(abandonné) Hold me back | Orson

Il ne s’est méfié de rien. Vraiment de rien. C’est habituel que Galen l’invite au restaurant. Ils passent beaucoup de temps ensemble, en société, parfois chez l’un, parfois chez l’autre. Ils déjeunent et dînent au moins trois fois par semaine. Avant que Galen ne se mette à fréquenter Lyra, ils se retrouvaient une fois par jour. Le rythme n’est plus aussi soutenu qu’avant, ce qu’Orson confesse déplorer avec amertume.  Les deux hommes se retrouvent et échangent des banalités, prennent un premier apéritif. Ils trinquent — le tintement de leurs verres de vin respectif émet un léger son cristallin. Agréable à l’oreille, d’autant plus qu’il est le résultat de retrouvailles amicales avec Galen. Non, vraiment — il ne s’est méfié de rien. Si bien que lorsque Galen lui présente une délicate enveloppe sophistiquée entre les mains, c’est le drame. Une hécatombe. Orson sent son coeur palpiter furieusement en comprenant d’un simple coup d’œil ce dont il est question. Loin d’être un imbécile, c’est inutile d’apporter la moindre précision. Cette enveloppe est bien trop guindée pour n’être qu’une invitation quelconque. D’autant que Galen semble admettre les formes dans sa manière d’approcher Orson. C’est une invitation de mariage. Un faire-part. Une invitation à son mariage. Celui avec Lyra. Il vient prendre le délicat cadeau empoisonné entre ses doigts épais pour venir caresser de long en large chaque reliure, chaque impression d’épaisseur ici et là, jaugeant même la qualité du papier et son grammage. [/i]Orson essaie de se concentrer sur une activité qui lui est familière pour ne pas sombrer dans la folie. Ses doigts tremblent très légèrement, lorsqu’il retire le petit carton joliment décoré de l’enveloppe couleur nacre. Il n’ose confronter ses yeux fragiles et son coeur vulnérable à l’inévitable, mais c’est bien les prénoms de Galen et Lyra qui sont accolés au centre de ce très léger petit carton — dans une jolie calligraphie qu’il ne peut qu’apprécier en tout objectivité, tout en étant dégoûté par elle. Orson a envie de le déchirer, mais s’en abstient. Il a envie de pester et de lever les voiles, mais il demeure stoïque comme une statue de cire, le regard désespérément vide et aspiré de toute émotion joyeuse.

Orson se sent brutalement pris en traitre. Détendu, avec un verre de vin rouge dans la main, Galen Erso lui annonce la pire nouvelle qui puisse exister. « Si tu ne vois pas d’inconvénients. » Bien évidemment que si, il en voit des inconvénients — et de sérieux inconvénients. L’expression du visage d’Orson Krennic est impassible, faussement indifférente aux fiançailles de Galen et de Lyra. C’est un leurre, car au fond de lui, Orson bouillonne de rage. Il cligne des yeux comme un papillon de nuit en essayant de comprendre ce qui vient de se produire. Son monde s’écroule de la pire des manières. Il crashe, violemment, comme un avion. Son coeur se brise, en mille morceaux — il saigne, abondamment. Orson se fige momentanément, traversé par une envie irrésistible de projeter le verre à moitié vide contre le premier serveur se trouvant dans sa périphérie. « Je vois. » répond-il en mouvant péniblement ses lèvres pour former des mots. Le choc est rude, très rude pour Krennic. Le timbre de sa voix est glacial, mais mesuré. Il semble calme, mais ce n’est que le calme avant la tempête. Il inspire bruyamment, pour se donner la force de réprimer tout le dégoût et les vertiges qui s’emparent de lui. Galen ne doit s’apercevoir de rien. Il faut sauver les apparences par-dessus tout. C’est une vraie souffrance que de réprimer ses véritables émotions, ou de devoir masquer les sentiments intenses qui l’assiègent lorsqu’il pense à Galen Erso. Galen Erso… L’idée qu’il puisse fréquenter quelqu’un est déjà une aberration en soi — la première fois qu’il a découvert cette liaison, il est devenu comme fou. Un véritable hystérique. Il a pesté dans tous les sens, maudit toutes les étoiles de la galaxie, s’est même demandé s’il ne s’agissait pas d’une putain de blague. Galen Erso, amoureux ? Lui qui ne lève pas même les yeux lorsque une jolie jeune femme rentre dans une pièce ? (Merci Catalyst pour nous révéler cette crise de jalousie monstrueuse ) Derrière la colère, il y a ensuite eu l’impatience. L’impatience de rencontrer cette fameuse Lyra — et de la détester profondément ensuite. Il se souvient précisément avoir déboulé comme une tornade dans le bureau de Galen pour l’interroger sur cette fameuse Lyra. Celle qui a volé le cœur de son meilleur ami. Celle qui a volé l’amour de sa vie. Celle qui accapare Galen, qui le lui arrache violemment des mains. Celle qui… qui a tout brisé dans la dynamique parfaite de leur relation fusionnelle — cette tiédeur ambiguë. Orson a pensé à une tonne de stratagèmes pour éloigner Lyra de Galen — en vain. Il a même songé mossionner Ronan, son précieux fidèle (ça fait grave gourou de secte) pour draguer et compromettre la fidélité de Lyra, afin de les conduire à la rupture. Cela n’a jamais fonctionné. Non pas que Ronan ne soit pas particulièrement bien fait — ce qu’il est. Lyra est simplement une femme droite, éperdument amoureuse de son compagnon. Au plus grand malheur d’Orson Krennic. L’idée qu’il puisse aimer cette femme et maintenant vouloir l’épouser est simplement une insulte envers sa personne — envers leur amitié. Le mariage est toutefois une chose naturelle. Orson s’y est attendu, même s’il ne veut pas l’admettre. C’est un problème qui a vocation à se poser un jour ou l’autre, lorsque l’on fréquente aussi assidûment une femme comme Galen depuis un an. Orson espérait simplement que ce problème ne se poserait pas avant — très, très, très longtemps, voire jamais. Il pensait pouvoir les faire rompre avant que l’inévitable ne se produise. Trop tard. L’inévitable est arrivé, Krennic. Que vas-tu faire maintenant tout l’empêcher de commettre la pire erreur de toute sa vie ? « Des félicitations s’imposent. » Youpi. On sent toute l’énergie et la force de ses convictions à l’intonation de sa voix sinistre. Orson ne peut faire plus d’efforts que cela. Il est bien conscient que cela risque d’alerter Galen, mais il n’en a vraiment que faire à cet instant. Il fait de son mieux pour dissimuler son malêtre, mais les battements frénétiques de son coeur et les pulsations de ses veines le rappellent à chaque fois à l’ordre. Orson ne peut prétendre éprouver de la joie pour quelque chose qui lui fait tant horreur. Au lieu de se mettre à crier, il décide d’intérioriser son vrai ressenti et de forcer un visage neutre, quoi qu’inexpressif. Il force même l’ombre d’un sourire qui s’apparente davantage à un rictus qu’à un véritable sourire de contentement. C’est déjà le mieux qu’il puisse faire.

« Si j’y vois un inconvénient ? » répète-t-il un peu mécaniquement en se forçant de garder une expression courtoise, alors que l’envie de tout casser dans le restaurant s’insinue progressivement en lui. Les muscles au coin de sa bouche se crispent, et son regard semble même de durcir dans celui de Galen. Orson est abasourdi. Déçu, même. Anéanti au plus profond de lui-même. Il déteste plus que tout cette sensation de faiblesse, d’impuissance. Galen va convoler en justes noces, le quitter pour une femme. Pour une saloperie de bonne femme. Et il ne peut absolument rien y faire. La douleur est grandissante, mais il parvint à faire bonne figure dans ce lieu public très guindé. Devant Galen. Il ment, encore et encore. Il ne sait faire que mentir pour camoufler ses sentiments. Mentir pour travestir la réalité en un merveilleux rêve éveillé, afin de s'attacher la confiance et la dévotion de ses proches. « Absolument pas. » Absolument que oui. Menteur, souffle une voix dans sa tête. Tu détestes cette situation. Tu veux qu’elle meurt, cette voleuse. Cette salope. « Je suis même profondément flatté par cette requête, Galen. » Bien sûr que non. « C’est avec grand plaisir que j’accepte cet honneur que tu me fais. » Va te faire foutre, toi et cette idiote de Lyra. Les pensées d’Orson ne reflètent absolument pas ce qui s’échappe de ses lèvres pincées en une moue boudeuse, légèrement dédaigneuse. Sa bouche se tord lorsqu’il ment — un tic nerveux qu’il ne laisse apparaître que dans de brefs instants de faiblesse, où il se trouve en proie à des émotions conflictuelles.

« J’ai besoin d’un second verre. » maugréa-t-il, en levant la main en direction d’un jeune serveur pour l’accoster. Avant même que l’employé ne s’approche, il en profite pour terminer son vin d’une traite, afin de justifier sa commande. Les doigts d’Orson tremblent nerveusement autour du verre à pied. Des tremblements de colère, de frustration, mais aussi de tristesse. Krennic s’empresse de passer commande d’un second verre de vin rouge, sans même un regard au serveur. Il le dédaigne, tout simplement. « Tu veux quelque chose ? » s’enquit-il en levant ses beaux yeux glaciers dans le marron chocolat de ceux de Galen.  « Non ? » s’étonne-t-il, avant de percuter sur un détail. Une bouteille ne sera jamais suffisante pour noyer son désespoir ou célébrer les noces du marié. « Non… On va plutôt prendre une bouteille. » Orson se rattrape, en sifflant une seconde fois le serveur pour qu’il revienne — trop tard. Il s’en est allé directement derrière le comptoir du bar pour récupérer un nouveau verre de vin rouge. Orson soupire de lassitude, en se rendant compte que deux choix s’offrent désormais à lui : se lever ou attendre. « Attends-moi. » C’est la première option qui l’emporte. Orson a en réalité besoin de prendre un peu l’air — loin de Galen. Il se sent pris dans un ouragan de sensations fortes et d’émotions vertigineuses. Il doit décompresser. Seul. Maintenant. Orson se lève alors, et adopte un regard particulièrement fuyant. Son premier réflexe est de faire glisser ses doigts le long de la table, tout en marchant. Il comble les quelques centimètres qui le sépare de Galen et de sa chaise pour passer devant eux, avec la ferme intention d’interpeller le serveur au bar. « On doit célébrer. » chuchote-il à l’oreille de Galen en se penchant vers cette dernière, tout en enveloppant l’épaule de son ami dans l’une de ses mains puissantes. Il serre fort. Très fort. Ses doigts s’enfoncent entre ses os, caressent sa chair, mais ce n’est qu’une caresse brève. Une caresse qui veut dire tant, sans nommer ce qu’elle implore aussi désespérément — une caresse d’amour, l’air de dire… Ne fais pas ça. Ne me fais pas ça.

Malgré la douleur, il refuse de se montrer faible et d’implorer la pitié de Galen — comment justifier son refus d’une autre manière qu’en lui confessant ses sentiments ? Il s’y refuse. Il doit donc encaisser le coup, à sa manière, et vivre avec le mariage de Galen. Il y survivra — c’est ce dont il essaie de se convaincre, tout en relâchant à regret l’épaule de son ami. Il doit le laisser vivre sa vie, s’épanouir avec… elle. Qu’il approuve ou non, cela n’a strictement aucune importance. Krennic s’en va alors, en forçant un sourire, alors qu’il dévisage une dernière fois Galen. Un sourire amer et triste — qui s’évanouit aussitôt de son visage, une fois le dos tourné. Il se dirige vers le comptoir pour commander une excellente bouteille d’alcool pétillant — leur meilleur champagne. Orson a les moyens. (Allez ça y va au calme on va flinguer 300 à 500 je sais pas qu’elle est la monnaie de coruscant dans une bouteille ) Le plus cher surtout. Galen mérite le meilleur. Le plus luxueux, le plus hors de prix, le plus indécent. Il a toujours mérité mieux. Il a toujours mérité le meilleur (LUI !!!!). Au fond, Orson a toujours voulu tirer Galen vers le haut. Une fois l’alcool commandé, il observe un long moment la porte des toilettes, hésitant quelques secondes, avant de s’y engouffrer. Il est seul. Tant mieux. Dans tous les cas, il aurait envoyé paître tous les hommes. Orson soupire tout en s’avançant vers l’un des lavabos — qu’il ouvre d’une main, tout en déboutonnant le col de son uniforme de l’autre. De l’air. Il lui faut un peu d’air pour digérer cette mauvaise nouvelle. C’est de sa faute si Galen a rencontré Lyra. C’est de sa faute. Il n’aurait jamais dû lui proposer ce poste. Il n’aurait jamais dû l’amener là-bas. Il aurait dû… quoi faire ? Comment aurait-il pu empêcher leur rencontre ? Si ce n’était pas Lyra, cela aurait été une autre femme. Aucune femme dans toute la galaxie n’aurait trouvé grâce aux yeux d’Orson Krennic. Galen aime les femmes. Galen veut désespérément une vie de famille. C’est dur, vraiment trop dur. La douleur est insoutenable — elle le prend aux tripes. Il regarde l’eau couler sans interruption, apparemment fasciné par la couleur translucide que prend l’eau au contact de l’évier en marbre. Il récupère un peu d’eau froide sous ses mains pour s’asperger au moins trois fois le visage. Réveille-toi. Sois fort. Sois discret. Lyra… ce n’est qu’une passade. Il ne finira pas ses jours avec elle. Il s’en lassera. Il se lassera de sa beauté. Il privilégiera toujours l’intelligence. La tienne. La tienne, Orson. Tu es un brillant visionnaire. Galen le sait. Si ce n’est pas encore le cas, il le saura bientôt lorsque tu auras rendu fier la République en négociant la construction du chantier du projet sur la planète Géonosis. Tu es le meilleur, Krennic. N’en doute pas un seul instant. Ton génie… aura raison de sa beauté éphémère. De son corps, qui se flétrira (merci pour elle), comme toutes les autres femmes. Toutes de belles plantes, bonnes à redorer le blason des puissants. Alors que ton génie — ton génie entrera dans l’histoire. Ton génie révolutionnera la galaxie entière. Ton génie inventera une arme de destruction massive et tu seras le plus grand architecte de ta génération. Orson s’efforce de se raisonner et de faire confiance à la voix de sa conscience (merci la conscience qui gonfle son ego de malade, on se demande pas de où ça vient). Orson termine de s’asperger pour se redonner de l’énergie. Il coupe ensuite le robinet un peu brutalement — puisqu’il le serre tellement fort, qu’il doute d’être capable de le rouvrir aussi facilement par la suite. Il s’accroche de part et d’autre du lavabo, enfonçant ses mains et serrant ses doigts autour du marbre clair. Orson relève les yeux vers son propre reflet, un peu trempé, dans le miroir. Un reflet qui ne lui inspire que du dégoût — le reflet d’un homme amoureux, dépossédé de sa raison et de sa dignité. Un homme qui faiblit, qui se montre impuissant et d’une grande médiocrité. Un homme qui laisse ses sentiments et ses émotions prendre le pas sur son brillant avenir. Galen Erso est sa faiblesse, sa plus grande faiblesse. Elle ne doit plus l’être. Plus jamais. Il doit ressortir de ces toilettes en homme nouveau. Krennic rage. Il pousse un hurlement, avant d’enfoncer son poing dans le miroir, qu’il éclate dans un bruit aigu — se blessant les phalanges jusqu’au sang à cause des débris de verre. Orson se moque du sang qui coule entre ses doigts, et encore moins de celui autour de ses phalanges. Sa peau est écorchée, tachée, mais la douleur n’est rien en comparaison à celle de son coeur brisé. Il a envie de pleurer, mais à quoi bon ? Encore dix petites minutes et il en sortira. Il ferme les yeux  très fort pour retenir une fine couche aqueuse qui commence à voiler ses iris bleu océan. Un homme de sa trempe ne pleure pas. Rien n’est perdu. Ce n’est qu’une bataille de perdue, mais ce n’est pas perdre la guerre. Il sortira et tout sera différent — tout sera profondément enfoui. Plus jamais il ne se laissera aller à un tel débordement d’émotions, comme un ouragan. La tornade Krennic passera. Il doit s’en convaincre. Il le faut. En attendant, le temps passe et Galen l’attend. Galen attend. Leur soirée l’attend. Leur champagne l’attend. Galen l’attend, certes, mais pas de la manière qu’il le désire si ardemment — pas de la manière dont son corps le réclame. Il ne compte même plus les minutes qui se sont écoulées entre son départ précipité de la table et ce moment dans les toilettes, planté devant son reflet avec la main en sang et le regard assassin. D’une minute à l’autre, il reviendra tout beau, propret et digne — il s’épongera la main avec une serviette et s’aspergera une dernière fois d’eau froide pour se remettre les idées en place. Il lui faut juste encore un peu de temps pour digérer cette troisième personne qui vient de greffer dans une dynamique bien huilée — leur dynamique. À lui et à Galen.

Une voix le tire de ses songes. Masculine, douce et chaude. Une voix qui l’apaise miraculeusement, mais qui lui laisse également le souffle coupé. « Orson ? » appelle Galen Erso. Et voilà que le château de cartes s’effondre enfin sous ses yeux impuissants. Et voilà que Galen Erso est le témoin intime de ses tourments émotionnels, de sa colère dévastatrice qui s’est exprimée sur ce putain de miroir mural. Et voilà que Galen Erso compte sans doute lui demander des explications pour ce comportement grotesque et absurde. Parce que c’est naturel qu’il le fasse. Les longues minutes qui marquent un silence presque religieux entre eux sont une souffrance terrible pour Orson Krennic. Il n’ose affronter le regard marron glacé de son « meilleur ami » de peur que ce dernier puisse capter ses émotions. Il redoute les explications, les aveux, les faiblesses… Galen se montre pourtant patient et compréhensif, en rompant les mètres qui séparent leurs corps doucement, avec prudence même. Orson s’attend à des questions terribles, alors que son rythme cardiaque s’accélère au fur et à mesure de l’avancée de Galen. Il réfléchit précipitamment à une parade, n’importe laquelle. Il essaie de trouver des prétextes à cette situation des plus incongrues, des excuses comme une mauvaise nouvelle, un deuil, une brimade de la part de Wilhuff Tarkin… (le sexy Tarkin hein *fait des appels du pied*) Lorsqu’ils se trouvent enfin face à face, c’est le trou noir. Orson Krennic se prépare alors à souffrir. Au lieu de cela, Galen Erso semble faire totalement abstraction de son état de détresse.

« Notre champagne va se réchauffer. » dit-il simplement, le plus naturellement du monde même. Krennic comprend alors que son « meilleur ami » ne désire pas le pousser dans ses derniers retranchements. Il soupire intérieurement, sans dire le moindre mot. Galen ne compte pas l’humilier, alors qu’il dispose clairement des moyens adéquates pour cela. Galen renchérit même sur le sujet du fameux champagne hors de prix. « Il a dû te coûter une fortune, ce serait dommage de le gâcher. » En effet. Krennic n’a pas lésiné sur les tarifs exorbitants. Il a acheté le meilleur et le plus cher de tous les champagnes du restaurant – qui s’avère même l’un des restaurants les plus prisés de Coruscant City. (Galen mérite le plus beau) « Hum. » grogne en réponse l’impérial. Orson est bougon. Il ne répond pas. Muré dans un mutisme révélateur d’un état émotionnel branlant, sur le point d’exploser d’un instant à l’autre. Galen se met alors à actionner doucement le robinet en acier du lavabo pour laisser couler un mince filet d’eau glacée, afin de nettoyer les blessures de la main d’Orson. Ce dernier se laisse faire, il laisse Galen s’emparer de son poignet avec une délicatesse inouïe, enlever les morceaux de verre plantés dans ses phalanges meurtries et ensanglantées. Ce moment est précieux pour les deux hommes, mais il l’est encore plus pour Orson. C’est un moment intense, suspendu dans le temps. Ils ne se disent aucun mot, mais leurs gestes et leurs regards expriment à demi-mot toute la tendresse qu’ils éprouvent l’un pour l’autre.

Alors que Galen entreprend de panser ses blessures avec des serviettes en papier, l’impérial demeure profondément touché par tant de sollicitude. Il apprécie l’instant présent, et se montre même particulièrement ému. Une fine particule d’humidité recouvre ses deux orbes glacés. La douleur des compresses sur ses blessures s’évanouit à l’instant même où leurs regards se croisent. Orson plonge alors le bleu océan de ses yeux. Il cherche à se noyer dans l’immensité du regard de Galen Erso – doux et suppliant. Il veut se perdre dans son regard pour oublier la tragédie de sa propre vie. Les lèvres de Galen ne parlent pas, mais ses yeux prennent un relai bien amer – ils désirent entendre ce qu’Orson est susceptible de confesser dans un moment brutal. « Je ne veux pas de ça… » grommèle Krennic d’une voix difficilement audible. Galen l’entend, toutefois, à cette douce et tentante proximité. De quoi ne veut-il pas ? De l’attention de Galen Erso, lequel garde toujours sa main dans la sienne ? De ce mariage, qui l’opprime et le submerge de nausées ou de vertiges ? De ces sentiments interdits qu’il enfouit si profondément en lui depuis tant d’années ? Après avoir chuchoté ces quelques mots, Orson s’empêche de poursuivre en s’enfermant encore dans son mutisme. Quelques instants, pas plus d’une minute. Enfin… après avoir pesé ses mots, et n’en pouvant plus de ce silence funeste, ses lèvres se mouvent pour former quelques murmures entrecoupés de soupirs rauques et lascifs.

« Je ne veux pas… » commente-t-il avec une voix enrouée. Orson Krennic hésite quelques instants à révéler l’ampleur de sa souffrance au futur marié – au prix de détruire à tout jamais leur magnifique amitié. Une amitié qui lui importe plus que n’importe quoi d’autre. « Je ne veux pas que tu l’épouses. » confesse Orson dans un souffle rauque, en ramenant le bleu océan de ses yeux dans le marron de ceux de son « meilleur ami ». Après cette ultime confession, il recherche immédiatement un signe de désapprobation dans le regard de Galen Erso. Quelque chose lui indiquant une émotion particulièrement négative. Parce que cela ne peut être autrement entre eux. « Galen… » murmure-t-il après avoir marqué une courte pause entre sa sinistre demande et une nouvelle déglutition difficile. « Je suis en train de te perdre. » Sa voix s’élève dans les toilettes publiques du restaurant, traînante. Comme une plainte. C’est une plainte. Orson Krennic souffre terriblement. Galen va le quitter, d’une certaine manière. Il n’est pas préparé à perdre son « meilleur ami » qui est finalement beaucoup plus que cela à ses yeux. Krennic est impuissant. Forcé d’être le témoin d’une union qui ne lui inspire qu’un dégoût profond, innommable. « J'ai commencé à te perdre depuis bien longtemps... en vérité. » corrige-t-il dans un nouveau murmure chaud, à quelques millimètres des lèvres de Galen Erso. Ce dernier garde toujours sa main ensanglantée dans la sienne, entourée de morceaux de serviettes tâchées d’un sang rouge écarlate et humides. « Non… Ne dis rien. Ne proteste pas. Tu sais très bien que c’est le cas. » Pour être exacte, depuis le premier jour où les yeux de Galen Erso se sont posés sur ceux de Lyra, sa future femme. Depuis qu’il est tombé amoureux d’elle. Depuis qu’Orson a dû observer dans son impuissance à l’éclosion d’un amour pur et sincère – un amour dont il est lui-même privé.

« Mais… » reprend Orson, en se confrontant finalement au regard marron de Galen. Il a eu les yeux quelque peu fuyants durant ses premiers mots, bien trop honteux. Mais voilà qu’il puise en lui la force d’apporter une intensité à sa requête en l’accompagnant d’un échange de regards. Les yeux d’Orson Krennic sont humides, voilés par des larmes qui menacent de couler. Des larmes qui ont été sur le point de rouler le long de ses joues pâles, quelques minutes plus tôt. Des larmes qu’il a refoulées alors que sa main s’est explosée dans la glace du miroir mural, situé au-dessus de ce lavabo. « Je te perdrais définitivement, si tu venais à l’épouser. »  Orson est conscient que sa demande est puérile, parce que Galen aime profondément Lyra. Jamais il ne s’éloignera d’elle. Jamais il n’annulera son mariage et encore moins pour quelqu’un qui prétend ne pas être capable d’accepter le fait de perdre son « meilleur ami ». Sa demande est si égoïste en réalité. « Tu es tombé amoureux d’elle. Tu es heureux de te marier. Quant à moi… Je reste sur le bas-côté de ta vie. Qu’ai-je donc à part ton amitié ? Je n’ai rien. Je ne suis rien sans toi. » murmure Orson, en réalisant qu’il est sur le point de dévoiler ce qui le ronge de l’intérieur depuis bien trop d’années. Une jalousie infâme. Une rivalité sordide avec la fiancée de son « meilleur ami ». Une rivalité muée par des sentiments romantiques non assumés, mais bien vivants et terrifiants. Orson Krennic est apeuré par l’idée de sauter dans le grand bain. Il est à deux doigts de perdre Galen par ce mariage bien heureux, que risque-t-il de perdre d’autre ? Pendant qu’il confesse cette colère, ce désir de mettre un terme au mariage à venir de Galen, à sa peur d’être relégué au second plan à cause de Lyra, il ne rompe pas le contact visuel entre eux. Orson soutient ses yeux marron chocolat de toutes ses forces, malgré l’humidité qui s’accentue au fur et à mesure de ses tirades. Bientôt, les larmes grossissent et forment de délicates petites perles qui se nichent dans le coin de ses orifices. « J’aurais voulu que… tu ne la rencontres jamais. » admet-il dans un sanglot étouffé. Le dégoût se reflète dans ses yeux, dans le son de sa voix et sur les quelques rides qui parsèment son visage blafard.

Orson s’approche encore, sans prendre Galen dans ses bras. Il désire toutefois l’étreindre plus que tout au monde. Il désire son soutien, sentir la chaleur de son corps contre le sien, et partager les tremblements de ses membres tout près des siens. Au lieu de cela, il manifeste une certaine dignité dans son besoin viscéral d’être réconforté. Orson demeure droit comme un I, stoïque soldat vaillant. Leurs torses se frôlent, leurs bassins s’effleurent. Orson rompt les quelques millimètres, jusqu’à ressentir une résistance – et se laisser retomber mollement contre Galen. Son corps tombe, comme une feuille. Tête la première. Son front pâle et en sueur rencontre l’épaule droite du scientifique. Quant au reste de son corps, il demeure passif et callé contre le torse de Galen. Orson espère que Galen l’entoure de ses bras, et lui prodigue un peu de sa chaleur corporelle, encouragé par des paroles rassurantes. Oui, il sera toujours là pour lui. Oui, Lyra n’occupera jamais la première place. (non mais ça va devenir sa femme espèce de con) Lorsqu’il se retrouve contre son corps, Orson est incapable de garder pour lui les tremblements qui le saisisssent tout entier, et encore moins les larmes qui franchissent le point de non-retour, roulant le long de son visage. Galen ne peut les voir, mais peut sentir leur humidité et leur chaleur. Orson les laisse couler parce qu’il est certain qu’il ne peut s’en apercevoir. A tort, sans doute. Ils ne se regardent pas, dans cette position. Leurs visages sont l’un contre l’autre, – joue contre joue – mais ne se font pas face. Les larmes ruissèlent sur sa joue, se frottant à celle de Galen de temps à autres. Orson refuse de lui faire face, pour ne pas exposer l’ampleur de sa faiblesse. « Ne me laisse pas terminer à la seconde place, s’il te plaît, Galen. Je t’en conjure. Laisse-moi être ton premier. » Ton premier. Ce dénominatif est très tendancieux dans sa bouche. Les mots s’échappent sans qu’il ne puisse les contrôler, roulant sur sa langue avec sensualité et désir. Ton premier amant masculin ? Ton premier amour ? Ton premier et seul ami ? Ton premier véritable meilleur ami ? Krennic susurre ces mots d’une voix faible et traînante. Il ne s’énerve pas, il parle au contraire très doucement, pour prouver à Galen sa capacité à se montrer stable mentalement. Il est hors de lui intérieurement, son sang bouillonne de rage dans ses veines, mais il n’en montre aucun signe. Ton premier. Que veut-il vraiment signifier par-là – osera-t-il verbaliser la vraie nature de sa demande ? Il ne veut pas être la seconde personne la plus importante dans la vie de Galen Erso. Il veut être sa première, sa seule et unique personne. Il veut être son véritable et grand amour. « Je suis ridicule, n’est-ce pas ? » conclut-il dans un rire amer, suivi d’un sourire triste. Une feinte à ses lèvres qui prétend être un sourire, mais qui n’est rien d’autre que l’ombre d’un rictus.

« Tu n’es pas ridicule. » lui dit Galen, ce à quoi, Orson répond par un haussement tremblant d’épaule. Il l’est, bien sûr qu’il l’est. Orson Krennic ne s’est jamais trouvé à ce point ridicule. Il l’est parce qu’il espère obtenir quelque chose de Galen Erso. Une annulation de mariage. Un acte de pure loyauté. Et pourquoi pas… plus. Beaucoup plus. Ce qu’il veut avoir de Galen Erso, n’a plus rien avoir à faire avec de la simple amitié. Ridicule. Il l’est encore plus pour croire que ses sentiments puissent être partagés – probablement pas de la même manière, mais suffisamment ambigus pour être réussir à être pervertis et assimilés à de l’amour. « Je refuse de te perdre. » rajoute le futur marié. Un mince rictus, amer et victorieux se dessine sur ses lèvres, lorsqu’il prend le temps de digérer l’information. Galen refuse de le perdre. Galen Erso. Quel prix son ami est-il prêt à payer pour le garder près de lui ? Orson demeure silencieux. Le seul bruit qui résonne dans l’espace étroit des toilettes durant de longues minutes est celui de ses sanglots. Galen est stoïque pendant un instant, avant de se risquer à le réconforter. Il l’enlace en posant sa main dans son dos dans un geste qui s’apparente à une caresse. Ce qui fait encore plus trembler Orson. Cette proximité est insoutenable, elle le détruit à petit feu. Il meurt d’envie de céder toutes leurs barrières et d’écraser, non seulement son corps contre le sien, mais ses lèvres contre sa bouche. Il veut étouffer son souffle, aspirer ses râles, se délecter avec violence de l’humidité et de la chaleur de sa langue. Orson ne fait pourtant rien de tout cela. Il fantasme, mais reste droit comme un I, le menton enfoui dans le creux du cou du scientifique.

Galen caresse ses joues du bout de ses doigts pour essuyer ses larmes. Orson frémit à ce contact Ô combien intime. Quel ami fait cela avec autant de fébrilité, que s’en est vraiment parfait ? La présence de Galen le rassure sur ses intentions, et quelque part, cela dissipe ses craintes d’aller plus loin dans ses confessions. Galen réagit positivement. Un soupir s’échappe de ses lèvres, toujours aussi tremblantes. Il a appréhendé la réaction ou le jugement de son « meilleur ami » au point de s’en faire des nœuds à l’estomac. Il a craint son jugement quant à la véritable nature de ses sentiments, même si ceux-ci n’ont pas été verbalisés comme ils le doivent, ils se découvrent de manière limpide dans l’esprit de l’un comme de l’autre. Son refus de voir Galen se marier ou de vouloir être son premier traduisent un aveu d’amour implicite. Orson dévoile son cœur à demi-mot. Galen ne le rejette pas, non, il l’étreint et sèche ses larmes avec la tendresse d’un… amant. Cette pensée le frappe en plein cœur. Krennic halète alors, blanc comme un linge, devant cette… incongrue possibilité. Il veut alors s’accrocher à l’idée folle que ses émotions puissent être comprises, que ses sentiments puissent être réciproques. Il s’accroche avec désespoir et colère, en serrant les pans de la veste de costume de Galen très fort entre ses doigts. Il serre pour ne pas s’effondrer une fois encore dans une crise de sanglots. Galen s’en va. Il est en train de le perdre. Non pas son amitié, mais toutes les possibilités d’autre chose entre eux. Ces possibilités qui le rongent, le frustrent depuis des années. Plus que n’importe quel jour, Orson Krennic souhaite qu’ils puissent être autre chose ensemble.

« Orson… tu es déjà le premier. Le premier à m’avoir fait sourire quand tous les autres m’ennuyaient, le premier à m’avoir fait comprendre que je n’étais pas résigné à être seul, le premier à avoir cru en moi, mon premier ami, mon premier… » Galen parle, mais Orson ne l’écoute plus. Orson est concentré sur les battements effrénés de son cœur qui manque d’exploser dans sa poitrine, tout comme il est focalisé sur les gestes réconfortants de Galen Erso. Il est son premier amour, son véritable amour. Galen ressent-il exactement la même chose ? Orson l’ignore, mais veut s’en persuader. Il veut croire qu’il signifie quelque chose pour Galen Erso. Plus que de l’amitié. Leur relation est… complexe. Depuis toujours. Galen le sait maintenant. Orson le sait depuis toujours. Et voilà que le scientifique prétend que Lyra, sa fiancée, ne le remplacera jamais, qu’elle ne l’a même jamais remplacé. Krennic répond par un haussement d’épaule contrarié, fortement sceptique. Bien sûr que Lyra va le remplacer. « Je ne pensais pas que tu en souffrirais autant. » dit Galen, ce qui déchire un morceau du cœur d’Orson, bien qu’il prétende être extérieur à sa propre souffrance. L’impérial ne répond pas, il ne le peut pas. Quoi ajouter de plus à cela ? Rien. Il ne peut rien ajouter de plus – ses larmes témoignent suffisamment de sa souffrance intérieure. « Je ne pensais pas que tu… » reprend Galen Erso. Qu’Orson est amoureux de lui ? C’est ce qu’il veut dire ? Orson baisse lentement les yeux vers un morceau de tissu du costume de Galen, au niveau de son épaule. Il remarque de la poussière, ou plus précisément, un cheveu – une mèche argentée, la sienne sans doute. Délicatement, il la récupère entre son index et son pouce, avant d’épousseter soigneusement le vêtement. « … que tu tenais à moi à ce point-là. » Krennic sourit, amer. Il rit ensuite, moqueur. Galen ne veut pas verbaliser ce qu’ils savent tous les deux, il ne veut pas être celui qui le fait. Il espère sans doute qu’Orson prononcera les mots fatidiques et tant redoutés à la fois. Ce « Je t’aime, Galen. » qu’il ne cesse de se répéter dans son esprit, avec douleur.

Orson se sent audacieux, maintenant qu’il a révélé sa noirceur, sa tristesse, son amertume. Galen a un choix à faire. Krennic veut le pousser à le prendre, alors il hésite entre deux voies. L’encourager, se confesser en toute honnêteté, ou bien œuvrer pour casser son mariage de l’intérieur. La deuxième option l’attire irrémédiablement, mais c’est vers la première qu’il se tourne finalement, après avoir retourné la problématique dans tous les sens. « Choisis-moi. » dit-il enfin, après une courte pause, que le rire embarrassé de Galen a couvert durant quelques minutes. « Aime-moi. » Voilà. C’est à moitié dit. « Tu ne sais pas ce que tu dois faire maintenant ? » répète Krennic en se détachant de Galen, pour relever la tête et faire face à la sienne. « Regarde-moi, et ose me dire que tu ne ressens strictement rien pour moi… rien qui ne soit pas juste de l’amitié ou de la tendresse fraternelle. » Orson le défi d’avouer à son tour la complexité, ou même l’ambiguïté de leur relation. « Parce que pour ma part… Je n’ai aucune pensée fraternelle te concernant. Je ne te vois pas comme mon frère, et encore moins comme un simple ami. » Ces mots peuvent sembler durs, mais ils mettent en relief des sentiments profonds, comprimés en lui. « Je pense à toi, Galen, d’une manière qui me dégoûte… Parce que je sais, combien tu m’estimes, combien tu me respectes. Je sais que je suis ton meilleur ami, ton seul ami. Ton amitié ne me suffit plus. Maintenant qu’elle est là. » Elle. Lyra. « Tu as été mon premier véritable ami. Les moments qu’on a partagé me sont précieux, mais… Ils sont faussés, Galen. Tu n’es pas juste un ami ou juste un frère pour moi. Tu es… tu es mon premier amour et je… » Non... Orson va beaucoup trop loin.

Il se coupe de lui-même en ne sachant pas comment formuler ses besoins. C’est ce qui s’apparente le plus à un « Je t’aime, Galen. ». Orson n’est pas encore prêt, pas suffisamment pour lui confesser qu’il l’aime toujours aussi désespérément, alors que ses larmes, le voile humide encore présent dans ses yeux, et les tremblements dans le son de sa voix sont autant d’indicateurs qui trahissent un émoi fulgurant et douloureux. « Regarde-moi, en face, et ose me dire que notre relation, depuis vingt ans, est parfaitement saine. Dis-moi qu’il n’y a aucune ambiguïté entre nous, que tu n'as jamais ressenti… le moindre désir, ou même encore de jalousie pour moi. Dis-moi, maintenant, Galen, que tes sentiments sont et ont toujours été… strictement amicaux… Dis-le moi, et je ne m’opposerais plus à votre mariage. Si je fais fausse route, et si ce n’est que moi… Je te promets de passer à autre chose, d’assumer mon rôle de témoin jusqu’au bout, d’être heureux pour votre union et vous souhaiter… le meilleur. » Du dégoût s’échappe de sa bouche vers la fin de sa tirade, car l’idée de leur souhaiter « le meilleur » avec Lyra lui provoque de l’urticaire. Orson marque une pause nécessaire, puis plaque son front chaud et humide contre celui de Galen Erso, leurs regards l’un dans l’autre. Une lueur de détermination brille dans le fond de ses yeux encore trempés de larmes, car malgré toute la souffrance, il essaie de retrouver un semblant de dignité. « Repousse-moi. Brise-moi. Fais-le, Galen. » Il en a besoin. Il en a terriblement besoin pour passer définitivement à autre chose. Orson en prend enfin conscience. Libère-moi.

Orson garde ses yeux rivés dans ceux de Galen, scrutant chaque différence de couleur dans le marron miellé de ses iris délicats. Il se prépare mentalement à se faire jeter en beauté. Orson est prêt. Prêt à l’humiliation. Prêt à tout subir. Galen va lacérer son cœur en morceaux, mais cela ne l’effraie pas. Non, ce qui l’effraie vraiment c’est « l’après ». Comment vont-ils communiquer ensuite ? S’en est-il terminé de leur amitié ? « Je ne peux pas… » Quoi donc ? Krennic est stupéfait. Il en tombe des nues. Sa surprise se lit à la fois dans l’expression de son regard que dans le léger tic nerveux qui le fait courber le coin de sa bouche en un rictus mi-béat, mi-amusé. Une bouffée de chaleur l’envahi brusquement, se perdant ensuite en un frisson le long de sa colonne vertébrale. « Je ne peux pas te regarder en face et te dire ces choses-là. » Non… Galen en est incapable, donc, c’est que Galen… Galen l’aime ? C’est une pensée à laquelle il refuse de s’accrocher. Par peur de souffrir ou bien de tomber de très haut. Orson ferme les yeux, savourant leur proximité physique, tout en restant parfaitement chaste. Alors qu’il s’apprête à lui répondre, son ami reprend : « Qu’est-ce qui se passera ? » Krennic ouvre les paupières, et ce qui se découvre dans le fond de ses orbes est un mélange de stupéfaction et de résignation. La réponse à cette question lui semble si évidente, et pourtant si compliquée. Ce qu’il se passera, c’est qu’ils seront ensemble et probablement en train de faire l’amour, ici et maintenant. Ils seront ensemble, oui… mais pas comme Galen est en ce moment avec Lyra. Leur relation ne sera malheureusement jamais exposée au grand jour, à moins d’être publiquement surpris. « Je quitte Lyra. Et ensuite ? Qu’est-ce qui se passera ? » Galen se répète et Krennic reste interdit. Pas longtemps, car une fois avoir rassemblé ses esprits, il décide de briser le silence religieux que les derniers mots de Galen ont fait naître.

« Ce qu’il se passera… » répète Krennic d’une voix hésitante, lui-même n’en sait rien. Pas exactement, du moins. Un éclair traverse ses orbes glacés, un éclair de clairvoyance. Enfin, il comprend que le sort de leur relation se trouve entre ses mains. Galen ne se refuse pas à lui. Au contraire, il envisage la possibilité de lui dire oui et de repartir avec lui. Orson sourit intérieurement, mais conserve une expression vide devant le scientifique. Il a besoin d’être certain de ce que Galen est en mesure de lui donner pour s’abandonner totalement à son tour. « Ce qu’il se passera, Galen ? » dit Krennic, sur un ton plus grave et sérieux, cette fois. Leurs fronts sont collés l’un contre l’autre, et leurs souffles se mêlent entre leurs lèvres entrouvertes, à deux doigts de se sceller dans un baiser. Orson ne l’embrasse toutefois pas. Galen ne semble pas non plus prêt à rompre les derniers millimètres qui séparent leurs bouches, malgré l’envie furieuse qui gronde dans leurs bas-ventres respectifs. « Tu veux vraiment savoir ce qu’il va se passer ? » murmure-t-il, les yeux toujours dans les siens – son unique lumière, son phare dans la nuit noire, son bouclier, son idéal. « Dis-moi oui, et tu verras. » Soudainement, ses jambes chancèlent. C’est le coup de l’émotion. Il a tant retenu ses sentiments, qu’il est maintenant incapable de tenir sur ses jambes. Orson laisse tomber ses genoux sur le sol carrelé des toilettes publiques (quel endroit charmant), et s’accroche aux mains de Galen dans sa chute. Ses doigts épais s’enroulent dans ceux du scientifique, pour les serrer aussi fort qu’il le peut, aussi fort qu’il le veut.

A genoux devant Galen, se moquant complètement de salir son pantalon chic, Krennic ne quitte pas ce dernier des yeux une seule seconde. Il recherche une émotion dans le marron de ses yeux, quelque chose sur laquelle se raccrocher. Un signe… d’appréciation, d’acceptation… de contentement, même. Est-ce qu’il est vraiment satisfait de le voir à genoux devant lui, prêt à toutes les folies et aux promesses les plus utopistes rien que pour ses beaux yeux ? « S’en sera terminé de notre amitié, Galen. » confesse-t-il, droit dans les yeux. Ce qu’il lui dit n’est pas dans le but de lui faire du mal, non, bien au contraire. « Après ce soir, après cette conversation dans… cet endroit. » Il désigne les toilettes d’un coup d’œil, avant de se fondre dans un rire nerveux. Un éclat léger, presque aérien. Un rire heureux. Après la tristesse, vient la joie. Galen est incapable de le repousser ou de le rejeter, parce qu’il éprouve la même attirance que lui – les mêmes sentiments. Sans doute. Orson n’en est pas totalement certain, mais il est en bonne voie. Il désire une confession plus officielle de la part de Galen. Il ne voit qu’un seul moyen pour déterminer clairement ce que le scientifique éprouve pour lui. « Plus rien ne sera comme avant… » affirme-t-il en gardant fermement ses mains dans celles de Galen Erso, avant de s’en détacher à regret pour attraper ses cuisses dans ses paumes. Il exprime là une certaine possessivité, et une sollicitation claire. Il réclame le droit de territorialiser son corps, de le marquer comme sien.

Orson baisse alors les yeux, en rompant le contact visuel avec Galen, pour venir regarder ce qui se trouve juste devant lui : la chemise blanche du scientifique. Il embrasse son ventre. Une première fois, d’abord. Lentement, sensuellement. Il ajoute quelques mots, en refermant la bouche tout contre une peau qu’il devine frissonnante derrière le tissu épais de sa chemise. « Ce qu’il se passera, tu le sais très bien… Nous pourrons être ensemble. De toutes les manières que tu voudras. » Il y a presque quelque chose de surréaliste dans ce qui est en train de se passer entre eux. « Nous serons ensemble. » Il apporte plus de convictions à son argumentaire, cette fois, avant d’embrasser une deuxième fois le ventre de Galen avec plus de passion. Ses doigts s’enfoncent dans sa cuisse, à travers son pantalon. Il serre Galen jusqu’à en avoir mal aux phalanges, jusqu’à grogner contre son ventre, à quelques millimètres de son pubis. Orson agite son nez quelques secondes, et vient le frotter contre la chemise pour créer un contact toujours plus intime entre eux, sans être indécent. Si Galen l’y autorise, en revanche, il enverra balader toute décence pour laisser libre court à ses fantasmes sordides. « Pas officiellement. » précise-t-il d’une voix hachée, parcourue de tremblements et de soupirs las. Cela le gêne d’avouer cela, puisqu’il craint que Galen ne refuse sa proposition pour cette raison. Vivre dans les ténèbres est pesant sur le long terme. Pas pour Orson, cela le comble suffisamment, mais pour Galen, qui a tant besoin de montrer au monde la force de ses sentiments, cela risque d’être une épreuve chaotique. Une épreuve qu’Orson désire surmonter avec lui.

« Je ne peux pas t’offrir le mariage, Galen. » Cela le déchire, tout en le rassurant en même temps. Krennic n’a jamais cru à cette institution. Il n’a jamais désiré fonder une famille, contrairement à Galen. Cela l’arrange, d’une certaine manière, même s’il ne le verbalise pas. « Mais si tu m’aimes assez pour t’en accommoder… Je t’offrirai tout le reste. » lui promet-il en l’embrassant pour la troisième fois avec dévotion. « Moi, juste moi. Tu m’auras moi. » Sa langue se fraye un chemin dans le léger espace entre l’un des boutons de sa chemise et le tissu en lui-même pour venir caresser la chair tendre de son nombril. « Donne-nous toutes nos chances, Galen. Je me mets à genoux devant toi. » Littéralement et métaphoriquement. Krennic inspire une profonde bouffée, toujours contre son bas-ventre, pour s’imprégner de l’odeur de sa peau et de sa chaleur mêlée à celle du coton haut de gamme de la chemise du scientifique. Il se trouve très près de la boucle de sa ceinture, et de ce fait, de son entrejambe. Orson n’en fait toutefois rien. Il cherche à convaincre Galen de le choisir, tout en vérifiant la nature et le degré de son désir pour lui. Après avoir une dernière fois déposé un baiser mouillé contre son ventre, avec la bouche à moitié ouverte, il détache lentement son front pour ancrer ses yeux dans ceux de son « meilleur ami ». Krennic est à la recherche d’une lueur de tendresse, d’amour, ou bien encore de désir. Il ne relâche pas son étreinte, et noue même ses doigts comme des ventouses autour de ceux du scientifique. Il ne le lâchera pas. Il ne le lâchera plus désormais.