[Terminé] The eye of the tiger (pv Aloy)

Si elle se permet d'en douter encore, certains détails (qui n'en sont pas tout à fait) ne devraient pas la tromper et la convaincre qu'elle n'est définitivement pas coincée sur Lyoko, ou du moins dans une réalité artificielle très élaborée qui serait l'entière création de XANA. Cela n'empêche pas d'avoir des doutes, de vouloir se raccrocher aux théories réconfortantes qui lui permettent d'espérer que, d'une manière ou d'une autre, ses meilleurs amis viendront la chercher, mais il faut bien se faire à certaines évidences de sa nouvelle vie.

Ses sensations sont terrestres. Du temps qu'elle a passé sur Lyoko, Aelita a entretenu une certaine forme physique, de l'endurance et une certaine aptitude au combat qu'elle n'a pas perdus à son arrivée sur Terre. Ce à quoi elle a dû s'adapter en revanche, c'est aux conséquences physiologiques de ses actions, qu'elle ne ressentait pas quand son être se résumait à un enchevêtrement complexe de codes. Sur Lyoko, elle pouvait mourir, pour peu qu'elle se noie dans la mer numérique, en revanche, elle ne souffrait pas vraiment. Elle ne saignait pas, elle n'avait pas de courbatures au lendemain d'entraînements un peu musclés, elle ne transpirait pas... Ce sont des désagréments auxquels elle s'est habitué, auxquels elle a même pris plaisir, car ils lui ont conféré la preuve de son humanité...

C'est plus difficile d'être assidue à l'entraînement maintenant qu'elle n'a plus ses partenaires de lutte. Bon, Jérémie se battait le moins possible, mais il n'était pas rare qu'Odd et elle s'entraînent, régulièrement, et maintenant, elle est seule, ce qui a souvent le don de la décourager et de la dissuader de s'entraîner de façon suffisamment assidue. Malgré tout, elle tente de se discipliner, et de se rendre régulièrement à la salle de sport, ne serait-ce que parce que, outre le fait qu'elle préfère rester prête et sur ses gardes si le moindre combat devait advenir (même si le temps passant, ce comportement tient plus de la parano qu'autre chose), elle aime avoir cette occasion de se défouler, de se dépenser. Elle est d'un naturel positif, et elle a su s'adapter à sa nouvelle vie, mais il arrive tout de même souvent qu'elle se laisse submerger par le manque de sa vie d'avant, et quand ça arrive, rien ne vaut un bon entraînement en bonne et due forme.

Elle ne sait pas exactement combien de temps elle a passé à s'acharner sur ce sac de frappe, mais quand elle décide de s'arrêter, elle réalise que la tête lui tourne un peu. Pas très malin de sa part de ne pas avoir mangé avant de venir. Bon, il faut qu'elle calme les pulsations de son coeur. Elle n'en a pas encore fini, mais une pause ne lui fera pas de mal. Essoufflée, elle s'installe sur un banc disponible, s'éponge le front et vide presque cul-sec le contenu de sa bouteille d'eau. Bon, il va falloir qu'elle mange quelque chose si elle veut reprendre un peu d'énergie. Il y a des distributeurs de barres énergétiques, ça fera l'affaire. Sauf qu'en fouillant ses poches, l'adolescente réalise bien vite qu'elle n'ira pas loin avec quelques vagues centimes. Bon, aux grands maux les grands remèdes, Aelita de s'adresser à la première personne qui lui paraît un tant soit peu abordable.

"Excusez-moi, vous auriez de la monnaie ?" demande-t-elle en désignant le distributeur. "Je vous rembourserai."

En guise de réponse, celle à qui Aelita a décidé de s'adresser donne un coup au distributeur, et ni une ni deux, plusieurs barres protéinés tombent d'un coup d'un seul. Aelita assiste au spectacle, à la fois amusée et impressionnée. Est-ce que les distributeurs sont à ce point merdiques ? Ou bien son interlocutrice est sacrément forte... En tout cas, non sans un léger scrupule, mais avec un fin sourire aux lèvres, l'adolescente s'empare des barres tombées du distributeur. Elle a trop faim pour laisser son sens moral (qui de toute façon sait être à géométrie variable quand il le faut) empiéter sur son appétit. Quand elle le peut, Aelita fait les choses dans les règles, mais elle sait aussi jouer les resquilleuses si et quand nécessaire. Et puis, ce ne sont que des barres de céréales, pas la peine d'en faire une affaire d'Etat.

"Merci, il va falloir m'apprendre à faire ça", répond-t-elle tout en retirant l'emballage d'un des friandises. "Vous en voulez une ?" propose-t-elle.

Quatre barres sont tombées d'un coup. Aelita est gourmande, et elle pourra bien s'en garder pour plus tard, mais pas la peine de jouer les pingres non plus, et puis, c'est aussi une manière de faire la conversation. Possible que son interlocutrice ait d'autres chats à fouetter. On dirait bien qu'elle finit un entraînement elle aussi (Aelita ne l'a pas vu faire, trop concentrée par ses propres exercices), elle ne demande sans doute qu'à prendre une bonne douche et à se tailler d'ici le plus vite possible.

Surtout que même si Aelita est d'un abord facile, elle n'oublie pas qu'elle n'est qu'une ado, et que la plupart des adultes normalement constitués ont mieux à faire de leur temps que de bavarder avec ce qui sera forcément une gamine à leurs yeux, peu importe qu'elle ait onze ou quinze ans.

Bah, ça n'empêche pas Aelita de tenter le coup. Dans le pire des cas, son interlocutrice l'enverrait balader, elle s'en remettrait. Mais Aelita, elle, aimait faire de nouvelles connaissances. Et surtout, chacune de ses rencontres dans cet endroit étrange lui permet non pas de mieux le comprendre mais du moins de mieux l'appréhender. Tout le monde a une histoire hallucinante, ici, et même Aelita, dont la propre histoire est, c'est le moins que l'on puisse dire, singulière, est souvent intriguée voire incrédule face aux histoires qu'elle peut apprendre des autres.

"Vous venez souvent vous entraîner ici ?" demande-t-elle donc pour prolonger la conversation avant de mordre dans sa barre de céréales.

Possible aussi qu'elle cherche à gagner du temps parce que, même si elle a l'intention de s'y remettre, elle n'est pas pressée d'y retourner dans l'immédiat.

Aelita ne se vexe pas d'entendre son interlocutrice lui affirmer qu'elle préfère garder ses petites combines pour elle-même, elle n'aurait de toute façon pas été capable d'en abuser sans culpabiliser. Même s'il fallait les transgresser très souvent, Aelita aime malgré tout faire les choses dans les règles. Pour ce qui est par ailleurs d'avoir tous ses petits secrets, elle serait mal placée pour affirmer le contraire, tant elle en garde également pour elle-même depuis son arrivée sur cette île. Elle ignore dans quelle mesure on la prendrait pour folle, étant donné que tous ici semblent avoir une histoire des plus complexes voire fantaisiste, mais elle ne s'y risque pas pour autant. Elle se contente d'afficher un sourire tandis qu'Aloy se saisit de la barre de céréales qu'Aelita lui propose. Elle semble naturelle, franche, directe, et c'est le genre de caractère que l'adolescente apprécie, d'autant qu'elle n'est pas forcément bien différente sur ces points.

"Merci", répond Aelita au compliment de son interlocutrice.

Ce n'est pas la première fois qu'elle entend des remarques sur ses cheveux, et ils ne font pas toujours l'unanimité. Le fait est qu'Aelita, elle, apprécie ce signe distinctif qui d'où elle vient n'a jamais fait parler personne. Il faut dire que quand on fréquente Odd, n'importe quelle fantaisie capillaire passe pour une coiffure bien sage en comparaison de celle que lui-même portait avec tant de fierté.

"J'y suis pas pour grand-chose, je suis née avec", ajoute-t-elle avec humour.

Elle sait que ce n'est pas tant sa coiffure que la couleur de ses cheveux qui intrigue bien souvent. Et pourtant, elle est née ainsi, avec les cheveux roses, couleur que sa mère elle-même portait fièrement, dans le peu de souvenirs que l'adolescente est encore capable d'avoir d'elle. Très peu, en somme.

"Je viens de temps en temps, peut-être pas aussi régulièrement que je devrais. Je suis encore au lycée, alors avec les cours, c'est pas toujours simple de trouver du temps. Et aussi, j'ai plus de mal à me motiver à m'entraîner maintenant que je dois le faire toute seule."

Odd, Ulrich et Yumi étaient sa motivation, dans ces moments-là (exit Jérémie qui s'épuisait le moins possible à moins d'y être totalement obligé). Elle veut continuer de s'entraîner, d'une part parce que se dépenser lui fait du bien, d'autre part parce que perdre en endurance ou en force ne serait pas forcément bienvenu selon ce que peuvent réserver les circonstances. Bon, ceci dit, son racontage de vie n'intéresse peut-être pas son interlocutrice. Trop tard, elle est lancée.

"Au fait, moi c'est Aelita."

Aelita sourit, tout le monde ne montrait pas toujours une telle appréciation quant à sa couleur de cheveux, et elle apprécie, même si au final, elle se fiche un peu de l'opinion que certains peuvent éventuellement avoir sur cette couleur bien singulière. Si ça ne leur plaît pas, c'est leur problème, pas vrai ? Elle voit difficilement comment on peut se sentir incommodé de l'apparence de quelqu'un d'autre, en vérité. Ce n'est pas comme si c'était eux qui devaient porter des cheveux couleur chewing-gum, alors qu'est-ce que ça pouvait bien leur faire. Avoir grandi et s'être façonnée sans le jugement de personne a eu ses avantages et ses inconvénients pour Aelita. Quand il est question des remarques qu'on peut éventuellement les faire, en tout cas, elle les accueille toujours, si elles sont négatives, avec la plus saine indifférence. Elle sait que ce n'est pas toujours donné à tout le monde. Et, du haut de ses quinze ans, entourée donc majoritairement d'adolescents pas toujours très évolués et soucieux de s'affirmer, elle sait combien certaines personnes peuvent parfois être blessantes, même si c'est généralement pour cacher leur propre mal-être.

"Enchantée, Aloy."

Et enchantée, Aelita l'est vraiment, elle n'a pas du tout besoin de forcer sa nature pour cela. Elle apprécie beaucoup la compagnie de son interlocutrice, même si elles n'ont échangé que quelques mots. Elle apprécie son énergie, son naturel. Et Aelita, elle, ne dit jamais non à de nouvelles rencontres. C'est même tout l'inverse. Et surtout dans cette dimension étrange qui est dorénavant la sienne. Faute de pouvoir compter sur ses anciens repères, les nouvelles rencontres qu'elle peut faire sont d'autant plus primordiales.

"C'est vrai, tu accepterais de me donner des cours ? Ce serait génial ! J'adorerais !"

Là encore, peut-être qu'Aelita se montrait un tantinet trop enthousiaste. Après tout, elle ne savait absolument rien ou presque de son interlocutrice, si ce n'est son prénom et qu'elle avait apparemment un don pour récupérer des barres de céréales au distributeur sans les payer, mais Aelita décidait de lui faire confiance, et surtout, elle lui était sympathique. Et c'est évident, elle aurait plus de facilité à se motiver au moindre entraînement si quelqu'un était là pour la booster. Et en plus, c'est gratuit ! Bon, sur ce point, elle a quand même quelques scrupules, mais d'un autre côté, tant mieux, pas vrai ? Parce qu'Aelita ne roule clairement pas sur l'or. Si elle obtient son stage chez Obsidian North, peut-être que ça changera, mais en attendant, elle a clairement intérêt à veiller à ses maigres économies. Son abonnement à cette salle de sport mange déjà une grande part de son argent de poche.

"C'est quoi, ta spécialité ?"

Parce que ce n'est pas tout d'accepter de se laisser entraîner par une presque-inconnue, mais si ça se trouve, leurs centres d'intérêt n'étaient absolument pas les mêmes. Aelita et la précipitation.

Cette femme a plus d'une corde à son arc, c'est le moins que l'on puisse dire, et Aelita est sacrément impressionnée quand elle entend tout ce que son interlocutrice est capable de faire, et par conséquent de lui apprendre. Elle ne peut pas présumer de ses compétences, quelque part, puisqu'elle ne l'a pas vue à l'œuvre, mais elle choisit de la croire sur parole. Elle a envie de penser qu'elle n'exagère rien et qu'elle ne lui vend pas des compétences qu'elle ne possède pas, et par conséquent, il y a de quoi être bluffée. Pour le coup, l'adolescente aux cheveux roses réalise qu'elle n'a que l'embarras du choix, et en conséquence, elle a bien du mal à déterminer sur quoi porter son choix. Quand elle entend Aloy lui parler de tout ce qu'elle est capable de lui enseigner, Aelita a envie de toucher à tout. Elle est comme ça, Aelita, constamment curieuse de tout. Elle a besoin de tout voir, de tout savoir, de tout expérimenter, c'est presque une seconde nature chez elle.

Aelita réfléchit à la réponse à donner. Dans un premier temps, quand elle venait s'entraîner ici, c'était avec l'intention d'être prête, sur le qui-vive, à même de faire face à n'importe quelle attaque de XANA, d'autant qu'elle serait seule pour y faire face. Oui, sauf que le temps passant, et même si elle prenait encore parfois soin de s'en convaincre, elle ne croyait plus vraiment à ce genre d'attaque, comme elle finissait par se dire que l'intelligence artificielle n'avait rien à voir avec cette dimension nouvelle dans laquelle elle évoluait. Alors elle s'entraînait pour se vider la tête plus qu'autre chose. Malgré tout, elle ne peut pas totalement passer à côté de la possibilité que, sa garde baissée, l'ennemi en profite pour s'en prendre à elle... et à ce moment-là, elle aura regretté de ne pas avoir pris les mesures qui s'imposent.

"Pas mal de sport de combat", répond  Aelita quand son interlocutrice lui demande quels sont ses sports de prédilection. Pour beaucoup de choses, elle a appris sur le tas. Sur Lyoko, c'était une nécessité absolue, si on voulait faire face aux créatures de XANA. Pour ce qui est de la course, elle pense avoir de l'endurance, mais elle a le sentiment de s'être rouillée en ce qui concerne les sports de combat. C'est que c'est une chose à laquelle il est compliqué de s'entraîner seul. "Une des mes meilleures amies était hyper-forte en arts martiaux, le karaté, le taekwondo. J'aimerais bien reprendre ça." Et puis, les arts martiaux, ça avait le mérite de vous défouler. Même s'il y a bien sûr une part de technique très spécifique qui exige de ne pas juste foncer dans le tas comme bon nous semble. Mais cette sorte de discipline dans le chaos plaît aussi beaucoup à Aelita. "Cela dit, j'aimerais bien essayer de faire un peu de danse, aussi."

Aelita ne peut pas prétendre à des connaissances encyclopédiques concernant les arts martiaux dont on lui a inculqué le plus de notions. Elle s'est surtout contentée d'apprendre les mouvements, les parades comme les attaques. Yumi, toujours très attachée à sa culture, lui a parlé plus longuement de la philosophie allant de paire avec l'art du karaté, mais Aelita ne pourra pas prétendre avoir tout retenu (Odd était sans doute en train de faire le pitre pas loin pour l'empêcher de se focaliser). Elle sait que le karaté est en effet très vaste et renferme plus d'une branche, elle serait en revanche incapable de dire laquelle ou lesquelles étaient celles de prédilection de son amie. Mais en effet, plutôt que de s'éparpiller, il sera certainement préférable de commencer par une forme d'art martial à la fois. De toute manière, Aelita a toujours préféré le karaté au taekwondo, donc elle ne dira pas non.

"Oui. Et je peux me contenter de ce que vous maîtrisez le mieux de toute façon."

Histoire d'avoir les meilleurs conseils possibles, parce que de son côté, elle maîtrise très bien certains domaines, c'est vrai, mais d'autres demeurent explorés en surface seulement. Elle est sportive, mais intuitive, elle manque de méthode stricte et de discipline, elle se dit que c'est là le genre de choses que son interlocutrice sera peut-être capable de lui apprendre. Elle le souhaite, en tout cas. Elle peut être très bonne élève quand la matière qu'on lui enseigne la passionne vraiment. Et quand elle a un bon professeur, aussi, et elle sent qu'en compagnie d'Aloy, ça peut être à la fois l'un et l'autre, au final.

Aelita fait non de la tête quand son interlocutrice évoque la danse classique. Elle ne pense pas que ça lui plairait dans tous les cas, au-delà de ses lacunes évidentes en matière de souplesse et de rigueur. Elle n'a de toute façon pas d'attrait pour la musique classique de son côté. Odd lui a communiqué le goût de l'électro, et c'est ce qu'elle aimait mixer, à Kadic, elle se verrait davantage s'épanouir dans une forme de danse plus moderne, même si elle ne sait pas forcément si elle serait plus douée pour cela non plus malgré tout.

"La Zumba, ça a l'air pas mal, j'en avais jamais entendu parler.", admet Aelita avec un sourire. "Toi, qu'est-ce que tu préfères faire ? Si tu dois me donner des cours gratuitement, autant que ce soit dans un domaine qui te plais plus que les autres, non ?"

Et elle, tout lui convient, au final, elle a juste envie d'apprendre, de se défouler, et qui sait, d'en profiter pour apprendre à mieux connaître son interlocutrice qui sait si bien lui communiquer son énergie. Elle a clairement besoin de ça pour reprendre du poil de la bête.

"Eh bien ça tombe bien, je suis plus branchée attaque, moi aussi", répond Aelita avec détermination, qui dans tous les cas aurait surtout fait en fonction des habilités de son interlocutrice.

Si elle peut bénéficier de son aide gratuitement, autant que ce soit en laissant Aloy faire ce qu'elle préfère. L'adolescente aux cheveux rose, dans tous les cas, en tirera l'un ou l'autre bénéfice, c'est une certitude. Mais en l'occurrence, oui, elle préfère l'offensive à la défense. Certes, elle ne sera jamais la première à montrer les poings, mais elle est quand même d'un naturel à penser que, dans bien des circonstances, la meilleure des défenses restent encore l'attaque, et tandis qu'elle ne peut pas entièrement se départir de la possibilité - de moins en moins crédible pourtant - que XANA ait un projet sur le long terme la concernant, mieux vaut qu'elle soit la mieux armée possible, et donc la plus entraînée, et pour ça, l'attaque paraît définitivement être la meilleure solution.

Aelita espère que son trop-plein d'enthousiasme n'est pas en train d'inquiéter Aloy, qui voulait peut-être juste, et uniquement, rendre service sans chercher franchement plus loin. Aelita a sans doute ce défaut qui déplaît à beaucoup : quand vous lui tendez la main, elle vous prend tout le bras. Elle ne pense jamais à mal quand elle agit ainsi, mais en attendant, le résultat est là tout de même, et il peut effectivement déplaire.

"Tu me vends bien la Zumba, aussi. Je crois que ça me ferait pas de mal de me vider la tête", ajoute Aelita quand son interlocutrice observe que c'est une bonne manière de "penser à autre chose".

Toute curieuse peut-elle être, Aelita décide de ne pas demander à son interlocutrice quelles peuvent être ses préoccupations. Elle se dit qu'elle peut sans doute les deviner, parce que tout le monde en a ici, ou tous ceux avec qui elle a fait connaissance, en tout cas. C'est ce qui arrive quand on se retrouve ainsi propulsé du jour au lendemain dans un monde où tout nous est inconnu, où nos proches, pour certains, sont absents, où nos codes et nos habitudes sont bouleversés. Aelita, intriguée, aimerait savoir d'où vient Aloy, qui elle est au-delà de ce qu'elle lui montre, mais elle ne veut pas se dispenser de sa générosité parce qu'elle se serait montrée trop fouineuse.

"On pourra commencer quand ? T'es dispo quand ?" demande Aelita, toujours motivée.

Si elle s'écoutait, elle suggèrerait de commencer tout de suite, mais elle se rend bien compte qu'elle monopolise sans doute un peu trop l'attention de son interlocutrice. Là encore, c'est plus fort qu'elle.

Se vider la tête et évacuer le trop-plein d'énergie, en somme, tout ce dont Aelita a effectivement besoin à l'heure actuelle... et pas seulement à l'heure actuelle, d'ailleurs, il y a de bonnes chances que ça lui dire encore longtemps. Elle a toujours eu de l'énergie à revendre, c'est dans sa nature et dans son caractère, mais pour ce qui est de se vider la tête... A moins de retrouver Jérémie et les autres, elle ne pense pas qu'elle finira par se remettre de la douleur qu'elle ressent à la perspective de ne jamais les revoir, par se débarrasser des questions qui l'assaillent...

Non, à l'évidence, elle a besoin de se vider la tête, et dans les grandes largeurs, et elle veut bien croire que ce soit plus efficace et plus sûr de le faire en étant un minimum encadré qu'en frappant un peu au hasard dans un sac de frappe sans trop savoir ce qu'on faisait. Oui, ça défoule sur le moment, mais ensuite, c'est quand même pas l'idéal. De manière générale, Aelita réalise les limites de sa solitude. Elle a besoin d'être entourée, elle a besoin d'être encadrée, tout simplement. Et Aloy a l'air aussi efficace que compétente. Peut-être qu'elle ne devrait pas se fier à une première impression, il est préférable de se montrer prudent, en l'occurrence, mais malgré tout, l'adolescente aux cheveux roses a le sentiment de s'être trouvée une amie, ou en tout cas une personne qui ait envie de l'aider, et ça lui importe beaucoup.

"Je dirais bien qu'on commence de suite, mais il va pas falloir que je tarde." Vivant à l'orphelinat, elle dépend tout de même de créneaux horaires, et elle ne voudrait inquiéter personne sous le prétexte de n'en faire qu'à sa tête. On lui laisse une liberté de mouvements agréable, mais elle a quand même quelques règles à respecter, et elle compte bien s'y tenir. "Je suis encore au lycée", apprend-elle à son interlocutrice. "Je termine à 17 h la plupart du temps, on peut se retrouver juste après. Vers 18 h, par exemple ? Demain, qu'est-ce que tu en dis ?"

Elle a bien envie de ne pas attendre. Comme pour beaucoup de choses, elle est volontaire et impatiente. Elle n'aime pas remettre les choses à plus tard. Elle peut procrastiner parfois, mais c'est quand même assez rare de sa part, pas vraiment dans ses habitudes.

"En tout cas, c'était cool de parler avec toi, ça m'a fait plaisir de te rencontrer." Aelita adresse à Aloy un sourire radieux. "Je te dis à demain, du coup ?"