(abandonné) (( lies are gonna make you sad someday )) ✧ – gannic – (( nsfw ))

Est-ce qu’il peut officiellement affirmer avoir foutu en l’air toute sa vie ? Est-ce que toute sa carrière n’est désormais plus que… poussière, en raison d’un simple coup de folie ? D’excès répétés qui le placent en tête d’affiche dans les pires journaux à scandale qui existent ? Orson Krennic, célèbre acteur américain du cinéma, véritable star d’une saga de science-fiction, ainsi que d’une série à succès sur la plate-forme Netflix, est au cœur de la tourmente depuis six long mois. Un divorce houleux avec une autre actrice américaine, qui elle, s’en sort remarquablement bien. Orson incarne un antagoniste dans la majorité de ses films. Jyn, est l’héroïne. La petite fille chérie de l’Amérique. On l’assimile encore au bad boy, cette image fabriquée de toutes pièces par ces multiples rôles certes récompensés, mais Ô combien détestés. Jyn Krennic n’est désormais plus que de l’histoire ancienne. Leur relation a duré quatre belles années, fusionnelle et profonde. Il en a été sincèrement amoureux. Il est même tombé amoureux d’elle sur le plateau de tournage, au bout de quelques mois seulement. Il se souvient l’avoir conviée à un dîner au restaurant, après leur dernière scène. Orson a passé une heureuse année, et trois autres dans les ténèbres d’une relation abusive, psychologiquement instable et faite de heurts constants et répétés. Jyn a son caractère. Jyn est violente. Jyn est dépressive. Jyn se drogue, parfois. (mon dieu, je suis horrible, ma Jyn d’amour je pleure, faut que j’arrête avec les parallèles d’un autre divorce hyper médiatisé… *siffle*) Elle l’a accusé de l’avoir violenté durant tout leur mariage. Ce qui est faux. Orson n’a jamais été un homme violent, certes un peu excessif et solitaire. Sa parole contre la sienne. On l’a cru, bien évidemment. Il a presque tout perdu. Son procès, la moitié de sa fortune et tous ses contrats actuels. Une véritable descente aux Enfers.

C’est ce qui le conduit aujourd’hui, à l’approche des fêtes de fin d’année, à retourner dans sa ville d’enfance, à Cape Elizabeth, dans le Maine. Orson a besoin de s’évader, pour oublier toutes ces histoires odieuses, comme lui a scrupuleusement conseillé son agent, Brierly Ronan. (toujours là, celui-là) Il s’entend dire à Brierly, d’une voix hachée en tapant du poing sur la table : « Si je m’en vais, même quelques temps, tout le monde croira les fantasmes de cette putain de conne ! ». Oui, c’est le risque, mais… Brierly lui a rappelé que sa carrière est pour le moment en stand-by, tant que les évènements ne se sont pas suffisamment tassés. Il a réussi à convaincre l’acteur, en insistant lourdement sur l’intérêt pour lui de prendre quelques semaines de congé pour retourner aux sources. Retourner à la vie sauvage. Loin des feux des projecteurs, loin des paparazzis, loin des insultes sur les réseaux sociaux, loin des tribunaux. Loin… d’elle, surtout. Orson peine encore à l’admettre, mais il a véritablement eu le cœur brisé, le jour où son ex-femme a déposé une demande de divorce aux torts exclusifs de l’acteur, pour motif de violences. Elle l’a détruit, quoiqu’il en dise. Brierly, son proche ami, essaie d’être la voix de la raison qui lui fait cruellement défaut. Quelques semaines loin de Los Angeles lui feront le plus grand bien. Quelques semaines auprès de sa famille, – qu’il n’a pas vu depuis des années, cela dit… l’aidera grandement à prendre un nouveau départ. Brierly a raison. Orson doit se raisonner. Passer les fêtes de fin d’année dans sa ville natale, afin de profiter du froid et de la neige, – quelque chose qui fait d’ailleurs tant défaut à l’État de Californie…

Un véritable retour aux sources. Orson Krennic ne peut s’empêcher de grimacer, en pensant à ce qui l’attend, une fois arrivé. Il roule, à bord de sa Range Rover rouge métallisé sur les routes toutes plus insignifiantes les unes que les autres. Le paysage est beau, sincèrement, mais il n’en a cure. Krennic ne pense qu’à une seule chose : retrouver sa gloire et sa réputation d’antan. Au plus vite. Les choses évoluent beaucoup trop rapidement dans le monde du cinéma, Krennic refuse d’être pris dans une tempête médiatique fatale. Les récents évènements sont encore si profondément imprégnés dans sa mémoire, qu’il grimace en entendant quelques commentateurs à la radio discuter de ce qu’ils qualifient de « pire divorce de l’année ». Il écoute, les dents serrées et la mâchoire contractée, les voix faire l’écho de sa prétendue violence et de ses caprices d’enfant gâté. Krennic fracasse à plusieurs reprises le volant de sa voiture de luxe d’un coup de ses paumes. Elles sont brûlantes. Il hurle, seul dans son véhicule, avant d’éteindre cette putain de radio. Comment faire table rase d’un scandale qui, bien que vieux de quelques mois, ne cesse de s’échapper de la bouche des journalistes et autres commentateurs ? Leur cruauté le blesse, autant qu’elle le place au pied du mur. Sa carrière… est tout ce qu’il a dans la vie. Tout ce qu’il a accompli de bien en plusieurs décennies de vie. Imaginer sa carrière réduite à néant sur des propos mensongers et des rumeurs fait bouillir ses veines. Il ne peut envisager cela possible. Ronan l’a averti. Il doit se préparer à toutes les éventualités, y compris celle… de demeurer le méchant de l’histoire pour la fin des temps, comme pour la majorité de ses films. Les méchants n’obtiennent jamais de fin heureuse, ainsi va le cours naturel des contes de fée.

Au bout de quelques heures, l’acteur arrive enfin dans l’hyper centre de Cape Elizabeth, dans le Maine. Il se gare face à un immense domaine. C’est son « airbnb » pour le temps de son séjour, soit un mois. Une sorte de gîte, près des montagnes, à quelques kilomètres d’une forêt. En pleine nature. En s’extirpant du véhicule de métal impeccablement vernie, Krennic hume l’air frais et pur des montagnes. Il lui semble même sentir un léger arrière-goût iodé… Il doit y avoir un lac, de l’autre côté de l’établissement. Un lac où pêcher sans doute. (ils adorent la montagne et les lacs) Mains dans les poches de son jean brut d’une marque de luxe allemande, Orson Krennic est forcé d’admettre que le décor n’est pas bien désagréable. Il ne séjournera pas chez ses parents et sa jeune sœur, en préférant ne pas leur imposer sa vue et ses manières de divorcé aigri. Satisfait d’un choix qu’il a pourtant critiqué durant des heures, après que Ronan lui a eu délivré les informations quant à son lieu de séjour, il s’élance alors, valises en main, jusqu’aux portes. Krennic grimpe les marches en pierre grise, une par une, avec précaution pour ne pas se prendre les pieds quelque part. Sur le pas de la porte, il aperçoit une petite clochette argentée qu’il fait tinter énergiquement, – avec empressement, afin d’annoncer sa venue. Rien ne vient. Cette attente est interminable pour un homme aussi nerveux qu’Orson Krennic. Il entre alors, n’en pouvant plus. Cela ne fait pourtant que cinq minutes, mais ces cinq petites minutes sont déjà cinq minutes de trop. Une vraie boule de nerfs, plein de remords et d’incertitudes. En entrant dans le hall, la décoration très rustique mais chaleureuse le frappe, tout comme les décorations de Noël suspendues dans tous les sens. Krennic grimace. Oh, comme il peut détester Noël…

Un cri s’élève dans l’air. Celui d’une petite fille, pas plus haute que ses jambes. A la peau blanche comme la neige, aux grands yeux clairs, – comme les siens – et aux cheveux ondulés d’un très beau châtain foncé, aux reflets légèrement auburn. Elle court dans sa direction, sans prêter attention au professionnalisme de l’établissement. Krennic soupire intérieurement. Elle se jette presque dans ses bras, trébuchant sur un bout du tapis aux motifs traditionnels, qui se trouve étendu au centre du hall d’entrée. Immédiatement, Krennic la repousse en apposant sa paume contre le front chaud de la petite fille. Il réalise un léger mouvement de recul, pour s’assurer qu’elle ne le touche pas avec ses doigts… sans doute sales. Après tout, c’est une enfant. Une saloperie de gosse mal élevée. Où est-elle allée traîner encore ? « N’approche pas plus près, gamine, c’est du cachemire. » grogne-t-il, tout en roulant ses beaux yeux d’un bleu océan au plafond, en signe d’exaspération. Krennic désigne son élégant pull en col V, dissimulant une chemise blanche rigide en coton égyptien en-dessous, et une veste de costume en velours couleur chocolat par-dessus le tout. « Il est où ton père ? » renchérit l’acteur, avec condescendance, avant même que la petite fille ne prenne le temps de digérer cette froideur insupportable. Qu’il la rende à son père, ici et maintenant. Orson ne désire pas un seul instant perdre une seconde de son précieux temps. L’enfant baisse les yeux, triste pour une raison qu’elle ignore sans doute elle-même. L’île mystérieuse déforme leurs souvenirs et leur fait prendre d’autres identités, en cette veille des fêtes de fin d’année. La réalité, c’est qu’Orson Krennic n’est pas acteur et qu’il est… son père biologique.

Alors qu’il se prépare à la gronder ou lui empoigner le bras, qu’importe, une silhouette masculine fait son apparition au fond de la pièce. Le propriétaire du gîte en pleine nature. Galen Erso. Ils ne se connaissent pas, mais… c’est comme si. Comme si… Comme s’ils avaient déjà partagé des moments précieux d’intimité. Orson l’observe longuement, la bouche entrouverte et les yeux brillants. Il le regarde comme on regarde l’objet d’un premier coup de foudre spectaculaire. Ce qu’il éprouve pour lui, à cet instant, est proche du surnaturel. Un besoin de le prendre dans ses bras. Un besoin de l’embrasser jusqu’à lui couper le souffle. Un besoin d’étreindre sa peau chaude sous la pulpe de ses doigts pressés, de se faufiler sous ses vêtements et de savourer les battements réguliers de son palpitant. Oui… Cet homme éveille en lui des instincts mièvres, qu’il est persuadé de n’avoir jamais éprouvé pour qui que ce soit, pas même pour son ex-épouse Jyn. « Je… » bredouille Krennic, embarrassé et surtout pris la main dans le sac, avec l’enfant d’un autre. Il regrette immédiatement sa froideur, son arrogance. Et si cet homme avait tout entendu, que penserait-il de lui ? Orson déteste les enfants, c’est bien vrai, mais… Cette petite fille est innocente, elle n’a rien fait de mal. Elle n’a pas mérité… d’être ainsi rejetée par un illustre inconnu. « Pardon. Je suis fatigué du voyage. » prétexte-t-il en baissant les yeux vers un point fixe dans le hall, comme la vieille horloge en chêne sculpté. Il peine à croire ses propres mensonges. « Vous êtes le propriétaire des lieux, je suppose. Orson Krennic. J’ai une réservation à mon nom. C’est mon agent qui l’a prise pour moi, mais… » Il s’arrête, est-ce si nécessaire de préciser l’anecdote avec son agent ? Non. Krennic le fait, étrangement, pour que l’homme ne puisse pas penser qu’il s’agisse d’un quelconque soupirant. Ronan n’est pas son amant, son fiancé, son petit ami ou son mari. « J’ai besoin de me reposer… » souffle-t-il, tandis que les yeux d’un bleu électrique de la petite fille ne cessent de le couver. Il essaie de l’ignorer, mais l’enfant est littéralement obsédée par lui. Elle l’admire de ses yeux brillants et humides. Elle l’observe comme un enfant découvre son père pour la première fois. Elle se rapproche même, afin d’effleurer de ses petites mains un bout du jean de l’acteur. Elle veut le toucher, sentir sa présence, savoir qu’il sera toujours là pour la protéger. Elle veut qu’il la regard enfin et la reconnaisse, lui dise qu’il ne la quittera plus. Qu’elle ne sera jamais seule. Orson ignore toutes ces sollicitudes. Il les ignore en gardant le menton bien droit et le regard rivé sur l’expression médusée du visage de Galen Erso. La fillette éprouve un sentiment de familiarité, de tendresse et même d’amour en présence d’Orson. Aucun des trois ne conserve de souvenirs, mais tous les trois sont liés. Deux d’entre eux, plus que les trois, cela dit. « Votre… enfant… Qu’est-ce qu’elle a ? » souffle-t-il enfin, incapable de continuer son petit jeu d’indifférence plus longtemps. L’enfant se met à tirer sur les pans de sa veste en velours côtelé. Krennic s’éloigne d’un pas, mais la fillette rompt les nouveaux centimètres qui les séparent pour demeurer près de lui. Un vrai pot-de-colle. « Elle est butée. » soupire-t-il, en jetant sur elle un regard réprobateur. Comme son père. Son vrai père. Lui.

Jyn. La petite s’appelle donc « Jyn ». Étrangement, Krennic trouve ce prénom lointain, si lointain… Il lui semble que quelque chose cloche, n’est pas à la place qu’elle doit être. Une voix dans sa tête, qu’il étouffe avec peu de succès, hurle que ce n’est pas le prénom de cet enfant. Que cette même petite fille adorable aux grands yeux d’un bleu aussi bleu que les eaux turquoise des Caraïbes… lui ressemble bien plus qu’elle ne ressemble à ce Galen Erso. La même voix lui affirme de prendre l’enfant dans les bras et de quitter cet endroit sur-le-champ. Cet enfant… est la sienne. C’est la tienne, Orson, ne t’en rappelles-tu donc pas ? s’entend-il chuchoter dans un coin de sa tête. Krennic agite négativement le visage, pas convaincu par la portée de cette pensée. Cet enfant ne peut être le sienne. Il n’a pas d’enfant. Il pense n’en avoir aucun. Et encore moins… une si adorable fillette, un brin capricieuse, – comme son père.

Comme son père…

Comme Orson.

« Non, ne vous en faites pas, ce n’est… » s’entend-il dire, la main gauche ayant relâché l’un de ses sacs de voyage d’une marque de luxe française, Louis Vuitton (on se refuse rien), pour s’agiter négligemment de droite à gauche. « …pas grave. » Krennic déglutit, la gorge sèche. Il se surprend à finalement déplorer la manière dont le tenancier de l’établissement vient de parler à cette jeune enfant. Il s’insurge, même. Comment peut-il faire du mal à « cette fille » ? Comment peut-il lui ordonner de s’éloigner de lui, la mine boudeuse qu’elle affiche lui déchire le cœur pour des raisons inexpliquées… Ce n’est pas sa fille… Si ? Orson, réveille-toi. Elle t’agace, à quoi joues-tu ? C’est la fille du propriétaire. Tu n’as aucun droit sur elle… La voix de la raison martèle quelques recommandations, auxquelles Orson Krennic ne prête qu'une attention distraite. Orson Krennic ne l’écoute qu’à moitié, pleinement focalisé sur le visage Ô combien familier de l’enfant. Jyn… Jyn ne le dérangera jamais… Jamais. Il pensait qu’elle le gênerait, dans les premiers temps, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. « Elle est magnifique. Sans doute aussi belle que votre femme. Sa mère… travaille-t-elle avec vous ? » lance Krennic par curiosité malsaine, les mains dans les poches de son jean brut. L'acteur se surprend encore à vouloir en apprendre plus sur elle. Une part de lui dispose pourtant déjà de toutes les réponses. L'autre part espère se voit confirmer le célibat de son interlocuteur. Quelque chose lui dit... qu'il l'est, sans preuve quelconque. Juste une impression. Krennic se sent de plus en plus fébrile, ce qu'il tente de camoufler, comme le très bon acteur qu'il est depuis des années. Fébrile, parce qu'il espère obtenir une réponse satisfaisante à sa question, comme un potentiel divorce ou un terrible veuvage... Orson ne peut expliquer pourquoi, mais il doit s'assurer de la disponibilité émotionnelle, sentimentale et même sexuelle de son interlocuteur. Il désire tant que cet homme le soit. Disponible en tous points de vue, rien que pour ses beaux yeux... Krennic accompagne cette question des plus indiscrètes, mais déguisée, par un léger rictus en coin se voulant charmeur. Il rit un peu, afin de détendre l'atmosphère anormalement pesante entre eux, pour que Galen ne décèle pas l'importance cruciale de ce qu'il s'apprête à lui répondre.

Enfin, Krennic décide de s’approcher d’un pas en laissant ses sacs sur le pas de l’entrée. Galen Erso, le propriétaire, arrive pour lui serrer la main. Il baisse spontanément les yeux vers cette main puissante, délicatement veinée, qui s’empare de la sienne avec un automatisme qui le dépasse… Cette main tremble, se fait-il remarquer. N’est-ce pas étonnant ? Orson est un grand acteur. C’est l’effet qu’il produit constamment. Cette fois, pourtant, cela le touche plus qu’à l’accoutumée. Il en est même profondément ému. Krennic répond en enroulant ses doigts chauds autour des siens, incapable de les lâcher, malgré la poignée de main effectuée. Au lieu de cela, Krennic plonge l’immensité de ses yeux océan dans ceux de Galen Erso. Le clair et le sombre s'observent alors, dans une danse lente et agonisante. « C’est exact, en effet. Je suis bien Orson Krennic. Vous avez dû… me voir dernièrement dans Rogue One. J'ai même reçu un prix pour cette interprétation. » affirme-t-il en évoquant son dernier film de science-fiction, lorsqu’Erso vient demander la confirmation de son identité. Krennic ne peut s'empêcher de chercher à glorifier ses travaux ou son physique, fier d'être parvenu à devenir quelqu'un, en partant du néant. C’est idiot de la part du propriétaire de l’établissement, car après tout, qui n’a pas connaissance du visage ou même du nom d’Orson Krennic ? La star des blockbusters. De Marvel, Star Wars, jusqu’aux films de Steven Spielberg. La grande vedette de la saga Star Wars. Il y interprète le rôle d’un antagoniste très côté, – un impérial. De plus, ne s’est-il pas déjà présenté, quelques minutes plus tôt ? Qu’importe, finalement. Krennic se sent délicieusement happé par la vision de rêve qui se trouve sous ses yeux. Un homme au type nordique et à la peau blanche comme la neige, à l’épiderme fin et délicat. Deux orbes couleur chocolat, assombris et voilés… comme avec un-je-ne sais quoi de nostalgie. Un nez parfait et allongé, un menton carré et prédominent, des lèvres rosées que l’on a envie d’embrasser. De chérir plus que tout au monde. Cet homme inspire à Orson Krennic des envies incongrues, qui ne lui ressemblent pas en temps normal et qui le font agir avec maladresse. « Enchanté. » Orson lui sourit. Mince, furtif, très charmeur. Un sourire commercial que l’on découvre à la télévision, mais qui revêt à cet instant la plus pure expression sincère. « Vous êtes ? » Il l’interroge sans plus tarder, tout en brûlant intérieurement de connaître la vie de ce mystérieux étranger, qui n'en est réellement pas un.

C’est une question ridicule de sa part, puisqu’il lui semble déjà le connaître sur le bout des doigts… Il lui semble même savoir qu’il adore cette légère fossette sur le sommet de son menton. Il lui semble également savoir que s’il l’embrasse, là, dans le creux de son cou, non loin de sa jugulaire, l’homme ne s’empêchera pas de gémir de satisfaction. Quelle idée ? Il agite la tête, en fermant la parenthèse enchantée. C’est absurde, se dit Krennic. Pourquoi avoir de telles pensées obscènes ? Orson est perdu. En tant qu’acteur, il est familier de toute forme de proximité physique. Il a côtoyé de très grandes stars, des hommes merveilleux, des femmes au corps de rêve. La proximité physique ne le choque en aucune façon, et il ne se déstabilise pas aussi facilement. Pas en temps normal. Cet homme qu’il croit connaître, jusqu’aux moindres détails lubriques, n’est pas quelqu’un de normal. « Le voyage s’est bien passé… » marmonne-t-il, dans sa barbe inexistante. Non, le voyage s'est très mal passé, mais ce n'est pas ce qu'il désire lui dire. Ce n'est pas le sujet qu'il espère aborder avec le tenancier du gîte. Krennic peine à articuler durant quelques minutes au moins, se sentant autant décontenancé que Galen Erso par ce flot de sentiments tendres et chauds qui s’engouffrent en eux. Des sentiments qui n’ont pas lieu d’être entre deux illustres inconnus. « Je prendrais bien un whisky sans glace. » répond Krennic, aussi doux qu’un agneau, de sa voix la plus douce et enjôleuse possible. Il est temps de lâcher la main du propriétaire de l’établissement, mais… Orson s’en montre bien incapable. Au lieu de cela, l'acteur conserve cette main puissante dans le creux de la sienne, sans briser un seul instant le contact visuel. Leur orbes se toisent, longuement, avec mélancolie.

Il est difficile de nier le léger sourire qui s’est installé au coin des lèvres d’Orson Krennic, au moment précis où son interlocuteur lui annonce la mort tragique de son épouse, – une femme dénommée Lyra. L’acteur américain ignore pourquoi, mais… Ce prénom, celui de Lyra, lui fait l’effet d’un grincement d’ongles sur un tableau en ardoise. Il le déteste au plus profond de sa chair pour des raisons qui lui sont encore inconnues. Pourquoi donc, finalement, se raisonne-t-il ? Il n’a jamais eu le grand plaisir – ou déplaisir, cela dit – de faire la rencontre de cette soi-disant Lyra. Peut-être est-ce la légère flamme de jalousie qui brille dans le fond de ses yeux qui est la cause de tous ses maux, ou bien ses crampes d’estomac. Peut-être est-ce simplement l’idée que cet homme qu’il vient tout juste de rencontrer puisse avoir eu une vie, avant cette auberge et leur rencontre hasardeuse, qui l’horripile tant. Orson est en tout cas conscient qu’aucune de ces raisons n’est légitime ou rationnelle. Ils ne se connaissent pas, tous les deux. Galen est libre d’avoir eu une vie avant de faire sa connaissance. Cette femme, – Lyra –, mérite d’exister dans le cœur du propriétaire des lieux. Quoi qu’il en soit, Krennic ne peut réprimer cette colère qui sommeille dans son sang à la simple énonciation d’un prénom qu’il désire voir rayer de l’histoire, et particulièrement des souvenirs de Galen Erso à tout jamais. Qui elle soit, elle ne doit plus exister. Ni pour Galen, ni pour cette enfant, et encore moins pour lui. Pour leur bien à tous.

Krennic élude assez rapidement le cas de sa défunte épouse, en offrant à son interlocuteur sa plus belle mine de désespoir et de chagrin. Orson Krennic est bien un excellent acteur, si ce n’est pas le meilleur de toute sa génération. « Sachez que je suis profondément navré pour votre perte, si tragique et prématurée pour vous comme doit être votre enfant… Votre fille doit pleurer son souvenir. C’est si… déchirant, de perdre sa mère à l’âge de six ans… » Six ans ? Comment le sait-il ? Krennic se fige durant quelques secondes, avec une étrange et désagréable impression de déjà-vu… Oui, il a connaissance de l’âge de l’enfant. Cette fameuse « Jyn » est âgée de six ans. Une petite fille adorable, un peu têtue, et apparemment brisée par le désir de celui qui lui sert de père dans cette dimension parallèle de la garder à bonne distance d’eux. Krennic n’approuve pas. Les muscles de son cou se tendent subitement, tout comme au niveau de ses mains. Il se met à refermer les doigts de sa main gauche sur son précieux téléphone portable dernier cri, comme une manière de trouver un peu de réconfort dans le fait de le serrer fortement jusqu’à fissurer l’écran tactile. Il sait qu’il ne doit pas s’en mêler, mais il fulmine intérieurement contre Galen qui essaie à tout prix d’éloigner sa chair et son sang de sa portée. C’est ridicule, absurde, irrationnel. Il a presque l’impression que Galen lui vole sans pitié sa paternité, ainsi que tous les droits qui sont normalement les siens. Orson balaie cette pulsion le plus rapidement possible. Il refuse d’avoir envie d’assumer une quelconque paternité, ni aujourd’hui ni demain. Galen est en droit de donner des ordres à cette enfant, qui est la sienne, jusqu’à preuve du contraire. Galen peut et doit le faire. Dans cette réalité, Orson n’est pas supposé le savoir, mais quelques flashs de son ancienne vie, – ou plutôt, de sa véritable vie, lui apparaissent maladroitement en mémoire. « On l’a tuée, je suppose ? » souffle-t-il, plus pour faire la conversation qu’autre chose. Les lèvres d’Orson se meuvent pour former des mots, puis des questions, sans qu’il ne puisse les contrôler. Lyra s’est faite assassinée, oui. Par lui, dans leur vrai monde. Ce sont des automatismes. « Je veux dire… Vous savez, la criminalité augmente chaque année depuis très longtemps… Cela ne m’étonnerait pas que vous en soyez une nouvelle victime. »  se justifie-t-il, un peu maladroitement. Krennic prend une fois encore conscience de son erreur. Il ne peut s’en empêcher. Il divulgue des vérités, parce qu’elles sont encore profondément imprégnées dans son esprit. L’esprit du véritable Orson Krennic.

« Je ne vous en veux pas, les acteurs sont généralement très ennuyants et narcissiques. » plaisante-t-il, en espérant détendre l’atmosphère, lorsque le propriétaire lui affirme se rendre rarement au cinéma. « Je vous parlerais bien de mes films, un de ces quatre… Pour vous donner envie. » Plus en profondeur, dirons-nous. Krennic étouffe un rire gêné, en prenant conscience de l’ambiguïté de ses pensées. Peu après cette légère maladresse, l’acteur tente une nouvelle approche. Il se racle un peu bruyamment la gorge. « Galen. » répète-t-il, désireux d’attirer l’attention de son interlocuteur sur un tout autre sujet de conversation que sur la disparition sordide de son épouse et la manière si surprenant qu’Orson a d’en parler avec légèreté, désinvolture et… connaissance. « Intéressant, comme prénom… » Il marmonne, plus pour lui-même que pour Galen. « Seul avec un enfant, hm. » Un nouveau rictus s’installe au coin de sa bouche. Pour des raisons de plus en plus évidentes, Krennic jubile. Il devient clair entre eux qu’un jeu de séduction s’opère de manière inconsciente et progressive. « Ce n’est sûrement pas une vie facile. » soupire Orson en voulant compatir à la solitude de la vie de son hôte, alors qu’il n’en est rien. Cela lui facilite même grandement la tâche. Un célibataire, disposé à… satisfaire ses moindres caprices. Que peut-il rêver de mieux, pour cette retraite tranquille au fin fond de la campagne américaine, avant de refaire surface sur le feu des projecteurs à Los Angeles ? Galen Erso incarne à cet instant une douce parenthèse, rien de plus. Il ne pense pas, il ne réalise pas qu’il se trouve devant l’homme de sa vie. Le grand amour de sa vie. Orson raisonne en bon égoïste, plein de frustrations et de litiges en suspend qu’il désire par-dessus tout enfouir sous la terre. « Je… Vous connaissez déjà tout de moi. C’est dans tous les journaux depuis des mois. » maugrée l’acteur, en ayant pensé lui retourner certaines de ses réponses, avant de se rappeler un détail crucial : sa vie entière, sentimentale et sexuelle, tout comme financière et professionnelle, est exposée aux yeux de tous depuis le début de sa carrière. « Si vous vous posez la question, tout va bien. J’ai besoin de temps pour réfléchir à mes prochains rôle et… rien de plus. » En somme, sa vie sentimentale n’est clairement plus à l’ordre de ses priorités, – quoi de plus naturel, après un divorce extrêmement houleux et médiatisé ? Quant à la question de ses prochains rôles, c’est assez ironique, en sachant qu’il vient de perdre la plupart de ses plus gros contrats. Il doit regagner la confiance des producteurs. Là est son talon d’Achille. La confiance.

Il acquiesce silencieusement devant les recommandations de Galen Erso. C’est parfait. Les boissons du minibar sont comprises dans le prix de la location. Il ne peut rêver mieux qu’une offre pareille. Orson réalise qu’il aura tout le loisir de déguster de précieuses liqueurs jusqu’à la fin de son séjour. Il pourra se saouler, enfin. En paix, et sans avoir à débourser le moindre centime supplémentaire. « Ne vous inquiétez pas. Je connais mes limites. » affirme Krennic, au sujet de ses excès. Ce qui est en soi un énorme mensonge. Ce n’est pas qu’il n’a pas connaissance de ses limites, il aime surtout les dépasser. Il ne dit rien, lorsque Galen profite de ces quelques secondes de silence entre eux pour se servir à son tour un verre. Cela l’arrange fortement de voir Galen prendre les devants, et s’imposer à ses côtés, au lieu de l’abandonner devant un feu de cheminée crépitant et un grand canapé en velours côtelé. « Pas pour le moment, non… Ce que j’aimerais savoir en revanche… » marmonne-t-il en se se levant du canapé pour se mettre à rejoindre les pieds d’une grande cheminée en vieilles pierres, non pour s’éloigner physiquement de Galen, mais pour se retrouver seul avec ses pensées troublées. Il réfléchit toujours mieux en opérant quelques mouvements de jambes. « C’est vous, Galen. Parlez-moi de vous. » Sur cette dernière question, prononcée avec une gravité presque solennelle, Orson Krennic fait volte-face. Il l’observe de haut en bas, cherchant à sonder son âme pour la première fois à l’aide de ses yeux aux couleurs de l’océan. Galen est assis devant lui, à quelques mètres seulement. Il ne le quitte pas une seule seconde des yeux, tout en humectant ses lèvres avec la liqueur forte, légèrement iodée. Ce whisky est délicieux. Comme la vision qui se trouve juste sous ses yeux. Il en fera son amour de vacances, dirons-nous. C’est décidé. Krennic en fera son amant, sa porte de sortie, sa brise d’air pur. Galen sent comme la campagne sauvage ou l’herbe fraîchement coupée, – un mélange de lavande, de bourbon et de vieux tabac froid. Une odeur qu’il refuse obstinément de quitter. Quoiqu’il en pense. Galen n’est pas juste une transition, pour un futur meilleur, une fois de retour « au pays ». Non, Galen est sa nouvelle vie et non le moyen sordide d’y parvenir en douceur.