J'ai eu plusieurs vies, difficile à croire non ? Et pourtant c'est la vérité. La première, je l'ai débutée de mon vivant dans la si charmante ville de Paris à une époque où les technologies n'avaient pas encore pris le dessus sur l'humanité et où le réseaux sociaux se limitaient à se rencontrer les belles après-midi d'été autour d'une tasse de thé pour discuter. J'ai eu beaucoup de chance, car née dans une famille de la haute bourgeoise je n'avais pas à me préoccuper de savoir comment satisfaire mes besoins primaires. J'ai gardé très peu de souvenirs de ma petite enfance. Je me rappelle seulement que j'adorais le jardin de mes parents où je pouvais passer des heures à m'occuper des plantes ou simplement à rêvasser. Je reçu une très bonne éducation et j'appréciais ces moments passés en compagnie de mon précepteur à apprendre beaucoup de choses.

Mon enfance heureuse fut simplement de très courte durée. A l'âge de 14 ans, je fus mariée de force par me parents. Ce genre de mariage arrangés étaient assez courant mais ce n'est pas pour cette raison qu'ils étaient faciles à accepter pour autant. D'autant moins lorsque l'homme qu'on épouse était un homme âgé de plus de 50 ans donc les manières et la galanterie laissaient franchement à désirer. Appréciant un peu trop la bouteille, il était souvent violent et me traitait comme sa propriété. Je vivais avec lui bien trop longtemps et je finis par en avoir assez. J'ai fini par l'assassiner. Ce fut la première fois que je laissais s'exprimer les pulsions cannibales qui avaient toujours sommeilles au fond de moi.

Je pris la fuite quelques temps après bien évidemment. Maintenant que j'étais libre, je ne pouvais pas prendre le risque de finir ma vie pendue. Je pris donc le bateau pour les États-Unis et allait m'installer en Louisiane. Ayant emporté avec moi l'héritage de mon mari, je lançais ma petite boucherie qui eu rapidement un succès retentissant. En dehors des viandes traditionnelles que vous pourriez trouver sur n'importe quelle étales, j'avais également un marché noir de viande humaine. Comment je me les procuraient ? Oh eh bien disons que cette région ne manquaient pas de gens pauvres et sans relation qui ne manquerait à personne sans que cela éveille le moindre soupçon. Mes clients s'arrachaient mes produits et nous formions rapidement une petite communauté discrète partageant le même péché mignon. C'est ainsi que je rencontrais l'homme qui allaient bouleversé ma vie à jamais, mon cher, si cher Alastor. Mais bien sûr, le cannibalisme n'étant pas bien vu par la bonne société, je fus arrêtée et pendue pour mes crimes. Comme quoi il est bien difficile d'échapper indéfiniment à son karma.

N'ayant pas été une très bonne fille durant mon existence, je filais tout droit vers l'Enfer. Un endroit charmant lorsque l'on sait s'y adapter et aménager les lieux comme si l'on était chez soi. Toujours aussi ambitieuse, je gravissais peu à peu les échelons de la hiérarchie pour devenir l'un des seigneuresses dirigeant les Enfers alors que Lucifer et sa femme Lilith délaissaient leurs responsabilités. A l'aide de mes nouveaux pouvoirs, je me bâtis mon propre "empire" et trouvais mon bonheur dans la fondation du faubourg cannibale. Ce qu'il y avait de particulièrement agréable, c'est que personnes ne venaient à vous demander des comptes dans un monde de pécheurs où les crimes étaient monnaie courante. Je tentais le mariage encore une fois, espérant cette fois-ci que ce serait le bon. Je savais bien évidemment que c'était un mensonge, le seul que j'aurais vraiment souhaité avoir à mon bras ne se montrant pas disponible pour ce genre de frivolités. Je n'irais pas blâmer mon cher Alastor pour cela. Ses ambitions personnelles lui prenant beaucoup de son temps et il m'offrait tout de même une amitié comme une de plus rares que l'on puisse connaître dans une vie. De ce fait, mon mariage fut un échec et il se termina comme le premier.

Les années passèrent et je vivais ma petite vie jusqu'au jour où Alastor et la princesse Charlie Morningstar virent frapper à ma porte. Ils voulaient empêcher la prochaine purge par les anges divins et avaient besoin de mon aide. Monter une armée de cannibales pour mettre un terme au sort bien cruel réservé aux pécheurs ? Je trouvais cela très excitant et j'acceptais l'offre de cette si charmante princesse. Après tout, je pensais qu'il y aurait peut-être des avantages à en tirer pour moi. Je savais que je pouvais compter sur Alastor pour que cette idée ne soit pas totalement dénuée de bon sens. Nous nous sommes battus comme des lions et j'étais très fière de mes hommes. La victoire qui s'en suivit fut grandiose et le festin absolument délicieux. La chaire des anges est si délicate que c'est un pur régal. Ce fut le dernier souvenir que j'emportais avec moi alors que la malédiction frappa.

J'avoue volontiers que se retrouver de nouveau dans le monde des vivants avait quelque chose de très perturbant. Et après toutes ces années, reconstruire ma vie tout en étant privée de mes pouvoirs avait quelque chose de très perturbant. Mais je le fis et je montais à nouveau ma propre affaire. Un charmant petit salon de thé "Emporium" qui faisait également boulangerie. Je vivais une existence des plus sereines et je me fis de nombreux amis. J'avais un talent fou pour ça et appréciais plus que tout ma petite communauté, même si le démon de la radio étant aux abonnés absents me manquait terriblement. Une autre chose me manquait, le cannibalisme. Ce n'était plus aussi facile de se procurer des corps et les meurtres n'étaient plus pardonnés. Je comptais alors sur un marché parallèle venu tout droit de l'hôpital. Les gens qui donnaient leur corps à la science, les amputations... tout pouvait m'être utile et je me servais donc dans ses réserves pour satisfaire mes propres besoins et ceux de ma clientèle. Les jours sont plutôt paisibles et même si je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'est devenu mon faubourg cannibale, j'attends avec une certaine impatience ma prochaine aventure.