(Terminé) (Halloween) L'absent ▿ Mary

Son corps était lourd, endolori, comme si elle venait de passer des heures dans une position désagréable. Sa tête lui faisait mal et elle peinait à ouvrir les yeux. Avant même de les ouvrir, l'une de ses mains s'était posée sur son front. Difficilement, elle battait des paupières pour s'acclimater à son environnement et à la faible lumière de la pièce. Sa vision devenue nette, Elizabeth découvrait difficilement, à cause du peu de lumière, un plafond qu'elle ne connaissait pas. Elle n'était pas chez elle. Aussitôt, à cette pensée, les battements de son coeur se firent plus rapides. Son corps se paralysa un instant, sous la peur. Son esprit cherchait une explication rationnelle, une raison à sa présence ici. Il tentait de se remémorer les heures qui avaient précédé son réveil. Il n'y avait rien. Jusqu'à présent immobile - hormis le mouvement de sa main, un peu plus tôt - la jeune femme tourna doucement la tête à droite. Il n'y avait rien de particulier. Elle n'en apprenait pas plus sur cet endroit. Alors, elle tourna la tête à gauche. Il se dressait alors devant elle une espèce de table. Avec un peu plus d'attention, ses réflexions la menèrent à comprendre qu'il s'agissait de la réception de quelque chose.

Alors que la jeune femme s'apprêtait à se redresser, une autre respiration attira son attention. Son corps se figea à nouveau. Elle ne bougeait plus, serrant instinctivement les poings et se mordant la lèvre pour retenir tout son. Son regard se planta de nouveau sur le plafond inconnu et inquiétant. Si quelqu'un était là, il lui voulait peut-être du mal et elle devait faire semblant d'être toujours inconsciente - à condition qu'il n'ait remarqué aucun de ses mouvements. Évidemment, elle ne cherchait pas très loin. Si quelqu'un devait être responsable de cet événement, c'était forcément Mary. C'était la réponse la plus évidente aux yeux d'Elizabeth. Et, pourtant, cette situation faisait écho à une autre situation que les deux femmes avaient vécue plusieurs mois auparavant. Elles avaient été invitées, toutes les deux, à se rendre à une adresse inconnue et elles s'étaient retrouvées coincées dans une maison, contraintes de s'entraider. L'histoire se répétait-elle, même si, cette fois-ci, elles avaient été conduites ici de force ? Ou, cette fois-ci, Mary était bel et bien responsable de sa présence ici ? Après tout, les choses avaient changé depuis cette fois-ci. Elizabeth représentait, plus que jamais aux yeux de Mary, une menace. Son intervention auprès d'Alexander, pour le mettre en garde contre Elizabeth, en était la preuve. Elle voyait en lui un allié potentiel pour Elizabeth, un allié dont il fallait la priver à tout prix, sinon pourquoi avoir interféré dans cette relation ? Elizabeth s'y était attendue et elle avait mis Alexander en garde, dès les premiers instants. Après tout, depuis son arrivée dans ce monde, Mary avait fait en sorte qu'Elizabeth s'isole et reste complètement seule. Esseulée, elle ne représentait pas le moindre danger contre Mary. Comment une femme seule, sans soutien, pouvait espérer se battre et gagner contre une femme entourée, comme l'était Mary ? Non, Elizabeth n'avait eu aucune chance de se battre parce que, jusqu'à présent, Mary avait toujours fait en sorte d'interdire à Elizabeth d'avoir la moindre vie. Aujourd'hui, Elizabeth s'était libérée de cette contrainte, autant qu'elle le pouvait, du moins. Mary craignait alors pour sa vie et celle de son enfant, évidemment. Comme prévenir Alexander n'avait pas servi à grand chose, sans doute s'était-elle décidée à passer à l'étape supérieure, à savoir la faire avouer par tous les moyens ?

Comme Elizabeth ne pouvait être certaine de rien, comme elle n'avait aucune certitude quant à l'identité de la personne qui se trouvait avec elle, elle préférait ne pas bouger. C'était une solution temporaire, elle ne pouvait pas rester ainsi indéfiniment, mais elle espérait entendre quelque chose lui permettant de définir qui était cette personne, où elle se trouvait ou ce que l'on attendait d'elle.

Les yeux de Mary s’ouvraient difficilement sur un décor inconnu. Ce mur, elle ne le reconnaissait pas. Tout comme ce sol. Sol sur lequel elle s’était endormie. Comment s’était-elle retrouvée ici ? Mary n’avait aucun souvenir. Elle ne se souvenait pas être venu jusque-là. Elle ne se souvenait pas non plus s’être endormi. Depuis combien de temps était-elle là, inconsciente ? Les douleurs, lui laissaient penser qu’elle était là depuis un petit moment déjà. Après quelques efforts, la brune avait finalement réussi à tourner la tête, pour observer l’autre côté de la pièce. La lumière était bien trop faible pour espérer voir quoi que ce soit, mais Mary essayait de distinguer la moindre présence dans cette pièce, elle refusait de faire le moindre bruit avant d’être certaine d’être seule.

Après quelques secondes de silences, la brune avait finalement tenté de se relever, criant intérieurement pour chaque douleur ressentie. Automatiquement, une main vint se poser sur le bas de son dos, tandis que l’autre se posa sur sa nuque. Mais Mary était bien trop effrayé par la situation pour penser plus longtemps à la douleur qu’elle ressentait à cause de ce sol. Elle devait se concentrer sur ce qu’elle réussissait à voir, sur ce qu’elle réussissait à entendre. Sauf que de là où elle était, elle ne voyait rien, elle n’entendait rien. Tout était extrêmement calme. Trop calme. Alors l’ancienne reine fit quelques pas en avant, tout en essayant de faire le moins de bruit possible, persuadée qu’il y avait quelqu’un caché dans l’ombre, à l’affût du moindre mouvement, près à, elle ne savait quoi, dès qu’il la saurait éveillée.

Après s’être légèrement déplacée, Mary aperçut une silhouette étendue sur le sol. Cela pouvait être un piège, bien évidemment, mais cette personne pouvait aussi être une victime. Alors sans vraiment hésiter, Mary s’était précipitée vers elle, tout en essayant de ne pas faire de bruit une fois de plus. Une fois à sa hauteur, Mary s’agenouilla avant de déposer une main sur son poignet cherchant le moindre signe de vie, puisque cette personne restait immobile. Après avoir trouvé un pouls, la brune détourna le regard pour le poser sur le visage de la jeune femme, afin de la réveiller, pour lui éviter un potentiel danger. Mais à peine l’avait-elle vu, que Mary avait reconnu sa cousine. « Elizabeth ? » Que faisait-elle là ? Pourquoi est-ce qu’elles se retrouvaient encore une fois enfermées toutes les deux ? Devaient-elles encore s’entraider ? Ou est-ce que cette fois-ci Elizabeth était l’auteure de cette machination ? Après tout, elle avait sans doute su que l’ancienne reine avait approché Alexander pour le mettre en garde. Et puis elle avait bien vu que Mary avait, elle aussi, ses faiblesses. Elle avait vu qu’elle était prête à bien des sacrifices. Peut-être allait-elle enfin assumer son rôle dans le meurtre de Mary. Peut-être allait-elle recommencer une fois encore. Peut-être avait-elle trouvé le moyen de faire perdre sa cousine. Le moyen de la forcer à stopper ce qu’elle faisait -même si ces derniers temps, Mary ne faisait plus grand-chose contre sa cousine, bien qu’elle continuait à la faire suivre – pour retrouver la vie dont elle rêvait, sans avoir à supporter sa cousine.

Immobile, Elizabeth tentait de tromper la personne qui était avec elle dans cette pièce. Si elle arrêtait de bouger, elle pouvait espérer faire croire être toujours inconsciente. Attentive aux moindres bruits, la jeune femme percevait les mouvements rapides qui arrivaient jusqu'à elle. Tout son corps se contractait. Elle essayait pourtant de se détendre autant que possible afin que son potentiel agresseur ne se doute de rien, mais en vain. La présence s'était approchée d'elle. Elizabeth avait raté une respiration, la peur prenait le dessus et l'empêchant de se contrôler, l'espace d'un instant. Sur ses gardes, l'ancienne reine tenta de ne pas bouger lorsqu'elle sentit une main attraper son poignet à la recherche d'un pouls, très certainement. Involontairement, ce dernier accéléra - et elle n'était pas capable de le contrôler, évidemment. Paniquée, elle s'attendait à ce qu'on lui dise qu'on savait qu'elle ne dormait plus, mais, à la place, elle entendit une voix familière souffler son prénom. Mary. Avait-elle eu raison alors, en supposant qu'elle était derrière tout ça ? Ou n'était-elle qu'une victime, elle aussi ? Bien sûr, elle pouvait simuler toute cette scène, mais si elle était responsable, pourquoi se serait-elle comportée ainsi ? Une fois encore, les pensées d'Elizabeth étaient embrouillées et elle se retrouvait incapable de déterminer le vrai du faux.

Aussitôt, sans réfléchir davantage à la situation, Elizabeth avait ouvert les yeux et s'était éloignée de Mary en se redressant pour s'asseoir. S'il s'agissait d'un piège de Mary pour qu'Elizabeth cesse de faire semblant de dormir, elle avait gagné, mais qu'importe. Elizabeth refusait d'être inconsciente - ou de prétendre l'être, plutôt - en compagnie de sa cousine. Elle avait besoin de la voir, de connaître le moindre de ses mouvements parce qu'elle ne lui accordait pas la moindre confiance. « Mary ! » Souffla-t-elle, alors, en l'observant malgré l'obscurité. « Que se passe-t-il ? » Elle s'épargnait les habituelles accusations - que sa cousine nierait, de toute façon - mais elle cherchait à en apprendre davantage puisque Mary avait peut-être déjà eu le temps de comprendre ce qui était en train de se passer. Se redressant lentement, les yeux ne quittant pas Mary, par méfiance - même s'il était difficile de se méfier de quelqu'un qu'on ne voyait pas vraiment - Elizabeth ajouta presque aussitôt : « Je suppose que si je vous posais la question, vous me répondriez que vous n'y êtes pour rien, donc nous pouvons nous épargner cette étape, n'est-ce pas ? » Le schéma était le même à chaque fois et Elizabeth n'avait pas envie de répéter les choses, d'autant qu'elle n'avait qu'une envie : lui sauter à la gorge et fuir cet endroit. Alors, autant brûler les étapes inutiles. « Où sommes-nous ? » Demanda-t-elle en tentant d'observer les alentours et en s'approchant du bureau qui servait de réception, sans pouvoir distinguer quoi que ce soit encore, à cause de l'obscurité.

Mary n’était pas seule dans cette pièce. Une fois encore, elle se retrouvait enfermée avec sa cousine. L’ancienne reine avait vu cette silhouette étendue sur le sol. Rapidement, elle s’était approchée d’elle. Tout aussi rapidement, elle avait attrapé son poignet à la recherche du moindre signe de vie. Fort heureusement, le cœur de cette jeune femme battait, un peu trop fort d’ailleurs pour une personne inconsciente, mais Mary n’y avait apporté aucune importance. Elle avait rapidement tourné le regard pour poser ses yeux sur le visage de la jeune femme, prête à la réveiller, pour essayer de fuir cette maison, avec cette personne qu’elle ne pouvait laisser là. Mais quelle ne fut pas sa surprise en voyant le visage de sa cousine. Malgré l’obscurité, Mary l’avait reconnu, parce qu’elle était incapable d’oublier ce visage. Sans pouvoir se retenir, la brune avait prononcé le prénom de sa cousine, brisant tout contact avec elle. Que faisait-elle là ? Pourquoi se retrouvait-elle enfermée avec elle une fois encore ?

À peine avait-elle prononcé le prénom d’Elizabeth, que cette dernière avait ouvert les yeux, s’éloignant et se redressant pour s’asseoir. Mary eut également un mouvement de recul en la voyant ouvrir les yeux et s’agiter aussitôt. Puis la rousse prononça le prénom de sa cousine en retour, prouvant ainsi que, malgré l’obscurité, elle l’avait également reconnu. À la question de sa cousine, la brune haussa les épaules, sans même savoir si la rousse avait aperçu son mouvement. Honnêtement, Mary avait soupçonné sa cousine. Après les derniers événements survenus dans leur vie, elle savait que sa cousine allait vouloir s’en prendre à elle. Après cette sorte de retour dans le passé, où Elizabeth avait vu les faiblesses de sa cousine. Où elle avait su se montrer plus forte. Après que Mary se soit rendu chez Alexander pour discuter avec lui d’Elizabeth. Après qu’Elizabeth ait trouvé le soutien de ce même Alexander. L’ancienne reine d’Angleterre, avait désormais la possibilité de s’en prendre à sa cousine. Un soutien, de l’espoir, la connaissance de certaines faiblesses. C’était déjà trop. Beaucoup trop, pour l’aider à passer à l’offensive dans ce monde.

« En effet. » Lâcha-t-elle froidement. Ce n’était pas la première fois qu’elles se retrouvaient dans cette situation. Et comme d’habitude, elles allaient se rejeter la faute, jusqu’à n’en plus pouvoir, passant alors à un potentiel autre coupable. Alors autant s’épargner un tel jeu. Autant économiser leur énergie pour autre chose. « Je ne sais pas. Je me suis réveillée dans cette pièce. Je ne me souviens pas être venu jusqu’ici. » Alors elle ne pouvait lui apporter aucune information. Suivant sa cousine jusqu’à la réception. En apercevant une feuille, la brune l’avait attrapé, cherchant une information sur les lieux. En approchant le papier pour mieux le voir, la brune avait réussi à distinguer trois lignes. Trois prénoms pour être exact. Celui d’Elizabeth, le sien et un autre nom. Un nom qu’elle ne connaissait pas, mais de toute manière celui-ci était barré. Qu’est-ce que cela signifiait ? La brune avait alors tendu le papier à sa cousine, espérant qu’elle puisse l’éclairer. « Elizabeth regarde, il y a nos... » Mary se stoppa net. Un éclair venait d’éclairer la pièce, laissant Mary apercevoir un peu plus de détail. Après avoir lâché un léger cri, l’ancienne reine laissa le papier chuter au sol, avant de faire quelques pas en arrière. « Qu’est-ce que tu as fait ? Ça veut dire quoi tout ça ? » Mary était apeurée et sa voix trahissait ce sentiment. Elle ne connaissait pas les lieux, ne savait pas si Elizabeth était seule. Elle ne savait pas ce qui l’attendait. Pourquoi est-ce qu’elle était couverte de sang ? Pourquoi est-ce qu’il y avait un prénom barré sur cette fichue feuille ? « Oh non, tu... » La brune porta une main sur son ventre et l’autre sur son front. « Tu l’as tué ? » A cet instant, elle ne voyait aucune autre explication.

L'histoire se répétait sans cesse. Mary et Elizabeth, condamnées à s'entraider pour survivre, une fois encore - à moins que, cette fois-ci, Mary soit réellement derrière tout ça et qu'elle attendait simplement le bon moment pour lui faire payer le fait de s'être trouvée un allié. Pourtant, pour une fois, Elizabeth ne rejetait pas immédiatement la faute sur Mary. Elle le pensait, bien sûr, mais elle s'évitait le jeu stupide et qui ne menait à rien, de lui demander si elle était derrière tout ça et pourquoi elle faisait ça. Mary ne lui répondrait rien, de toute façon. Cette dernière expliquait qu'elle s'était réveillée ici, sans souvenir d'être arrivée dans ce manoir. C'était la même chose pour Elizabeth. Sans grand étonnement, en réalité. Cette dernière ignorait qui se cachait derrière tout ce jeu, mais elle devait bien rire à réunir les deux cousines en permanence. Elle s'amusait de leur passé, de leurs peurs et de leurs nerfs. Ce petit jeu n'amusait plus du tout Elizabeth, moins encore depuis qu'elle avait appris que Mary avait essayé de se rapprocher d'Alexander pour lui dévoiler toute la vérité. Plus que jamais, Elizabeth se sentait vulnérable face à sa cousine et plus que jamais, elle se sentait en danger. Néanmoins, elle se sentait également la force et l'envie de se battre désormais. Elle n'était plus seule et elle n'avait plus à subir sans rien dire. Si Mary persistait à vouloir se venger, Mary le paierait très cher.

Elizabeth s'était redressée pour observer les alentours. Si Mary n'était pas la véritable menace, il devait y en avoir une. Pour la découvrir, il fallait fouiller et observer les alentours pour, déjà, comprendre où elles étaient. Elizabeth observait donc, mais ne voyait rien qui aurait pu lui paraître suspect. Mary, qui l'avait suivie, avait attrapé une feuille entre ses mains. Après l'avoir observé, elle l'avait tendue à Elizabeth en lui donnant une explication sur son contenu. Alors qu'Elizabeth s'apprêtait à attraper cette feuille, Mary se stoppa et lâcha la feuille, en criant. Un éclair avait illuminé la pièce. Elizabeth sursauta de surprise, ne comprenant pas ce qui était en train de se passer. Pourquoi cette réaction ? Avait-elle entendu ou vu quelque chose ? Aussitôt, apeurée, Mary questionna Elizabeth sur ce qu'elle avait fait. Elizabeth ne comprenait pas. L'incompréhension devait se lire sur le visage de l'ancienne reine - à condition de pouvoir voir son visage dans l'obscurité, bien sûr. Alors elle restait immobile et silencieuse. Mary semblait terrifiée par quelque chose qu'Elizabeth aurait pu faire et elle en vint à lui demander si elle l'avait tué. Qui ? Pourquoi ? Elizabeth répliqua, tout en secouant la tête, sans attendre, pour ne laisser planer aucun doute à cause d'une hésitation : « Non. Bien sûr que non, je n'ai tué personne. » Pas aujourd'hui, en tout cas, et pas depuis un sacré moment, de toute façon. « Je peux savoir ce qui vous prend ? » D'habitude si fière et si sûre d'elle, Mary lui paraissait bien différente désormais et Elizabeth ne comprenait rien à ce qui était en train de se passer. « Mary, j'ignore ce qui vous fait penser ça, mais je n'ai rien fait. Je vous le jure. » Elle n'en revenait pas de devoir ainsi parler à Mary, pour qui elle avait tellement de colère en ce moment, mais elle n'avait pas le choix. Si Mary se mettait en tête qu'Elizabeth avait fait quelque chose de mal, elle s'en prendrait à elle et Elizabeth ne pouvait pas se permettre de prendre un risque si inconscient. Alors, pour le moment, il lui fallait mettre sa colère et son envie de lui arracher la tête de côté et comprendre.

Pourquoi toute cette mise en scène ? Ne pouvait-elle pas se contenter d’assassiner sa cousine, tout simplement ? Bien évidemment, cette mascarade devait amuser Elizabeth. Ce nom barré. Tout ce sang sur ses vêtements. Elle cherchait à faire monter la peur en Mary. Elle voulait lui laisser le temps de comprendre son sort, sans jamais lui dire clairement. C’était sans doute plus amusant de la voir douter de la sincérité de sa cousine. Plus amusant d’apporter le coup de grâce lorsque l’ancienne reine d’Écosse s’y attendrait le moins.

Mary habituellement si forte face à sa cousine, était désormais apeuré. Elizabeth avait sans doute construit un piège solide. Maintenant qu’elle avait des alliés, elle ne se refusait sans doute plus rien. La bâtarde d’Angleterre avait sans doute attendu ce moment depuis qu’elle avait revu le visage de sa cousine dans son cabinet. Elle l’avait déjà conduite à la mort et pensait être débarrassée d’elle, mais voilà qu’elle n’était pas vraiment morte. Enfin, en tout cas, elle était là, dans le même monde qu’elle. Comment l’accepter ? Comment accepter de voir sa seule victoire s’avérer être une défaite ? Alors cela lui avait pris du temps, mais elle avait réussi. Elle avait réussi à piéger sa cousine, pour la conduire vers la mort à nouveau. Mais cette fois-ci, Mary ne pouvait espérer avoir une nouvelle chance.

« Tu es couverte de sang. De son sang. » Affirma-t-elle en pointant la feuille sur le sol. « Qu’avait-il fait ? » Est-ce qu’il l’avait trahi ? S’était-il opposé à elle ? Existait-il vraiment ? Ou était-il fictif ? Là simplement pour effrayer Mary en lui montrant de quoi elle était capable. « C’est ce qui m’attend également ? C’est bien cela. » Cette question n’attendait aucune réponse. Bien évidemment que ce sort l’attendait. Et Mary était sans doute seule ici, sans aucune protection. Alors face à Elizabeth et elle ne savait combien d’autres personnes, elle ne faisait pas le poids.

Mary avait accusé Elizabeth de bien des choses au fil des années, dans ce monde ou dans le leur, mais elle ne comprenait pas la mise en scène qu'il y avait autour de cette accusation. Si elle voulait l'accuser d'avoir tué quelqu'un, pourquoi ne pas le faire directement et simplement ? Pourquoi l'enlever dans un endroit tel que celui-ci ? Non, tout cela n'avait aucun sens. Que cherchait-elle alors, en l'accusant d'un meurtre qu'elle n'avait pas commis ? Des détails interpellés Elizabeth : pourquoi Mary semblait si sincèrement apeurée ? Mary était forte et courageuse, Elizabeth ne pouvait lui retirer, et elle détestait, tout autant qu'elle, montrer ses faiblesses - elles avaient beau se haïr, elles se ressemblaient énormément. A quoi jouait-elle ? Cette question perturbait Elizabeth qui n'arrivait pas à trouver la moindre réponse.

Mary prétendait qu'Elizabeth était couverte de sang - ce qu'elle n'avait pas vu. Et, mieux encore, elle prétendait qu'elle était couverte du sang de cette personne dont le nom était barré sur la liste. C'était stupide ! Si elle avait ôté la vie à quelqu'un, elle ne se serait pas présentée ainsi, couverte de sang, devant Mary. A moins qu'elle ne s'imagine qu'elle tentait de l'effrayer ? Un nouvel éclair illumina la pièce et Elizabeth aperçut sur ses vêtements tout ce sang dont l'ancienne reine parlait. Elle fut surprise, elle ne comprenait pas, mais elle tentait de garder son calme parce que céder à la panique ne les aiderait pas.

Elizabeth avait levé les mains en signe d'apaisement face à toutes les accusations de son ennemie. « Mon nom est sur cette liste, également. Pourquoi le serait-il si j'étais responsable ? » Alors pourquoi le serait-il s'il s'agissait de la liste de ceux qu'elle devait éliminer ? Non, ça n'avait aucun sens. Pas plus que les accusations de Mary. Elizabeth était, cette fois-ci, innocente, mais comment pouvait-elle le prouver quand toutes les preuves la désignaient comme la coupable idéale ? « Je ne le connais même pas. » Assura-t-elle avec franchise et sincérité. Alors, il ne lui avait rien fait et elle ne lui avait rien fait. « Mary, je n'ai aucune envie de vous tuer. » Enfin, pas à cet instant. Il était vrai que les dernières actions de Mary poussaient Elizabeth à lui en vouloir au point d'avoir sérieusement songé à s'en débarrasser pour vivre en paix et en sécurité, mais elle n'avait rien en tête à cet instant. Ce n'était pas une décision qu'elle prendrait à la légère. « Je ne vous veux aucun mal. » A condition qu'elle cesse de lui en faire. Et si cet endroit lui donnait enfin une chance de se débarrasser de celle qui était le seul obstacle entre Elizabeth et sa liberté ? Pouvait-elle se permettre de laisser passer sa chance ?

La mise en scène était étrange, certes, mais venant d’Elizabeth, cela n’avait rien d’étonnant. Elle cherchait sans doute à s’amuser un peu avec Mary. Tenter de lui faire peur, en lui montrant qu’elle était la prochaine, cela était sans doute amusant pour l’ancienne reine d’Angleterre. Et elle avait, bien évidemment, pensé à tout. Elle était allée jusqu’à inscrire son nom sur cette courte liste. Il ne fallait surtout pas oublier de se faire passer pour une victime, rôle récurent chez Elizabeth. Laisser planer le doute en Mary, sans doute, tout aussi amusant. « Pour semer le doute. » Se contenta-t-elle de répondre. Si le nom d’Elizabeth n’était pas noté, il aurait été évident qu’elle n’était pas en danger. Mary aurait alors très vite compris et surtout, le doute n’aurait plus été possible. « Combien d’inconnu avons dû nous tuer ? » Ce n’était nullement une excuse. « Tu aurais pu tuer cet inconnu pour tenter de m’effrayer. » Et cela fonctionnait à merveille. « Ou parce qu’il était un point gênant dans ton misérable plan de vengeance. » Il y avait des milliers d’hypothèses. Mary ne comptait pas toutes les énumérer, mais elle était convaincue que cet homme avait été tué des mains de sa cousine. Qu’il lui soit inconnu ou non, cela n’avait aucune importance.

Elizabeth avait ajouté deux phrases. Deux phrases qui paraissaient sincères, mais que Mary ne pouvait croire. Elle disait ne pas vouloir la tuer, ni même lui vouloir du mal. Cela était tout bonnement impossible. Elizabeth l’avait déjà tué par le passé et elle désirait recommencer, il n’y avait aucun doute à avoir là-dessus. « Alors explique-moi d’où provient tout ce sang sur tes vêtements. » Maintenant, Elizabeth avait vu toutes ces tâches, elle ne pouvait plus le nier. « Parce que tout est contre toi. Tout prouve que tu es l’assassin. » Ça non plus, elle ne pouvait pas le nier. « Alors pourquoi te verrais-je confiance ? » Dans ce genre de situation, dans ce monde, Mary avait toujours dû faire confiance à Elizabeth. Elle n’avait pas eu le choix, mais Mary avait bien voulu lui accorder sa confiance. Pourtant, cette fois-ci, les choses étaient différentes. Elizabeth semblait coupable. Pour une fois, seule Mary semblait être réellement en danger. « Prouve-moi que tu ne l’as pas tué. » C’était sans doute impossible, mais c’était la seule façon, pour Mary, de la croire.

Mary, avec le temps, semblait être devenue aussi paranoïaque que pouvait l'être Elizabeth. Leurs peurs se répondaient plus qu'elles ne voulaient bien l'admettre. Elles avaient peur l'une de l'autre. Elles craignaient l'une et l'autre les actions et les dangers qu'elles pouvaient représenter. Elizabeth avait toujours vécu avec ce danger qui planait au-dessus de sa tête. Mary avait toujours été un danger pour elle parce que Mary, alors même qu'Elizabeth n'avait pas encore la couronne sur la tête, réclamait déjà sa place sur le trône d'Angleterre comme unique héritière légitime de Mary Tudor. Cet événement avait été le déclencheur de tout le reste. Elizabeth avait toujours répondu à chacune de ses attaques et avait attaqué elle-même lorsque l'occasion se présentait. Elles étaient depuis toujours la plus grande menace l'une de l'autre. Ce monde aurait pu leur apporter du répit, la paix, même, peut-être. Mais la dernière décision d'Elizabeth, concernant la vie de Mary, lui coûtait aujourd'hui encore. Mary était décidée à lui faire payer sa mort, même si Elizabeth n'était pas un danger dans ce nouveau monde. Non, tout ce qu'elle avait voulu, c'était vivre paisiblement, tranquillement.

Mary trouvait réponse à tout. Si le nom d'Elizabeth était sur cette fameuse liste, c'était forcément parce qu'elle avait voulu se faire passer pour une victime en semant le doute dans l'esprit de Mary. Elizabeth, si la situation n'avait pas été à ce point désespérée, aurait pu se mettre à rire. Elles en étaient vraiment là, toutes les deux ? A s'imaginer les pires bassesses, les pires scénarios où chaque petit détail aurait été peaufiné pour faire tomber l'autre ?

Mary n'avait pas tort, néanmoins. Des inconnus, de par leur rang, elles en avaient tués beaucoup trop. Des hommes étaient morts pour elles, pour le royaume, simplement sous leurs ordres, sans que jamais elles ne connaissent ni leur visage, ni leur nom. Ils n'étaient que des pions, des soldats, des victimes collatérales. Néanmoins, jamais Elizabeth n'aurait pu aller jusqu'à tuer un parfait inconnu, même pour effrayer Mary - elle voulait le croire, du moins. Elle ne niait pas le monstre froid qu'elle pouvait être, mais elle ne l'était pas à ce point-là. Mary émettait une autre hypothèse, alors. Cet homme pouvait tout aussi bien représenter un obstacle, une simple vie à sacrifier pour obtenir ce qu'elle voulait. « Une vengeance ? Dois-je vous rappeler qui me poursuit sans cesse depuis quatre ans, persuadée que je lui veux du mal ? » Si l'une était pleine de rage, pleine de besoin de vengeance, ce n'était certainement pas Elizabeth. Ou plutôt, ce n'était pas Elizabeth, avant. Les choses étaient différentes depuis que Mary avait osé s'approcher d'Alexander pour l'éloigner d'elle - sauf qu'elle était suffisamment intelligente, pour le moment, pour ne pas se jeter sur elle pour lui arracher la tête.

Non, Elizabeth ne voulait pas sa mort. Elizabeth n'avait jamais voulu sa mort. Pas même lorsqu'elles étaient chez elles, dans leur monde. Elizabeth avait dû la faire tuer parce que Mary continuait de comploter contre elle, même enfermée. Son fils avait choisi les couronnes à sa mère. Elizabeth n'était pas celle qui avait donné l'ordre final. Elle avait proposé l'ultimatum. Ce qui ne la lavait pas de ses péchés, mais qui adoucissait, parfois, un peu ce qu'elle pensait d'elle-même. Il n'avait jamais été question d'une volonté ou d'une envie, simplement d'une nécessité. Ça avait toujours été Mary ou Elizabeth. Elizabeth avait gagné. Si elle n'avait pas vaincu Mary, Mary l'aurait vaincue. Un détail que l’Écossaise avait tendance à bien trop oublier. Pourquoi Elizabeth aurait dû accepter d'être sacrifiée ? « Je ne sais pas. » Répondit Elizabeth en insistant sur chaque mot, agacée. « Combien de fois nous sommes-nous retrouvées dans ce genre de situation, Mary ? » Trop pour prétendre encore croire que la chose qui contrôlait la ville ne pouvait pas être derrière toutes ces preuves qui la rendaient coupable. « Parce que depuis que nous sommes ici, vous ai-je seulement une fois fait le moindre mal ? » Contrairement à Mary, Elizabeth pouvait répondre en toute franchise, que non. Jamais elle ne lui avait fait le moindre mal, jamais elle ne l'avait attaquée. « Je vous ai aidée à sortir de certaines situations, nous nous sommes entraidées à de nombreuses reprises. Si je vous voulais du mal, n'aurais-je pas profité de ces moments pour le faire ? » Combien de fois aurait-elle pu la laisser mourir, la condamner en faisant certains choix ? Elle s'y était toujours refusée. A chaque fois, elle l'avait aidée. Elle avait aidé celle qui lui faisait vivre un enfer, pour lui prouver qu'elle n'était pas un monstre. Mais rien de ce qu'elle pouvait dire ou faire ne lui faisait entendre raison, malheureusement. « Que je vous prouve que... Comment voulez-vous que je vous prouve que je ne l'ai pas tué ? » S'emporta Elizabeth, surprise. Il n'y avait même pas de corps, même pas d'arme. Comment pouvait-elle prouver quoi que ce soit ? « C'est impossible, Mary, et vous le savez aussi bien que moi. » Que pouvait-elle faire pour se défendre et se protéger ? « Il n'y a aucun corps. Rien ne nous dit qu'il y en a un, d'ailleurs » Alors comment était-elle censée prouver qu'elle était innocente ?

Mary se laissait convaincre par les preuves. Tout accusé semblait accuser Elizabeth. Et pourtant, tout semblait être trop gros, trop faux pour être vrai. Mais Mary se laissait aveuglé par la peur. Si Elizabeth était couverte de sang, c’était uniquement parce qu’elle était coupable d’un crime. Si cette liste était là, c’était uniquement pour créer la peur, le doute chez Mary. Tout cela n’était qu’une mise en scène orchestrée par Elizabeth. Ça ne pouvait être autre chose. Pas pour Mary. Pas après tout ce qui s’était passé entre elles. Quelques mois plus tôt, Mary aurait cru en l’innocence de sa cousine, parce qu’il y avait toujours eu ce lien étrange entre elles. Ce lien qui faisait d’elle des ennemies, mais aussi des alliées dans les pires circonstances. Mary réclamait justice, ou plutôt, elle réclamait un pardon, une promesse. Peut-être qu’elle était souvent allée trop loin dans ses actes et bien souvent, elle les avait regrettés sans jamais en parler. Mary agissait parfois trop impulsivement, sans prendre le temps de réfléchir. Elizabeth lui avait déjà ôté la vie, mais Mary n’avait jamais voulu sa mort. Bien évidemment, si elle avait dû le faire autrefois, elle l’aurait fait. Dans ce monde, elle refusait d’agir ainsi. Elizabeth était en réel danger que lorsqu’elle menaçait la vie de Mary ou celle de son enfant.

La vengeance, Mary l’avait longtemps cherché, mais elle avait fini par arrêter d’y penser dès qu’elles s’étaient entraidées une première fois. Dès ce jour, Mary avait vu sa couine sous un autre jour. Elle avait cessé de la voir comme un pion à abattre. Pourtant, elle n’avait pas pu s’empêcher de la voir comme une menace. Alors, oui, elle avait parfois mal agi, souvent. Elle s’en était prise à Elizabeth, avait promis qu’elle obtiendrait une vengeance. Mais elle ne voulait pas sa mort. En revanche, Elizabeth souhaitait la sienne. Forcément. Elle voulait de nouveau lui ôter la vie. Après tout, elle disait toujours que Mary lui faisait vivre un enfer. Pourquoi n’aurait-elle pas enfin trouvé un moyen d’y mettre fin ? Pourquoi n’aurait-elle pas souhaité se venger ? « Justement. Tu as trouvé un moyen d’y mettre fin. Tu as trouvé un moyen de te venger pour ta vie ici. » Mary était réaliste, elle savait qu’Elizabeth pouvait lui faire payer ses actions. Si autrefois, elle ne pouvait le faire, désormais, elle en avait les moyens, elle n’était plus seule.

Et même si les deux cousines s’étaient très souvent retrouvées dans ce genre de situations, Mary ne pouvait s’empêcher de voir le mal partout – à raison. Si elle voulait être crue, Elizabeth devait lui expliquer d’où provenait tout ce sang. Elle devait trouver les bons arguments qui allait faire que Mary lui accorde sa confiance. Sans cela, la brune ne pouvait croire en l’innocence de sa cousine. « Tu n’en as jamais eu l’occasion. » Voilà pourquoi elle ne s’en était jamais prise à elle. « Désormais, tu le peux. » Et d’après elle, elle le faisait. Elizabeth lui avait fait tellement de mal par le passé. Certes, depuis qu’elles étaient ici, elle n’avait rien tenté, mais c’était simplement parce que Mary avait agi la première. Simplement parce qu’elle ne lui avait pas laissé le temps de s’en prendre à elle. Désormais, elle était entourée, désormais, elle n’était plus seule. Elle avait Alexander et sans doute d’autres dizaines de personnes. Alors, elle agissait.

Si elle voulait que Mary la croie innocente, alors elle allait devoir prouver son innocence. Cela était sans doute impossible. Mary en avait conscience. Mais qu’importe. C’était le seul moyen pour que les deux cousines puissent agir ensemble, une fois encore, et non l’une contre l’autre. Mary n’arrivait pas à lui faire confiance. Elle n’arrivait pas à baisser sa garde. Elle craignait trop que sa cousine attende ce moment précis pour agir et l’abattre. « Tu as pu te débarrasser du corps avant mon réveil. Ou alors, il se trouve dans une autre pièce. L’absence de corps n’est pas une preuve. » Mary aurait aimé lui faire confiance. Elle aurait aimé connaître la vérité. Parce qu’elle était peut-être en train de se concentrer sur sa cousine, alors que la véritable menace se trouvait ailleurs, prête à s’abattre sur elles à n’importe quel moment, sans qu’aucune d’elles ne le remarque. « Alors fouillons cet endroit. » Si Elizabeth était coupable, elle n’était sans doute pas seule. Elle n’aurait certainement pas pris ce risque. « Tu passes devant. » Hors de question de la laisser à l’arrière. Mary préférait la surveiller. Ainsi, elle évitait les coups bas.

Elizabeth ouvrit alors la marche, suivit de très près par Mary, qui sursautait à chaque grondement de tonnerre, comme si quelque chose venait de s’abattre sur elle. « Tu étais déjà venue avant aujourd’hui ? » Connaissait-elle cet endroit ? Pourquoi l’avait-elle choisi ? Qu’avait-il de si particulier pour être l’endroit choisi pour exécuter Mary ? Ou alors, ne l’avait-elle pas choisi ? Peut-être qu’elle n’était pas venue là de son plein gré, mais de force, par cette ville, comme Mary, comme souvent, trop souvent.

Il était particulièrement fatigant de devoir se répéter, encore et encore. Elizabeth ne voulait aucun mal à Mary. Pas à cet instant précis, en tout cas - même si l'idée de lui arracher la tête pour faire taire ses accusations était terriblement séduisante. Elle n'avait jamais voulu sa mort, ni ici, ni ailleurs. Néanmoins, elle la lui donnerait si les circonstances l'exigeaient et si elle s'obstinait à l'empêcher de vivre. Elizabeth avait le droit d'être heureuse. Mary devait le comprendre et l'accepter. « Si je voulais me venger, je n'aurais pas perdu de temps avec une telle mise en scène. » N'était peut-être pas la réponse la plus adaptée, mais à quoi bon s'évertuer à la convaincre qu'elle ne voulait pas sa mort puisqu'elle n'écoutait rien ? Autant lui faire comprendre, donc, que si elle avait réellement voulu sa mort, elle l'aurait tuée. Sans mise en scène. Sans spectacle. Elle l'aurait juste tuée. De sa main. Ou de la main d'un autre. Qu'importe. Jouer, c'était prendre le risque de perdre. Jamais Elizabeth ne prendrait le risque de s'exposer ainsi avant de lui donner le coup fatal.

La jeune femme tentait de se défendre, de lui montrer que non, elle n'avait aucune raison de lui faire du mal. Après tout, elle ne lui en avait jamais fait depuis leur arrivée ici. Mary, elle, ne pouvait pas en dire autant, en revanche. « Ne le mêle pas à ça. Je te l'interdis. » Souffla-t-elle, les dents serrées de colère, en oubliant le vouvoiement habituel qu'elle lui imposait, comprenant parfaitement ce qu'elle voulait dire lorsqu'elle évoquait le fait qu'elle avait désormais les moyens de s'attaquer à elle. Elizabeth avait appris à garder son sang-froid, autant que possible, dans ce genre de moments, mais elle s'était relâchée un court instant, laissant place à sa peur panique de voir Alexander mêlé à ses histoires au point d'être en danger.  

Doucement, elle se reprenait, tentant de retrouver contenance et calme. Enfin, difficile de garder son calme face aux absurdités de Mary et face à ses demandes. Comment était-elle censée lui prouver qu'elle était innocente ? C'était parfaitement impossible et Mary le savait tout aussi bien qu'elle. Il n'y avait aucun corps, il n'y avait que cet endroit inconnu, ce sang sur ses vêtements... Comment était-elle censée prouver ce qui ne pouvait l'être ? « L'absence de corps n'est peut-être pas une preuve, mais...  » Elle soupirait, ses arguments se perdant en même temps que son soupir de lassitude. « Avec ou sans corps, je ne peux rien vous prouver et vous le savez. » Qu'elle soit coupable et qu'elle se soit débarrassée du corps ou bien qu'elle soit innocente et qu'il n'y ait aucun corps, elle ne pouvait rien prouver à sa cousine. Alors, elle allait devoir lui faire confiance ou se débrouiller seule, de son côté - ce qu'Elizabeth n'espérait pas, en toute franchise.

« Très bien. » Soupira Elizabeth, en levant les yeux au ciel, alors que Mary proposait de fouiller l'endroit - à la recherche d'indices, très certainement, pour accuser Elizabeth - en lui ordonnant de passer devant. Elizabeth n'aimait pas ça, elle était plus vulnérable ainsi. Mary avait tout le loisir de la poignarder dans le dos, mais elle n'avait pas vraiment le choix si elle espérait sortir d'ici un jour. Elle n'allait pas rester plantée au milieu de l'autre pièce, en refusant de se déplacer. « Évitez de me poignarder dans le dos, votre lâcheté ne vous honorerait pas. » Osa-t-elle. Habituellement, elle ne plaisantait pas de ces choses-là, mais le temps lui avait appris quelque chose : Mary n'agirait pas ainsi. Bien sûr, elle refusait de l'admettre, mais une part d'elle le savait et c'était pourquoi elle se permettait ce genre de réflexions.

Elizabeth se mit donc en route, Mary derrière elle. L'orage ne cessait de les faire sursauter. L'obscurité, de les effrayer. « Non. » Affirma Elizabeth, avec sincérité, sans lui retourner la question, puisque la réponse lui paraissait évidente. Elizabeth, silencieuse, avait fini par se stopper devant une porte, qui portait un numéro. « Je l'ouvre ? Ou peut-être préféreriez-vous le faire ? » Qu'allait s'imaginer Mary ? Qu'Elizabeth la conduisait dans un piège et que, derrière cette porte, se cachait des hommes prêts à s'abattre sur elle pour lui prendre la vie ? Dans le doute, Elizabeth ne voulait rien faire sans lui en parler d'abord, afin qu'aucun de ses gestes ne puisse être mal interprété. C'était sans doute la chose la plus sensée et la plus prudente à faire.

Mary ne savait plus quoi penser. Elle était perdue entre sa raison et sa peur d’être prise de court par sa cousine. À chaque fois qu’elle se retrouvait dans ce genre de situation, elle soupçonnait sa cousine, mais à chaque fois, elle comprenait bien vite qu’Elizabeth n’y était pour rien et que, comme elle, elle s’était retrouvée piégée. Pourtant, cette fois-ci, les choses étaient différentes. Avec les derniers événements, Mary était de plus en plus suspicieuse. Elle était persuadée que sa cousine voulait mettre fin à ses jours, une fois encore. Si autrefois elle n’avait pas les moyens de le faire, désormais, elle le pouvait. Si Elizabeth n’avait encore rien tenté depuis leur arrivée, c’était parce qu’elle était seule. Désormais, elle avait Alexander et sans doute d’autres soutiens, une armée même peut-être. Bien évidemment, Elizabeth niait les faits, ajoutant qu’elle n’aurait pas fait une telle mise en scène pour se venger. Mais la rousse était tellement imprévisible, tellement cruelle parfois qu’elle aurait peut-être voulu se venger, mais en s’amusant un peu avec sa proie. Alors à sa phrase, Mary s’était contentée d’un simple haussement d’épaule. Discuter à ce propos n’avait aucun intérêt. « Je n’ai mêlé personne à cette histoire. C’est toi qui tires des conclusions hâtives. » Dit-elle avec un air faussement innocent. Après tout, Mary disait vrai, elle n’avait jamais prononcé le prénom d’Alexander, rien ne prouvait qu’elle avait bel et bien fait allusion à cet homme.

Mary voulait bien admettre l’innocence de sa cousine, mais alors, elle allait devoir lui prouver. Comment ? Elle allait devoir se débrouiller. Même si Mary savait qu’il était impossible de prouver son innocence. Il n’y avait aucun corps, aucune preuve, mise à part ces trois noms dont un barré, sans oublier que les vêtements d'Elizabeth étaient couverts de sang. Il ne fallait pas en vouloir à Mary d’être suspicieuse et de s’inquiéter pour sa vie. Puisqu’elles n’avaient pas le choix, les deux femmes allaient donc fouiller la maison. Si Elizabeth était innocente, il y avait bien quelqu'un qui était derrière tout cela. Sans oublier qu’il y avait peut-être un cadavre ici et que Mary et Elizabeth étaient sûrement les prochaines.

Par sécurité, Mary avait demandé à Elizabeth de passer la première. Même si en réalité, l’ancienne reine croyait en l’innocence de sa cousine, elle ne lui faisait, tout de même pas, entièrement confiance. « Tu sais bien que cela n’arrivera pas, car tu sais aussi bien que moi que je ne suis pas lâche. » Sans oublier que Mary ne voulait pas sa mort. SI Elizabeth ne s’en prenait pas directement à elle, elle n’avait aucune raison de mourir. De plus, Mary n’était pas du genre à poignarder dans le dos, elle préférait avoir son ennemi face à elle lorsqu’elle était sur le point de l’abattre.

Mary ne connaissait pas ce lieu, mais Elizabeth était peut-être déjà venue. Si elle connaissait l’endroit, ce serait plus simple, certainement, pour toutes les deux. Malheureusement, mais Mary s’y attendait, elle n’était jamais venue. Rien d’étonnant. Alors elles allaient devoir découvrir l’endroit ensemble, en espérant que ce dernier ne soit pas plein de mauvaises surprises. Soudainement, Elizabeth s’était arrêtée devant une porte. Qui devait l’ouvrir ? Mary ou Elizabeth ? L’ancienne reine resta un instant silencieuse, observant la porte - malgré l’obscurité - réfléchissant à ce qui était le mieux. « Tu peux l’ouvrir. » Mary se tenait prête à attaquer, pas Elizabeth, mais la potentielle chose qui se trouvait à l’intérieur.

Une fois la porte ouverte, Mary avait invité Elizabeth à entrer, la suivant de très près. À l’intérieur, il n’y avait qu’un lit, une armoire, une table de chevet, ainsi qu’une chaise. Et tout était parfaitement rangé. Le seul bémol était cette trace de sang au sol. Cette dernière menait à une autre pièce, comme si un corps avait été traîné jusqu’à là–bas. « Regarde ça. » Dit-elle en désignant la trace de sang du doigt. « On doit aller voir ce qu’il y a derrière cette porte. » Même si Mary n’en avait nullement envie. Sans un mot de plus, Mary s’était avancé, lâchant sa surveillance un instant. Lentement, elle avait posé la main sur la poignée et après une longue hésitation, elle s’était retournée vers sa cousine. « J’ouvre. » Elizabeth devait se tenir prête à se défendre si quelque chose se trouvait derrière. Après une longue inspiration, la brune appuya sur la poignée, prête à voir ce qui se trouvait derrière. « La porte est verrouillée. » Bon ou mauvais signe, l’ancienne reine ne savait pas quoi en penser.

Il était probablement vrai qu'Elizabeth s'était emportée un peu trop rapidement lorsqu'elle avait cru comprendre que Mary parlait d'Alexander. Depuis qu'ils s'étaient trouvés, c'était sa plus grande peur, que son passé, que Mary, puissent nuire à l'homme qu'elle aimait. Néanmoins, même si elle s'était probablement emportée un peu vite, il n'en restait pas moins vrai que Mary représentait une menace pour eux et qu'elle parlait bel et bien de lui. Son air innocent n'arrangeait rien et ne faisait que conforter Elizabeth dans ce qu'elle imaginait. Etait-ce seulement une réflexion ou y avait-il une menace cachée ? « Ne jouez pas l'innocente. Nous savons toutes les deux ce que vous étiez en train de sous-entendre. » Il n'était pas question de faire semblant du contraire. « Laissez-le en dehors de tout ça. S'il vous plaît. » Supplier sa cousine était difficile, mais s'il le fallait, pour le protéger, elle n'hésiterait pas une seule seconde. Alexander ne méritait pas d'être la victime innocente de leur guerre. Elle l'avait déjà contacté et Elizabeth ne voulait pas que les choses aillent plus loin. 

Contrairement à ce que Mary désirait, Elizabeth ne pouvait pas lui prouver son innocence. C'était impossible. Elle pouvait la croire coupable tant qu'elle voulait, cela ne changeait rien à l'évidence. Mary allait devoir lui faire confiance ou lui accordait le bénéfice du doute si elle voulait espérer sortir d'ici - à supposer qu'elles avaient une chance de sortir d'ici, bien sûr. A la demande de sa cousine, pour fouiller l'endroit, Elizabeth était donc passée devant. « Je ne sais rien de vous, en dehors du fait que vous me faites suivre depuis quatre ans et que vous avez fait de ma vie un enfer, en m'empêchant d'être heureuse. » Elle ignorait pourquoi elle avait dit cela, mais c'était sorti tout seul. Peut-être n'était-elle pas suffisamment lâche pour la poignarder dans le dos, mais dans ces actions, il y avait tout de même une forme de lâcheté, alors elle avait toutes les raisons d'être méfiante.  

En se promenant dans les couloirs, les deux cousines avaient découvert une porte. Elizabeth s'était donc stoppée et avait interrogé Mary, qui semblait être celle qui décidait de tout : qui devait l'ouvrir ? Après avoir dégluti difficilement, la main d'Elizabeth, tremblante, s'était dirigée vers la poignée de la porte. Après une hésitation, légère, elle l'avait tournée et avait poussé la porte lentement. Elle craignait ce qui pouvait se cacher derrière, mais il ne semblait rien y avoir de particulier. Mary l'invitait à entrer la première et elle y avait découvert une chambre. Trop bien rangé quand une tache de sang recouvrait le sol. Rien n'allait et rien n'était logique dans cet endroit. La tache se poursuivait en traînée, qui conduisait vers une autre pièce. Mary avait remarqué la même chose puisqu'elle lui désignait tout en affirmant qu'elles devaient aller voir. Ce n'était pas complètement vrai, rien ne les obligeait à aller voir, en réalité, mais il le fallait si elles voulaient sortir d'ici.

Cette fois-ci, Mary s'avança la première, cessant sa surveillance, pour attraper la poignée de la porte. Il y avait eu un court instant d'hésitation durant lequel Mary s'était retournée vers Elizabeth en lui faisant comprendre, d'un regard entendu, qu'elle devait se tenir prête. Elizabeth se préparait autant qu'elle le pouvait - même si désarmée, elle ne servirait pas à grand-chose malheureusement - mais il ne se passa rien. La porte était verrouillée. « Verrouillée ? » Répéta-t-elle bêtement. Qu'étaient-elles censées faire ? Trouver un moyen de l'ouvrir ? Etait-ce la preuve que cette pièce n'était pas importante ? Non, sinon, il n'y aurait pas eu tout ce sang, elle en était certaine. « Fouillons la chambre, il doit y avoir une clé quelque part. » Et sans attendre l'avis de sa cousine, Elizabeth s'était mise en quête de cette fameuse clé. Plus vite, elles la trouveraient, plus vite elles auraient une chance de sortir de cet endroit.

Elizabeth représentait une menace pour Mary. Même si elle jouait les parfaites innocentes, elle n’en restait pas moins mauvaise et fourbe. Devant tout le monde, l’ancienne reine d’Angleterre se faisait passer pour une victime, une personne devant subir les menaces et les agissements de Mary sans comprendre pourquoi. Elle disait être amnésique et ne pas se souvenir de sa cousine. Mais tout cela n’était que mensonge. Ce n’était que pour donner une bonne image d’elle-même. Mais Mary lisait clair dans son jeu. Alexander et elle avaient peut-être un lien fort, il était surtout devenu son allié. À ses côtés, Elizabeth avait trouvé un moyen d’atteindre sa cousine. Elle avait trouvé la force et le courage qu’il lui manquait. « Je ne compte pas m’en prendre à lui. » Et Mary était sincère. Elle avait déjà eu une brève conversation avec cet homme et elle n’avait rien à lui reprocher. Rien, mise à part sa naïveté et son lien trop étroit avec sa cousine. Alors s’il ne devenait pas une menace pour elle, elle n’avait aucune raison de s’en prendre à cet homme. Mais si Elizabeth devenait trop menaçante, si Alexander le devenait, l’ancienne reine n’aurait plus aucune pitié.

L’heure n’était pas à la discussion, alors les deux femmes partirent explorer les lieux. Elles devaient essayer de trouver une solution, un moyen de sortir d’ici. Bien évidemment, pour une question de sécurité, Mary avait fait passer sa cousine devant. Et bien évidemment, Elizabeth s’était montré suspicieuse. Même si Mary avait toutes les raisons de la poignarder dans le dos, elle n’avait aucunement l’intention de le faire. Premièrement, parce qu’elle ne voulait pas la mort de sa cousine. Deuxièmement, parce qu’elle n’était pas lâche et que si elle voulait la mort d’Elizabeth, elle le ferait en la regardant droit dans les yeux. « Tu mérites ce qui t’arrive, Elizabeth. » Elle n’avait pas le droit de prétendre le contraire. « Tu m’as gâché la vie en m’enfermant dix-huit années, loin de mon fils. » Elle lui en voulait tellement. « Tu m’as rendu malheureuse pendant toutes ces années. » C’était une façon de dire qu’elle avait le droit de se venger en l’empêchant d’être heureuse quelques années. Et puis Mary lui avait offert une chance. Autrefois, elle lui avait demandé des excuses, des explications et une promesse. Avec cela, elle n’aurait jamais agi comme elle l’avait fait. Parce que Mary n’avait jamais voulu de cette vie. Elle n’avait jamais voulu devenir cette personne.

En fouillant l’endroit, les deux cousines avaient trouvé une porte. En l’ouvrant, elles avaient découvert une chambre en parfait état, propre et parfaitement bien rangée… trop bien rangée. Il n’y avait qu’une chose étrange dans cette pièce, cette trace de sang. En l’observant, Mary avait eu l’impression que quelqu’un avait été traîné jusqu’à la porte qui se trouvait au bout de la trace. Il fallait ouvrir la porte. Les deux cousines devaient se préparer à une potentielle attaque. Elles devaient se préparer à voir surgir quelqu’un ou quelque chose une fois la porte ouverte. Mais rien. Il n’y avait rien eu. Pas parce que la pièce était vide ou quelque chose comme ça, simplement parce que la porte ne s’était pas ouverte. Elle était verrouillée. Pourquoi ? Cela restait un mystère. « Tu as raison. » Répondit-elle alors que sa cousine était déjà partie à la quête de cette mystérieuse clé, pouvant ouvrir cette mystérieuse porte. Mary ne prenait aucun soin pour la pièce, elle n’en avait pas le temps. Elle retournait tout ce qui était possible de retourner, elle fouillait tout ce qui était possible de fouiller… mais rien. Aucune clé à l’horizon. « Tu trouves quelque chose ? » La réponse était sans doute négative, sinon, Elizabeth aurait déjà tenté d’ouvrir la porte. « Elizabeth ! » Dit-elle d’une voix basse. « Viens voir. » Termina-t-elle, alors en désignant une nouvelle feuille de papier. Les trois mêmes noms étaient notés. Le nom de l’inconnu était barré et à côté de ce dernier, se trouvait le mot salle de bain. À côté de celui de Mary, était écrit salon et à côté de celui d’Élisabeth, il y avait le mot cuisine. « Qu’est-ce que ça veut dire à ton avis ? » Mary craignait de connaître la réponse. « Tu crois que derrière cette pièce se trouve la salle de bain ? Et que ces indications nous donneraient les lieux dans lesquels nous ne devons pas nous rendre pour rester en vie ? »

La solitude, Elizabeth ne la connaissait que trop bien. Autrefois, dans son monde, elle avait dû la supporter. En tant que reine, elle était entourée, bien sûr, mais elle ne connaissait rien de profond, de fort, de sacré. Il y avait eu Dudley et Gideon, les deux seuls hommes à avoir été capable de la sortir de cette profonde solitude qui la rongeait et la détruisait de l'intérieur. Aujourd'hui, dans ce monde, elle avait connu une autre forme de solitude. Entièrement seule, pendant trois longues années. Une solitude qu'elle avait poussée à l'extrême pour se protéger et pour protéger ceux qui auraient pu s'attacher à elle. Les protéger de Mary. Pourtant, malgré ses craintes, elle avait fini par s'ouvrir. Non pas par choix, mais simplement parce que ça s'était imposé à elle. Alors, elle avait accepté de faire une place dans sa vie à Alexander, et ce, malgré les risques qu'il allait courir à cause d'elle parce qu'il avait su la convaincre qu'il saurait se protéger de Mary. Aujourd'hui, plus que jamais, Elizabeth craignait sa cousine. Elle avait peur. Peur qu'elle s'en prenne à Alexander parce qu'elle le voyait comme une menace, comme un soutien. Alors, elle suppliait sa cousine de le laisser en dehors de toutes leurs histoires. Il n'avait rien fait, il était innocent et il ne méritait certainement pas d'être mêlé à tout ça et d'en subir les conséquences. Les mots de Mary auraient pu la rassurer, mais il n'en était rien. Qu'importe les promesses de cette femme, Elizabeth ne pouvait pas les croire aveuglément. Elle ne pouvait pas lui faire confiance, elle la connaissait. Si l'occasion se présentait ou si elle en avait besoin pour ses projets, elle n'hésiterait pas. Mary n'hésitait jamais.

Néanmoins, même si cette conversation était plus importante que toutes les autres pour Elizabeth, elle ne pouvait pas la poursuivre. Les deux femmes devaient trouver un moyen de sortir d'ici, ne sachant pas ce qu'elles y faisaient ou ce qu'elles risquaient. Une fois encore, elles devaient s'allier. Alors, elles se mirent à fouiller la maison. Elizabeth était contrainte de passer devant, mais n'était pas rassurée à l'idée de savoir Mary derrière elle. Comme à son habitude, elle se protégeait en répétant qu'elle ne comprenant pas le comportement de cette femme, depuis quatre ans, qui la faisait suivre et lui faisait vivre un enfer. Mary affirmait alors qu'Elizabeth méritait tout cela. Et elle avait sans doute raison. Non, elle avait raison, c'était une évidence. Bien sûr, elle ne pouvait s'empêcher de répéter le pourquoi elle lui en voulait tant et, bien sûr, Elizabeth devait faire semblant de ne pas comprendre. « Ce n'était pas moi. » Quelque part, elle ne mentait pas. Les femmes qu'elle était autrefois et celle qu'elle était aujourd'hui n'étaient plus tout à fait les mêmes. Autrefois, elle avait été contrainte de faire des choix pour sa survie et pour son royaume, des choix qu'elle ne ferait plus aujourd'hui - enfin, pas dans ce monde, en tout cas.

A force de fouiller l'endroit, elles étaient tombées sur une chambre de laquelle rien ne semblait dépasser, à l'exception d'une trace de sang. Cette dernière menait à une autre porte qu'elles avaient tenté d'ouvrir, mais elle était verrouillée. Il fallait donc trouver une clé ou quelque chose permettant d'ouvrir. Alors, elle se mit à fouiller, mais elle ne trouva rien. « Non. » Indiqua-t-elle simplement à la question de Mary. De toute façon, elle n'aurait pas eu le temps de développer davantage puisque cette dernière l'interpella de nouveau, presque dans un murmure. La jeune femme s'approchait pour voir ce que Mary tenait dans les mains. Elizabeth observa la feuille de papier avec attention. Elle ressemblait en tout point à l'autre feuille, simplement, sur celle-ci, il y avait une indication supplémentaire. A côté de chaque prénom se trouvait une pièce. A cette lecture, un frisson avait parcouru Elizabeth. « Je crois, en effet, que si nous ouvrons cette pièce, nous tomberons sur cette personne. » Dit-elle en désignant le premier nom barré. « Et je crois que nous mourrons dans ces pièces-ci. » Ce n'était pas seulement celles où elles ne devaient pas aller pour rester en vie, c'étaient celles où cette ville les pousserait à se rendre pour mourir. « Je parie qu'à un moment ou un autre, nous serons forcées de nous y rendre. » Parce que si cette ville en avait décidé ainsi, elles n'y pourraient rien. « A moins que nous décidions de rester assises dans cette chambre et de ne pas bouger, quoi qu'il se passe, mais je doute que ce soit la solution. » Même si le temps ne passait pas, même si elles se faisaient attaquer, même si elles y mouraient. Autant dire, qu'une fois encore, il n'y avait pas vraiment de choix qui s'offrait à elle parce que la ville aurait, d'une façon ou d'une autre, ce qu'elle voulait.

Ce papier, que signifiait-il ? Tout comme le premier trouvé, trois noms étaient inscrits, celui de Mary, celui d’Elizabeth et celui d’un inconnu. Sauf que cette fois-ci, il y avait quelque chose en plus. À côté de chaque nom, il y avait une pièce de la maison qui était indiquée. Qu’est-ce cela voulait dire ? Cela semblait si absurde. Il n’y avait, à première vue, aucun sens à ce document. En tout cas, il n’y en avait pas avant que Mary ne fasse le lien. À côté du nom de l’inconnu, le mot salle de bain était inscrit. Et comme par hasard, dans cette chambre, il y avait une trace de sang qui menait à une porte verrouillée. Cela voulait sans doute dire que derrière cette porte se trouvait une salle de bain et que le corps de l’inconnu se trouvait à l’intérieur. Est-ce que cela voulait dire que les deux cousines ne devaient pas se rendre au salon ou à la cuisine ? Est-ce qu’un tragique destin les attendait si elles osaient s’y rendre ?

« C’est une évidence. » Lâcha-t-elle lorsque Elizabeth lui dit qu’elles allaient, à un moment où à un autre devoir se rendre dans ces pièces. « Je pense que si nous attendons ici, il se passerait quelque chose, nous forçant à nous déplacer. Ou au contraire, il ne se passera rien et alors nous ne sortirons pas d’ici. » Alors elles n’avaient pas le choix, elles devaient continuer. Elles devaient chercher une solution, un moyen de sortir de cet endroit en évitant – si elles le pouvaient – la pièce qui était inscrite à côté de leur prénom. « Si nous devons fouiller ces pièces, nous irons chacune dans la pièce de l’autre. Je fouillerai la cuisine et tu fouilleras le salon. Ainsi, il ne pourra rien nous arriver. » A moins qu’elles ne soient, d’une manière ou d’une autre, obligée de rentrer elles aussi. « Et avec un peu de chance, ce n’est pas ce que l’on croit. Avec un peu de chance, il ne nous arrivera rien si nous nous rendons dans ces pièces. » C’était une possibilité que Mary n’avait pas très envie de tester. « Après tout, cette ville ne cherche pas forcément notre mort. J’ai surtout l’impression qu’elle cherche à nous pousser au-delà de nos limites. Elle nous met dans des situations dangereuses, pour voir comment nous allons nous en sortir, comment nous allons réagir face au danger. » Mary n’avançait là qu’une hypothèse, mais elle avait vécu plusieurs mésaventures dans ce monde et aucune d’elles n’avaient causé sa mort, pour preuve, elle était encore là pour vivre l’une d’entre elles. À chaque fois qu’elle se retrouvait dans un tel endroit, elle avait plutôt l’impression d’être mise à l’épreuve, même si elle craignait tout de même une issue fatale. « Quoi qu’il en soit, il ... » Mary s’était soudainement arrêté de parler. Un bruit. Il y avait du bruit non loin d’elle. Cela voulait dire qu’elles n’étaient pas seules. Est-ce que l’assassin était là, avec elle ? Est-ce qu’il attendait le bon moment pour agir ? « Nous ne sommes pas seules » dit-elle d’une voix basse, à peine audible. « Je crois qu’elle est montée. » Dit-elle sans aucune assurance, se fiant uniquement à ce qu’elle avait cru entendre. « On ferait mieux de retourner à l’accueil, on devrait réessayer d’ouvrir la porte. Peut-être que cette personne vient d’entrer et qu’elle n’a pas refermer derrière elle. » Une fois de plus, Mary ne croyait pas en ce qu’elle disait, mais elle essayait de se convaincre elle-même. Elle devait essayer au moins. Plus le temps passé, plus elles étaient en danger.

Cette ville ne les laissait jamais tranquilles, alors il fallait se préparer à devoir se rendre dans ces pièces, indiquées par ce morceau de papier. Ces pièces, pourtant, étaient certainement celles où elles ne devaient aller sous aucun prétexte. Elles indiquaient, très certainement, le lieu de leur mort. Mais elles savaient toutes les deux que les éviter indéfiniment serait impossible. Refuser de faire quoi que ce soit et attendre ici ne changerait rien non plus à leur situation. Soit elles seraient forcées de se déplacer, soit elles attendraient éternellement - et l'éternité n'était pas très longue sans eau et sans nourriture.

« C'est encore le mieux que nous puissions faire. » Souffla Elizabeth lorsque Mary avait proposé que chacune fouille la pièce de l'autre. Il n'y avait pas beaucoup d'autres alternatives, malheureusement, et rien ne leur disait qu'elles ne seraient pas obligées d'entrer dans leur pièce, quoiqu'elles fassent. Mary poursuivait en disant que, peut-être, ce n'était pas ce qu'elles croyaient et qu'entrer dans ces pièces ne causeraient rien du tout. Peut-être. Mais avait-elle envie de tester ? Après tout, peut-être était-ce encore la solution la plus simple et la plus efficace ? Jouer avec la ville comme elle jouait avec elles ? La forcer à agir comme elle n'aurait pas penser le faire ? La pousser à faire quelque chose qui n'était pas prévu. Après tout, Mary avait raison : cette ville ne cherchait pas vraiment leur mort. Combien de fois s'étaient-elles retrouvées dans ce genre de situation ? Combien de fois s'en étaient-elles miraculeusement sorties ? Cette ville les poussait à bout, dans leurs pires retranchements, mais ne les tuait pas. Jamais. Et si elle ne le pouvait pas ? Si elle ne le voulait pas ?

Elizabeth allait proposer son hypothèse, elle attendait simplement que Mary termine ce qu'elle était en train de dire. Elle n'en avait pas eu le temps, qu'un bruit l'avait stoppée. Elizabeth était en alerte. Elle regardait partout autour d'elle tout en essayant de contrôler sa respiration et de retrouver son calme. Aux mots de Mary, elle s'était contenté de secouer la tête de haut en bas. Elles n'étaient pas seules, elle avait raison. Quelqu'un était ici et quelqu'un était monté à l'étage. « La porte n'est pas ouverte, j'en suis certaine. » Elizabeth ne croyait pas en ce genre de miracle tombé du ciel. La porte était toujours verrouillée et cette chose jouait avec elles. Inutile, donc, de perdre du temps. « Et si... Si nous allions à la rencontre de cette chose plutôt que la fuir ? » Elizabeth n'en revenait pas elle-même de proposer ce genre de choses, elle qui était si craintive et qui protégeait sa vie en permanence, mais elle n'en pouvait plus d'être le jouet de cet endroit. Peut-être que c'était la pire chose à faire, comme son autre idée - qu'elle proposerait un peu plus tard - de se rendre dans la pièce inscrite à côté de leur nom, mais c'était une idée différente de d'habitude, une idée qui changerait peut-être tout. Une idée qui leur permettrait peut-être de se libérer plus vite de cet endroit. Ou, au contraire, une idée qui contrarierait la ville et qui les tuerait.

À côté de chaque prénom, il y avait une pièce. Qu’est-ce que cela voulait dire ? C’était difficile à dire. Les deux cousines pouvaient émettre des hypothèses, mais elles n’étaient certaines de rien. Mary s’était dit que ces pièces pouvaient être celle dans laquelle la mort les attendait. Après tout, cela correspondait bien avec ce qui était noté à côté du nom barré, avec les traces de sang et la porte fermée. Pour éviter de mourir ici, les deux cousines devaient peut-être éviter d’entrer dans les pièces qui leur étaient attribuées. Chacune devait donc fouiller la pièce de l’autre à la recherche du moindre indice. Et en même temps, ni Mary, ni Elizabeth n’étaient certaines de se voir mourir en entrant dans leur pièce. Peut-être que cela avait une toute autre signification. Peut-être que la ville voulait voir comment elles allaient agir ? Comment elles allaient se protéger l’une et l’autre ? Ou comment elles allaient se trahir en poussant l’autre à entrer dans sa pièce afin de lui ôter la vie. Après tout, cette ville ne cherchait pas vraiment leur mort. Mary, tout comme Elizabeth, s’était déjà retrouvée dans de telles situations, souvent elle avait craint pour sa vie, mais jamais elle n’avait perdu la vie, jamais elle n’avait même était blessée mortellement et en y pensant bien, sa vie n’avait jamais vraiment été menacée – pas directement en tout cas. À chaque fois, les épreuves ressemblaient plus à des sortes de test, des mises à l’épreuve. Dans quel but ? Mary ne savait pas, mais elle avait l’impression que c’était bel et bien le cas.

La brune était toujours en train de parler lorsqu’un bruit se fit entendre. Les deux cousines n’étaient pas seules dans cette maison. Mary avait l’impression que la personne était montée. Peut-être devaient-elles en profiter pour descendre et fuir. La porte était peut-être ouverte désormais. Cette personne l’avait peut-être ouverte. Mais Elizabeth ne voulait pas. Elle disait être certaine que la porte ne serait pas ouverte. Peut-être avait-elle raison, peut-être avait-elle tord, pour le savoir, il aurait fallu qu’elles s’y rendent. « Tu es certaine que c’est une bonne idée ? » Mary, elle, avait de sérieux doutes. Suivre cette personne pouvait être dangereux pour elle, sauf, si elles considéraient ne pas être réellement en danger dans cette maison. « D’accord, allons-y. » Reprit-elle presque aussitôt, s’étant convaincue elle-même et ne voyant pas d’autres choses à faire. Les deux cousines n’allaient pas rester cachées et Elizabeth ne voulait pas redescendre pour voir la porte d’entrée.

Mary, suivit d’Elizabeth avait commencé à suivre les bruits, puis une forme humanoïde. Les deux femmes essayaient d’être discrètes, mais ce n’était pas si simple, leurs pas étaient bruyants malgré leurs efforts, mais la personne ne se retournait pas. Mary ne savait pas si elles fonçaient tout droit dans un piège ou si la personne essayait, au contraire de les aider. « Elle est entrée là. » Dit-elle en désignant une porte. « Tu crois qu’on devrait y entrer ? » Mary préférait demander l’avis d’Elizabeth avant de prendre cette décision. « Regarde le numéro sur la porte. » Il était différent de ceux notés sur les autres portes. Il était plus imposant et au centre. Est-ce que cela avait une signification particulière ?

Ce bruit, il était là pour les effrayer. Ce n'était pas une menace véritable, un danger. Elizabeth tentait de s'en convaincre. Pour une fois, elle voulait voir les choses différemment. Cette ville, si elle avait voulu les tuer, l'aurait fait depuis longtemps. Elle en avait largement les moyens et le pouvoir. Ces épreuves, à chaque fois, étaient effrayantes et terrifiantes, elles les repoussaient dans leurs pires retranchements et jouaient avec leurs limites, mais jamais elles ne tuaient. Elizabeth en avait vécu tellement... Si elle avait dû mourir dans l'une d'elles, elle serait déjà morte, n'est-ce pas ?

C'était en tout cas ce qu'Elizabeth avait envie de penser désormais. Voir les choses autrement. Agir autrement. Juste pour voir ce que cela donnerait. Alors, elle refusait d'aller voir si la porte d'entrée était ouverte parce qu'à ses yeux il était évident que non, elle ne serait pas ouverte. Inutile, donc, de perdre du temps. A la place, la jeune femme voulait tenter quelque chose : suivre la personne qui semblait être entrée ici. C'était un pari risqué, mais un pari qu'Elizabeth, pour une fois, voulait prendre.

Alors non, elle n'était sûre de rien et c'était ce qu'elle s'apprêtait à répondre à sa cousine, mais cette dernière accepta son idée avant qu'elle n'ait pu ajouter quoi que ce soit. Les deux femmes sortirent donc de la pièce pour s'avancer en direction du bruit, sans perdre davantage de temps. Très vite, elles étaient tombées sur une forme humaine qui avançait et qui ne semblait pas les avoir repérées - mais était-ce la réalité ? Les deux femmes faisaient de nombreux efforts pour ne pas faire de bruits et garder une certaine distance sans pour autant perdre la chose de vue, mais elles étaient bruyantes, malgré tout. Elizabeth doutait donc de ne pas avoir été entendue par cette chose.

La chose avait fini par entrer dans une pièce. Elizabeth ignorait ce qu'elles devaient faire désormais, craignant pour sa vie, malgré toutes ses hypothèses qui se voulaient rassurantes. « Je ne sais pas. Peut-être. » Maintenant qu'elles étaient ici, elles n'allaient tout de même pas faire demi-tour, si ? « Je... » Le numéro était différent, mais elle n'avait pas la moindre idée de ce que cela signifiait. Bonne ou mauvaise nouvelle ? « Je suppose que cette pièce est particulière... » Mais pourquoi ? Dans un geste qu'elle ne s'expliquait pas elle-même, la jeune femme avait tendu la main vers ces numéros. Aussitôt, les deux chiffres s'étaient détachés. « Qu'est-ce que cela signifie ? » Ces chiffres avaient de l'importance, c'était presque évident - mais en même temps, peut-être était-on en train de les induire en erreur ? Et s'ils avaient réellement de l'importance, pourquoi ? A quoi servaient-ils ?

Suivre cette personne n’était sans doute pas une bonne idée. Mary pensait que la mort ne les attendait peut-être pas dans cette maison, mais le danger, lui, les attendait très certainement. Si elles ne mouraient pas, elles pouvaient être gravement blessées ou leurs proches punis, peut-être. Même si elles pensaient que la ville ne cherchait pas à les tuer, il fallait tout de même rester prudente et ne pas oublier le danger qui restait tout de même présent. Et surtout, il ne fallait pas oublier que ce n’était qu’une simple hypothèse qui pouvait se révéler fausse. Malgré tout, Mary accepta de suivre l’autre personne dans la maison. Il n’y avait, de toute façon, rien d’autre à faire.

Discrètement, les deux cousines avaient alors suivi cette personne. Une personne qui ne s’était jamais arrêtée. Une personne qui n’avait jamais montré son visage. Elles avaient beau être discrètes, l’endroit était plongé dans le calme le plus total, alors le moindre bruit de pas était audible, comme ceux de l’inconnu. Il savait donc qu’elles étaient là. La personne, ou plutôt la chose - difficile à dire, humain ou créature aux formes humanoïdes, ici, tout était possible – avait fini par s’arrêter, avant d’entrer dans une pièce. À leur tour, les deux cousines s’étaient arrêtées. Qui avait-il derrière cette porte ? Devait-elle entrer ? Ou devait-elle attendre que la chose ne ressorte ? Pire encore, devait-elle changer d’avis et s’éloigner le plus loin possible de cette porte. En y réfléchissant bien, Mary avait eu la drôle d’impression d’avoir été conduite jusqu’ici. Pourquoi ? Un piège ? Une aide ? Difficile à dire, une fois encore.

Sur la porte, il y avait un numéro. Toutes les portes de cet étage étaient numérotées, mais ce qui différait avec celle-ci, c’était la forme des numéros, leur taille. Tous les autres étaient parfaitement identiques, mais pas eux. Pour Elizabeth, cela voulait dire que cette pièce était particulière. Peut-être avait-elle raison. Mais en quoi était-elle particulière ? Qu’y avait-il à l’intérieur pour qu’elle ait besoin d’être marquée différemment. Elizabeth approcha sa main vers les numéros et ceux-ci s’étaient décrochés. Pourtant, Elizabeth n’avait rien fait de particulier, elle s’était seulement contenté d’y poser la main. À son seul contact, les chiffres s’étaient détachés, ça avait forcément une signification. « Je ne sais pas. » En revanche, Mary ne savait pas quelle signification il y avait. « Il faut qu’on entre. » Cette chose était peut-être la seule à pouvoir les aider, les aiguiller. Seulement, une fois à l’intérieur, Mary avait découvert une chambre parfaitement vide. Et cette fois-ci, la porte de salle de bain était ouverte, laissant découvrir une pièce vide également. « Il n’y a personne. » Comment est-ce que c’était possible ? Comment cette chose avait-elle pu s’évaporer ainsi ? Il n’y avait aucune issue dans cette pièce. Pourtant, elles n’avaient pas rêvé, cette chose, elles l’avaient vu toutes les deux. « Garde les numéros avec toi, ça pourrait nous être utile. » Pourquoi, ça, elle n’en savait rien, mais ils ne s’étaient pas décrochés si facilement sans raison. « On va fouiller le reste pour voir si d’autres chiffres se détachent ou pour trouver à quoi ils servent. »

Le numéro de cette porte était différent de celui des autres portes. Elizabeth en déduisait que cette pièce était particulière, que ces numéros étaient un indice. Par curiosité, elle avait donc avancé la main vers ces derniers et ils s'étaient décrochés, sans qu'elle n'ait eu à faire le moindre effort. Elle les gardait en main, tout en les montrant à Mary. Peut-être aurait-elle une idée sur la signification de tout ça ? Mais rien du tout, elle était aussi perdue qu'elle dans cette situation.

Finalement, les numéros toujours en main, Elizabeth avait suivi Mary à l'intérieur de cette chambre. Il fallait découvrir ce qui s'y cachait et ce que cette personne était en train de faire. C'était risqué, bien sûr, mais elles n'avaient pas réellement le choix, si elles voulaient quitter cet endroit. Il n'y avait personne. La chambre, ainsi que la salle de bain ouverte, étaient vides. Comment était-ce possible ? Les cousines avaient vu cette chose entrer ici. Elles n'avaient tout de même pas halluciné toutes les deux ? Non, Elizabeth n'y croyait pas le moins du monde. « Il y a forcément une issue quelque part, un passage secret... » Après tout, dans leur château, ce n'était pas quelque chose de rare - même si elle n'allait certainement pas faire cette réflexion à voix haute devant sa cousine - alors peut-être que cette pièce possédait également cette particularité ? Il n'y avait pas d'autres explications rationnelles aux yeux de la jeune femme - mais pourquoi chercher du rationnel dans un endroit comme celui-ci, dans une ville comme celle-ci ?

« Je les garde. » Avait-elle répondu en glissant les numéros dans sa poche, suite à la demande de sa cousine. Elle n'allait pas s'en séparer alors que ces objets seraient peut-être décisifs dans leur fuite. Après tout, s'ils s'étaient décrochés, il y avait certainement une raison logique, non ? « Regardons déjà toutes les portes de cet étage. » Proposa-t-elle à la suite de la proposition de Mary de tout fouiller pour trouver d'autres chiffres.

Les deux femmes se mirent donc au travail. Chacune s'occupait d'un côté du couloir. Elizabeth observait chacune des portes avec une attention particulière et observait les numéros les uns après les autres. Ils se ressemblaient tous et aucun ne se détachait. En revanche, par précaution, elle n'essayait pas d'ouvrir les portes qu'elle observait. Ça, elle ne le ferait que si Mary était à ses côtés, pour éviter qu'elles ne soient séparées. « Je n'ai rien trouvé. » Précisa-t-elle. « Nous devrions faire les autres étages. » Peut-être trouveraient-elles d'autres numéros étranges ? Des pièces sans numéro ? D'autres indices sur ce qu'elles devaient faire des numéros qu’elles avaient déjà en main ?

Une personne était entrée dans cette pièce. Mary l’avait vu de ses propres yeux. Et elle n’était pas la seule. Elizabeth l’avait vu, elle aussi. Alors comment avait-il pu disparaître ? Comment avait-il réussi à sortir d’une pièce sans issue ? Même si pour Elizabeth, sa disparition devait être expliquée par un passage secret. Elle n’avait pas tort en réalité. Il était probable qu’un passage soit caché dans les murs, comme ceux qu’elle utilisait autrefois à la cour de France. Même si Mary trouvait cette réflexion étrange venant d’une personne, soit disant amnésique, n’ayant, donc, jamais vécu dans un château, elle n’avait rien relevé. Ce n’était pas le moment et surtout, elle préférait taire ces quelques moments d’égarements, pour éviter que sa cousine ne fasse trop attention à ce qu’elle disait. Pour espérer pour la piéger pour de bon un jour.

Que devaient-elles faire des numéros ? Les garder, sans doute. Ils ne s’étaient pas décrochés sans raison. Et Elizabeth partageait cet avis. Ce qui était assez ironique, c’était que dans ce genre de moment, Mary remarquait à quel point elle était si peu différente toutes les deux. À quel point elles savaient s'entraider à la perfection. À quel point elles réfléchissaient pareil.

Les numéros en poche, les deux femmes devaient fouiller le reste de l’étage avant de se lancer dans la fouille de tout le bâtiment. Seulement, il n’y avait rien. Aucun numéro étrange, aucun numéro se détachant à leur contact. S’il y avait d’autres chiffres à trouver, ce n’était pas ici qu’elles allaient les trouver. « Tu as raison, il faut fouiller le reste. » Elles n’avaient pas le choix, elles devaient le faire. Elles devaient s'aventurer un peu plus dans ce bâtiment pour trouver une sortie, une clé, d’autres numéros. Les deux femmes avaient fouillé le deuxième étage sans rien trouver d’étrange, une fois encore. Sans se décourager, elles étaient alors passées à l’étage suivant. Après avoir fait une partie du couloir, les lumières s’étaient éteintes quelques secondes. Et lorsqu’elles s’étaient rallumées, Mary avait sursauté. Le couloir était couvert de sang et au bout de celui-ci, il y avait une nouvelle silhouette. Elle était différente, plus imposante et quelque chose semblait couler de ses mains, ou plutôt de l’objet qu’elle tenait dans les mains. Était-ce lui le meurtrier ? Ou était-ce celui qui avait disparu ? « Je pense qu’on doit le suivre. » Même si elle n’en avait aucune envie, elle n’avait sans doute pas le choix, elles devaient le faire. Comme la première fois, la silhouette devait leur indiquer le chemin à suivre.

La jeune femme n’avait pas perdu de temps, elle s’était avancée, impatiente de quitter cet endroit. Une fois devant la porte, Mary avait lu ces quelques mots : “salon commun”. Salon… Comme la pièce qui était indiquée à côté de son nom. Les traces de sang menaient à cet endroit, comme les précédentes avaient mené à la salle de bain, lieu indiqué à côté de la personne disparue. Ça ne pouvait pas être une coïncidence. « Elizabeth ! » Dit-elle en montrant le nom sur la porte. « Il faut que j’entre. » Dit-elle en se montrant courageuse, malgré la peur qui l’avait envahi. Mary le savait, même si, plus tôt, elles s’étaient dit que chacune irait dans la pièce de l’autre, elle savait que ce n’était pas la marche à suivre. Si elles faisaient cela, elles n’auraient peut-être pas les prochains chiffres qui allaient les aider à sortir de là.

Lorsqu’elle était entrée, la porte s’était refermée derrière elle. Aussitôt, Mary avait essayé de l’ouvrir, sans succès. La pièce était plongée dans une lumière rougeoyante et comme le reste du couloir, elle était couverte de sang. Au bout de cette pièce, il y avait cette ombre. Une ombre qui lui avait posé un ultimatum. Soit elle acceptait de rester vivre dans cet hôtel abandonné à être tourmentée pendant de longues années en refusant le chiffre et dans ce cas, toutes les personnes qu’elle avait aimé et perdu allait être sauvées. Soit elle refusait de les sauver en échange du chiffre qui se trouvait au milieu de la pièce. Mary avait hésité. Entendre les voix, de ceux qu’elle avait aimé, la supplier n’aidait en rien, mais elle savait que tout cela était faux. C’était juste un piège pour la forcer à rester prisonnière de ces murs. Ses proches n’étaient pas là. Ils étaient en sécurité ailleurs, pas ici. Alors après quelques minutes, elle avait chassé les voix et avait fait quelques pas pour attraper le chiffre - de la même forme que les autres - qui se trouvait au milieu de la pièce. Alors l’ombre avait aussitôt disparu et la pièce était redevenue normale. Comme si rien ne s’était jamais passé ici. Contrairement à la pièce précédente, contrairement à celle de l’inconnu. Est-ce que cela voulait dire qu’il avait fait le mauvais choix ? Qu’il avait refusé les chiffres ? Qu’il avait accepté de rester prisonnier ici ?

Si tout cela était vrai, Elizabeth allait bientôt connaître le même sort. Elle allait devoir faire le même choix - ou allait au moins devoir faire face à un dilemme. Mary devait la prévenir, elle devait lui dire de choisir le chiffre, quoi qu’il arrive, elle ne devait pas se laisser avoir. Seulement, en sortant de sa pièce, le chiffre en main, elle était seule. Elizabeth n’était plus là.

Elizabeth fouillait, observait, à la recherche d'autres numéros, mais en vain. S'il y avait d'autres numéros à trouver, elles ne les trouveraient pas sur les portes... Ils devaient être mieux cachés que cela. Evidemment. Il n'était pas question de trop leur faciliter la tâche en leur mettant les réponses sous les yeux. Il fallait fouiller chaque étage à la recherche de quelque chose d'étrange, dans l'espoir de trouver la chose qui les ferait sortir d'ici. Les deux femmes s'activaient donc pour trouver et sortir d'ici le plus rapidement possible.

Alors qu'elles étaient en plein milieu d'un couloir, les lumières s'étaient éteintes. Un court instant. Suffisamment pour qu'Elizabeth sente son coeur accélérer et tout son corps se tendre face aux potentiels dangers qui arrivaient vers elle. Lorsque la lumière s'était rallumée, le couloir était plein de sang et la silhouette était de retour - enfin, en y regardant de plus près, il s'agissait en réalité d'une autre silhouette. Son premier réflexe avait été de vérifier si sa cousine était toujours là - entière et en vie. Elle l'était. Ce sang n'était donc pas à elle - à cet instant, elle ignorait si cette information la rassurait ou, au contraire, la terrifiait.

Cette silhouette était debout, immobile. Elle tenait quelque chose dans la main et un liquide semblait s'en échapper. Sans pouvoir distinguer quoi que ce soit de plus précis, Elizabeth était prête à parier qu'il s'agissait de sang. Celui qui recouvrait tout ce couloir. Mais, malgré son aspect terrifiant, Mary supposait qu'elles devaient le suivre. Elizabeth n'était pas ravie par cette idée, mais elle n'avait pas le choix, alors elle lui avait emboîté le pas et l'avait suivie.

Elles arrivèrent alors devant une pièce où il était inscrit salon commun. La pièce dans laquelle Mary ne devait surtout pas rentrer - d'autant que les traces de pas menaient tout droit à cette pièce. « Soyez prudente... » S'était alors entendu souffler Elizabeth à l'instant où Mary lui avait dit qu'elle devait entrer dans cette pièce. Elizabeth n'entrerait pas. Pas par manque de courage, mais parce que son instinct lui soufflait qu'elle ne devait pas le faire. C'était à Mary de jouer cette fois-ci. Elle avait alors observé Mary pénétrer dans cette pièce, inquiète. La porte s'était presque aussitôt refermée et Elizabeth n'entendait plus rien. Elle ne pouvait donc plus intervenir. Elles étaient seules désormais, chacune de leur côté. Seule à devoir affronter leur destin.

Alors qu'elle attendait, angoissée, devant la porte, la même chose se répéta. Les lumières avaient clignoté, les murs s'étaient couverts de sang et une ombre était apparue. Il y avait eu un instant d'hésitation, bien sûr, mais elle devait faire quelque chose... Alors, prenant son courage à deux mains, elle s'était décidée à suivre cette chose. L'ombre l'avait menée jusqu'à une porte où il était inscrit cuisine. La pièce d'Elizabeth, selon le papier. Elle avait respiré un grand coup pour se donner du courage et malgré la peur qui l'animait, elle avait poussé la porte. C'était donc à son tour.

A l'intérieur, l'ambiance de la pièce était étrange. La porte était fermée et ne s'ouvrait plus. Tout était plongé dans un rouge désagréable, quelque chose qui la mettait mal à l'aise. Puis il y avait ce sang, partout. Encore. Et cette ombre. Cette fois-ci, l'ombre n'avait pas disparu. Elle était là, à l'autre bout de la pièce. Etait-on en train de tester leur courage ? Leurs limites ? Que devait-elle faire pour sortir de cet endroit ? S'était-elle condamnée en y entrant ?

L'ombre lui avait alors posé un ultimatum. Soit, elle acceptait de rester dans cet hôtel en refusant le chiffre, mais, en échange, ses proches seraient sauvés, soit elle refusait de sauver ses proches, mais elle obtiendrait le chiffre pour sortir. Comment pouvait-elle choisir une telle chose ? Il n'y avait que bien peu de personnes à qui l'on pourrait faire du mal pour l'atteindre, mais... voulait-elle vraiment prendre ce risque ? Elizabeth restait persuadée que tout n'était que mise à l'épreuve et qu'il n'y avait rien derrière, mais elle pouvait se tromper. Et son erreur coûterait la vie aux rares gens qu'elle aimait ou qu'elle avait aimés... Avait-elle envie d'être égoïste au point de se sauver en sacrifiant les siens ? Avait-elle envie de se condamner à une autre vie de souffrance ? Les voix qui la suppliaient de faire le bon choix la poussaient à les sauver et c'était ce qu'elle allait répondre... Jusqu'à ce qu'elle réalise. Elle ne pouvait pas rester ici éternellement. Elle risquait de se piéger pour ne sauver personne au final. En revanche, si elle sortait d'ici et que ses proches étaient véritablement en danger, elle trouverait une solution, elle les sauverait. Elizabeth voulait y croire, en tout cas.

Alors, elle avait attrapé le chiffre. Sans plus de réflexion, elle avait fait son choix. Égoïstement, peut-être, mais avec la tête, surtout. Aussitôt, la pièce avait retrouvé son aspect normal. Elle n'était plus qu'une pièce comme les autres. Elizabeth en était sortie aussi vite, pour ne prendre aucun risque - et la porte s'était, cette fois-ci, ouverte sans difficulté. « Mary ? » Avait-elle aussitôt crié en se précipitant vers l'entrée de la pièce où elle l'avait laissée, dans l'espoir qu'elle y soit toujours, mais surtout qu'elle en soit sortie. « J'ai d'autres numéros... » Avait-elle alors soufflé en lui montrant et en se précipitant vers elle, heureuse de la trouver là - être toute seule au milieu de ses couloirs étaient pire que tout, alors même son horrible cousine était un réconfort actuellement.

Choisir entre sauver ses proches ou se sauver elle. Quel choix atroce. Comment pouvait-elle choisir de ne pas les sauver ? Les voix des gens qu’elle aimait la suppliaient de les sauver. François la suppliait, Lola la suppliait. Toutes les personnes qu’elle avait perdues étaient enfermées ici et il lui suffisait d’accepter de prendre leur place pour les sauver. Sa vie contre ceux de tous ceux qu’elle aimait. Sa liberté, contre la leur. Mary avait fait son choix. Elle pensait l'avoir fait. Greer saurait s’occuper de James. Avec elle, il allait être heureux. Mais heureusement, elle avait réalisé avant qu’il ne soit trop tard. Une chose s’amusait avec elle, avec ses sentiments et ses craintes. Il n’y avait personne ici. Aucun de ses proches n’était là. Il n’y avait qu’elle, ce chiffre et cette étrange ombre. Rien de plus. Alors elle avait attrapé le chiffre et était sortie. Elle avait su résister. Elle avait su garder la tête froide.

En sortant, Elizabeth n’était plus là. Elle ne l’avait pas attendu. Ou alors, quelque chose lui était arrivé. Difficile à dire. C’était l’occasion parfaite pour l’abandonner à son sort. Pour la laisser mourir ici et être enfin débarrassée d’elle. Pourtant, elles s’étaient souvent retrouvées dans ce genre de situation toutes les deux. À chaque fois, elles étaient restées. À chaque fois, elles s’étaient entraînées. À chaque fois, elles s’étaient sauvées. Alors pourquoi pas cette fois ? Rapidement, la voix d’Elizabeth s’était fait entendre. Pour une fois, elle avait quelque chose de rassurant. « J’en ai d’autres aussi. » Dit-elle en levant l’une de ses mains, celle contenant sa trouvaille. « Je ne sais pas s’il y en a d’autres à trouver, mais on devrait peut-être déjà trouver l’endroit où ils doivent aller. » Pour savoir combien de chiffre, il leur fallait encore. Pour ne pas continuer à s’aventurer pour rien. « C’est peut-être un code ? Une sorte de clé ? » Mary ne se souvenait pas avoir vu quelque chose pouvant les accueillir à l’entrée, mais elles devaient y retourner pour voir si ce n’était pas ici, parce qu’après tout, ce serait logique. « Suis-moi, on doit retourner à l’entrée. » Et cette fois-ci, Elizabeth n’avait pas le choix, elle devait la suivre.

Après avoir couru, les deux cousines étaient arrivées à l’entrée. Au-dessus de la porte, il y avait quelques emplacements, autant qu’elles avaient de chiffre, ce n’était pas une coïncidence. « On doit les mettre là. » Dit-elle en montrant le haut de la porte. « Mais dans quel ordre ? Peut-être qu’on devrait essayer de les mettre dans l’ordre dans lequel on les a trouvés ? Qu’est-ce que tu en penses ? » Il fallait bien commencer quelque part. En espérant qu’il n’y ait pas de problèmes si la combinaison était fausse. Et en espérant que leur nombre d’essais n’était pas limité.

Elles avaient toutes les deux réussi leur épreuve et elles avaient obtenu d'autres numéros. Elles ignoraient toujours si c'était la solution pour s'échapper de cet endroit ou si c'était juste un moyen de leur faire perdre du temps, mais elles avaient de bonnes raisons de le croire et de l'espérer. « Vous avez raison. » Si elles ne trouvaient pas quoi faire de ces chiffres, elles pouvaient en chercher encore et encore, indéfiniment. Il fallait trouver à quoi ils servaient et s'ils servaient à quelque chose déjà, et avant toute chose. « C'est fort possible. Je ne vois que ça. » Quelle autre utilité auraient-ils autrement ? Un code, une clé... C'était forcément ça. Ça devait être ça. Elizabeth voulait y croire, en tout cas, pour ne pas se rendre à l'évidence qu'elle craignait : elles venaient de perdre du temps pour rien, elles avaient été piégées à nouveau.

En silence, elle avait suivi Mary jusque dans l'entrée. En effet, pour espérer sortir, c'était très certainement l'endroit où elles devaient espérer trouver quelque chose. Et, étrangement, une bonne surprise les y attendait. Il y avait des emplacements prévus pour les chiffres qu'elles avaient entre les mains et elles semblaient en avoir un nombre suffisant. Allaient-elles enfin pouvoir quitter cet endroit ? Il y avait de bonnes raisons de l'espérer, en tout cas.

Se posait alors une nouvelle question : dans quel ordre devaient-elles mettre ces fameux numéros ? Avaient-elles seulement le droit à l'erreur ? Puisqu'il fallait bien commencer quelque part, Elizabeth hocha la tête à la première proposition de Mary. Elles entraient donc les chiffres dans le bon ordre, mais rien ne se passa. Elizabeth avait tenté de pousser la porte, en vain. Très bien, il fallait trouver une autre méthode. « Du plus petit au plus grand, peut-être ? Ou le contraire ? » Après tout, pourquoi pas ! Il fallait chercher une logique, mais cette logique pouvait être à peu près tout et n'importe quoi. « Nous devons tester toutes les combinaisons. Posons un premier numéro et essayons toutes les combinaisons possibles avec les autres jusqu'à trouver la bonne. » Il fallait espérer que les essais n'étaient pas limités. Mais puisque les chiffres ne semblaient pas avoir de significations particulières, il fallait bien faire des essais pour obtenir le bon numéro - à moins qu'elles aient loupé quelque chose d'essentiel, évidemment.