proposition. Lui-même en tombe des nues. Comment peut-il un instant envisager de passer son réveillon avec son pire ennemi, l’homme qui l’a fait froidement exécuter. Krennic doit vraiment être désespéré, à Noël. (il déteste tellement Noël qu’il a le cerveau à l’envers pendant les fêtes) « Je ne te mets pas le couteau sous la gorge. » grommelle-t-il avec hargne, d’une voix sèche, en proférant cette remarque en adoptant un débit de parole relativement élevé, comme un petit roquet. « C’est une proposition comme une autre. » Krennic espère retrouver un peu de dignité. Il hausse les épaules, en donnant l’impression de se moquer de la présence ou de l’absence du Moff entre les murs vides de son appartement. Le menton levé, tirant une nouvelle fois sur sa cigarette, Orson souffle ensuite la fumée sur le côté en prenant un air désinvolte. « Je l’aurais demandé au premier venu… » Krennic ment comme Pinocchio. Il aurait refermé la porte au premier venu, en réalité, sans même répondre à ses sollicitations. Fortement alcoolisé, Krennic est mal à l’aise dans ses propres mensonges, au point de révéler de nouveaux tics de langage ou de gestuelle. Comme sa manie à remuer légèrement les épaules, à former une grimace sur le côté de sa bouche tremblante, ou même à ricaner bêtement. « Je veux tuer l’ennui avec un visage familier, rien de plus, ne fais pas de plans sur la comète. Je ne te porte nullement en sympathie. Rien n’est oublié. Nous avons toujours de sérieux contentieux. » Mais c’est Noël. Il vaut mieux ne pas mettre ces derniers sur le tapis, n’est-ce pas ? Tarkin est face à lui, bien installé et débarrassé de son manteau d’hiver, – si élégant, ne peut-il s’empêcher de penser à contre cœur. Le Grand Moff lui fait souligner l’absurdité de son comportement, à juste titre. Orson est chez lui, mais ne se comporte pas comme tel. Il n’ose pas s’asseoir. Pas à côté de lui. Finalement, c’est la remarque de Tarkin, qui le fait esquisser un premier geste. Autorisé par Tarkin à s’asseoir, il se plie au jeu. Il prend place, et se sent frémir au moment de frotter négligemment sous l’effort son genou contre le sien. Cette proximité lui hérisse les poils des bras, heureusement dissimulés sous sa chemise blanche.

Krennic réfléchit quelques secondes sur la meilleure justification possible, mais rien ne lui vient. Il se contente alors de terminer sa coupe de champagne, gorgée par gorgée, tandis qu’un silence plus que pesant s’installe entre les deux impériaux. Il se sent étrangement comme… lors d’un rendez-vous galant, alors qu’il n’y a absolument rien de galant entre eux. Pas non plus d’attirance physique quelconque, se persuade Orson. Ils ne s’attirent pas comme des aimants. Ils se vomissent dessus. Orson passe ces quelques minutes à l’insulter dans ses pensées, jusqu’à ce que le contenu désormais vide de sa coupe ne le sorte de sa torpeur mentale. « Je te ressers aussi ? » fait-il avec une politesse toute calculée, en ronronnant presque, tout en se penchant pour s’emparer de la bouteille de champagne qu’il a précieusement déposé dans un immense seau plein de glaçons. « Tu m’as demandé ce que nous pourrions faire, eh bien… Wilhuff, c’est simple. Nous pourrions déjà commencer par descendre cette bouteille… C’est triste de boire seul. Heureusement que tu es là. » De toute manière, que Wilhuff soit présent ou non, elle n’aurait pas fait long feu d’ici demain matin. « C’est Noël. » Il souligne en souriant, plein d’ironie, mais le cynisme ne s’arrête pas là. « Tu as un cadeau pour moi ? » Krennic étouffe un rire avec son champagne, avant de poser sur lui ses yeux bleus, luisant d’une intensité nouvelle et rare. « Plus sérieusement... Je pensais que nous pourrions faire… une sorte de trêve, au moins pour ce soir. Je ne veux pas me battre avec toi, et je pense que toi non plus, tu ne désires pas être dans le conflit. On est déjà suffisamment sous pression. » soupire Orson, le visage légèrement assombri, en repensant à sa situation compliquée avec Galen Erso. « Alors, dis-moi… Parle-moi un peu de toi. » Mieux vaut parler de Tarkin, selon Krennic. Détourner tout ce qui peut revêtir un caractère personnel ou une information sensible susceptible d’être glissée par mégarde, dans un état comme le sien. « Des projets ? Tu as parlé à l’Empereur récemment ? » murmure Orson, semblant s’intéresser davantage au reste d’alcool dans la bouteille de champagne que de ce que prépare réellement l’Empereur Palpatine. « Je suppose que tu ne lui as pas encore fait part de mes propositions pour ces nouveaux schémas. » Il fait la conversation, en espérant naïvement avoir une bonne surprise, bien qu’il ait cessé de compter dessus depuis des années. Tarkin ne lui a encore jamais donné satisfaction en quoi que ce soit. Cette pensée le rend amer. Elle le distrait tant de la réalité de leur conversation, qu’en resservant la coupe de Tarkin, il commet l’imprudence de laisser le champagne pencher bien trop bas, ce qui laisse répandre un peu d’alcool sur la cuisse gauche de son invité de marque. Quelle erreur.

« Attends. » grimace-t-il, sur un ton directif, en se mordant la lèvre pour avoir eu un second moment de distraction inattendue, causée principalement par la présence du Moff. Il veut s’enterrer vivant. Krennic ne se confond pas en excuses, mais agit. Il récupère une serviette se trouvant sur un coin d’une table basse en marbre, avant de la jeter sur la cuisse mouillée de Wilhuff Tarkin. « Laisse-moi faire. » Un chuchotement s’échappe de ses lèvres humides, qu’il caresse avec le bout de sa langue, un réflexe illustrant sa gourmandise. Ce chuchotement qui se veut autoritaire, mais qui s’avère terriblement chaud, en étant prononcé avec le ton rauque qu’il emprunte. L’alcool n’a pas manqué de salir le pantalon de costume de marque de Tarkin, plus vers l’intérieur de sa cuisse que vers le genou, cela dit. Hésitant quelques secondes au vu de la localisation plus ou moins sensible, il décide finalement de poser le plat de sa main, spontanément, sans réfléchir. Krennic le fait machinalement, comme si cela avait été Galen. (ça commence bien s’il se met à les confondre, c’est un rendez-vous chez l’ophtalmo qu’il faut que Galen lui prescrive) Les secondes sont de plus en plus pesantes. Ce silence le rend malade, bien plus que ce qu’il a la « courtoisie » de faire pour le politicien. Orson entreprend de frotter la cuisse de Tarkin par-dessus le chiffon, en opérant de légers mouvements circulaires, dans le but de le débarrasser de toute trace d’humidité. Il s’attarde un peu trop, au bout d’un moment, sur l’intérieur de cette cuisse musclée, offerte malgré eux à un premier rapprochement. Orson a comme déconnecté son cerveau, en prenant ce tissu pour réparer sa maladresse. Seulement quelques millimètres séparent désormais sa main de l’entrejambe de Wilhuff Tarkin, qu’il touche par poussées, au contact nonchalant de cette dernière à sa montre en cuir. Comme dans un état second, plus ses doigts remontent sur la naissance de la cuisse de son invité, plus ils commencent à trembler, en serrant fortement dans le même temps le chiffon de coton. Il ne parle pas, il préfère ne rien dire. Il ne regarde même pas Tarkin. Il se focalise sur une simple tâche qui prend un caractère plus obsessionnel au fil des minutes. Le silence qui règne entre eux est solennel, au point que ce serait un sacrilège que de venir le briser. Krennic réalise qu’en un battement de cil, sa main s’est accrochée avec fermeté à la cuisse épaisse de Tarkin. Il comprend peu à peu que son souffle s’accélère, se fait plus haletant et surtout beaucoup plus bruyant. Il souffle ensuite les restes de fumée emprisonnées dans sa gorge, désormais sèche et brûlante. Krennic ne peut désormais nier que cet exercice lui fait quelque chose d’atrocement chaud. Cela ne l’arrête toutefois pas encore. Le bout de son index effleure avec prudence l’entrejambe de l’impérial. Un coin, pour commencer, avant d’errer longuement sur la surface entière. Il ne fait qu’effleurer le tissu chic qui se révèle si fin, à la manière d’une caresse aérienne. Timidement, toujours armé du chiffon, Orson persiste dans son exploration, assez inconsciemment, jusqu’à rencontrer le cliquetis métallique de la braguette du Moff. Cela le fait en revanche stopper net dans son exploration soudaine. Il laisse sa main tremblante sur le sommet de l’entrejambe de son rival, comme dans un état de choc, tandis que ses doigts serrent presque compulsivement le chiffon, et dans le même temps, se referment sur la virilité entière de Tarkin. Cela lui fait réaliser qu’il s’est un peu trop… laissé aller, avec son chiffon, en voulant éponger le pantalon. Ce n’est pas lui qu’on touche, mais il récupère ces sensations vertigineuses comme si elles étaient siennes. Krennic est parcouru de frissons désagréables, sans doute parce qu’ils sont en soi extatiques et divins. Parce que ces frissons sont merveilleusement bons, Krennic préfère les assimiler à quelque chose d’horrible et de douloureux. Il ne peut prendre le risque d’éprouver une quelconque forme de plaisir. « Ne crois surtout pas que… » marmonne-t-il enfin, en brisant le silence électrique. Krennic se coupe en fin de phrase. Que quoi ? Qu’il en a eu envie ? Depuis cinq minutes au moins, son intention de simplement éponger la tâche d’alcool sur le pantalon de Tarkin s’est muée en autre chose. La tâche est désormais bien nettoyée. Un peu trop, nettoyée. Avec beaucoup trop de vigueur, de perfection. « J’ai glissé. » Il sort cela, dans le but d’excuser son comportement, mais il n’enlève pour autant pas sa main. Pas tout de suite. Krennic est comme paralysé devant son propre acte. « Je n’ai pas dépassé les bornes. » Si. « Tu en avais jusqu’à ta ceinture. » Sa ceinture ? Pourquoi tripoter sa braguette, dans ce cas ? Et quand bien même, cela reste un mensonge, la tâche n’est pas allée aussi loin, bien qu’elle se soit installée si près de son entrejambe. « Je te ressers ? » dit-il en se raclant la gorge. Il a comme une impression de déjà-vu. Oui, c’est ce qu’il lui a déjà proposé, il y a quinze minutes maintenant. Orson est confus, perturbé, surpris par sa propre audace. Il doit noyer sa honte dans son champagne. Ce qu’il fait, en lâchant le chiffon et surtout l’entrejambe de Tarkin, pour récupérer sa propre coupe. Il se met alors à boire en toute hâte, les yeux rivés sur l’écran silencieux de sa télévision. Une chaîne météo. Oublier ce fâcheux incident. Voilà la solution. « Tu prends des vacances cette année ? Apparemment, l’hiver sera rude. Ils annoncent des tempêtes de neige ces prochains jours. » Oui, bien sûr, parler du beau temps. C'est une facilité. Une fuite en avant. Krennic peine à assumer les désirs de son propre corps, de ses propres mains qui se sont permises des choses horribles. (ça dépend pour qui) Il s’enfonce, le regard fuyant et le rire nerveux bien trop facile. Ses doigts tremblent autour de sa coupe de champagne. Avec un peu de chance, Tarkin fera mine de rien.

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