Paul, je suis ton fils ft. Paul Atréide

Quel monde étrange. Leto ne savait encore qu’en penser. Tous ces humains qui recouraient sans cesse à des machines, sans se méfier. Lui-même, lorsqu’il était monté la première fois dans un cockpit d’avion avait découvert tous ces boutons et surtout ce qu’ils appellent le pilote automatique ! Ses innocentes questions l’avaient amené dans un drôle d’état. Lui à qui on avait conté que les machines étaient diaboliques, que si on les laissait penser à notre place, elles prendraient à nouveau le contrôle et réduiraient les humains en esclaves. Peut-être que c’était déjà le cas quand il voyait toutes ces personnes le nez enfoncé dans l’écran de leur téléphone.

Entre ça et le climat, il était encore terriblement étonné. Les saisons, c’était un principe qu’il n’avait pas encore enregistré, d’autant qu’il était arrivé en janvier et un froid terrible lui avait glacé les os. Même l’été, les températures demeuraient excessivement basses ! L’humidité dans l’air en revanche était si haute ! Pas étonnant que les humains gaspillent toute cette eau ! Il les voyait pleurer même quand ils étaient joyeux, ils riaient et pleuraient en même temps. Ce spectacle l’avait choqué la première fois.

A cela s’ajoutait le fait qu’apparemment, les gens ici venaient de mondes si différents sans qu’aucun vaisseau dirigé par un navigateur de la guilde ne les y ai emmené. S’il avait encore ses visions, il aurait pu recourir aux lampadas, aux esprits de tous ses ancêtres pour y trouver des réponses, mais non. C’était le silence complet à ce niveau là. Aucune vision, aucune voix, il était seul pour la toute première fois de sa vie. Ghani lui manquait terriblement ! Même Irulan lui manquait. Il y avait bien plus de monde ici, dans les rues, qu’il n’en avait jamais vu à Arrakeen, même avec les changements climatiques lancés par son père, les températures restaient trop élevés la journée pour qu’on se balade dans les rues sans de bonnes raisons s’y aller. Pourtant, au milieu de la foule, il se sentait seul.

Comme en cet instant. En pleine rue, il croisait d’innombrables personnes, tant de visages parfaitement inconnu, parfaitement hydratés, aux yeux si blancs, sans une once du bleu caractéristique des habitants de Dune, teinte donnée par l’épice. Il les regardait en se demandant si eux aussi éprouvaient cette insondable solitude, si leur monde leur manquait à eux aussi. Quand soudain, il repéra un visage familier. Outre son visage, il y avait son allure, sa manière de marcher. Et cette manière de se fondre dans la foule. Il n’avait connu son père que brièvement, alors qu’il jouait les prédicateurs dans la foule, aveugle et à moitié fou, mais il avait vécu toute sa vie avec sa présence dans sa tête, sa voix le guidant, sans évoquer ses nombreuses visions. Il le reconnu donc. Même s’il mit quelques secondes pour accepter que c’était bel et bien lui. Ici, en ce monde, vivant et jeune ! Si jeune !

Après être resté un moment bouche bée, Leto fendit la foule, suivant son père en espérant le rejoindre. Par chance, ce dernier s’arrêta. Leto en ignorait la raison, il était juste heureux, tellement heureux qu’il manqua de lui rentrer dedans. Il aurait aimé lui sauter dans les bras mais son père aussi jeune ne le connaissait pas encore ! Peut-être avait-il déjà vu son visage dans ses visions mais il en doutait. « Pap… » Il se rattrapa. « Paul, c’est bien toi ? » Il savait que c’était lui mais il ne voyait pas d’autres manières d’entrer dans le vif du sujet. Comment lui dire qu’il était son fils ? « C’est dingue… vraiment… ça doit être cette curieuse lune rouge… je suis ton… » Il hésita. Paul le croirait-il ? Ou le prendrait-il pour un fou ? A son jeune âge, il était peut-être déjà empereur, mais surtout, il devait être habitué aux fanatiques et sans la prescience pour le guider, comment pourrait-il savoir qu’il disait vrai ? « Je m’appelle Leto. » préféra-t-il dire. Son père ferait peut-être les déductions ?