TW : violence, mort (et spoilers)
Le temps coule comme l'eau dans un ruisseau. Il n'a pas d'impact sur elle. N'avait pas d'impact lorsqu'elle était sous forme physique, n'en a pas plus alors que son esprit tente, malgré l'infestation, de se ressourcer.
Les forêts brulent, elles sont infectées par le mal. Les âmes des arbres libérées par un feu ami, face au Fléau qui les emprisonne. Empoisonne.
Après sa forêt natale, où toutes les Nyphai à son exception ont péri en même temps que leur Koa'kona, cette forêt ci à son tour, est détruite par la Horde.
Et cette enveloppe charnelle, déchiquetée par un enfant, une créature à la peau translucide, inattaquable tant qu'elle n'a pas évolué. Evolution qui requiert une première mort. Ce sera la sienne.

Inconsciemment, Nee'lahn passe la main sur sa gorge. Elle se souvient encore de la douleur. Ce n'était pas rapide. C'était violent, gore. C'était un enfant qui mangeait, dévorait, pour la première fois. La dernière fois, grâce à son sacrifice involontaire. Grâce à la larme acérée de Kral, probablement.
Le soleil tape fort dehors. Si son métabolisme était toujours celui d'une Nyphai, ça ferait longtemps que son esprit, et par conséquent elle, serait mort. Son luth absent lors du changement d'univers. Un semblant de réconfort trouvé dans la harpe.
Ses musiques sont moins mélancoliques, moins expressives. Elles ne sont plus que belles, touchantes ou dissonantes. Mais leurs notes ne transmettent plus rien.
Les esprits des arbres, ici bas, est endormi. Le bois qui constitue ses harpes n'a d'esprit que ce que les notes réussissent à lui donner. Pas grand chose.

Il lui a fallu du temps pour s'en remettre. Pour que les forêts des Si'lura réussissent à ressourcer son esprit. Mogweed a, sans nul doute sans le savoir, été celui qui a permis son retour sur le plan physique de la terre. Se servir de la graine pour offrir la possibilité à Fardale de la transporter jusqu'aux seules forêts d'Alasea encore libres du Fléau a été facile. Après ça, il n'y avait qu'à attendre qu'elle se ressource sur place, entourée de bois et de nature, accompagnée par un autre peuple sylvestre.

Mogweed est un des compagnons qu'elle n'a pas pris le temps de chercher dans cette nouvelle ville. Après tout, de là où elle vient, ça fait bien longtemps qu'il est mort. Elle a réussi à trouver Fardale et Méric est apparu près d'elle, à leur plus grand désespoir à tous les deux. Ils sont vite partis chacun de leur côté. Si une aventure comme celle qu'ils ont vécu contre le Fléau peut rapprocher, une haine entre deux races d'êtres ancre des idées indélébiles dans les pensées.
Le peulownia qu'elle a planté en arrivant est déjà grand. Ses fleurs violettes lui procurent l'ombre au creux de laquelle elle se réfugie. Le soleil ne la dérange pas vraiment, elle préfère juste la couverture que procure les fleurs ou feuilles de grands arbres, rappel constant d'une maison à laquelle on l'a retiré de force.
Alors elle plante, elle arrange, elle réfléchit, elle organise. S'arrange pour créer des écosystèmes de fleurs, de plantes et d'arbres. Fais ce qui lui semble juste, écoute les plantes plus que les propriétaires qui l'engagent et qui finissent toujours pas être heureux. Parce que Nee'lahn sait que lorsque l'on écoute la nature, elle nous le rend toujours.

Le Fléau anéanti, il était temps pour Rodricko et Nee'lahn d'essayer de recréer leur forêt, leur maison. Le dernier des Koa'kona, débarasser de son infestation et lié à Rodricko pourrait, ou c'est ce que Nee'lahn pensait, semer des graines autour de lui. Ainsi, d'autres Koa'kona pourraient repousser, et d'autre Nyphai pourraient naître. Le cercle virtueux reprendrait sa placen et Nee'lahn ne serait plus "la dernière Nyphai".

"Nee'lahn ?" Elle regarde l'enfant qu'elle considère depuis qu'ils l'ont trouvé comme son fils. "Est-ce que tu penses que les autres sont arrivés ?" Elle voit qu'il essaye de réfléchir, qu'il essaye de se rassurer, aussi. "Y'a pleins d'autre qu'ont débarqué, comme nous y'a cinq ans. Tu penses qu'ils sont dedans ? Er'ril, Elena ? Kral ? Tol'chuk ?" Nee'lahn sait pas quoi lui répondre. Elle a sa vie maintenant, ici. Elle est Rodricko. Bien sûr qu'elle aimerais être réunie avec ses compagnons d'aventure, mais elle n'en fera pas une priorité. Ils ont vécu le Fléau ensemble, et si à l'époque ça les a rapproché, ils ne font maintenant plus que parti d'un mauvais souvenir.