INTRIGUE N°2, chapitre II ▿ Regulus & Lucifer

« Regulus, regarde bien cet homme. Regarde-le bien et tu verras qui se cache réellement derrière ce visage. Il s’agit de Lord Voldermort, il vient se venger. Face à lui, tu n’es rien, tu es si impuissant. Il a raison, il doit mettre fin à tes jours, tu n’es pas un bon sorcier, ta magie ne manquera à personne. »

Cette voix résonne à son oreille, lui répète insidieusement les mêmes mots, encore et encore, au point qu'il est, pour Regulus, positivement impossible de les ignorer. Il devrait sans doute se méfier de cette voix surgie de nulle part qui l'exhorte à la prudence, qui blâme son incapacité crasse, et qui n'a rien à voir avec cette petite voix intérieure qui aime effectivement à lui répéter qu'il est un bon à rien sans la moindre valeur, dont le sacrifice aura été sans effet, et que sa famille entière voudrait voir disparaître.

Il s'en est peut-être méfié au début, mais la voix est obsédante, ses accents sont si réels... Plus il veut la chasser, plus forte elle imprime son discours au creux de son crâne, au point même qu'il ne soit plus capable de l'ignorer.

Espérer ne pas retrouver le seigneur des ténèbres en ces terres avait été une absurde illusion, bien sûr qu'il serait là, bien sûr que tôt ou tard, il demanderait réparation pour le mal qu'il avait voulu lui faire subir. Dès l'instant où le médaillon de Serpentard lui était revenu, Regulus avait su, au fond, que l'homme qu'il avait autrefois servi viendrait lui réclamer son dû... Et ce moment est arrivé... Bien sûr que Regulus meurt d'envie de prendre la fuite, mais pour aller où ? Le cauchemar n'aura jamais de fin à moins qu'il n'y mette un terme ici, maintenant.

Cet homme est un envoyé du seigneur des ténèbres. Qui sait si cet homme n'est pas le seigneur des ténèbres en personne ? Ce ne serait pas impossible, après tout. C'est même très, trop probable au bout du compte. Il ne sait pas qui il est, ça pourrait être n'importe qui, mais la voix insiste, et sans comprendre pourquoi, une part de lui se dit que si la voix l'affirme, c'est que ça ne peut qu'être le cas...

Tout comme elle a raison d'affirmer qu'il n'est pas un bon sorcier, et que sa magie ne manquera à personne... Et pourtant, tout mauvais sorcier, tout convaincu qu'il est de ne pouvoir en aucun cas s'opposer au seigneur des ténèbres sans subir immédiatement son courroux, et sans finir les pieds devant, il décide d'aller au devant de ses angoisses. C'est l'occasion ou jamais... Il faut qu'il se débarrasse de lui, pour de bon. Et pouvoir vivre enfin. Sans plus être engoncé dans la peur perpétuelle de ce qu'il pourra lui faire subir, de la revanche qu'il serait en droit de réclamer.

"Je sais pourquoi vous êtes ici", dit-il en s'approchant de lui, la voix trop tremblante pour être menaçante. "Et je ne vous laisserai pas faire", ajoute-t-il en pointant sa baguette dans la direction de celui qu'il pense être son ennemi.

« Face à lui, tu n’es rien, tu es si impuissant. Il a raison, il doit mettre fin à tes jours, tu n’es pas un bon sorcier, ta magie ne manquera à personne. »

Litanie incessante, insupportable. Mais Regulus lui donnera tort. Il faut qu'il lui donne tort. C'est sa vie ou la sienne.

Quand l'homme se recule d'un pas, Regulus a un mouvement de surprise. Le seigneur des ténèbres ne prendraient jamais peur face à lui. Jamais. Lui n'a été qu'un pion insignifiant de son échiquier. Son seul fait d'arme avait été de se rebeller le tout pour mourir dans la seconde qui avait suivi et sans être franchement certain que son exploit avait permis quelques progrès que ce soit pour la cause adverse. Cet homme, s'il est Lord Voldemort, ne s'inquiéterait pas d'un petit minot dont il ne doit même plus se rappeler le nom, un sbire parmi tant d'autres, qui ne sait même pas tenir sa baguette sans trembler, si ? Peut-être que ce n'est pas lui, juste un de ses envoyés, et dans ce cas, il peut peut-être s'en sortir indemne. Ou peut-être que c'est lui, et qu'il se paye sa tête. Même s'il n'avait pas ses pouvoir, le seigneur des ténèbres ne reculerait pas en sa présence, ce serait... indigne de lui... Mais la voix répète encore et toujours la même litanie.

« Regulus, regarde bien cet homme. Regarde-le bien et tu verras qui se cache réellement derrière ce visage. Il s’agit de Lord Voldermort, il vient se venger. »

Ne pas se fier aux apparences, surtout pas, c'est ce qui causera sa perte à coup sûr. Oui, plus il le regarde, et plus il sent que c'est lui, cet homme est bel et bien Lord Voldemort, et plus il hésitera, plus il tergiversera, plus il prendra le risque de le voir se retourner contre lui. Ses doigts se crispent autour de sa baguette. C'est le moment d'agir. Bordel, Regulus, agis... Pense aux vies qu'il a détruites. Pense à ton frère. Pense aux vies que tu pourrais sauver... Cette voix intérieure, qui lui appartient vraiment serait sans doute plus efficace si l'autre n'était pas aussi insistante, martelante, inévitable.

« Face à lui, tu n’es rien, tu es si impuissant. Il a raison, il doit mettre fin à tes jours, tu n’es pas un bon sorcier, ta magie ne manquera à personne. »

Sa magie ne manquera à personne, il ne manquera à personne, mais en attendant, s'il doit une nouvel fois sortir d'un tel affrontement plus mort que vivant, il veut que son sacrifice paie vraiment cette fois. Il faut qu'il agisse, il doit absolument agir. Ne pas laisser la peur le paralyser... Ce n'est pas que ça vie qui est en jeu. Allez, lancer un sort, n'importe lequel. Il va prononcer un mot mais l'homme se rapproche et attrape fermement son poignet. Eh merde. Dans l'urgence. Regulus articule le premier sort qui lui passe par la tête - pas la technique la plus maline.

"Incendio", la baguette elle-même semble protester quant à la faiblesse de conviction qu'il met dans sa voix, non seulement elle ne produit qu'une vague flamiche qu'un briquet ne lui envierait pas, mais en plus du reste, sa baguette lui brûle littéralement les doigts au point que sa baguette choit au sol.

Quel grand guerrier Regulus, vraiment, bravo, félicitations...

« Tu n’es pas un bon sorcier, ta magie ne manquera à personne. »

Tu m'étonnes qu'elle ne manquera à personne.

Merde… merde… merde… Si ça ne suffisait pas que Regulus se fustige intérieurement (chose très habituelle chez lui), cette satanée voix ne cesse, dans le même temps, de répéter encore et toujours cette même litanie qui le rend complètement chèvre. « Tu n’es pas un bon sorcier, ta magie ne manquera à personne »... Sa tentative d’incendio complètement foirée ne donne malheureusement que trop raison à cette affirmation… Et voilà qu’en plus il a fait tomber sa baguette. Ce qui étonne Regulus, c’est que le seigneur des ténèbres ne s’en saisisse pas pour le prendre à son propre jeu et lui lancer un sort en retour. Même avec une baguette autre que la sienne, il serait forcément beaucoup plus efficace, beaucoup plus puissant… A la place, il lui donne un coup de pied et l’envoie valser plus loin… Fais chier… La seule arme dont il dispose contre lui… Arme ô combien médiocre, mais arme quand même. Maintenant, son ennemi le plus redoutable se trouve entre lui et sa baguette…

La seule chose qui justifie qu’il ne l’ait pas utilisée contre lui est sans doute que lui-même n’a pas retrouvé ses pouvoirs… Ce qui veut dire qu’il a une chance de le vaincre, en soi… Mais pas s’il continue de se comporter comme un manche, pas si cette satanée voix continue de lui heurter les tympans… pas s’ils doivent s’engager dans un combat à mains nues. Regulus n’est certainement pas un guerrier ou un combattant. Sans sa baguette, il est totalement impuissant. Et vu leurs gabarits respectifs, il a les meilleures chances du monde de se faire rétamer comme un gland incessamment sous peu.

Il tremble comme une feuille quand celui qu’il continue de prendre pour Lord Voldemort l’attrape par le col de sa chemise. Il songe au médaillon. Il suffirait d’un geste à son interlocuteur pour s’en emparer, là, tout de suite… Il faut qu’il le protège, qu’il se protège, mais comment ? Il se sent complètement impuissant, et un frisson le traverse en voyant les yeux de l’homme virer au rouge vif. S’il avait besoin de la preuve qu’il avait bel et bien le seigneur des ténèbres en face de lui, c’est à présent chose faite. Il ne peut plus avoir le moindre doute, à présent. Le type parvient à l’envoyer valser à travers la ruelle aussi aisément que s’il était fait de chiffon… Ouch…

Regulus se redresse douloureusement tout en voyant son ennemi s’avancer vers lui… Il s’exhorte à être brave quand un autre voix lui rappelle qu’il ne vaut rien. Il prend une inspiration et transplane, l’instant d’après, il se trouve dos à son adversaire et a pu récupérer sa baguette.

« Je sais que vous avez perdu vos pouvoirs, et je sais aussi ce que vous recherchez, mais vous perdez votre temps, je l’ai détruit », dit-il en pointant sa baguette dans sa direction. « Impedimenta ! »

Un sortilège impardonnable, comme le sortilège de mort, serait le plus recommandé dans ces circonstances, mais s’il a foiré un bête incendio, il ne doit pas s’attendre à maîtriser un sort aussi complexe, alors il tente autre chose : un maléfice d’entrave qui devrait ralentir son adversaire dans tous ses mouvements. Du moins s’il est efficace. Ce dont il doute. Et la voix qui lui rappelle combien il est incompétent n’aide toujours pas.

Quand il lui confirme avoir bel et bien perdu ses pouvoirs, mais les avoir récupérés, du moins en partie, Regulus voudrait croire que son adversaire bluffe, mais il ne peut malheureusement pas en avoir la moindre certitude. Après tout, ses yeux se seraient-ils mis à rougeoyer s’il ne détenait pas au moins une partie de ses capacités ? Peut-être bien que non. Sauf qu’avec un dixième, même un centième seulement de ses capacités passées, le seigneur des ténèbres était plus que capable de lui mettre une raclée monumentale… Et plus encore à un sorcier qui n’était plus capable de lancer un sort aussi banal qu’un incendio, le genre de sorts qu’on était supposé maîtriser dès sa première année à Poudlard, sans se brûler les doigts… Il se sent ridicule, et pour cause il l’est clairement. Pour preuve, le seigneur des ténèbres ne goûte pas un seul instant à sa petite feinte ridicule.

Bien sûr qu’il bluffe. Si Regulus avait été capable de subtiliser et d’échanger le médaillon de Serpentard contre un faux à l’époque, ce n’est pas pour autant qu’il aurait été en mesure de le détruire ensuite, il avait simplement espéré qu’un autre y parviendrait, et compté sur Kreattur pour achever son œuvre. En ce qui le concernait, la question ne se posait de toute façon plus, récupérer le médaillon revenait à sacrifier sa vie, et c’est ce qu’il a fait. On ne détruit pas un horcruxe comme on jette un bête antisort, encore moins quand on est justement incapable – comme c’est son cas, rappelons-le, de jeter un bête incendio. Comment a-t-il pu seulement s’imaginer que le seigneur des ténèbres se laisserait prendre à un bluff aussi ridicule. Oui, il n’est pas assez puissant. Il a raison de le lui dire, au même titre que la voix qui n’oublie pas de le lui asséner dans le même temps. Ça devient de plus en plus compliqué de se concentrer sur une stratégie valable quand cette putain de voix à son oreille lui rappelle qu’il n’est jamais qu’un moins que rien. Et voilà qu’il insiste, les yeux rougeoyants, lui ordonne de lui rendre le médaillon. Mais non, Regulus ne cèdera pas, sous aucun prétexte. Il est mort pour ça, pour priver le seigneur des ténèbres d’un rien de sa puissance, même s’il lui en reste encore trop. Non, il ne peut pas céder.

« Il n’est pas à vous, il n’a jamais été à vous », réplique-t-il avec autant de fermeté qu’il en est capable, se retrouvant un semblant de courage, le même qu’il lui avait fallu pour faire face à sa propre mort au moment de s’abandonner à la merci des inferi, conscient qu’il pénètrerait la caverne pour ne jamais en ressortir. Courage légèrement intensifié néanmoins par l’efficacité de sortilège, qui avait le mérite d’entraver les mouvements de son ennemi et de lui laisser un léger avantage.

Sauf que bien sûr, le sortilège a une durée limitée. L’arrêt du sort le fait chuter, Regulus s’en amuserait sans doute s’il ne se sentait pas à ce point sous pression.

« A mes semblables… ? » répète Regulus, cette fois décontenancé, avant de se reprendre. Il essaie de l’embobiner, mais ça ne prendra pas. « Si le médaillon est une arme, il n’est qu’à vous qu’elle puisse nuire… Et si ce n’est pas moi qui doit le détruire, un autre s’en chargera à ma place. Vous ne gagnerez pas. »

Bon, bien sûr, Regulus se trahit, avoue par la même occasion que non, il n’est pas parvenu à détruire le médaillon. Pas très malin de sa part. En même temps, on a jamais dit que Regulus était forcément très malin, surtout sous la pression. Bon OK, il n’est pas bête, mais face au danger, il est, à l’évidence, bien suicidaire. Suffisamment pour tenter une tentative désespérée.

« Avada Kedavra ! »

Oui, sauf qu’un sortilège aussi puissant a déjà, en temps normal, bien peu de chances de fonctionner. Alors, dans l’état où Regulus se trouve, n’émerge de sa baguette qu’une vague étincelle verte qui vient mourir au sol comme un pétard mouillé. Tentative de meurtre échouée. Et maintenant quoi ?

Ses frères et sœurs ? Des êtres célestes ? Mais qu’est-ce qu’il raconte… Si le but de la manœuvre pour son interlocuteur est de l’embrouiller, eh bien il y réussit à la perfection, car Regulus n’y comprend absolument rien. Lord Voldemort n’a ni frère ni sœur (enfin, aux dernières nouvelles, ou dans le cas contraire, il s’est bien caché de le dire à qui que ce soit), et l’ancien mangemort verrait mal celui qu’il considérait autrefois comme son maître parler de ses fidèles en ces termes, cela sous-entendrait qu’il les considérerait comme des égaux, et le seigneur des ténèbres se plaît plutôt à affirmer qu’il n’a pas d’égal, et qu’il est supérieur à tous.

Est-ce que c’est tout à fait vrai ? Sans doute pas. En la personne de Dumbledore, il avait au moins un égal en puissance, c’est certain… Mais en attendant, et avant la mort de Regulus, cette puissance n’avait pas suffi à arrêter le mal pour autant… Alors… alors quoi ? Le jeune sorcier se sent sincèrement désœuvré, là, tout de suite. Le discours de son ennemi ne fait définitivement aucun sens. Soit c’est Regulus qui est totalement déphasé et qui ne comprend rien, perturbé en plus du reste par cette voix qui ne se tait jamais et qui continue de lui marteler à l’oreille des propos qu’il n’a surtout pas envie d’entendre… Il est perdu mais il décide d’oublier ça. C’est sa vie qui est en jeu, et il doit se concentrer sur ce qui doit rester sa priorité : quoi qu’il advienne, il ne doit surtout pas baisser sa garde, et surtout pas lui remettre le médaillon.

Tout comme il ne doit pas non plus se laisser déstabiliser par son discours qui, il doit quand même le dire. Sa manière de parler non plus ne ressemble pas du tout à celle du seigneur des ténèbres. Alors oui, dans le même temps, la voix lui répète encore et encore (et encore) qu’il a bien Lord Voldemort en face de lui mais… quelque chose ne colle pas… Il se sent nerveux, fébrile, rien d’étonnant à ce que son sortilège ne fonctionne pas le moins du monde. Et quand il se paie sa tête à l’aide d’une référence que Regulus ne comprend pas le moins du monde, le jeune sorcier se sent plus déstabilisé encore.

Il est en train de se ridiculiser devant sa communauté, c’est ce qu’il lui dit… mais de quelle communauté parle-t-il ? Il ne fait pas le poids, c’est tout ce qu’il doit retenir. Il est un mauvais sorcier. Est-ce que c’est la voix, ou bien est-ce que c’est son ennemi qui vient de le lui dire ? Le tout est de plus en plus confus dans l’esprit de Regulus. Il en aurait presque le tournis, là, tout de suite. Il ne comprend rien… pourquoi n’est-il pas à même de comprendre ce qui devrait pourtant être évident. Il se passe quelque chose. Il se passe quelque chose. Qui le dépasse. Qui les dépasse.

Regulus relève la tête vers son interlocuteur, daigne fixer son regard, non sans sentir l’angoisse l’étreindre.

« Qui êtes-vous ? »

Le rire sonore de cet homme dont il est de moins en moins sûr de l’identité glace le sang de Regulus, qui ne sait définitivement plus quoi penser en cet instant. Est-ce qu’il a tort de remettre en question le nom de son adversaire, n’est-ce pas l’erreur de trop, celle qui mettra fin pour de bon à cette existence qui aurait déjà dû s’achever il y a plusieurs années de cela ? Il se dit que oui, mais en même temps, et même si la voix au creux de son crâne ne cesse de lui marteler le contraire, il voit bien que quelque chose cloche. Cet homme n’agit pas comme un sorcier, et certainement pas comme le mage noir le plus puissant de tous les temps. Et aussi, il n’a pas l’air de le reconnaître.

Certes, cela peut sembler prétentieux de s’imaginer que Lord Voldemort reconnaîtrait à coup sûr celui qui a pu n’être qu’un laquais parmi tant d’autres, mais Regulus sait qu’il ne peut que reconnaître celui qui a en sa possession un de ses horcruxes, ni plus ni moins qu’un fragment de son âme. Donc s’ils ne se reconnaissent pas mutuellement, se pourrait-il qu’il ne s’agisse jamais que d’une immense méprise ? Et se pourrait-il que cette voix qui ne se tait jamais, et qu’il entend encore et encore, lui dispense un message erroné depuis le début. Un instant de réalisation lui glace le cœur. Est-ce qu’il avait manqué tuer un homme peut-être innocent ? Sous le prétexte de l’avoir pris pour son ennemi. Non, il doit se raisonner. Pour commencer, il aurait bien été incapable de le tuer dans tous les cas. Et ensuite… qui qu’il soit, cet homme n’a absolument pas un comportement que l’on pourrait qualifier d’innocent.

Non, il n’agresse pas selon son bon vouloir des inconnus sans raison… encore que si, c’est peut-être ce qu’il a fait, en effet, avec tous ces Moldus innocents dont il n’a pas à cherché à connaître ni l’identité, ni l’histoire avant de les réduire au silence, sous le prétexte que c’était ce que son maître exigeait de lui et que le nouveau monde qu’ils façonneraient en vaudrait des dizaines d’autres. C’est ce qu’on appelle se fourvoyer, et dans les très grandes largeurs. Et ici et maintenant, il se fourvoie une fois de plus. A la première question de son adversaire, il ne répond pas. Que pourrait-il répliquer à cela, dans tous les cas.

Et alors, l’homme se présente pour ce qu’il prétend être, s’il n’est pas celui qu’il croit. Regulus, presque malgré lui, recule face à la vision que lui offre son interlocuteur, celle du Diable, oui, comme de nombreuses cultures l’ont décrit et représenté. Le cœur de Regulus bat la chamade, il comprend de moins en moins ce qui lui arrive, en revanche, ce qu’il sait, c’est qu’il est définitivement en danger.

« Un bête sortilège d’illusion est indigne de vous… », dit-il d’une voix tremblante, cherchant à rationnaliser ce qui ne peut l’être en aucun cas.

Non, tout ça n’a aucun sens, et pourquoi s’amuserait-il à jouer avec ses nerfs alors qu’il pourrait se contenter de le tuer, là, sur-le-champ. S’il a ses pouvoirs. Si c’est lui… il ne sait plus.

« Que vous soyez le diable ou qui que ce soit d’autre, pourquoi ne pas vous contenter de me tuer ? »

Il le voit, non ? Qu’il est faible ? Qu’il ne parvient pas à se servir de ses pouvoirs convenables ? Alors que cherche-t-il exactement ?

La contradiction entre ce que la voix à son oreille ne cesse de lui répéter et ce que son interlocuteur lui affirme est telle que Regulus se sent encore plus perdu et désemparé qu’il ne l’était déjà au moment de penser devoir faire face à son pire ennemi. Il ne sait plus qui ni quoi croire, mais si tout ceci n’est qu’une ruse de la part de Lord Voldemort, alors celle-ci n’a tout simplement aucun sens. Elle ne cesse de lui répéter, en dépit de tous les indices qui s’accumulent, que c’est bel et bien le seigneur des ténèbres qu’il a sous les yeux, pourtant, rien d’autre ne coïncide. Regulus a travaillé à son service pendant des mois, il sait comment il a l’habitude de procéder, et cela n’a jamais été ainsi. La seule explication qu’il réussit à trouver à cette situation, c’est que son ancien maître essaie de jouer avec ses nerfs. Peut-être veut-il qu’il perde la raison ? Ou bien l’a-t-il déjà perdue ? Après, tout, il entend des voix, n’est-ce pas là un signe manifeste de folie ? Si, bien sûr que oui. Toute cette situation est en train de le dépasser complètement, et ses tentatives de lui donner du sens semblent toutes plus vaines les unes que les autres.

Voilà qu’il lui dit qu’il ne tuera personne à moins d’y être contraint, mais jamais, ô grand jamais, le seigneur des ténèbres n’aurait formulé les choses de cette manière, c’est absolument inenvisageable. Non, on ne contraignait jamais Lord Voldemort à quoi que ce soit, en revanche, Lord Voldemort, lui, ne se privait jamais de vous contraindre à tout ce qu’il souhaitait. Alors quoi ? Faut-il croire que cette voix ne soit rien d’autre qu’une manifestation de son esprit dérangé, et que cet homme, s’il en est un, soit véritablement le Diable. Est-ce que c’est forcément mieux pour lui ? Pas spécialement, non. Ce serait du moins la preuve qu’il se trouve bel et bien en enfer, et il devait de plus en plus difficile, pour ne pas dire impossible, d’en douter, à ce stade.

« Je ne vais pas vous tuer », répond finalement Regulus en décidant de ranger sa baguette (pour ce qu’elle lui a servi… il a vraiment été pathétique) dans sa poche pour montrer sa bonne foi. « Je pensais que vous étiez… »

Est-ce qu’il va vraiment commencer à se justifier ? Est-ce que ça ne sera pas encore pire ? Est-il vraiment en train de se justifier auprès du diable en personne, qui plus est ? Est-ce qu’il n’est pas en train de se garantir quelques points infernaux complémentaires, comme si son âme n’était pas suffisamment damnée comme cela…

« Il y a cette voix qui n’arrête pas de me répéter que vous êtes… quelqu’un d’autre… Mais si vous étiez cette personne, je serais déjà mort… »

Il se masse les tempes avec force, il se rend bien compte qu’il est en train de passer pour l’illuminé de service, là, tout de suite. Il ne sait pas justifier ses actes. Il n’y a aucune manière de les justifier, en réalité.

« Je sais, je dois être complètement cinglé. »

Être, pas paraître. A ce stade, il ne présume définitivement plus rien de son état mental. Et la voix n’a toujours pas cessé de se taire pour autant.

Faut-il qu’il prononce son nom ? Son interlocuteur ne comprendra sans doute pas. Et quand bien même… Regulus ne sait définitivement plus quoi penser, résolument partagé entre différentes voix, celles de son interlocuteur, celle qui émane de ses pensées, et celle qui continue de lui souffler à l’oreille ces mêmes mots que les circonstances rendent de plus en plus incohérents. Il préfère ne faire aucun commentaire quand son interlocuteur, terriblement cynique confirme le fait que son ennemi, si c’était lui, l’aurait déjà tué. C’est sûr que ce n’est certainement pas sa petite démonstration pathétique de magie de tantôt qui a dû en imposer à son interlocuteur. D’accord, quelque part, s’il a juste affaire à un inconnu… enfin, un inconnu avec des compétences assez flippantes quand même, ce n’est pas plus mal qu’il se soit débrouillé comme un manche. Mais en attendant, il se pose des milliers de questions, là, tout de suite, et aucune de ses questions ne semble devoir trouver de réponses ce qui se révèle, à l’évidence, terriblement frustrant.

Alors, l’homme lui apprend de son côté qu’une voix aussi lui a parlé, et lui parle encore… alors lui aussi, il l’entend… Sauf que de son côté, elle ne lui souffle pas la même chose, visiblement. Qu’est-ce que c’est supposé vouloir dire ? Il n’en a pas la moindre idée, en vérité, vraiment pas le début du commencement de l’ombre de la moindre idée, en fin de compte. Parce qu’on est en train de les manipuler, y a que ça, et Regulus a bien failli marcher comme un docile petit pantin, et ça, vraiment, ça le rend complètement dingue.

« Peut-être que c’est supposé s’arrêter quand on fera ce qu’ils nous auront demandé », suggère Regulus d’un ton amer.

Donc quand l’un des deux sera morts, en somme. Mais non, il n’a pas l’intention de faire ça. Du sang sur les mains, il en a, il a fait des choses absolument horribles quand il était au service des mangemorts, et ça a été justement pour ne plus jamais vivre ça, pour mettre un terme à ce règne de terreur qu’il avait retourné sa veste, qu’il avait choisi de trahir celui qui avait été son maître.

« Je vais pas vous tuer, même si j’essayais… enfin, vous avez bien vu », soupire-t-il tout en essayant de chasser cette fichue voix de son esprit, qui l’empêcher de réfléchir convenablement. « J’ai cru que vous étiez… vous allez pas savoir de qui je parle. » Il marque une légère pause. « Il se fait appeler Lord Voldemort, et c’est le sorcier le plus puissant et le plus dangereux qui ait jamais existé. Je l’ai trahi… et je sais qu’il me cherche, et qu’il me tuera quand il m’aura trouvé. »

Regulus tremble légèrement. Il doit avoir l’air bien pathétique, là, tout de suite. Mais sans doute pas beaucoup plus que depuis les débuts de leur confrontation, cela dit.