S’il y avait une chose qui l’agaçait énormément, c’était les fils blancs.

Nan, il n’allait pas vous parler froufrous et broderie, pas ce genre de fils, mais d’évidences tellement… évidentes qu’elles l’exaspéraient, surtout sur les plans scénaristiques. Vous savez que c’est un métier, scénariste, à la base hein ? Parce que nous coller à chaque fois LA nana principale et LE mec héros de l’histoire ensemble (même s’il est moche et chiant comme la pluie, suffit qu’il soit le protagoniste), on vous grille dès le "whooa elle est trop belle pour moi" des 5 min 24 (environ) en début de film ! Et on en parle du type qui se retrouve mystérieusement à moitié amnésique en se doutant que c’est sûrement une façon bidon de découvrir au fur et à mesure son passé sanglant et traumatisant ??? Bref…

Donc, pour en revenir à cette histoire de fils, Reno s’agaçait sur deux choses : 1. les évidences exaspérantes et 2. le fait qu’il était lui-même l’objet d’une desdites conneries exaspérantes.

Et en 3, il aimerait quand même bien savoir s’il avait effectivement un passé sanglant et/ou traumatisant. Enfin il s’en doutait un peu mais sur une échelle de 1 à 10, il se situait où ? (Il fixait le 10 au "tueur de masse" pour se donner de la marge, il n’avait pas l’impression d’être une si grande raclure que ça.)

Quoique… Pour ce qu’il en savait. Ah la la… "Le doute est le mensonge de la raison…" (Julien Foussard, ouais, il avait décidément trop de temps à perdre dans les biblios avec ses recherches).

(Et qu’il arrête avec ces parenthèses à tout bout de champ, par pitié !)

Doooooonc !!

Les premiers temps c’était chaud, il ne se souvenait même pas de son nom. Sinclair lui semblait toujours bizarre, comme s’il sortait du fin fond d’un tiroir oublié et que même avant, ce n’était pas un nom qu’il utilisait souvent. Ça sonnait plus comme "Reno des T…". Des quoi ? Le mot ne revenait pas et ça faisait quatre putain d’années qu’il buttait dessus !

Y’avait quand même quelques trucs dont le rouquin était à peu près certain qui lui étaient revenu avec le temps (et les séances chez le psy aussi, soyons honnête) mais ça restait vague :

1. Il était un homme de terrain et vu comment il se débrouillait en baston, c’était quelque chose qu’il devait faire souvent. Se salir (littéralement) les mains ne le dérangeait pas non plus.
2. Le lieu où il semblait bosser était assez conséquent, il avait des images de types en uniforme, le fusil à la main, et le complexe avait l’air balèze avec de la technologie avancée. Si ça se trouve, il travaillait peut-être dans l’armée (ça expliquerait beaucoup de choses cela-dit, dont sa "matraque" high-tech même s’il ne savait pas à quoi servait les grosses billes de couleur qu’il avait avec) mais à quel poste ? Nan, parce que lui était plutôt du genre taillé crevette qu’armoire à glace, vous voyez ?

Mais il se souvenait d’une armoire à glace ! Rude. Un grand type à lunettes, sexy comme l’enfer dans un costard entièrement noir, qui apparaissait souvent dans ses pseudo-rêves/réminiscences. Ils étaient amis (il en mettrait sa main à couper). Collègues peut-être. Amants… ? Pour le coup, ça le faisait vraiment chier de pas savoir !

"Arrête de t’prendre la tête p’tit. Ça reviendra quand ça voudra" lui disait souvent Logan à ce sujet.

Ah oui. Logan. Il devait vous parler de Logan.

C’était son colocataire, un mutant (WTF ?) encore plus cynique que lui entre deux âges. Ou trois. Parce que Reno n’avait jamais réussi à savoir quel âge il avait et ce vieux con s’en amusait. Mais question amnésie, il s’y connaissait donc à ce sujet, Reno fermait sa gueule et l’écoutait (mais que sur ça hein).

Logan était persuadé que Reno avait passé son enfance dans la rue. Le roux avait repris des réflexes trop bien rodés les premiers temps après son arrivée, à jouer les caïds dans les coins malfamés de la ville, mais niveau combat… quelque chose n’allait pas. Il avait des réflexes mais pas la vitesse qui devrait aller avec, son corps bougeait par automatisme mais son cerveau allait plus vite que la musique. Ce décalage lui avait valu certaines blessures plus sévères et la faim n’aidant pas, il dut son salut à la bienveillante pitié de Logan qui avait ramené son cul maigre chez lui pour le rafistoler.

Leur rencontre fut d’ailleurs expéditive : 0.25 secondes, le temps que l’alcool à 90° le réveille en sursaut et que le vieux lui colle une droite pour le rallonger. Mais le problème quand tu donnes de la bouffe à un chat errant, c’est qu’il reste… même quand Logan essayait de d'enfermer le roux la nuit dehors, il finissait toujours par retrouver Reno roulé en boule dans son canapé au petit matin sans savoir comment il était rentré. (On ne va pas se mentir, il a gagné sa place à l’usure.)

Ils n’étaient pas les meilleurs amis du monde et leur relation était un peu bancale sur un modèle de "Je t’aime moi non plus" mais Logan était devenu une sorte de garde-fou pour Reno. Il pouvait compter sur le vieux pour lui gueuler dessus un bon coup (ou le cogner s’il allait trop loin) quand il se voyait partir dans des travers de son "moi d’avant" qui ne lui plaisaient pas.

Sauf que… malheureusement, il ne pouvait pas entièrement se reposer sur Logan (parce qu’il allait le mettre dehors et que lui-même ne supportait pas de vivre aux dépends d’un autre MAIS il n’aimait pas non plus vivre seul, surtout pas quand il partait en vrille (le psy appelait ça des "attaques nocturnes", la blague (ça sonnait autrement dans sa tête, une attaque nocturne, genre un raid de nuit plutôt))…. Et où il en était dans cette parenthèse déjà… ?). (Ah oui !) Niveau boulot, il n’avait pas des masses de compétences qu’il pouvait mettre en avant immédiatement pour payer sa part du loyer donc hormis tueur à gage mercenaire, puis garde du corps… Peut-être rentrer dans la police ? S’il venait vraiment de l’armée, ça devrait être dans ses cordes (même s’il avait du mal vis-à-vis de l’autorité et le port d’un uniforme tiré à quatre épingles allait le gonfler, il le sentait d’avance).

(Et c’est de pire en pire ces parenthèses….)

(La prochaine fois, il mettra des crochets. Ça ne changera rien mais ça sera plus drôle.)