Her family is my family [Maxime]

Les journées de cours semblaient devenir un peu plus délicates. Maxime se tapait régulièrement des petites migraines. Rien de bien méchant, c'était juste passager, et à l'infirmerie, on lui filait de quoi les calmer bien rapidement. Si on oubliait également la petite mésaventure de la dernière fois. Où il s'était tapé une crise de panique pour il ne savait trop quelle raison. C'était derrière lui, et rien d'autre ne semblait le perturber. Enfin, plus ou moins. Si on oubliait le fait qu'il ressentait sans cesse un petit vide, et que la raison la plus probable à ses récentes migraines était due à sa mémoire défaillante, il allait plutôt bien. Enfin, si on devait lui poser la question il répondrait que oui, il allait très bien. Pourquoi ça n'irait pas de toute façon ? Il continuait son petit train de vie comme si de rien était. En même temps, difficile de faire autrement lorsqu'on ignorait qui on était vraiment. Qu'on avait de la famille quelque part. Il ne semblait même pas s'en être posé cette question un jour. Avait-il une famille ? Ou quelqu'un qui le cherchait, qui l'attendait, et qui l'aimait, tout simplement ? Comme si tout était parfaitement normal. Ça ne l'était pas. C'était juste lui, innocemment, qui en ignorait ce genre de question.

Penché au-dessus d'une feuille, autrefois vierge, Maxime ne semblait plus trop concentrer à écouter le cours. C'était sa dernière heure et ça commençait à se ressentir. À la place, il était juste en train de griffonner quelque chose. Pas vraiment certain que ça ressemble à un dessin. C'était plutôt grossier. Mais peu importait de toute évidence. Il n'emmerdait personne, il était parfaitement silencieux contrairement à d'autres étudiants, seul dans son petit coin. Plusieurs minutes passèrent, il n'en savait trop rien, seule la sonnerie qui annonçait la fin du cours, le fit lui relever la tête. Ah ! Déjà ? Oui, à en juger par l'agitation soudaine des autres jeunes de sa classe, c'était bel et bien terminé pour aujourd'hui. Il rangea alors son cahier et son pauvre crayon dans son sac. Mais il ne se releva pas immédiatement, il préféra attendre que les autres soient sortis. Ils se bousculaient bien plus en fin de journée qu'à la fin de tous les autres cours, et il n'aimait pas être bousculé.

Une fois la salle entièrement vidée, Maxime se leva enfin à son tour, et il sortit tranquillement. Il avait évité la cohue. Dans tous les cas, jamais personne ne faisait grandement attention à lui. Son regard se posa forcément sur un homme en fauteuil roulant, puis il observa un peu les environs, avant de commencer à vouloir se diriger vers la sortie. Cependant, il se stoppa en chemin. Il avait simplement fait quelques petits pas à peine, qu'il se retourna comme s'il lui manquait un petit quelque chose. Il en avait fait quoi déjà de la petite boîte que l'infirmerie lui avait donnée ? Rien du tout. Elle était bien dans son sac, mais dans sa petite tête, non il l'avait oublié. Ou perdue ? Misère, il ne savait plus vraiment. Il fit donc demi-tour, et il passa juste sa tête dans la classe en regardant instinctivement là où il était assis quelques minutes auparavant. Rien sur le bureau, rien au sol. Il était devenu dingo, ou quoi ? Il se retourna et l'homme qu'il avait vu tout à l'heure était toujours planté là. Que faisait-il encore là ? Aucune idée, mais il pourrait lui demander de l'aide, non ? Qui ne tente rien à rien.

« Excusez-moi... » Dit-il presque timidement sur le moment. Comme s'il était embarrassé. Embarrassé de quoi ? Lui-même ne le savait pas. Un peu brouillon tout ça.  

De toute évidence, Maxime ne saurait guère expliquer ce qui se passait réellement. Le pire, c'est qu'il ne semblait même pas être dans l'optique de vérifier son propre sac. Il n'avait rien perdu, rien oublié, mais dans sa tête, pour lui, oui il avait perdu quelque chose. Il l'avait laissé tomber peut-être ? Sa boîte contenant quelques cachets d'aspirine avait glissé de son sac, de sa poche, ou quelque chose dans ce genre-là ? Ou alors l'avait-il oublié sur son bureau ? Ou sous le bureau, sous la chaise ? Non, il avait vérifié en y jetant un rapide coup d'œil avant de se tourner vers l'homme dans son fauteuil roulant. Toujours présent et qui n'avait pas bougé d'un poil. Il attendait quelque chose ou quelqu'un lui aussi ? Quelque peu confus, l'étudiant essaya tant bien que mal de se remémorer. Mais rien à faire. S'excusant auprès de cet homme qu'il n'avait jamais vu, il aurait voulu d'entrée de jeu, lui demander s'il avait vu sa boîte. Mais les mots s'étaient stoppés après le petit excusez-moi, prononcé de façon assez timide.

Maxime ne savait pas trop comment répondre. Pour lui, c'était tout à fait normal qu'il s'excuse de devoir, en quelque sorte, importuné quelqu'un pour lui demander de l'aider à trouver cette fichue boîte. Qu'il n'avait même pas perdu en réalité. Il l'observa un moment, comme s'il essayait de comprendre. De comprendre quoi ? Pas grand-chose en fait. Il était juste vraiment paumé en cet instant précis. Il haussa faiblement les épaules. 

« J'ai perdu une petite boîte. Je crois... Non, je ne sais pas. Elle est peut-être tombée quelque part. » Répondit-il toujours en étant hésitant, et instinctivement, il mit ses mains dans les poches de sa veste, comme s'il en fouillait l'intérieur. À la recherche de cette boîte justement. « Vous ne l'auriez pas vu ? » Demanda-t-il enfin, ou tout du moins en osant le demander.

Que cette situation, bien que simpliste en soi, semblait le perturber un peu. Il faisait pourtant très attention à ses affaires, et c'était vraiment rare qu'il les oublie, ou qu'il les perd. Et ses camarades, en règle générale, n'avaient pas un très grand intérêt à lui voler ses affaires. Maxime était très souvent souriant, quasiment tout le temps, à toute épreuve, il amenait plutôt une sorte de bonne humeur, d'une certaine innocence, alors c'était vraiment rare qu'on puisse vouloir lui faire du tort. Peu importe la manière dont ils s'y prendraient. Et ses affaires n'avaient rien de très intéressants pour eux dans tous les cas.

Il finit enfin par ressortir ses mains des poches, mais cette fois-ci, d'un air totalement gêné, il les passa derrière son dos. Et puis sans raison particulière - parce qu'il y en avait que très rarement chez lui - il lui offrit un sourire. Un petit sourire. Comme si le simple fait de sourire l'aidait tout simplement à moins se sentir gêné, ou bête, ou quelque chose comme ça. En revanche, tel un enfant qui avait encore tout à apprendre, il pouvait paraître fort curieux. Ce n'était vraiment pas voulu. Alors, il s'autorisa peut-être, une petite question pour l'homme.

« Vous venez souvent ici ? » Sa question qui pourrait paraître anodine, ne l'était pas totalement. C'était plus pour obtenir une petite information. Car il était presque certain de ne l'avoir jamais vu dans les environs. Ou alors il n'y avait jamais prêté attention. Ça restait une possibilité à ne pas écarter.

Maxime semblait quelque peu perdu, perplexe par la même occasion. Quatre années sans souvenir, c'était long. Très long. Et dans son cas, dans le cas de quelqu'un qui ne cherchait pas plus que ça à comprendre, c'était plus difficile encore. Il n'avait jamais essayé de comprendre la raison pour laquelle il ressentait comme une étrange sensation de vide. C'était juste là, selon lui. Et il devait faire avec. Même s'il s'était posé des questions, il n'avait jamais eu de réponses. Non pas qu'il fût défaitiste, juste qu'il ne savait rien, et qu'il ignorait où chercher, et quoi chercher surtout. Et s'il essayait, il était bloqué. Comme si dans sa petite tête, quelque chose bloquait ses souvenirs, dans un petit coin isolé et inaccessible.

« C'est une boîte métallique. Petite. » Répondit-il le plus simplement possible. Comme s'il ne voyait pas trop ce qu'il pourrait en dire davantage concernant cette dernière. La seule chose qu'il aurait pu préciser, c'est qu'elle provenait de l'infirmerie, mais ça lui était sorti de la tête le temps d'une brève seconde. Il était tellement persuadé de l'avoir perdu, que c'était plutôt ce fait qui tournait en boucle en cet instant.

Maxime secoua faiblement la tête. Importante ? Non, pas vraiment, mais il ne se voyait absolument pas revenir à l'infirmerie pour dire qu'il l'avait perdu. « Non. Non. Il y a juste quelques cachets que l'infirmière m'a donnés pour mes migraines. » En d’autres termes, il aimerait bien la retrouver. Cette boîte qui n'était en réalité pas perdue.

Maxime réagissait parfois tel un enfant, et ce malgré qu'il puisse techniquement avoir vingt ans. Tout passait par sa curiosité, comme celle qu'un enfant peut avoir et qui peut donc se retrouver à poser mille et une questions, qui parfois n'étaient pas forcément nécessaires. Tout comme il semblait si parfaitement innocent. Sûrement un bon contrecoup du fait d'avoir perdu la mémoire. Alors ses questionnements venaient naturellement à lui, et il se devait de les poser. Ainsi, il apprit qu'il donnait des conférences. Mais sur quoi ? Quoi qu'il en soit, ça pourrait potentiellement expliquer la raison pour laquelle il avait eu une impression de déjà-vu. Ou était-ce autre chose ?

« Sur quel sujet ? » Demanda-t-il encore une fois avant d'être un peu surpris par la suite de ses propos. L'institut Xavier avait-il dit. Oui, et non. Cela lui disait vaguement quelque chose pour y avoir mis les pieds pour voir Manon, mais sans plus. Par ailleurs, il en avait été quelque peu perturbé, et il aimerait par conséquent éviter d'y repenser. Il hocha donc faiblement la tête, un peu gêné. « Oui... Et non. » Il ne voulait pas en dire davantage.

On pouvait probablement le trouver bizarre, et exceptionnellement trop enfantin pour l'âge qu'il avait réellement. C'était un peu comme si on avait appuyé sur un petit bouton "reboot" et qu'on lui avait vidé littéralement l'intérieure de sa petite tête blonde. Chose qui était faussée, bien évidemment, c'était juste enfoui dans une petite case, comme si tout était bien scellé. Même lui, à l'heure actuelle, n'arriverait pas à l'ouvrir, et il ne saurait même pas où chercher de toute façon. Il avait rencontré quelqu'un qui lui avait dit qu'il avait peut-être perdu la mémoire. Et Maxime ne voulait pas se montrer grossier alors il l'avait écouté. Mais sans grand succès. Peut-être s'était-il fermé à cette idée ? Il y avait trop d'hypothèses possibles et inimaginables.

Cependant, la seule chose certaine, c'est qu'il n'était pas fichu de se méfier de qui que ce soit, alors se méfier de cet homme dont il ignorait tout hormis le simple fait qu'il donnait des conférences et qu'il dirigeait un institut dont le nom lui disait naturellement quelque chose. Mais pas pour les mêmes raisons qu'il penserait. Et il ne comptait pas vraiment demander la raison, comme s'il se refermait dans son petit monde, dans sa petite bulle bien à lui. Il était difficile de briser ce rempart qu'il semblait avoir construit dans sa tête de lui-même. Sans le savoir, ni même le vouloir. Ou alors pas intentionnellement. C'était sûrement ça qui bloquait l'accès à sa mémoire ? Qu'en savait-il lui. Rien du tout. Si on devait lui demander quoi que ce soit sur son passé, il ne serait même pas fichu d'y répondre. Ou alors, il penserait, à tort, qu'il était né ici. Complètement faussé. Personne ne l'était.

« Vous feriez ça ? » Demanda-t-il un peu perplexe. Pour quelle raison ferait-il cela ? Ce n'était pas comme si c'était sa faute s'il avait perdu sa boîte, si ? Non. Peut-être ? Non, absurde. Voilà qu'il allait finir par se faire des nœuds tout seul à son cerveau le pauvre.  

Voilà qu'il commençait à ressentir le même genre de sentiment à l'égard de Manon, la dernière fois. Il se sentait soudainement perturber et il n'aimait pas beaucoup ça. Pourquoi il le regardait ainsi ? Maxime préféra détourner le regard assez rapidement et fourra ses mains dans les poches de sa veste. Il commençait tellement à se sentir perturber, qu'il entendit à peine la réponse qu'il lui offrit à sa question, plutôt curieuse, sur le domaine sur lequel il faisait des conférences. Il crut entendre que c'était sur la génétique, mais il n'était plus trop sûr. Le jeune étudiant regarda un peu partout, à droite, à gauche, dans toutes les directions possibles, mais il ne voulait pas reporter son regard sur cet homme.

Néanmoins, il finit par se calmer, ou quelque chose comme ça. Et même si ça semblait lui coûter un effort, il reporta son regard sur lui. Il était curieux soudainement. C'était censé être lui le curieux, pas l'inverse, si ? Il allait finir par se donner lui-même un mal de crâne. Tout semblait se mélanger, ou alors quelque chose essaya de forcer un petit passage dans sa tête ? « Je... On m'a pris pour quelqu'un d'autre et j'ai pas aimé. » Avait-il répondu presque d'une traite et assez rapidement, comme s'il ne voulait pas revenir sur ce sujet.

Pourquoi pas lui avait-il dit. C'était assez intelligent de la part de l'homme en fauteuil roulant de lui parler ainsi. Comme s'il avait à peu près bien cerné le jeune Maxime, et sa manière de parler et de répondre. Le choix des mots et le ton employé semblaient avoir un assez grand impact sur lui. Simple mais efficace. Maxime pencha légèrement la tête sur le côté en le regardant encore quelques secondes, comme s'il ne savait plus trop quoi répondre, peut-être en étant un peu surpris par sa réplique. « Parce que vous ne me devez rien ? » Finit-il enfin par répondre, mais pas trop sûr de lui. Comme s'il ignorait si c'était la bonne réponse à offrir ou non. Quelle drôle de rencontre. Intéressante, cela dit.  

En général, c'était plutôt lui qui venait à la rencontre des autres, dans une situation assez précise. Ce n'était pas comme si c'était lui qui les choisissait, mais plutôt comme pousser par un instinct. Clairement dû à son côté empathique. Il ne savait pas trop d'où ça lui venait, pas encore, enfin c'était quelque part enfoui dans sa mémoire tout simplement, mais elle était bien présente malgré tout. Alors quand il voyait une personne triste, dans son coin, il allait la voir, ou quand il voyait quelqu'un en difficulté et que personne ne semblait le voir, ni même vouloir lui venir en aide, il le faisait et ce sans rien demander en contrepartie. Alors quand c'était l'inverse, quand c'était une autre personne qui se proposait de l'aider, ça l'étonnait un peu. Sûrement car c'était la première fois que ça lui arrivait ? Ou non, la deuxième fois. Cela dit, ça reste très rare sur quatre années.

« On peut y aller maintenant si vous voulez ? » Proposa-t-il sans se méfier de lui, sans même se demander s'il lui mentait ou non. Alors que normalement, il devrait plutôt se poser la question de savoir pour quelle raison devait-il se rendre à l'infirmerie. Ne devait-il pas plutôt donner une conférence ? Il ne prenait pas trop le temps de réfléchir visiblement.

La question le perturbe un peu, mais en réalité, il ne semblait pas trop savoir comment l'expliquer. Est-ce qu'il pouvait vraiment dire qu'on l'avait pris pour quelqu'un d'autre ? C'était pourtant bien son prénom qu'il avait entendu. Ce fut très probablement la chose la plus perturbante et la plus effrayante en son sens. Il resta alors un long moment dans une sorte de réflexion. Par quoi commencer, comment l'expliquer. C'était bizarre pour lui de parler de ce genre de choses, jamais personne ne l'avait pris pour il ne savait pas trop qui, en réalité. Il n'avait pas cherché à savoir, comme s'il avait eu peur de la plausible réponse. « Bah... Je ne sais pas trop comment l'expliquer. » Répondit-il sur un ton presque comme s'il était intimidé, ou en tout cas quelque chose qui s'en rapprochait. Ou alors avait-il une légère honte de ne pas réussir à trouver les bons mots ? « J'étais venu déposé quelque chose pour quelqu'un, et elle s'est juste jetée sur moi en me faisant un câlin et en répétant mon prénom sans cesse... C'était bizarre. Moi je ne la connais pas. » Ou en tout cas, actuellement, il était sûr de ne pas la connaître. Il ne s'en souvenait pas malheureusement, et ça n'avait pas l'air d'avoir fait comme une sorte d'électro choc pour sa mémoire.

Le jeune Maxime pourrait presque être surpris par ce genre de phrasé. C'était à la limite de la philosophie et bien qu'il aurait pu trouver cela assez complexe, il avait plutôt l'habitude de lire ou d'entendre de tels propos. Son cursus lui permettait vraisemblablement de l'aider à comprendre au mieux, ou alors était-ce lui qui était loin d'être un idiot ? Il n'était pas suffisamment égocentrique pour se poser ce genre de question, pour se mettre de lui-même sur piédestal. Ce serait même plutôt le contraire. Avoir une bonne petite bouille ne faisait pas tout, on le trouvait probablement attachant mais étrange à la fois, et il devait avouer que cette conception lui échappa totalement. Il hocha donc simplement la tête pour indiquer qu'il avait saisi le message, enfin qu'il avait compris ce qu'il avait voulu comprendre. Chaque personne était libre d'en comprendre le sens qui semblait lui convenir après tout, n'est-ce pas ?

Maxime observa rapidement les alentours. Comme s'il cherchait dans un premier temps dans quelle direction il fallait prendre. Oh, il le savait, il avait juste temporairement perdu ses moyens. Droite ou gauche ? Oui, par-là, c'était ça, il fit donc un simple signe comme pour lui faire savoir qu'il devait prendre cette direction pour rejoindre l'infirmerie. Puis soudainement, lui vint une petite question, qu'on pourrait trouver idiote, mais qui avait un certain sens de respect pour lui, alors il demanda : « Puis-je vous poser une question ? » Pourquoi demandait-il l'autorisation ? En réalité, il ne le savait pas trop, mais il l'avait toujours fait. Enfin, uniquement depuis qu'il était ici, depuis qu'il avait perdu la mémoire, car en réalité, il aurait pu juste le bombarder de questions, parfois trop si bien qu'il n'aurait jamais su par quel bout prendre la question, par quoi commencer, comment y répondre, sans que le plus jeune en rajoute toujours davantage une couche.

Le pauvre petit n'avait nullement réfléchit aux conséquences de cette situation, ce qu'elle avait pu engendrer sur cette Manon. Il avait été si perturbé, que ça ne lui était même pas venu à l'esprit. Il aurait pu y réfléchir par la suite, mais c'était comme si son cerveau avait préféré le faire passer à autre chose, sans grand succès, sinon il ne serait pas là en train d'en discuter. Il baissa la tête, comme s'il se trouvait honteux. Aurait-il donc pu y faire quelque chose ? Pour potentiellement rendre ce cas un peu moins éprouvant pour elle ou au contraire, aurait-il empiré la chose ? « Je n'y avais pas pensé. » Avoua-t-il un peu honteux. « Mais... Est-ce qu'elle va bien ? » C'était tout de même plus fort que lui de le demander. Probablement son côté empathe qui en ressortait à chaque fois. Même si dans le fond, il n'était pas encore prêt à la revoir parce qu'il ne saurait pas du tout comment y réagir. Cette situation semblait être un peu délicate, autant pour lui que pour elle.

Il était rare que quelqu'un reste aussi longtemps à ses côtés. On ne pouvait pas dire que le jeune Maxime avait des amis, peut-être une seule, et encore parfois il se disait que c'était juste car elle avait perdu la vue. Que si ça se trouve, si elle devait le voir, ça ne serait plus pareil. Ou alors était-ce simplement dans sa tête ? Quoi qu'il en soit, on ne pouvait guère dire qu'il était des plus à l'aise entouré de certaines personnes. Il se sentait trop observer, et probablement balançaient-ils des moqueries à son encontre. Pourtant il n'était pas du genre à rechigner, à se plaindre et il restait fidèle à lui-même. Toujours avec cette certaine envie d'aider les autres, mais il savait qu'un jour ou l'autre, on l'enverrait sur les roses, et il repartirait dans son coin bredouille. Alors peut-être que ça l'étonnait un peu que cet homme en fauteuil roulant reste à ses côtés, comme s'il était tout à fait normal. En cet instant, il ne pouvait que lui en être redevable.

Il lui assure par ailleurs qu'il peut lui poser une question, et qu'il n'y en a aucune qui soit stupide. Sa curiosité pourrait le pousser à poser davantage de questions, mais pour le moment il maintenait plutôt celle qu'il avait en tête. Et qui le tentait grandement. « Votre conférence... Tout le monde peut y aller ? » Et par-là, il entendait probablement être très curieux et vouloir y assister même si ce n'était pas sa branche spécifique. Tout était un bon prétexte pour Maxime d'apprendre certaines choses, même si ça n'avait rien à voir avec son cursus, ni même avec la mythologie ou tout autre chose qu'il pourrait apprendre dans cette université. Mais il n'était pas non plus du genre à s'inviter de lui-même, il préférait toujours demander l'autorisation, car parfois il n'était hélas pas le bienvenu. On n'était pas encore au stade de la méchanceté gratuite envers lui, mais ce n'était pas pour autant qu'on désirait de sa présence. Peut-être que sa différence en dérouter certains. Il ne s'en rendait même pas compte, il n'était même pas sûr de différencier une bonne personne d'une mauvaise.

Maxime se stoppa au beau milieu d'un couloir après avoir tourné probablement vers la gauche. Il n'y avait guère prêté attention, il connaissait un peu trop aisément ce lieu pour savoir où il se rendait sans forcément faire attention ou à devoir demander son chemin. C'est qu'il avait du temps à perdre semblait-il. Ils se trouvaient donc à hauteur d'une porte sur laquelle était inscrit infirmerie. Mais il ne semblait pas non plus dans la précipitation d'y entrer pour le moment. Comme si que la conversation avait une plus grande importance. Il posa son regard tandis que l'homme lui offrait bien gentiment sa réponse. Il semblait patient à toute épreuve, enfin vu ainsi, c'était la première pensée qui venait au jeune Lacroix. « Vous voulez parler de son enlèvement ? » Oui, Maxime avait été mis au courant. C'était drôle de savoir que rien ne pouvait rester indéfiniment secret ou bien garder, et que les bruits de couloirs pouvaient jaser autant de vérité que de simples rumeurs. Ces dernières évoluant en fonction de la personne qui aura décidé d'envenimer les choses ou non. Rien ne restait bien intact. Il avait l'impression de ne pas faire partie de ce monde, pas le moins du monde, ce n'était pas son état d'esprit. Et pourtant il restait en ces lieux, à faire semblant qu'il était bien de ce monde, faisant comme tout le monde, des choses les plus normales possibles.

Ce n'était nullement dans son cursus, ce n'était même pas sa branche. Il n'y avait rien de scientifique dans ce qu'il pouvait bien étudier. Ou pas dans le sens qu'on l'entendrait. Malgré tout, ce n'était pas une chose qui arrêtait le jeune étudiant dans sa quête de connaissance en tout genre. Il était curieux, et il ne faisait qu'y répondre afin d'assouvir cette soif de curiosité. Il n'avait dans tous les cas pas grand-chose d'autre à faire de sa petite vie. Il ne savait même pas ce qu'il voulait faire plus tard, à la fin de ses études. Vivant parfaitement au jour le jour, se laissant le temps à la réflexion pour plus tard. Chaque chose en son temps. Peut-être qu'il devrait déjà savoir qui il était vraiment ? Encore faudrait-il qu'il sache qu'il lui manquait cette petite partie de lui pour s'en poser la question. « Et vos conférences plaisent-elles à grande échelle ? » Demanda le jeune homme toujours en ayant davantage de questions. Mais peut-être bien aussi car il savait qu'il existait plusieurs types de personnes, d'étudiants. Ceux qui n'étaient point assidus, qui préféraient probablement louper les cours ou s'endormant durant ces fameux cours. D'autres qui étaient totalement neutres, ça leur faisait ni chaud ni froid et semblait être présent que par obligation, et les autres qui adoraient et s'interressaient vraiment à l'apprentissage qu'on esseyait de leur faire étudier.

« Alors j'y assisterais avec plaisir. » Répondit-il suffisamment intéressé pour s'y rendre dès qu'il en aurait l'occasion. Il aurait pu lui demander quand avait eu lieu la prochaine, mais il en oublia la question lorsque le sujet suivant aborda Manon. Dont il ignorait encore tout, et surtout qu'elle était sa sœur. Naturellement qu'il ignorait que la pauvre avait suffisamment subi et que la non reconnaissance de son jumeau l'avait davantage mise à terre. Il secoua faiblement la tête. Non, elle ne lui avait rien dit, il ne l'avait jamais réellement croisé auparavant, pas même dans les couloirs de cette université. Tout ce qu'il en savait, c'était les propos des autres, les rumeurs de son absence si soudaine. « Non, elle n'est pas très bavarde. » Ajouta-t-il en se trouvant plus que bavard. Mais ça, c'était sûrement car il ne la connaissait tout simplement pas, et qu'elle l'avait juste jeté dehors quand Maxime était passé à l'institut pour lui donner un petit cadeau. Cadeau qu'elle avait refusé. Chose qu'il ne comprenait toujours pas à l'heure actuelle.  

Il haussa de nouveau les épaules. Il ne savait pas quoi répondre à la question de cet homme, enfin si, plus ou moins, mais il sera probablement déçu de sa réponse. « Rien.. Elle m'a crié dessus. Elle a dit que j'ai toujours été qu'un lâche. Qu'elle me détestait et qu'elle ne désirait plus jamais me revoir. Elle m'a jeté une lampe aussi. Je ne comprends pas. » Naturellement qu'il n'avat pas compris sa réaction, comment le pourrait-il ? Il était venu en toute innocence, sans se souvenir de qui elle était jadis pour lui. Il se souvint juste qu'elle lui avait soudainement fait peur, et qu'il avait fuis. Peut-être était-il réellement un lâche après tout. « Est-ce que j'ai fais quelque chose de mal ? » Demanda-t-il faiblement, comme s'il s'inquiétait plus de ce qu'il aurait pu mal faire, qu'il aurait pu lui faire du mal sans le vouloir plutôt que d'être réellement rancunier envers elle. Ce n'était pas dans son genre de toute façon. Il était bien trop empathique pour l'être.

Maxime ne pouvait guère s'empêcher de se demander qu'elle était le public cible de ces conférences. N'était-ce que pour ceux qui comprendraient de quoi il est question ? Est-ce qu'une personne simplement curieuse - comme lui - mais dont ce n'était guère son domaine, en comprendrait ne serait-ce qu'un mot ? Il était probablement difficile de répondre à cette question, autant pour lui que pour le jeune Maxime, dont la nature curieuse était tout de même extrêmement élevée. Contrairement aux autres qui seraient pressées de finir leurs heures de cours pour aller à des soirées ou peu importe, Maxime lui opta pour une tout autre activité. La plupart du temps il se contenta de se rendre à la bibliothèque afin d'étudier ou de lire ce qui lui passerait par la tête, et ce même si ce n'était point son domaine. Alors oui, naturellement, il se rendrait bien volontiers à cette conférence. Il n'y avait aucun temps à perdre dans ce genre de cas, selon lui. « Quand à lieu votre conférence ? » Demanda-t-il comme si qu'au fond de lui, il espérait être disponible à ce moment-là.  

Bien qu'il soit toujours planté devant la porte de l'infirmerie, il trouvait la conversation probablement trop intéressante pour la couper court et aller réclamer ce qu'il pensait de perdu. Et ce depuis le début. Depuis qu'il avait quitté sa salle de classe, sans qu'il ne sache à aucun moment que ce Charles était en réalité entré dans sa petite tête. Tant que ce n'était guère la pagaille, ça allait n'est-ce pas ? Et surtout, tant qu'il ne subissait pas à nouveau son mal de crâne, alors il n'y penserait plus pendant un certain laps de temps.

« De déception... » Mumura-t-il plus à lui-même que réellement dans le but de répondre au professeur. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi elle se serait emportée en étant déçue. Déçue de quoi ? En colère pour ce qui lui était arrivé, ça il pouvait aisément le comprendre, mais la déception, c'était un mot qui suggérait qu'elle attendait quelque chose. Une chose qui l'avait bercé d'illusion, et qu'elle s'était retrouvée face à une réalité tout autre. Mais laquelle ? Bien évidemment, ce concept lui échappa totalement, puisqu'il ignorait qu'il s'agissait de lui. Elle avait espéré le revoir, retrouver son frère, et à la place de ça, elle avait dû faire face à une sorte de coquille vide. « De quoi est-elle déçue ? » Finit-il par demander loin de s'imaginait de quoi il était question.

Ah le pauvre professeur Xavier, Maxime espérait fortement qu'il n'était pas en train de le saouler avec toutes ses interrogations incessantes. Probablement un merveilleux - ou pas - contrecoup de sa perte de mémoire persistante. Agissant tel un gamin, toujours en proie aux questionnements et à une curiosité excessive. Il n'en faisait guère exprès, cela allait de soi. Que deviendrait-il alors, s'il devait retrouver la mémoire ? Une partie semblable à Manon ? Un peu plus nuancé peut-être bien. Sans sa mémoire, il connaissait parfaitement la différence du bien et du mal... Mais s'il devait la retrouver, il perdrait à nouveau cette capacité d'en faire la différence. Là, il avait l'air adorable, à ne jamais vouloir aucun mal à qui que ce soit. Mais un jour viendra, où sa mémoire lui reviendra, et il ne sera hélas plus aussi mignon et adorable qu'il ne l'est jusqu'à présent.

Maxime s'apprêtait à ouvrir son sac de nouveau, comme s'il voulait juste sortir un bout de papier ou peu importe, afin de noter l'information. Mais le professeur Xavier lui demanda plutôt son mail. Ce qui serait tout aussi pratique. Enfin, finalement, Maxime arracha tout de même un bout de page d'un de ses cahiers au hasard, et attrapa un stylo qui semblait s'être perdu au fin fond du sac. Il le récupéra et y nota rapidement son adresse mail avant de tendre le petit bout de papier, en espérant que ce soit assez lisible. « J'y serais. » Fit-il comme s'il venait de promettre sa présence à sa conférence. Et il s'y pointerait, soyez-en sûr. Dans tous les cas, c'était soit ça, soit il irait étudier à la bibliothèque. Bien que la plupart du temps, il était souvent en avance dans ses cours, dans ses devoirs, parce qu'il n'avait que ça à faire. Pas vraiment d'amis, pas de famille, et la compagnie des livres lui donnait cette impression d'être bien moins seul.

C'était un gamin curieux, et qui n'avait pas peur de se pencher sur des domaines qu'il ne connaissait pas forcément. Justement, c'était plus intéressant, n'est-ce pas ? Après quant à savoir si ça lui plairait ou non, il le découvrirait bien assez tôt. Il fallait essayer avant de dire que nous n'aimons pas telle ou telle chose, tel ou tel sujet.

Maxime écoutait avec beaucoup d'attention le professeur. Cependant, ça le chiffonnait un peu, tout du moins sa question le dérangea. Il pouvait comprendre, il comprenait même un peu mieux la situation concernant Manon. En revanche, quant à savoir s'ils étaient tous ainsi, tous désireux à chercher quelque chose ou quelqu'un pour s'accrocher à leur vie passée, le jeune étudiant n'en était pas si sûr. En fait, cette idée même semblait le rebuter. On lui avait dit un jour, que s'il avait perdu la mémoire, et que si elle avait de la difficulté à revenir, ça pouvait être pour plusieurs raisons, en plus de celle de ne pas le vouloir dans l'immédiat. Mais que son subconscient pouvait essayer, pouvait vouloir le protéger contre son passé. Qu'il était, semblait-il, si facile qu'une personne lui plante dans sa petite tête, de telles idées. Il secoua faiblement la tête. « Non ! » Lâcha-t-il presque subitement. Comme un refus catégorique de penser comme ce professeur.

« Je comprends, mais ne serait-il pas envisageable que certaines personnes ne désirent pas se souvenir, obtenir ces repères de nouveau ? » Maxime semblait terrifier à l'idée de ce genre de repère, comme si qu'il s'attendait obligatoirement à en récolter que des traumatismes. Des traumatismes qu'il ne voulait guère vivre - revivre - sans n'avoir aucun soutien, en étant totalement seul. Et il se sentait déjà bien seul dans sa situation malgré le fait de savoir qu'il y avait d'autres cas pourtant. Des cas comme lui. Mais eux, étaient tous désireux de retrouver leur passé. Ce qui n'était pas le cas de Maxime. Ça bouchait, dans sa tête.

« Je regrette d'avoir été une désillusion pour elle. J'espère qu'elle trouvera ce qu'elle recherche. » Le ton de sa voix avait changé. On pouvait facilement y lire que c'était un refus catégorique d'être ce genre de personne. D'être un repère pour quelqu'un. Naturellement, c'est seulement car il ignorait toute la vérité, qu'il ne savait pas qui était Manon pour lui.

Maxime avait l'impression de retenir son souffle, comme s'il avait dit ou fait quelque chose de mal, ou plutôt comme s'il avait manqué de respect sans le vouloir. Ou en tout cas, actuellement, il n'était capable ni de manquer de respect, ni de faire le moindre mal, ni même comprendre quand quelqu'un pouvait lui faire du tort, lui mentir, lui faire vraiment du mal. Un effet de sa perte de mémoire qui l'avait rendu telle une petite guimauve. Peut-être que dans le fond, c'est ça qui l'angoissait le plus dans le fait de la recouvrer, sa mémoire. Et si en réalité, il n'était pas une bonne personne, qu'il avait fait du mal à des gens ? Ça lui faisait froid dans le dos, ça lui donnait la chair de poule rien que de penser, d'imaginer ce qu'il était véritablement. Possiblement. Peut-être était-il bien mieux sans ses souvenirs, sous les traits d'un parfait petit innocent, sous un masque d'ange. S'il savait en réalité, il ne serait pas si loin du compte, mais aussi le fait qu'il n'y était pour rien, qu'il n'avait pas demandé que son passé se passe ainsi, façonnant les jumeaux à une image qui ne leur appartenait même plus. Mais à l'heure actuelle, il se sentait juste bien dans ses baskets, si toutefois cela lui était possible sans ses migraines et parfois sans se poser quelques questions à son sujet.

Cependant, bien qu'il avait eu peur de lui avoir manqué de respect, d'avoir était trop direct dans sa réponse, comme s'il était énervé, ce qui pouvait être le cas, mais ne serait-ce pas plutôt de la peur déguisée dans son petit non colérique ? Ce fut une certitude. Mais le professeur Xavier prit son temps de lui répondre, avec douceur et en souriant, ce qui détendit presque aussitôt le jeune mutant. Voilà qui le rassurait aisément. Il haussa faiblement les épaules. « On m'avait dit qu'il est possible que j'ai peur d'affronter mon passé... Est-ce possible ? Même si on ne s'en souvient pas ? » C'était une conception qui pouvait lui échapper. Un peu difficile de se dire que oui, ça serait potentiellement du à cela, alors qu'en réalité, comment pourrait-il le savoir, s'il n'avait même pas un tout petit morceau de son passé ? Il n'y avait rien qui lui venait en tête. Il s'était toujours dit que peut-être était-ce mieux ainsi, qu'il ne souffrirait pas. Mais qu'en savait-il réellement lui ? « Est-ce possible, également, d'obtenir que des bribes de souvenirs, sans jamais vouloir tout récupérer ? » Quoi qu'il posait cette question sans être certain de la bonne formulation, ni même si en réalité, le professeur était en mesure de lui répondre. Ce n'était peut-être pas dans ses cordes.

« Je pense que... je regrette que les gens ne puissent pas trouver le bonheur. » Son côté empathe qui parlait pour lui. Même s'il n'avait plus ses souvenirs, son passé, Maxime gardait un profond lien avec cette empathie. Même lorsqu'il n'usait guère de ses pouvoirs avec bon escient, il avait toujours dit qu'il aimait s'en servir pour faire en sorte que les gens soient heureux. Seulement, il en oubliait qu'il fallait demander l'autorisation de s'en servir sur quelqu'un et non le faire juste parce qu'il voulait que la personne cesse d'être triste. Dans le fond, c'était probablement ce qu'il souhaitait à Manon, qu'elle soit juste joyeuse, heureuse.

Le jeune Maxime observa le professeur sans rien dire. Pour lui, il ne voyait pas trop en quoi le cerveau était fascinant. Mais après tout, ça n'était pas sa branche, ni même sa spécialité, par conséquent, il voulait bien admettre qu'il devait très certainement avoir raison. Quant à son amnésie plus que totale, Maxime ne savait pas trop sur quel pied danser. Il se situait entre la peur et la curiosité de vouloir découvrir ce qui se cachait au plus profond de sa petite tête. Ce fut la peur qui semblait prendre le dessus avec une facilité déconcertante. Tout autant que la peur de découvrir qu'il avait fait du mal, qu'il n'était pas celui qu'il est présentement. Un mauvais gars. C'était terrifiant de savoir qu'il y avait tant de possibilités qui pourraient le concerner. Sans qu'il n'y puisse quoi que ce soit. Il mordilla nerveusement sa lèvre inférieure, partant un peu dans ses pensées. Le professeur n'avait pas tort et il le savait, mais au plus profond de lui-même, une petite voix essayait de l'alerter. De l'alerter sur le fait que si ça se trouve, il était si mauvais par le passé, qu'en recouvrant sa mémoire, il le redeviendrait. Il en eut un frisson. Il secoua faiblement la tête, comme s'il était un peu désespéré par ses propres pensées, ses propres questionnements. « Mais… Imaginons, quelqu'un était un vrai méchant. Qu'il perde la mémoire, le moment où il la retrouve, ne reviendrait-il pas mauvais ? » Il posait tout un tas de questions comme s'il s'attendait à ce que ce pauvre professeur ait toutes les réponses.

Quant à recouvrer quelques bribes de souvenirs, ça pouvait se tenter, mais il avait tellement peur de tomber sur les mauvais et non les bons, qu'il en devenait réticent à cette idée. « Comment peut-on faire cela ? Et… Peut-être est-ce une question absurde, mais peut-on choisir le genre de souvenirs que nous voulons retrouver ? » Qu'il en avait des questions. Tel un gamin très curieux. De sûr, les professeurs ne devaient jamais s'ennuyer avec lui en cours. Toujours à l'affût, attentif et prêt à dégainer la moindre question. Mais d'un côté, il se réconfortait en se disant qu'il devait en avoir l'habitude, non ? Il donnait des conférences, les personnes devaient bien lui en poser des questions.

Il se mit soudainement à réfléchir, sans comprendre comment il pourrait l'y aider, à recouvrer ses souvenirs. Il ne savait même pas s'il le désirait vraiment. Il était actuellement paumé. Et le terme utilisé, le mot dangereux, ça le freinait un peu. Même s'il ne voyait pas trop comment ça pouvait l'être. « Pourquoi dangereux ? » Se risquait-il à demander malgré tout. Et très certainement en ayant un peu peur de connaître la réponse. Mais il ne pourrait jamais accepter, sans en connaître certains détails.

« Je sais bien, mais je n'aime pas voir les autres, autour de moi, être triste ou affecté par quelque chose. » Il avait déjà eu l'occasion de venir en aide à une personne qui semblait toute aussi paumée que lui. Ça paraissait inévitable, c'était comme inné chez lui. Il ne pouvait pas tracer sa route sans essayer d'aider quelqu'un d'autre. Et peut-être aussi que sa peur de recouvrer ses souvenirs, venait de là. Comme s'il avait peur de soudainement n'être plus qu'un sale gosse qui s'en foutrait du bien-être des autres.