NB: les occurrences "gaslighting", "quaterback", "queer" et "queer friendly" présentes dans la fiche sont des intraduisibles. Merci donc de ne pas me demander d'y apposer une traduction ou d'équivalent, ils existent en tant que tel dans la langue française.

Evelyn Hugo. Là où vous ne verrez qu’une superstar du cinéma, Harry verra une amie, une femme, la mère de sa fille, son tout, son âme, sa déraison. Personne ne saura à quel point il a aimé cette femme, la seule, et ô combien elle était importante pour lui. Même elle l’ignore. Il faudrait toute une vie pour le raconter. Parce que si Evelyn Hugo était ancrée dans l’esprit de tous comme cette icône hollywoodienne, elle était, pour Harry, le centre de son univers.

Evelyn n’est pas bien vieille lorsque Harry Cameron la découvre. Elle, elle était serveuse dans un bar que les acteurs du monde du cinéma avaient l’habitude de fréquenter. Lui, c’était un producteur respecté et qui avait déjà pas mal roulé sa bosse dans le milieu. Disons-le clairement, Harry Cameron était le producteur le plus en vogue de Sunset Studios et c’était une chance bénie des dieux qu’Evelyn tombe sur lui. C’était lui qui avait fait disparaître Evelyn Herrera pour laisser place à Evelyn Hugo, la grande, la divine. Il la place sur des films, fait recette avec elle. Mais rapidement, presque tout de suite même, leur relation dépassera le stade professionnel pour devenir une réelle amitié. Harry Cameron apprécie Evelyn Hugo. Harry Cameron aime Evelyn Hugo. Pas au sens où le commun des mortels l’entend : il lui avoue son homosexualité. Et c’est à partir de ce moment là qu’Evelyn décide qu’ils seront meilleurs amis pour la vie. Harry se sentait en sécurité avec Evelyn. Il savait qu’avec elle, il n’avait pas besoin de cacher ce qu’il était, ni même de jouer un rôle en pesant constamment ses mots, en surveillant son attitude. Le monde du cinéma pouvait être très ingrat lorsque vous commettez le moindre impair, mais pas Evelyn.

Toutefois, un drame va malheureusement rappeler à Harry à quel point ce monde était impitoyable. Quand Evelyn épouse son deuxième mari, Don Adler, forcément, le producteur est heureux pour elle, mais il commence à la mettre en garde quand il remarque qu’Evelyn a plus de succès que son époux. Vous savez comment est l’égo des hommes, surtout dans les années cinquante et soixante. En revanche, ni l’époque ni le succès d’Evelyn ne justifiait les violences physiques et le gaslighting de Don à son égard. Moins encore quand les studios Sunset la lâche pour ne point égratigner leur réputation. Harry, outré par ce revirement de leur part, et surtout particulièrement loyal envers Evelyn, décide de prendre la porte avec elle et de se lancer en indépendant. Les débuts sont rudes, parce que le milieu l’est autant avec lui qu’avec Evelyn, mais la superstar arrive à remonter la pente, aussi bien professionnellement que personnellement. Harry étalement qui la suit, à chaque fois. Même lorsqu’elle entame cette idylle avec l’autre actrice en vogue du moment et que les tabloïds adorent ériger comme sa rivale — Celia St James. Harry est encore là pour elle dès que le moindre orage vient ombrager son histoire tumultueuse avec Celia. Il sait remettre Evelyn à sa place quand il le faut. Il sait aussi la réconforter, la relever n’importe quand, tout le temps Sa carrière d’indépendant fleurit en même temps que celle de son amie. Puis il rencontre l’amour en la personne de John Braverman, le quaterback des Giants au cours des années 60-70. C’est à ce moment-là que l’idée d’un mariage entre Harry et Evelyn nait.

En effet, alors que cette dernière est en froid avec Celia, Harry lui révèle un secret de polichinelle : Celia, épouse de John, ne l’est pas vraiment en réalité. Ils ont tous les deux usé de cette tactique pour pouvoir vivre librement leurs amours tout en restant un couple hétérosexuel aux yeux des tabloïds. Harry suggéra d’en faire de même avec Evelyn pour pouvoir vivre leur histoire d’amour respective avec John et Celia. Au départ, l’actrice est réticente, puis elle finit par accepter. Ils vivent heureux à quatre pendant presque une décennie. Bien qu’il ne nourrira jamais de sentiment amoureux à son égard, Harry était particulièrement fier et heureux d’avoir une femme telle qu’Evelyn à son bras. Cela n’avait rien à voir avec son physique, mais plus à ce qu’elle était à l’intérieur. Evelyn était d’une magnificence indéniable, mais Harry avait toujours chéri ses qualités de cœur que peu de personnes arrivaient à saisir pleinement. Le seul regret que le quatuor aura à cette époque, ce fut de ne point pouvoir s’afficher pleinement en tant que personne queer, surtout que cette période était riche pour la communauté LGBTQIA+, notamment via les émeutes de Stonewall en 1969. Ils montrèrent leur engagement d’une manière plus discrète, en versant des sommes conséquentes à des associations queer friendly par exemple. Harry et Evelyn profiteront également de ce mariage pour accueillir leur fille unique, Connor. Il était impossible pour Harry de décrire à quel point il était heureux d’être père, à quel point Connor était le trésor de sa vie. Surtout, il n’aurait pas pu trouver une meilleure mère pour son enfant qu’Evelyn. Connor était le prolongement de cette amitié, puissance et immuable. Elle était l’incarnation de ce lien fort qui les unissait, de ce sentiment d’être des âmes sœurs pour l’un et l’autre. Connor était le monde d’Harry. Malheureusement, ni elle ni Evelyn ne seront suffisantes dans la descente aux enfers qu’il dévalera jusqu’à sa mort.

John et Celia divorcent en 1976 à la suite de la rupture de cette dernière avec Evelyn. Cela n’empêchera pas Harry de continuer son idylle avec John, bien qu’il divorça avec Evelyn pour de tout autre raison — elle pensait avoir retrouvé l’amour auprès d’un réalisateur, Max Girard, qu’elle souhaitait épouser. Harry était heureux pour elle, mais lui, de son côté, allait survivre au pire : John meurt d’une crise cardiaque en 1980. Le choc est si violent pour Harry qu’il sombre dans l’alcool et une profonde dépression. Il a perdu le gout de vivre en même temps que l’amour de sa vie. Lorsqu’il est en présence de Connor ou Evelyn, il arrive à se tenir, mais dès que la solitude l’empoigne… Il sombre dans ses démons, sans aucune retenue. Evelyn tente de lui faire voir un peu de lumière en le mettant sur des projets intéressants. Harry parvient à garder la tête hors de l’eau pendant de laps de temps très courts, mais il rechute, encore et toujours, inconsolable.

Une décennie s’écoule sans qu’il ne puisse s’extirper de cette spirale infernale. Ou presque. Harry fréquente cet homme depuis quelque temps, James. Il est dans le métier, lui aussi. Il pense en être amoureux, que c’est même réciproque. Mais les excès de Harry viennent les faucher en plein vol : il avait pris la route en étant alcoolisé. Trop. Au point qu’il provoque un accident de voiture grave. James décède sur le coup. Harry, à l’hôpital. Il laisse derrière lui une Evelyn meurtrie et anéantie. Que dire de Connor qui a été violemment égratigné dans son cœur et dans ses chairs par ce décès ? Harry n’aura jamais conscience de tout ça, pas même de ce qu’Evelyn a fait et sacrifié pour éviter que sa mort ne trempe dans le scandale.

Peut-être aura-t-il, cependant, une chance de le savoir, finalement. Cette fameuse lune rouge… Elle lui offrit une nouvelle chance depuis le premier janvier de cette année. Il s’est réveillé à l’hôpital de la ville sans trop comprendre ce qu’il faisait ici. Mais dès qu’il m’y un pied dehors, il fit ce qu’il savait faire de mieux : produire des films, faire rêver les gens, le faire rêver lui.