Ce nouveau monde m’a pris par surprise. Il n’y a ni sable, ni tempête, ni épice dans l’air. Peut-être est-ce la raison pour laquelle je n’ai aucune vision ? Je dois avouer qu’elles me manquent un peu, comme la présence de mes ancêtres dans ma caboche. Oui, ils sont bruyants, trop présents, mais Père m’en protégeait. Je sentais sa présence rassurante, il me guidait sur le sentier d’or, me prévenait des dangers, m’en préservait. Je n’ai pas vu Ghani, je ne la sens pas plus. Nous avons toujours été connecté l’un et l’autre, depuis notre naissance. Un truc de jumeau sans doute. A moins que ce soit dû au cocktail d’épice ayant provoqué notre naissance prématurée ?

Attention, la suite contient des spoilers sur Dune tome 1 à 3.

Je me souviens encore de cette terrible nuit où mère succomba en nous donnant la vie. Père était devenu aveugle, il ne pouvait qu’être guidé par ses visions. Mais ses ennemis exploitaient les angles morts de celle-ci. Je n’étais qu’un nourrisson, encore tâchée du sang maternel, emmailloté dans du lin aux côtés de ma soeur jumelle dont je sentais déjà la présence. Déjà les voix de mes ancêtres se manifestaient. Au milieu de ce brouhaha,  s’est imposé mon grand père, Leto, le premier du nom, pilote émérite, guerrier de renom, duc de Caladan aimé de ses sujets, mort sur Arrakis, assassiné par son ennemi de toujours et mon arrière grand-père : le Barron Harkomenn. Notre histoire familiale est compliquée, bercée de tragédies, de trahisons, mais aussi d’histoire d’amour. Leto s’est sacrifié pour que son fils, Paul, et sa concubine, Jessica, survivent. Leto m’a averti du danger qui courrait, en cette chambre à l’atmosphère tamisée dans la forteresse d’Arrakis. J’ai alors utilisé les pouvoirs que m’a donné l’épice que prenait mère et les dons hérité de père, et j’ai réussi à partager ma prescience avec celle de père et ainsi à le prévenir qu’un assassin se trouvait derrière lui.

Ces maudits Tleilaxus avaient orchestré l’attentat ayant rendu mon père aveugle, ils voulaient le forcer à se plier à leurs exigences. Et lorsqu’ils ont compris que cela ne fonctionnerait pas, ils ont menacés mère, quand elle est morte, c’est nous que le danseur-visage a tenu en joue. J’ai guidé Père afin qu’il puisse tuer le nain et nous sauver la vie, se sauver la vie. J’ai senti alors toute sa douleur, le poids de ses visions, son impossibilité à se dévouer au sentier d’or. Et je l’ai laissé partir. J’étais qu’un nourrisson et pourtant, j’avais conscience de la portée de ce choix. Nous les nés à la préscience avons une conscience bien supérieure à la moyenne dès la naissance, ce qui peut provoquer la folie, l’abomination, la possession par nos ancêtres présent en notre esprit. Sans évoquer le fait de se perdre dans les visions.

Mais j’avais Ghani à mes côtés et l’esprit de ma mère et de mon père pour me protéger. Nous avons été élevés par Irulan, elle se sentait coupable d’avoir causé indirectement la mort de notre mère alors elle a prit sa place, nous a aimé à sa place, nous a protéger. Notre grand mère, Jessica était repartie à Caladan. Elle avait tant souffert sur Arrakis, elle ne pouvait pas supporter de continuer à y vivre. Quand à Alia, notre tante avait tant de préoccupation. Père en allant dans le désert, selon la vieille coutume fermen qui consiste à confier les handicapés à Shai-Hulud, lui a laissé la responsabilité d’un immense empire galactique à diriger où les tensions si nombreuses deviennent autant de danger mortels. Tante n’était pas prête. Les prêtres la manipulaient, les ennemis de père s’attaquèrent à elle, et Alia sous la pression céda aux voix dans sa tête, se laissa posséder par notre arrière grand père, le Barron Harkomenn.

Je l’ai vu céder progressivement à la folie, j’aurais sans doute pu l’aider si je n’avais pas moi-même été obsédé par le sentier d’Or. J’étais persuadé de réussir là où Père avait échoué, convaincu de la nécessité de le suivre pour sauver l’humanité en la menant vers sa libération, vers la grande dispersion. Pour cela, il me fallait me sacrifier, il me fallait mourir. J’ai simulé ma mort. Pauvre Ghani, pauvre Irulan, j’ai dû les tromper. Ainsi, j’ai pu suivre mes visions, retrouver mon père dans le désert, et aussi, surtout, trouver le stiech légendaire et maudit de Jacurutu. J’y ai subi l’agonie de l’épice, j’ai compris, grâce aux visions, que je devais me couvrir des truites des sables, et ainsi entamer le processus de transformation qui allait m’amener à devenir le Dieu-Empereur, et guider l’humanité sur le Sentier d’Or. Mais avant cela, je me devais de retrouver ma tante, de lui arracher le pouvoir des mains, de la sauver de la folie qui la dévorait et dévoiler le complot de nos ennemis.

Les truites des sables que j’ai apposé sur ma peau ont renforcé mon lien avec les vers, je sens que je deviens peu à peu comme eux, je sens le désert, je me sens connecté à lui. Je suis doté d’une plus grande force, d’une plus grande rapidité, il me faut courir sans cesse pour décharger l’immense pouvoir courant dans mes veines. Et mes visions, elles sont si nombreuses, si puissantes, que j’ai peur de céder à la folie, de finir comme ma tante que j’ai du vaincre. J’ai gardé Ghani auprès de moi, même si notre lien se délite au fur et à mesure que je deviens le Dieu-Empereur. C’est ma malédiction, mon devoir, je me dois de suivre le sentier d’Or… et soudain, la Lune Rouge a envahi mes visions, effacé le désert, effacé Dune, effacé le sentier d’Or pour me dévoiler ce nouveau monde si étrange.

Fin des spoilers

J'ai alors exploré ce monde, si différent. Il y a de la technologie ici, aucun jihad butlérien n'est intervenu, l'humanité ignore complètement le danger des machines. Mais l'humanité ici est si étrange, chacun vient d'univers si différents, que j'en suis complètement médusé. Heureusement, je n'ai plus mes visions, autrement je crois que je serais devenu fou. J'ai repris le pilotage, j'ai dû m'adapter à leurs machines. J'ai tant de plaisir dans les airs.