Je sais les plantes
Je sais les animaux
Je sais les fées

Je ne savais pas les Hommes, et ça a été ma plus grande perte...

Mon monde était celui de la forêt, les fées, les dryades, les arbres, les enths... Tout était sous ma protection. La moindre branche cassée était aussi urgente à soigner qu'une patte de biche blessée. Nous vivions en harmonie totale. Il y avait bien entendu quelques querelles de voisinages entre les lutins et les esprits verts, mais même la plus grande dispute qui n'ait jamais éclaté n'allait en rien rivaliser avec notre plus grand ennemi : les hommes.

J'ai connu un enfant, mon ami humain, avec qui nous jouions tout le temps. On m'avait prévenu, naturellement, que cela ne pourrait pas durer, mais nous étions trop libres pour s'en soucier. Nous avons grandit, nous nous sommes aimés d'un baiser d'amour véritable, du moins est-ce ce que je croyais...

Le petit enfant humain est devenu un adulte gagné par la corruption, et les armées sont arrivées à l'orée de la forêt. Nous n'avions rien à craindre et nous les avons battus en retraite... C'était sans compter sur mon ami Stéphane qui a apporté la corruption jusque dans mon royaume. Il m'a ensorcelé avec une potion, et m'a coupé les ailes.

Tu t'es reconstruite, après. Ne t'en souviens-tu plus ? Tu as reconstruit ton cœur et tes ailes. Loin de la civilisation, tu as reconstruit ta vie. Tu as appris à aimer à nouveau, l'amour le plus pur qui soit. De deux cœurs sauvages en colère contre les Hommes, vous y avez découvert l'amour d'une jeune femme... Maléfique, ne t'en souviens-tu pas ? Le jeune garçon à qui tu avais offert ton cœur, Stéphane, est tellement loin à présent...

Je me suis éveillée avec un goût âcre dans la bouche, et une absence terrifiante dans le dos. J'ai passé ma main sur mes omoplates et je me suis mise à hurler de terreur, de colère, et de frustration. Ce hurlement n'a été entendu par personne à part par les arbres aux alentours. Je me suis retournée en sentant quelque chose de froid dans mon dos. Je l'ai regardé de plus près avant de me reculer vivement... Du métal. J'ai feulé comme un animal traqué prêt à tout pour ne pas partir sans faire un maximum de dégâts possibles. Ma bouche s'est ouverte sur une grimace. C'est alors que je remarque que ce n'est pas seulement mes ailes qui manquent, mais aussi mes cornes, mes fabuleuses cornes. Le plus terrifiant a été quand je me suis approché de ce portail fait de métal et que j'ai posé la main dessus...

... Aucune brûlure, rien, juste la morsure étrange d'un froid nocturne... Quand je retire ma main et que je constate qu'elle est absolument intacte, c'est un second hurlement qui franchit ma gorge.

Je ne suis plus une fée. Que m'a fait Stéphane ? J'avance, trébuche, pose ma main sur un arbre qui ne me répond pas. Où suis-je ? Quelque chose me dit qu'il faut que je me trouve des alliés, et vite.

Les jours sont passés. Je suis devenue une réfugiée, gardant mon cœur loin du monde qui m'entoure. De réfugiée, j'ai commencé à me fondre aux hommes, d'abord en libérant des chats, des chiens, et surtout des oiseaux, de l'emprise des Hommes. Quand j'ai commencé à me faire voir chez les gens, j'ai prétexté devoir arroser les plantes. De là, j'ai réussi à gagner ce qu'on appelle de l'argent auprès d'une sorcière -qui n'était en fait qu'une personne âgée- et qui payait au prix fort quiconque pouvait prendre soin de ses plantes.

Voilà pourquoi j'en suis là aujourd'hui, faisant pousser et soignant les plantes. Je n'ai plus de forêt à défendre. Condamnée à faire ce que je faisais de mieux étant enfant et à retrouver mes pouvoirs par moi-même. Je reconstruis ma vie petit à petit, au travers des plantes de mon jardin, réinvestissant les maigres bénéfices que j'ai dans l'achat des graines les plus rares que je peux trouver, les faisant fleurir et s'épanouir. Je déteste devoir vendre des plantes pour vivre, mais au moins, je sais qu'elles ont eu une enfance heureuse et qu'elles se battront pour leur vie.