incipit vita nova

Qui êtes-vous? "J'insufle dans ces quelques mots tout le venin et la détermination dont je suis capable, cherchant à ne pas laisser à mon otage la moindre occasion de se remettre de mon apparition surprise. Mais certaines choses ne sont pas aussi faciles à dissimuler par une voix tendue: par exemple, il est impossible d'ignorer le caractère laborieux de ma respiration lorque je tiens l'homme en respect, ma lame pressée contre sa gorge risquant à tout moment de faire perler son sang sur la chair au teint si similaire au mien. Ma chute a eu ses conséquences, et la douleur que je ressens m'est preuve à nouveau que je ne suis pas chez moi (ma grand mère a enchanté notre domaine, m'a-t-on dit, pour qu'aucun Addams ne puisse en blesser un autre sérieusement, et arbre ou non Ichabod fait partie de la famille). Quoi que je décide de faire, il allait me falloir agir au plus vite, je doute que mon état et la longue (?) marche pour arriver jusqu'ici m'épargne plus longtemps. Et montrer le moindre signe de faiblesse présentement serait simplement indigne de moi. Je ne doute pas être en mesure de faire mieux que ça..

Où suis-je?! Quelle diablerie avez-vous fait au Manoir?

Cette demeure semble dangereusement familière, malgré le fait que je n'y suis jamais entrée et l'idée même me donne le tournis: je veux rentrer chez moi, je veux retrouver mes parents, me battre avec mon oncle, torturer mon frère. Lorsque j'ai exprimé si souvent mon désir de fuir et disparaître, j'ai toujours gardé à l'esprit la possibilité de revenir et retrouver les miens. Ici... Je ne suis sûre de rien, tout semble si familier sans l'être, réconfortant tout en suintant de danger. Les pièces du puzzle se mettent petit à petit en place dans ma tête et le résultat n'a rien de rassurant.

Et puis cet homme.

Cet homme qui a des traits si familiers, mais avec une nette différence, comme un vieil ami dont on aurait oublié l'apparence après une décennie séparés. Il y a quelque chose de risqué dans la familiarité de ses traits, comme si les enfers avaient pris les caractéristiques de mon père pour les afficher sur un autre visage, différemment. Ce concept même est quelque chose que je refuse d'accepter même si la vérité me saute aux yeux.

Vous allez tout me dire, et peut-être n'aurais-je pas à me débarasser de vous tout de suite, j'essaie de paraître dure et assurée, comme lorsque j'avais entravé Tyler pour me faire une joie de le torturer un peu et l'interroger. Mais ici, les choses sont différentes, et lorsque l'inconnu se met à bouger, je viens enfin à réaliser que, bien sûr, les choses n'allaient certainement pas être aussi simples. "

HRP:

Trad. titre: "Ici commence une nouvelle vie", La Vita Nuova, Dante Alighieri (1293)
   

Surprise ou non, il n'y a rien de charmant dans cette mascarade. Je réalise qu'il ne parle pas de moi lorsqu'il a dit "charmante", mais je me redresse légèrement lorsque le mot résonne à mes oreilles. Soft. Il y avait quelque chose de plus doux chez lui que chez l'homme que j'ai toujours connu, et ça me donne mal au coeur. Avant que je ne réalise ce qui se passe, il se sépare de moi et m'observe du regard alors que je le toise du mien, défiante jusqu'au bout. L'homme est adroit, je dois le reconnaître et la simplicité avec laquelle il se libère pour aller s'armer ne fait que croître mon agacement personnel: je n'ai pas l'habitude de faillir à quoi que ce soit et, présentement, ma gestion de la situation laisse à désirer. Il faut que je me reprenne, et que j'efface une bonne fois pour toute le sourire jovial qui déchire ses traits. Il y a quelque chose de si familier dans cette expression, j'ai envie de la ruiner pour les questions qu'elle fait naître en moi.

Il commence à faire les éloges de la demeure et moi je roule des yeux, l'homme faisant preuve d'une énergie que je ne connais généralement que de mon oncle. Mon père, lui, est plus sobre, moins extravagant.

Vous l'avez dit vous même, le Portail m'a laissée entrer. Un vrai Addams saurait qu'il n'y a pas âme qui vive dans les murs de cette demeure si le Manoir n'est pas d'accord. Je ricane au souvenir de cousins qui se sont aventurés dans les couloirs de la bâtisse pour finir engloutis dans un passage secret pour ne jamais en ressortir. Le Manoir est particulier quand il est question de visiteurs ou d'habitants, et personne dans le clan n'a jamais vraiment apprécié ces cousins là. Pas une énorme disparition, en soi.

Il décroche un fourreau de l'arsenal fixé au mur et en sort une épée avant de m'en envoyer une. Le choc du lourd métal me coupe le souffle un instant et je retiens de justesse un grognement plaintif. Mais je refuse de montrer le moindre signe de faiblesse et j'attrape l'arme avec autant de grâce que possible; quelque part, l'agacement qu'il engendre en moi fait taire mon inconfort, et je laisse l'adrénaline alimenter mes mouvements, comme je l'avais fait avec Crackstone. Au moins l'enjeu semblait moins mortel cette fois, même si l'honneur est de mise. Il adopte rapidement une posture de combat tout en continuant de parler. Parler, parler, parler... Il ne faisait que ça, et je patiente calmement qu'il ait terminé son petit discours. Pardon, je pensais que vous vouliez vous battre? J'ai presque envie de poser la lame au sol et m'accouder à la garde en baillant un bon coup, mais je ne peux me permettre cette arrogance. L'inconnu continue de parler, et si je l'écoute à moitié je me concentre surtout sur mon estimation du poids de l'arme dans ma main, à jauger d'une inspection rapide l'amplitude de mouvements qui m'est disponible, ainsi qu'une observation rapide de la disposition de la pièce. Il y a quelque chose de réconfortant dans la pénombre qui nous enveloppe presque, comparé à l'illumination de la salle d'armes à Nevermore.

À moins que vous ne préfériez le golf?

Je n'ai pas tout entendu de son monologue jusqu'à ce moment, mais lorsqu'il donne voix au sous entendu que je puisse apprécier le golf, je vois rouge. Je met un pied en avant et entame ma première attaque en gardant ce que je devine être une expression sévère sur le visage. Je n'ai jamais été le genre de personne à trop parler pour ne rien dire (contrairement à ce spécimen, de toute évidence), mais je ne doute pas que mon regard énonce clairement ce que je pense de sa dernière question. J'attaque et j'esquive, je pare et je riposte, le tout dans une danse létale qui rendrait fier mon propre père. Mon père... Mon nom est Wednesday Addams. Et j'ignore qui vous pensez être, mais vous n'êtes. Pas. Mon. Père, dis-je avec un souffle court, chaque mot appuyé d'une passe d'escrime avant d'exécuter un mouvement latéral unique au patriarche Addams et qu'il m'avait enseignée enfant. Un geste quasi impossible à esquiver, juste pour prouver que l'homme devant moi, si talentueux soit-il, ne pourra l'éviter et n'a donc rien de l'homme qui m'a élevée.

La violence de mon arrivée, la blessure qui a suivi et la détresse de la situation actuelle commence à me gagner et mes mouvements se font plus faibles, mais plus furieux, refusant quoiqu'il arrive de montrer la moindre soumission. Et même si je n'ai pas encore trouvé le moyen de mettre à bas l'imposteur qui se prétends maître des lieux, ça ne saurait tarder..