I. Loras naît à Hautjardin, tandis que son père est toujours à la tête du siège d’Accalmie, mené au nom de la dynastie Targaryen. Un enfant, donc, qui se présente comme une légère touche d’espoir dans l’incertitude de la guerre. Troisième fils du suzerain Mace Tyrell et de son épouse Alerie Hightower, Loras devient rapidement la nouvelle petite prunelle de Hautjardin et de son père qui le pavane dès qu'il en a l'occasion.

II. À peine un an après sa naissance, sa sœur Margaery naît. La Petite Rose, telle que la nommera la cour de Hautjardin. Les deux mômes grandissent côte à côte, inséparables comme de véritables jumeaux. Il n’est pas rare de les apercevoir arpenter les murs du château, à la  recherche d’un nouveau mauvais coup à commettre ou d’une idée pour alimenter leurs jeux d’enfants lorsque leurs grands-frères, Willos et Garlan, ne peuvent les divertir. Peu importe à quel point ils peuvent se montrer embêtants, on leur pardonne presque tout. Les derniers nés de la famille ne peuvent être rien d’autre que sages comme des images.
Mais toute bonne chose a une fin et les enfants doivent payer pour les faits de leur père. Dès qu’il célèbre ses six ans, Loras est envoyé en pupillage à Accalmie, où il assure les fonctions de page au sein de la maison Baratheon. L’enfant a le cœur brisé, séparé de la moitié de son âme. Or, c’est un mal nécessaire pour obtenir le moindre pardon de la famille du Cerf, lésée par le siège mené des années plus tôt.

IV. Loras peine à s’acclimater à Accalmie. La forteresse n’a rien à voir avec les jardins luxueux d'Hautjardin. C’est sombre, c’est humide et la vie y est plus sévère, solitaire. Les nuits sont marquées d’orages qui troublent le sommeil du garçon, habitué au confort rassurant du soleil. Les émotions y sont renfrognées au profit d’une austérité sèche. Loras tend à s’isoler et à ne trouver satisfaction que dans un excès d’entraînements qui lui permet d’oublier, de canaliser sa colère et de développer les aptitudes qu’on lui connaîtra plus tard et qui feront la fierté de sa famille. Il se dévoile absolument frustré à l’idée d’échouer et de ne pas atteindre rapidement son plein potentiel. Son entêtement insolant donne du fil à retordre au maître d'armes qui le ménage pas non plus. Avec le temps, Loras prend goût à la vie moins bien rangée, moins coquette, presque sale, de l’Orage, reconnaissant que sa place n’est peut-être pas au sein d’une noblesse immaculée (mais il ne cherchera jamais à s’en émanciper, continuant de jouer le jeu de la famille des Roses).

V. Lorsque le jeune seigneur Renly souffle ses seize ans et peut enfin assurer la régence d’Accalmie seul, il fait de Loras son écuyer. Le titre honore le garçon, amené à suivre son seigneur à travers la région et même parfois d’en sortir, de découvrir le reste du royaume. Le Tyrell se promet de le protéger corps et âme, peu importe ce que ça lui en coûte. Quelques années plus tard, Loras suit Renly à Port-Réal quand celui-ci est nommé maître des lois au conseil restreint de Robert Baratheon. L’idée amuse l’adolescent qui n’aurait jamais imaginé Renly occuper un tel poste, autant que l’idée d’habiter la capitale  l’embête. Hautjardin lui manque de plus en plus et l’ambiance de la ville portuaire ne fait qu’empirer cet état.

VI. Le matin de ses quinze ans, après avoir passé la nuit dans le septuaire,  au pied de la statue du Guerrier, les pieds nus de Loras foulent le sol de la capitale jusqu’au Donjon Rouge, où il est attendu par Renly. Une fois agenouillé  devant son seigneur, l’épée lourde appuyant sur chacune de ses épaules, une fierté essoufflante emplit le Tyrell: il est désormais le plus jeune chevalier de sa génération. Le cynisme de ceux qui n’y voient qu’un népotisme flagrant ne suffit pas à ternir sa conscience de tous les efforts et sacrifices qu’il a dû faire pour en arriver là. On peut bien jeter autant d’argent que l’on veut pour ses armures, ça n’enlève rien au fait qu’il parvient à défaire des hommes d’expérience lors de joutes et de mêlées, quelle que soit l’arme en main.
Ce succès ne fait qu'accentuer la préférence de Mace à l'égard de son troisième fils, plus à son image (du moins, à celle qu'il se fait de lui-même) que ne le seront jamais ses aînés.

VII.La vie à Port-Réal regorge de très peu de rebondissements. Peut-être par ennui plus qu’autre chose, Renly et Loras présentent une peinture de Margaery à Eddard Stark, nouvelle Main du Roi, pour lui demander s’il y voit une ressemblance avec Lyanna Stark, l’amour déchu du roi Robert Baratheon. Pourquoi ne pas essayer de faire éclater le mariage entre le frère de Renly et Cersei Lannister pour rapprocher les Tyrell du pouvoir ? Le plan meurt rapidement dans l'œuf, sans particulièrement étonner les deux jeunes hommes.
Quelques jours plus tard, Loras fait la rencontre de Sansa Stark à qui il offre une rose blanche, entre deux joutes. La jeune fille s’amourache du garçon (même après l’avoir vu quasiment mourir lors de sa joute contre la Montagne…), ce qu’il rapporte à sa famille qui y voit une occasion d’essayer de la marier à Willos Tyrell, l'héritier, pour l’éloigner des griffes des Lannister et gagner une alliance avec le Nord.

VIII. Suite à la mort soudaine de Robert Baratheon et le refus d’Eddard d’aider à éloigner du trône les enfants bâtards de Cersei, Loras retourne à Hautjardin avec Renly. Une fois sur place, Renly, supporté par les Tyrell et leur bannerets, s’autoproclame roi des Septs Couronnes, en opposition à Joffrey et à son frère Stannis. Malgré sa jalousie évidente, Loras le supporte entièrement lorsqu’il prend Margaery pour épouse. Il est, quant à lui, est nommé commandant de la nouvelle Garde Arc-en-ciel de Renly, un rôle qu’il porte avec fierté et dévotion, mais qui ne fait rien pour apaiser les rumeurs (tout à fait fondées) voulant que le Baratheon soit plus proche de son chevalier que de son épouse.

La haine de Loras à l’égard de Brienne naît au moment même où elle le vainc lors d’une mêlée tenue en l'honneur du mariage, annihilant son orgueil devant les bannerets de sa propre famille et Renly lui-même.

IX. Quand Stannis Baratheon, aussi prétendant au trône, assiège Accalmie, Loras accompagne Renly et Catelyn Stark (venue réclamer l’aide de l’armée orageo-biefoise pour son fils Robb) aux pourparlers où Renly se moque de son frère aîné, lui offrant par après, avec nonchalance, une pêche qui blesse son orgueil. Loras encourage discrètement les moqueries de son Roi, sans se douter que cela mènera au meurtre de celui-ci, attaqué par une ombre invoquée par Melisandre, la conseillère de Stannis.

X. Loras se souvient trop bien du corps tiède de son Roi gisant sur le sol terreux de sa tente militaire, trempé de sang. De la rage qui brouille son regard alors qu’il traverse les rideaux et qu’il le découvre, inerte et entouré de trois gardes royaux déconcertés. Son monde s’effondre sans qu’il puisse n’y faire quoi que ce soit. Aussitôt, son épée rencontre sans résistance les chairs d’Emmon Cuy et de Robar Royce. Un carnage que seule l’intervention soudaine et ferme de son frère Garlan, l’épée pointée vers lui malgré un regard compatissant, parvient à interrompre. En rendant son dernier souffle, Ser Cuy accuse Brienne de Tarth du meurtre ; une information qui ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd.
Plus tard, Loras refuse de laisser qui que ce soit toucher au défunt qu’il se charge d’enterrer de ses propres mains, en un lieu secret qu’ils avaient l’habitude de fréquenter seuls. Toujours en état de choc, il n’éprouve aucun regret et il ne réalise pas immédiatement ni la gravité de ses gestes ni la chance qu’il a de ne pas avoir été envoyé au Mur. Ça viendra bien plus tard, lorsque la culpabilité se mêlera au poids du vide laissé par un deuil complexe.

XI. Loras n’a pas le temps de faire son deuil ; aussitôt le drame passé, l’armée des Tyrell rejoint celle des Lannister pour la bataille de la Baie de la Néra, contre l’armée de Stannis Baratheon. Loras et son frère Garlan, vêtu de l’armure de Renly, se démarquent de la masse, ce qui leur vaut d’être récompensés par le Royaume. L’aîné obtient des terres et leur soeur Margaery, le « privilège »  d’épouser le nouveau roi Joffrey Baratheon (mariage d’ailleurs très court, puisque l’adolescent est empoisonné le jour du mariage), alors que  Loras intègre la Garde Royale. Deux pierres d’un coup: il évite l’obligation d’un jour se marier et il peut protéger sa sœur, se rattraper là où il a échoué auprès de Renly. Il s'illustre rapidement en tant que garde favori du petit peuple de Port-Réal et de Tommen, le petit roi pour qui il devient une figure de grand-frère.

XII. Le temps n’a pas raison de son deuil. Loras est agité et d’autant plus arrogant, résultat d’une colère qu’il renfrogne de peur qu’elle explose à nouveau. On dit qu’il n’est que l’ombre de lui-même, comme s’il vivait en état de dissociation perpétuelle. Or, Jaime Lannister, lord commandant de la Garde et principale cible des maux d’humeur du jeune homme, est d’une patience exemplaire à son égard ; même s’il sait être sévère et autoritaire quand il le faut, il prend le temps de lui expliquer les choses et de l’écouter. Cette drôle de bienveillance amène Loras, sous conseil du mentor, à se montrer clément à l’égard de Brienne, à accepter qu’elle ne soit pas la coupable qu’il cherche. Que certaines choses dépassent l’entendement et ne peuvent être expliquées, comme la possibilité que ce soit, comme le veulent les ouïs-dires, une ombre qui ait tué Renly.  
Malgré tout, le Commandant lui accorde une confiance suffisante pour lui demander de le remplacer lorsqu’il quittera la capitale pour une mission. Ça compense pour Cersei Lannister, qui le voit comme un indésirable dont il faut se débarrasser.

XII. Plus les lunes passent, plus l’armée de Stannis Baratheon, toujours seigneur de Peyredragon, devient une épine dans le pied de la Couronne. La flotte du Bief est appelée à assiéger les côtes de l’île afin d’en reprendre possession, mais d’autres conflits s’ajoutent à l’échiquier, notamment du côté des Fer-Nés. Pour permettre aux navires de Paxter Redwyne de se désengager pour faire face à ceux-ci, Loras se propose pour prendre en main les commandes du siège.  Le Tyrell y voit une opportunité d’enfin venger Renly.

Pour éviter un carnage et régler l’affaire le plus rapidement possible, Loras exige de s’entretenir avec Rolland Storm, le châtelain de la forteresse. L’offre est acceptée, mais l’aîné lui rit au visage lorsque l’adolescent lui propose de régler l’affaire avec un duel. Humilié et replié dans sa colère, le garçon ordonne à son armée de prendre les armes. S’en suivra une attaque  inutilement violente et sanglante qui coûtera, paraît-il, la vie au Chevalier des Fleurs qu’on dira avoir continué de se battre malgré l’assaut de plusieurs lances et d’éclats d’huile bouillante… Quoiqu'il en soit, le siège aura été une réussite, malgré l'absence des trésors qu'on espérait trouver dans les entrailles de la forteresse.


❀ Si la lune rouge est arrivée au bon moment, elle n’a malheureusement pas effacé les souvenirs de Loras, des images sanglantes aux douleurs qui lui viennent encore parfois comme des sensations fantômes. La route vers l’adaptation n’en aura donc été que plus longue, presque stagnante les premiers mois. C’est qu’il se terrait dans son entêtement, dans un rejet systématique de la modernité qu’il associait à une confirmation de son décès. Entre colère insidieuse et sensation de ne pas trop savoir quoi faire de sa personne, il aurait préféré qu’il n’y ait absolument rien après la mort. Du moins, c’était jusqu’à ce que les êtres qui lui sont le plus chers commencent à lui tomber dessus peu à peu; jusqu'à ce qu'il puisse retrouver le confort d'une demeure familiale. Les maux ne s’évaporent pas aussi facilement, mais retrouver ses piliers et son cadre habituel lui a permis, avec le temps, de récupérer son éclat du passé. Mais il manque toujours quelque chose: la présence de Margaery. Sans sa petite sœur, la moitié de son âme, rien n'est vraiment comme avant et aucune amitié ne saura combler le vide laissé.

❀ Après la mort de Renly, Loras ne s’est senti vivant que sur le champ de bataille. Entre les montées d'adrénaline et la sensation de réellement accomplir quelque chose, le souvenir reste bien ancré dans sa mémoire. C’est pour ça, entre autres, qu’il se découvre vite une tendance aux comportements à risques, ces petits moments où il a l’impression qu’il ne s’en sortira pas en un morceau. S'il s'en sort sans grands soucis pour l'instant, ses mauvaises habitudes ne sont pas sans angoisser vaguement les gestionnaires des relations publiques des Tyrell.


❀ Alors qu’il commence à s’acclimater au monde moderne, une année après la lune rouge, Loras profite de la notoriété que la famille des Roses n’a pas tardé à gagner pour prendre sa place sous les projecteurs. Le talent inné pour le jeu et l'aisance devant les caméras, c’est bien joli, mais sans les contacts, c’est futile. Au fil des mois, sa petite tête (à claques) occupe de plus en plus d'espace sur les écrans, les couvertures de magazines et les fils de réseaux sociaux. Ça ne plaît pas à tout le monde, mais qu’on en parle en bien ou en mal, tant qu’on en parle, n'est-ce pas ?
Devant la caméra, alors qu’il revêt une personnalité qui n’est pas la sienne, tout lui paraît plus simple, comme ça avait pu l’être pendant sa vie à Westeros, alors qu'il se camouflait sous les roses et les parures. Ça distrait ses pensees, ça apaise la colère. Que pendant un moment, par contre, parce qu’on ne peut nier une chose : l’attention constante et le “faire semblant” le fatiguent autant qu'elles flattent son orgueil arrogant. Quand on le connaît bien, c’est facile de voir, au-dessus de ses sourires charmeurs et ses regards brillants, le fond de ses iris un peu tristes, un peu fatiguées. Entre les contrats qui s’enchaînent, la nécessité d’assister l’entreprise familiale et l’anxiété latente, quand prend-t-il vraiment le temps de s’arrêter et de se jeter un œil introspectif ?