L’existence de Jim Hopper n’a jamais été de tout repos. À croire que les dieux se jouaient de lui afin de repousser un peu plus les limites du supportable chaque fois que l’occasion se présentait. Pourtant, Jim Hopper restait un dissident dans leurs intrigues, une créature qui échappait à la logique des règles qu’ils avaient établies. Jim Hopper est mort deux fois, et contrairement aux attentes du ciel, chaque fois il a renaquis, plus fort que jamais.

La première fois qu’il expia, ce fut à la mort de sa fille, Sara. Née en 1971, elle était le fruit de son amour avec sa femme, Diane qu’il épousa l’année suivante. La petite famille était extrêmement soudée, fusionnelle. Ils formaient un cocon que rien ni personne ne pouvait détruire. Sa famille avait toujours été la plus grande force de Jim, en particulier sa fille qui représentait son univers entier. À ce moment-là, ils vivaient tous les trois à New York et Jim jouissait d’une bonne position en tant que policier. Aucun nuage n’aurait pu assombrir ce ciel, aucun… si ce n’est ce grand malheur qui frappa le trésor des Hopper en 1977 : Sara souffrait d’un cancer. Cette nouvelle anéantit les deux parents et détruisit Jim plus particulièrement. Il portait sur lui la responsabilité du cancer de sa fille. C’était de sa faute, il en était persuadé : pendant la Guerre du Vietnam, à cause de son affectation, il avait été exposé trop longuement aux produits chimiques dont son corps d’armée s’occupait et Jim supposa que cette exposition avait empoisonné le corps de sa fiche via son sang et de ses gênes. Fier comme il est, trop blessé par cette culpabilité, jamais il ne se confia à sa femme au sujet de ces hypothèses. Malgré tous les traitements qu’elle avait pu recevoir, Sara ne survécut pas. Une part en lui était morte avec elle. Il le savait et jamais il n’arriva à passer au-dessus de cette souffrance lancinante qui le dévorait. Diana et lui divorcèrent rapidement après la mort de leur fille — le couple est incapable de surmonter cette épreuve qui les déchirent au lieu de les unirent. Jim prit la décision de tout plaquer à New York et de retourner en 1979 à Hawkins, cette petite bourgade perdue dans le fin fond de l’État de l’Indiana là où il a passé toute son enfance et son adolescence. Une fois là-bas, il fut le triste acteur de sa propre descente aux enfers en tentant de dissiper la douleur en lui à coup d’alcool, de cachets et de conquêtes d’un soir. Si sa vie ne ressemblait à rien pour le moment et que le futur n’était pour lui qu’un brouillard épais, il ignorait à ce stade que l’année 1983 annonçait le début de sa renaissance.

Comment oublier ce fameux jour où Joyce Byers avait passé la porte de son bureau au poste de police, complètement paniquée ? Au départ, blasé comme il l’était, il la jugea avec condescendance et sarcasme. Son fils avait disparu et alors ? Il reviendrait. Parce qu’absolument rien de dramatique ne peut se passer dans une ville aussi calme et ennuyante qu’Hawkins. Pourtant, à mesure que les heures et les jours se délitent, Jim finit par prendre la disparition de Will au sérieux. En effet, les prémices de son enquête annonçaient une enquête pour disparition banale, mais plus il avançait, et plus Jim s’aperçut que les choses étaient bien plus complexes que cela, surtout lorsque ces pistes le conduisirent chaque fois au Laboratoire gouvernemental d’Hawkins. Aux côtés de Joyce qui était très impliquée dans l’enquête, ils découvrirent que le laboratoire menait des expériences sur des enfants et qu’un incident au sein du bâtiment avait provoqué l’ouverture d’un portail sur un autre monde — l’Upside Down. Leurs enquêtes les menèrent également sur la route d’Eleven, une victime des expériences conduites au laboratoire et qui avait réussi à s’échapper. Ils sauront plus tard qu’elle était à l’origine de l’ouverture du portail grâce à des dons psychiques que le laboratoire exploitait dans la guerre froide menée contre l’URSS. À travers de multiples péripéties et grâce à ce contact établi avec lui, Joyce comprend que Will était en réalité piégé dans l’Upside Down et qu’il courait un grand danger à cause du monstre qui vivait là et qui se déplaçait parfois dans Hawkins : le Demogorgon. Non sans mal, Jim et elle parviennent à obtenir l’autorisation d’aller le chercher dans cette dimension parallèle. Finalement, ils arrivent à le retrouver, inconscient, mais en vie, sans savoir que le monstre qui vit dans cet univers a implanté un parasite en lui.

Alors que tous croyaient Eleven morte, Jim découvrit qu’elle était en réalité bel et bien en vie. Attendri par la jeune fille sur laquelle il faisait inévitablement un transfert par rapport à sa propre fille qu’il n’avait pas pu aider, il s’attacha inévitablement à elle et la recueillit chez lui. La présence d’Eleven donna un second souffle à sa vie, un but à ce père privé injustement de son rôle qui le comblait plus que tout au monde autrefois. Forcément, à travers Eleven, il voyait Sara, mais il apprit avec le temps que les deux jeunes filles étaient diamétralement opposées. Eleven avait un fort caractère, lui aussi. Bien souvent, ça faisait des étincelles entre les deux et c’était compliqué parce qu’Eleven rentrait dans l’adolescence, mais pour rien au monde Jim ne regrettait de l’avoir prise sous son aile. Il passait la plupart de son temps à la cacher et à la protéger des autorités locales en qui il n’a pas nécessairement confiance : Eleven restait cet enfant qui s’était échappé d’un programme classé secret défense avec des pouvoirs qui donnait l’impression d’être incontrôlables. Néanmoins, les ennuis revirent rapidement dans la vie de Hopper et plus globalement dans la vie des habitants d’Hawkins. Jim devait régler une sombre histoire entre voisins qui s’accusaient mutuellement de contaminer les plantations de l’autre. Or, au cours de son enquête, Jim découvrit que c’était en réalité des tunnels mystérieux sous les terrains qui étaient à l’origine du pourrissement des récoltes. En parallèle de cette enquête, la relation entre Jim et Eleven se détériora — lui, surprotecteur à l’extrême refusait de laisser sortir l’adolescente, de crainte que cela l’expose à un trop gros danger. Elle, de son côté, ne supportait plus cette situation avec ce père qui ne tenait pas ses promesses. Inévitablement, une dispute éclata entre les deux. Un conflit que Jim regretta immédiatement, taisant ses regrets par fierté, mais surtout parce qu’il était plus focalisé sur son enquête qui l’emmena à nouveau au laboratoire d’Hawkins. Réticent de prime abord, le nouveau directeur du labo, le Docteur Owens lui apprit alors que le portail menant à l’Upside Down était en constante expansion, pourrissant les alentours. Le laboratoire fut ensuite attaqué par des créatures qui s’étaient échappées du monde parallèle. Si Jim et ses alliées (dont Joyce) avaient survécu, des pertes furent cependant dénombrées dont celle de Bob sans qui Jim et les autres n’auraient pas pu s’enfuir du labo assiégé. De son côté, Eleven était partie secrètement à la recherche de ses origines, mais elle finira par revenir à Hawkins. Ce fut avec elle que Jim retourna au laboratoire pour refermer le portail pour de bon. Durant les mois qui suivirent cet incident, le laboratoire ferma définitivement ses portes. Puis, grâce à l’aide du Docteur Owens, Hopper put enfin adopter Eleven qui prit alors officiellement le nom de Jane Hopper. Les papiers n’avaient fait que confirmer une évidence : c’était sa fille, ni plus ni moins.

Année 1985. Hopper pensait avoir retrouvé la paix et une vie normale entre son travail bien peu palpitant et sa vie frénétique avec Eleven qui lui donnait du fil à retordre depuis qu’elle était en couple avec Mike Wheeler. Jim ne voyait pas d’un bon œil cette relation, pour la simple et bonne raison que c’était un gigantesque papa poule pas du tout prêt à voir sa fille adolescente grandir et devenir petit à petit une femme. Très proche de Joyce qui avait plus d’expérience que lui de ce côté-là, il lui demanda des conseils qu’il ne suivit pas vraiment. Toutefois, c’était un tout autre problème qui préoccupa Joyce et dont elle fit part à un Jim très sceptique : les aimants de son réfrigérateur tombaient sans cesse ; un constat qu’elle fit également dans magasin où elle travaillait. Joyce était persuadée que cette perturbation magnétique était liée au labo puisque la dernière fois que le portail était ouvert, ils avaient remarqué un désordre au niveau du champ magnétique des boussoles. Soucieux du bien être de Joyce, Jim décida de l’emmener au labo déserté depuis des mois pour lui montrer qu’il n’y avait plus rien à craindre, que le portail était bel et bien fermé et que ce cauchemar était loin derrière eux. Pourtant, alors que le laboratoire était supposé être vide, Hopper croisa la route d’un tueur à gages russe avec lequel il se bagarra. Ce fut cette violente altercation qui poussa Jim et Joyce à enquêter sur les mystères qui se tramaient encore. Leurs investigations permirent de mettre en lumière, notamment grâce à un scientifique soviétique pris en otage par Jim, Joyce et un de ses amis journaliste russophone, Murray, un vaste complot impliquant le maire et les propriétaires du centre commercial Starcourt fraîchement sorti de terre et qui abritait dans ses sous-sols un gigantesque complexe scientifique soviétique. L’URSS tentait, en effet, de son côté de réouvrir le portail menant à l’Upside Down, ce qui expliquait les perturbations magnétiques. Afin d’enrayer le plan des Soviétiques, Jim Joyce et Murray partirent en mission d’infiltration dans la base secrète. Leur but était de désactiver la machine utilisée pour réouvrir le portail. L’ascension jusqu’à elle fut compliquée et dangereuse, cela va sans dire. Puis, alors que Jim et Joyce étaient sur le point de toucher à leur but, Jim fut attaqué par le fameux tueur à gages qu’il parvint finalement à tuer tout près de la machine. La situation était tendue : Joyce était alors seule aux commandes pour la désactiver. Elle hésite bien que le temps presse. Elle savait que Jim mourrait si elle la mettait hors d’état de marche à cause de ses ondes qui irradiait tout autour d’elle. Le choix était d’autant plus douloureux, car cette dernière aventure ensemble leur avait laissé le temps de tomber amoureux l’un de l’autre sans qu’ils se l’avouent réellement même si ça crevait les yeux. Voilà qu’on arrachait à Joyce un énième bonheur. Et pourtant, aux portes de la mort, Jim l’incita du regard à le faire. Il lui souriait. Il semblait paisible. Il était prêt. Et dans un dernier regard adressé à son amour qui ne verra jamais le jour, Joyce désactiva la machine.

Jim était mort. Pour la deuxième fois de son existence.
Enfin… C’était ce que tout le monde croyait.

En réalité, tandis que Joyce désamorçait l’engin, Jim s’était jeté sous la machine pour échapper à ses radiations. Il fut retrouvé ensuite par des agents russes qui le capturèrent. Pendant des mois, il fut torturé dans l’unique but de lui soutirer des informations, mais Jim ne dit absolument rien et fut finalement envoyé dans un camp de travail forcé en Russie, à Kamchatka. Là-bas, il y fit la connaissance d’un garde, Dmitri Antonov, avec lequel il entretenait une amitié (?) complexe. Hopper lui partagea ses envies de fuite et si Dmitri était, au départ, très réticent à l’idée de l’aider, il accepta finalement. Pour le compte de Jim, il envoya un colis à Joyce qui contenait un message caché dans une poupée russe pour qu’elle sache que Jim était bel et bien vivant — un signe qui poussa Joyce à contacter Murray et à le convaincre de faire le voyage jusqu’en Russie avec elle. Ils durent d’abord rejoindre en Alaska Yuri Ismaylov, un pilote et une connaissance de Dmitri, censé les aider à passer la frontière pour récupérer Jim. Mais, le pilote trahir Dmitri par appât du gain et le dénoncer avec Jim aux autorités compétentes ainsi que Joyce et Murray qu’il prit en otage pour les emmener en Russie — en ce temps de guerre froide, les prisonniers américains valaient un bon petit paquet d’argent. Pendant ce temps, Dmitri fut emprisonné avec Jim et d’autres prisonniers qui étaient destinés à être le repas d’un Demogorgon capturé par le régime soviétique. S’étant déjà battu contre l’une de ses bêtes et sachant que sa plus grande faiblesse était le feu, Jim (et Dmitri) arriva à ressortir plus ou moins indemne de ce combat. Au moment de s’échapper du complexe carcéral, Jim eut l’agréable surprise de tomber nez à nez avec Joyce et Murray qui avaient réussi à se libérer des griffes de Yuri, pris en otage à son tour. Le petit groupe parvint à sortir du complexe, non sans mal, et rejoignit la planque de Yuri en ville. Un moment de répit qui permit à Jim et Joyce de s’avouer l’évidence. Mais, cette tranquillité fut, comme toujours, de courte durée. En effet, puisqu’ils apprirent que leurs enfants et leurs alliés étaient actuellement en danger à Hawkins à cause des méfaits de Vecna, le monstre qui contrôlait tous les autres dans l’Upside Down, le petit groupe décida de retourner à la prison. En effet, puisque les monstres du monde à l’envers communiquent grâce à une conscience collective, à l’image d’un esprit de ruche, ils espéraient que la destruction des Demogorgon dans la prison aurait un effet sur la tête de la ruche, le Flagelleur Mental, et qu’ils pourraient ainsi aider leurs proches à Hawkins. Un chaos sans nom règne dans la prison. Comme il n’était pas aisé de cramer la tronche d’un monstre qui en avait réveillé d’autres, cryogénisés quand ils se baladaient en liberté ! Jim, Joyce et Murray se battaient réellement pour leur vie, mais aussi pour celle de celleux qu’ils aimaient plus que tout, n’oubliant ainsi pas le but premier de cette manœuvre à haut risque. Non sans mal, ils arrivèrent à leur fin, sans savoir s’ils avaient réussi à aider concrètement leurs proches. Dmitri et Yuri arrivèrent ensuite en hélicoptère pour les récupérer et les ramener en Amérique.

Jim y retrouva sa fille pour son plus grand bonheur. Il revit, renaît. Il retrouva également les autres qui étaient chers à son cœur, mais aucune de ses retrouvailles n’égalait la puissance de la joie et du soulagement ressentis en revoyant Eleven. Toutefois (parce qu’il y avait toujours un « mais » dans cette histoire) à leur retour, Jim et Joyce apprirent que, même si leurs enfants avaient réussi à atteindre Vecna et à l’affaiblir, ils n’avaient pas réussi à le tuer et à l’empêcher d’ouvrir quatre super-portails vers l’Upside Down dans Hawkins. Jim n’aura pas l’occasion de savoir ce qu’il se passa ensuite : alors qu’il observait le ciel s’emplir de débris volatiles issus du monde à l’envers, la lune rouge et ses effets l’absorbèrent dans ce nouvel univers totalement inconnu.

Quatre ans. Quatre ans que Jim vivait ici. En toute sincérité, il ne se plaignait pas de sa nouvelle vie. Même s’il n’expliquait pas les raisons qui justifiaient sa présence dans cet univers étrange (et qu’il s’en foutait très sincèrement dans le fond), il ne pouvait qu’apprécier cette agréable et étonnante sérénité enfin retrouvée. Après tout ce qu’il avait traversé, il méritait bien ça ! Certes, il s’inquiétait malgré tout du sort d’Hawkins et l’action lui manquait un peu dans sa vie de tous les jours, mais il ne crachait pas non plus sur ce qu’il avait — son travail de policier lui convenait plutôt bien. Il s’était fait de nouvelles relations, de nouveaux amis et pour couronner le tout, il avait ENFIN retrouvé sa fille, Jane, l'année dernière. Se rendant compte à quel point elle lui avait horriblement manqué, il s'était même demandé comment il avait tout bonnement fait pour vivre sans elle durant tout ce temps. Il manquait cependant une personne pour que son bonheur soit complet: Joyce. Jim espérait de tout son cœur la retrouver au plus vite pour enfin vivre ce qu’il devait vivre avec elle. Consolider sa relation très fusionnelle dans ce monde plus tranquille avec sa fille était également l'une de ses préoccupations majeures. Il ne perdait cependant pas espoir : il allait la retrouver, il le savait. Cet univers, c’était sa chance de tout reconstruire et de réapprendre à vivre avec ceux qu’ils aiment. Et il ne comptait pas la laisser filer.