Jouer à se faire peur | Maison hantée | [Rose]

Jouer à se faire peur

feat. Rose

A dire vrai, Charles ne serait plus en mesure de dire à quand remonte la dernière fois où il a célébré Halloween. Certains professeurs, parmi les plus motivés, se chargeaient parfois d’organiser quelques festivités à l’intention des élèves de l’institut, et Charles y prenait une part qui n’était jamais franchement active. Pas qu’il n’aimait pas Halloween ou son ambiance particulière, mais les horreurs auxquelles il faisait face la plupart du temps n’avaient rien de factice, et leur réalité avait tôt fait d’effacer celles, plus artificielles, qui avaient pour but de divertir et de divertir seulement… Ici, les choses sont différentes. Ici, l’urgence était moins grande ou la menace, disons, plus insidieuses… Il n’avait simplement pas pris le temps, ou manqué de compagnie, plus simplement.

Quand Rose lui avait proposé de célébrer Halloween et de participer aux événements organisés par la ville, il n’avait cependant pas hésité… Parce que lui importe davantage la compagnie que les activités, quoi qu’il s’est aisément laissé prendre au jeu après avoir fait le tour des différentes activités proposées afin de satisfaire tout un chacun Il a ouïe dire que les festivités d’Halloween étaient par moment l’occasion de sinistres faits divers, mais Charles n’en a pas tenu compte. Lui et Rose ont prévu de jouer à se faire peur, d’abord en explorant la maison « hantée » aux abords de la forêt, puis en terminant la soirée autour d’un feu de camp.

Cette perspective réjouit Charles comme il avait oublié depuis bien longtemps de se satisfaire de quoi que ce soit. La présence de Rose, à qui il a pris l’habitude d’écrire régulièrement, a sur elle un effet très bénéfique. Le véritable rayon de soleil qu’elle incarne en dépit de tout ce qui la tourmente ensoleille le quotidien du mutant, qui en réalité avait cruellement manqué de lumière ces derniers temps. Ses retrouvailles avec Erik et Raven y avaient contribué, d’une certaine manière, certes, mais l’un comme l’autre amenaient dans leur sillage leur lot de nuage et d’intempéries. Avec Rose, tout semble plus simple, bien plus limpide, quand bien même il devine combien sa propre vie a dû être mouvementée.

C’est devant la fameuse maison hantée décorée de façon sinistre pour l’occasion que le duo se retrouve, Charles gratifiant Rose d’un franc sourire en la voyant.

« Bonsoir. » Il observe le décor autour d’eux. Pour l’heure, ils sont peu nombreux à avoir jeté leur dévolu sur cette activité. Beaucoup attendent sans doute que le soleil soit plus bas dans le ciel ou bien encore ait totalement disparu.  « Je me rends compte que j’aurais peut-être dû venir déguisé, pour être dans le ton », commente-t-il en voyant passer à quelques mètres un groupe d’adolescents habillés en allez savoir quels antagonistes de films d’horreur que Charles n’avait bien évidemment pas vus.

Jouer à se faire peur

feat. Rose

Elle est aussi belle que rayonnante, c’est la première réflexion que se fait Charles au moment de l’apercevoir. Il aime la voir ainsi. Un sourire de la part de Rose Tyler vaut tout l’or du monde, ça, c’est une chose dont il a pris bien vite conscience, et ce n’est peut-être pas sans raison d’ailleurs qu’il a eu tant à cœur de lui rendre le moral après l’avoir vu si éprouvée, touché au plus profond de lui-même par la détresse émotionnelle de celle qui, quand elle décide de croquer la vie à pleines dents, n’est plus rien d’autre qu’un véritable rayon de soleil – chose qu’il sait bien mal être lui-même, se laissant souvent rattrapé par des préoccupations qui transcendent et dépassent très largement ses seules considérations personnelles.

« C’est toi qui les as préparés ? » interroge Charles en observant les biscuits d’Halloween qu’elle avait minutieusement disposés dans une boîte. La question est rhétorique, bien sûr, et il est tout à fait admiratif, lui qui est tout l’inverse d’un cordon bleu et oublie bien souvent, pour commencer, de se nourrir convenablement. « Tu es douée. Je sais, tu vas me dire qu’il va falloir que je goûte avant de dire ça. » Il sourit. « Je vais bien. Je suis content de te voir. » Il prononce ces mots avec une sincérité qui le désarmerait presque tant il prend effectivement conscience de la réalité de cette singulière affirmation. « Cette soirée était précisément ce dont j’avais besoin. »

Bien plus que ses soirées habituelles, en tout cas, c’est certain, qu’il passe la plupart de son temps enfermé dans son bureau à l’institut. Quoique dernièrement, ses préoccupations ont aussi pris une autre direction, après le sort cruel qui a été réservé à Manon, sa protégée, et qu’il regrette d’avoir laissé seul ce soir (mais s’il avait voulu rester, elle l’aurait probablement envoyé promener dans tous les cas).

Pour ce qui est des costumes, elle a semble-t-il penser à tout, en effet, et il sourit de plus belle en la voyant extirper de son sac deux serre-tête qui feront en effet parfaitement l’affaire. Elle a le sens du détail, et il se prête au jeu non sans un certain amusement (on va quand même espérer qu’il ne rencontre aucun de ses élèves, sinon il va en entendre parler).

« Le sorcier », suggère-t-il alors avant qu’ils ne se mettent en route, Rose poussant son fauteuil. « Ta cheville a l’air d’aller mieux, je me trompe ? Tu sembles en meilleure forme. »

Physiquement et mentalement, mais il ne l’explicite pas. Rose, dans tous les cas, aura très largement l’intelligence de le comprendre, c’est une certitude.

Tous les deux rejoignent donc la maison hantée. Une rampe d’accès a été soigneusement prévue pour les personnes en situations de handicap, c’est un premier bon point, pour le reste… Le décor qui les attend dans le grand hall à peine éclairé lui inspire davantage de mystère que d’inquiétude, pour l’instant.

« Je me demande s’il y aura des acteurs, dans les pièces de la maison », il suggère en balayant une fausse toile d’araignée d’un revers de la main. « Je me suis renseigné le moins possible, je ne sais pas du tout à quoi m’attendre. »

Jouer à se faire peur

feat. Rose

« Je t’y encourage, en tout cas. Tu as un vrai talent, c’est certain », il dit avec un sourire sincère, autant que le sont ses encouragements, car il trouve bel et bien que Rose excelle en matière de pâtisserie. Non seulement c’est particulièrement joli, mais en plus de ça, c’est particulièrement bon. Bien sûr, rien ne presse, et Rose peut bien décider de faire ce qu’elle veut – d’autant que ça ne captive pas nécessairement tout le monde de se mettre à son compte. Mais il est quoi qu’il en soit évident qu’elle dispose d’absolument tout le talent nécessaire.

En effet, Rose a bien tout le temps qu’elle voudra, le temps de décider de ce qu’elle veut et de ce qu’elle aime faire. Elle est indépendante et débrouillarde, c’est une chose que Charles a immédiatement constatée et appréciée chez elle, et c’est une chose qu’elle lui prouve, par ailleurs, à chaque instant. Pour le moment, autant se concentrer sur l’instant présent. Ce n’est pas toujours une chose simple pour Charles, qui a tendance à se laisser déborder par le nombre de ses obligations, mais impossible de ne pas admettre combien faire un pas de côté et profiter de joies très simple fait le plus grand bien. Quand il évoque à mot couvert ses tourments, Rose s’y intéresse immédiatement, complète même sa question d’un baiser sur sa joue qui le fait sourire. Être proche d’elle est d’une simplicité enfantine, naturelle. Comme si, en compagnie de Rose, tout devenait proprement évident, tout allait de soi.

« Une de mes élèves a été agressée », lui apprend-t-il évasivement, pas parce qu’il veut casser l’ambiance, loin de là, mais parce qu’il ne se voit pas cacher un fait aussi grave et accaparant à son interlocutrice. C’est assez naturellement qu’il lui en parle quand elle lui demande ce qui éventuellement peut le tracasser. Déjà qu’il n’est pas tout à fait honnête envers elle, du moins en mentant par omission, il s’efforce du moins de lui en dire le plus possible. « Elle va bien », ajoute-t-il aussitôt. Ou du moins, elle va bien physiquement. « Mais elle est encore très affectée. »

Et lui veut la soutenir du mieux qu’il le peut. Il s’en veut, surtout, de ne pas avoir su prévenir ce qui était arrivé et d’être intervenu trop tard. A temps, certes, pour sauver la vie de Manon, mais pas suffisamment pour faire face à ses assaillants ou, tout simplement, anticiper le mal qui lui avait été fait. Plutôt que de s’appesantir plus longuement, il s’intéresse au sort de Rose qui lui parle de comment les choses ont évolué pour elle. La reprise du travail, le fait de savoir occuper son esprit, parvenir à façonner son propre bonheur… Il est heureux d’entendre qu’elle y parvient. Il ne pourrait rien désirer de plus pour elle.

« Je suis heureux que tu parviennes à trouver ton équilibre », affirme Charles alors qu’ils pénètrent dans la maison hantée.

Quant au programme qui les attend une fois à l’intérieur… il se fait jour assez rapidement. Ils ont à peine eu le temps de progresser qu’un premier comédien fait irruption dans son dos. Charles rit de bon cœur face à la réaction de Rose, quoi qu’il ait été lui-même pris de court.

« J’aurais dû prendre des cache-oreilles assortis au serre-tête », dit-il avec le sourire, alors que le comédien leur rôde autour avec de grands yeux, le visage maculé de faux sang. « Il y en a un autre, juste derrière la porte », présage-t-il ensuite.

Pas parce qu’il l’a vu, mais parce qu’il a entendu ses pensées.

Jouer à se faire peur

feat. Rose

« Certaines expressions peuvent sembler éculées, mais ça ne les rend pas moins vraies, j’ai par exemple tendance à penser qu’il est préférable de vivre avec des remords qu’avec des regrets… Même si dans l’idéal, autant ne vivre avec aucun des deux. Quoi qu’il en soit, je serais ton premier client si tu devais décider de te lancer dans ce nouveau projet. »

Un projet stimulant, et dans lequel elle s’investira probablement à fond, car Charles n’imagine pas Rose faire quoi que ce soit à moitié. De ce qu’il connaît d’elle, ce serait clairement bien mal lui ressembler. Et en ce qui concerne Charles, il se promet de la soutenir quoi qu’elle puisse décider de faire, parce qu’elle a le talent, la volonté et l’imagination, et que des esprits aussi remarquables se doivent définitivement et à tout prix d’être encouragés. Il s’intéresse vraiment au discours de Rose, et il aurait pu l’écouter encore longtemps, mais le sujet dérive sur lui, comme ils ont cette facilité à jongler de l’un à l’autre sans jamais négliger aucun des deux sujets.

Naturellement, le sujet de Manon est très délicat… c’est sans doute pour ça qu’il n’a pas su s’empêcher d’en parler. Il est très affecté par cette situation, surtout parce qu’il s’en veut de n’avoir pas su intervenir plus tôt, de n’avoir pas su la protéger autant qu’il le voudrait. En parler, l’air de rien, lui fais du bien… Et il ne sait qu’apprécier la proposition de Rose. Elle a vraiment le cœur sur la main, mais c’est loin d’être une surprise. Rose s’est très vite révélée à ses yeux comme quelqu’un de particulièrement empathique et généreuse, et c’est probablement là l’une des choses qu’il apprécie le plus chez elle.

« Je suis sûr que des gâteaux comme ceux que tu as préparés feraient déjà des miracles sur elle. » Il sourit. « Pour être honnête… je crois que j’aurais beaucoup de choses à te dire. »

Car oui, il le ressent, il peut vraiment tout lui dire, et il n’a pas particulièrement envie de lui mentir, pas même par prudence. Il sait qu’il peut lui faire entièrement confiance. Oui, il sait qu’il peut effectivement tout lui dire, et cette pensée lui fait véritablement le plus grand bien. Peut-être cela lui avait-il toujours manqué, sans même qu’il s’en rende réellement compte : la présence d’un confident, d’une personne avec qui il pourrait absolument tout partager, sans réserve ni concessions.

« Mais on verra ça une fois qu’on aura affronté l’horreur en personne », il ajoute au sujet de la maison hantée qu’ils s’apprêtent à visiter.

Et une fois à l’intérieur, ils doivent bien constater que la ville n’a pas fait les choses à moitié. Une maison hantée, avec de vrais acteurs aux costumes très réalistes pour leur faire peur… Heureusement, Charles, lui, a un coup d’avance, mais il décide de le garder pour lui pour commencer.

« Je t’expliquerai », promet-il quand elle lui demande comment il a pu capter la présence de l’acteur juste derrière la porte. Et c’est sincère. Oui, il lui expliquera.

« Pour être honnête, pas vraiment », dit-il quand Rose lui demande s’il aime les films d’horreur. « J’ai toujours préféré les comédies romantiques. »

Jouer à se faire peur

feat. Rose

« Je pourrais t’aider un peu si tu le souhaites. Pas que j’ai une grande passion pour ce qui est administratif, mais par la force de l’habitude, je me débrouille pas trop mal », dit-il avec un fin sourire quand son interlocutrice lui apprend qu’elle redoute l’administratif…

Il comprend cette appréhension, car ce n’est pas une passion pour grand monde, mais en effet, au sein de l’institut, il a dû faire face à de nombreuses considérations administratives, pour cette raison, il ne pouvait qu’être préparé à ce qui suivrait.

Bien sûr, ce n’est qu’une proposition, que Rose est en droit de refuser ou d’accepter, et ils remettent ce sujet à plus tard, alors qu’il accepte de lui parler de ce qui le tracasse, du sort de Manon et des conséquences de son agression. Il a peur de ne pas être capable de lui rendre le sourire, le goût de sortir, sa confiance dans les autres qui a largement été entamée par sa sinistre expérience… Les conseils de Rose ne sont que d’autant plus précieux à ses yeux.

« Elle est passionnée par la mode », dit-il quand elle l’interroge à ce sujet, sans savoir si cela sera susceptible d’inspirer Rose ou non, toujours est-il qu’il lui adresse un sourire ce qu’il y a de plus reconnaissant, pour le temps et l’énergie qu’elle est prête à consacrer à cette situation, parce qu’elle a le cœur sur la main.

De salle en salle, Charles admire le jeu des comédiens, qui rendent leur expérience au sein de la maison hantée particulièrement immersive. Certes, Charles, de son côté, est avantagé par son pouvoir… et tant mieux, cela lui évite de casser les oreilles de Rose en criant à lui en casser les tympans. Et c’est alors qu’ils continuent d’explorer prudemment les lieux et d’apprécier le moment que Charles fait à Rose une confidence qui a semble-t-il le don de la surprendre. Son goût pour les comédies romantiques. Il est vrai que ça ne se devine peut-être pas au premier coup d’œil, mais c’est sincère.

« Tu sais quoi ? Je pense que ce serait la meilleure soirée d’Halloween que je pourrais espérer », confirme Charles alors que Rose suggère que plutôt que de s’infliger une nouvelle activité horrifique, ils pourraient tout à fait se gaver de sucreries devant un film à l’eau de rose. « Je dois avoir tout ce qu’il faut chez moi. Et on ne devrait pas être dérangés, les quelques résidents de l’institut sont probablement sortis pour la nuit. »

Autant se faire plaisir et se remettre tranquillement de leurs émotions en faisant quelque chose qui leur plaît et leur réchauffe le cœur à tous les deux, après tout.

Jouer à se faire peur

feat. Rose

Charles affiche un fin sourire qui a valeur pour lui de parole qui ne peut être reprise. S’il propose à Rose de l’aider, ce n’est certainement pas pour revenir sur ses propos ensuite. Il a véritablement envie d’aider Rose à accomplir ses objectifs, et il trouverait dommage qu’elle se laisse submerger pas des considérations administratives. Lui-même est bien trop habitué à de telles formalités, quand on dirige un institut tel que le sien, c’est naturellement une chose indispensable. Alors oui, ce ne sera pas vraiment une difficulté pour lui… et par ailleurs… chaque opportunité qu’il peut se donner de passer du temps en compagnie de Rose lui paraît être la meilleure opportunité du monde par essence. Rose a un bel avenir devant elle, et avec une telle énergie et un tel tempérament, quoi qu’elle décide de faire par la suite, elle s’en sortira avec les honneurs, il est prêt à le parier.

La visite de la maison hantée se poursuit, et Charles doit bien se rendre à l’évidence : il n’y aurait pris aucune forme de plaisir, même lointain s’il n’était pas en compagnie de Rose. Jouer à se faire peur ne l’a jamais tant amusé. Il y a bien assez de dangers, bien réels, bien présents, à affronter pour ne pas s’en inventer en complément… oui, ce n’est pas une vision très heureuse des choses, mais Charles en a trop vu et trop affronté au cours de son existence pour ne pas avoir adopté cette vision au fil du temps. Attraper au vol les pensées des acteurs aide à ancrer leurs interventions dans une réalité qui aura moins le don de faire frissonner, et même si c’est clairement de la triche, Charles en est ravi… mais pas autant que par l’idée d’inviter Rose chez lui. Ils seront bien mieux qu’où que ce soit d’autre. Il laisse ces jeux à ses étudiants, qui y trouveront très certainement plus d’intérêt que lui.

Il n’est pas mécontent de sortir et d’entendre de loin les cris faussement paniqués de gamins qui prennent plus de plaisir à ce jeu que Charles, dont tout le plaisir qu’il éprouve en cet instant est accaparé par la présence rayonnante d’une seule personne. Oui, il lui fait visiter l’institut, il ne compte pas revenir sur sa parole.

Tous les deux quittent donc les lieux, et il leur faut une vingtaine de minutes pour se retrouver devant les portes de l’institut, un imposant manoir qui, à première vue, est aussi le moins approprié à toute personne à mobilité réduite tant l’architecture paraît classique, celle de ces vieux manoirs victoriens. Mais toutes les mesures avaient été prises, pour lui faciliter la tâche. Charles leur ouvre les portes de l’institut.

« Bienvenue chez moi. Je sais, c’est impressionnant de l’extérieur… ça l’est encore plus une fois à l’intérieur », affirme-t-il d’un ton taquin, avant d’ouvrir la porte sur un très grand hall spacieux. « Je vais t’épargner la visite des salles de classe, je nous suggérerais de commencer par le plus utile. » Il la guide jusqu’à un couloir et une porte donnant sur une cuisine à l’ancienne mais confortable. « Il doit y avoir du pop-corn dans un des placards du haut. »

Jouer à se faire peur

feat. Rose

Charles ne peut s’empêcher d’afficher un sourire en coin quand Rose s’extasie face au manoir que lui aussi trouve absolument superbe. En soi, il n’y est pas pour grand-chose. A l’époque, c’était son héritage familial, et même si, au fil du temps (et au gré de multiples destructions…), il y avait clairement mis sa pâte personnelle et l’avait arrangé à sa guise, le manoir a tout de même conservé son aspect d’antan… Cela aurait été important pour Charles de le reconstruire à l’identique si l’île mystérieuse ne lui avait pas donné un sérieux coup de pouce à ce sujet… mais puisqu’il s’était réveillé dans son manoir, dans cette ville, à l’identique de celui qu’il avait quitté… la question ne s’était pas vraiment posée.

« J’adorerais en apprendre plus sur le TARDIS », confirme Charles avec un sourire alors qu’il offre à Rose de découvrir plus attentivement les lieux de l’intérieur.

Un détour par la cuisine n’est pas du luxe, même si ce n’est en rien la pièce la plus impressionnante du manoir, si on la compare aux différentes salles d’entraînement, ou encore à la pièce qui contient Cerebro… mais inutile de commencer par là directement. Auprès de Rose, Charles ressent un besoin sincère de réconfort et de simplicité…

« Je dis oui à tout, je veux plonger dans un coma sucré pour le reste de la soirée », s’amuse-t-il quand elle suggère de récupérer des gâteaux, et de préparer du chocolat chaud. « Je te laisse faire, je serais capable de rater un simple chocolat chaud, je suis loin d’avoir tes compétences culinaires. »

C’est un fait. Charles est une véritable catastrophe pour la cuisine, mais fort heureusement, faire la cuisine n’est pas exactement une chose que ses pairs attendent de lui, et on lui pardonne assez facilement de se focaliser sur des priorités bien différentes. Il lui laisse le soin de tout préparer, et d’évoluer dans ce manoir comme si elle était chez elle. Il aime trouver qu’elle est immédiatement dans son élément. Il aime voir Rose ici, dans ce cadre. Ce n’est pas toujours facile de laisser quelqu’un d’extérieur accéder à son… univers… Il aurait plutôt tendance à vouloir protéger autrui de sa vie ô combien compliquée… mais avec Rose, c’est ça la vraie magie… rien n’a l’air vraiment compliqué, et tout semble véritablement, naturellement, couler de source.

« Suis-moi », il lui fait une fois que tout est prêt, gardant le plateau entre ses mains, afin de soulager la pauvre Rose qui en fait beaucoup en dépit de sa patte folle. « Tout dépend de si tu te sens prête à pleurer un bon coup ou pas. J’ai regardé trop de fois Titanic pour que ce soit avouable. Mais je n’ai rien contre un petit Bridget Jones. »

Ils arrivent dans un petit salon confortable, où les attend un canapé moelleux (enfin, s’il ose demander à Rose de l’aider à s’y asseoir) et une télé grand écran, ainsi qu’un plaid duveteux.

Jouer à se faire peur

feat. Rose

La confiance que Rose place en lui lui fait non seulement chaud au cœur mais encourage Charles, en retour, à vouloir lui adresser une confiance équivalente. Il sait qu’à cette jeune femme exceptionnelle, il peut se permettre de tout dire. L’information est aussi précieuse que dangereuse, il est bien placé pour sa voir qu’il est préférable, en toute circonstance de l’adresser avec la plus grande parcimonie… quand on porte des secrets aussi douloureux pour soi que dangereux pour les personnes qui nous entourent, l’on est contraint à la plus grande prudence. Mais avec Rose, il n’estime pas nécessaire de s’inquiéter plus que nécessaire. Elle le lui prouve à chaque instant. Elle ne le décevra pas… de même qu’il n’a pas la moindre envie de le décevoir.

« Tu serais surprise par le nombre de choses pour lesquelles je ne suis pas doué. Je sais, ça ne se voit pas au premier coup d’œil », plaisante-t-elle humblement alors que Rose s’affaire à préparer ce qui sera probablement le meilleur chocolat chaud qu’il ait jamais dégusté.

Ce ne sera probablement pas difficile vu la médiocrité de ceux qu’il prépare pour lui-même, mais c’est un autre débat. Une fois les chocolats prêts, ils s’installent tous les deux dans la pièce où les attendent un canapé confortable et un grand écran. Quand Rose s’installe, il lui adresse un sourire de gratitude, quand elle lui propose de l’aider, non sans suggérer que ce n’est jamais qu’une suggestion. A aucun moment, depuis leur rencontre, elle n’a suggéré que son handicap pouvait être une anomalie ou un frein à quoi que ce soit. Elle lui a également épargné ces questions embarrassantes que s’autorisent certains en le connaissant à peine (comme l’interroger sur les circonstances de son handicap ou sur l’ampleur de ses incapacités, sans le laisser maître d’un tel récit). Ne serait-ce que pour cette raison, il l’a appréciée encore davantage, si cela était vraiment possible.

« Je ne serais pas contre un peu d’aide », répond-t-il avec un fin sourire en se laissant assister afin de prendre place confortablement sur le canapé à ses côtés. « Merci », il lui adresse son plus sincère sourire et se saisit de la télécommande pour sélectionner le film qui servira de toile de fond à leur soirée qui a commencé dans la peur de façade et qui s’achèvera dans la douceur la plus totale. « Coup de foudre à Notting Hill, c’est parti, ça fait une éternité que je ne l’ai pas vu, en ce qui me concerne. »

Et il passera probablement plus de temps à détailler les traits du visage de Rose qu’à s’intéresser à ce qui se passera sur son écran, mais ça, c’est une autre histoire.

« Je compte sur toi pour doubler les acteurs en temps réel, je veux vérifier que tu connais vraiment le film par cœur. »

Jouer à se faire peur

feat. Rose

Sans doute que Rose, oui, n’est pas douée dans tous les domaines. Personne ne peut être doué dans tous les domaines, et Charles, même s’il dispose d’un esprit hors du commun et d’une intelligence supérieure à la moyenne, ne fait pas exception. Rose ne peut pas briller dans tous les domaines, mais elle brillera toujours au moins un peu, à ses yeux, car l’aura qui l’environne est absolument attirante, et Charles serait bien incapable d’y résister. Il la trouve si honnête avec elle-même, si franche et si entière dans la moindre de ses initiatives, que cela la rend plus belle encore à ses yeux qu’elle ne l’est déjà – et ce n’est pas peu dire, car Rose est quelqu’un de vraiment très exceptionnel.

Tous les deux viennent s’installer sur le canapé. Rose l’aide beaucoup à s’installer. Cela ne lui pose aucun problème. Il apprécie le soin qu’elle met à ne pas le mettre mal à l’aise, à appréhender son rapport à son handicap avec une délicatesse appréciable, qui ne sombre ni dans le validisme, ni dans le misérabilisme à outrance.

Rose ne lui a pas menti quand elle disait qu’elle connaissait le film par cœur, et Charles rit de bon cœur en l’écoutant emprunter les voix des personnages afin de leurs voler leurs répliques. Charles pourrait se joindre à la fête en se servant de ses pouvoirs pour lui donner la réplique, mais il préfère l’écouter. L’écouter et la regarder. On ne va pas se mentir, il passe sans doute autant de temps à regarder l’écran et à suivre les péripéties de Hugh Grant et Julia Roberts…

Elles lui importent finalement bien peu en comparaison de cette tête posée sur ses épaules, de cette présence tout contre lui. Elle est en confiance, et lui, il se sent bien à ses côtés. Ce qu’il y a entre eux est naturel, rien d’autre que naturel, et cela faisait longtemps qu’il n’avait plus ressenti quelque chose de tel. C’est simple, c’est évident, c’est tendre, c’est doux. Pas de drame, pas de rivalité complexe, pas d’impossibilité idéologique, rien d’autre que la complicité naturelle entre un homme et une femme qui, de toute évidence, se plaisent énormément, et s’attirent tout autant.

« Encore davantage », répond Charles avec un fin sourire quand Rose se redresse pour le regarder dans les yeux et lui demander si le film lui plaît toujours autant. Oui, il apprécie ce film plus que jamais, pas parce qu’il aurait soudainement gagné une profondeur ou des qualités cinématographiques insoupçonnées… Mais parce qu’il est avec elle, et elle rend chaque instant plus beau, plus mémorable.

Charles dépose un sourire sur ses lèvres, conscient du peu de centimètres qui séparent leurs visages l’un de l’autre. Avec douceur, il glisse ses doigts dans ses beaux cheveux blonds, tout en lui adressant un regard empli de tendresse. Avant de briser le peu d’espace qui sépare encore leurs lèvres pour l’embrasser avec tendresse.

Jouer à se faire peur

feat. Rose

La complicité, entre eux, est telle qu’elle tient de l’évidence. Charles n’a ni envie de la nier, ni le désir de l’éluder. Il se sent bien, avec Rose. Avec elle, chaque moment semble d’une limpidité apaisante et douce… cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas senti à ce point en phase avec quelqu’un d’autre… Et ça lui fait du bien. Beaucoup de bien. Avec Rose, il se laisse vivre, et la vie lui semble particulièrement douce. Elle est sa respiration, une respiration bienvenue dans son existence chaotique. Elle lui rend son baiser, et les battements de son cœur s’emballent quand ses lèvres s’écrasent sur les siennes plus longuement, plus passionnément.

Il sourit à la remarque de Rose tout en caressant doucement ses cheveux blonds du bout des doigts. Il pourrait probablement passer des heures à ne faire que la regarder, sans avoir besoin de sonder son esprit, juste pour le plaisir de contempler son regard et de s’y noyer, longuement. Ce moment suspendu dans le temps est sans nul doute l’un des plus simples et en même temps des plus tendres qu’il ait eu l’occasion de vivre et d’apprécier depuis bien longtemps.

« Il est difficile de ne pas succomber à ton charme, Rose, tu sais », il dit sans perdre son sourire quand, entre deux baisers, la jeune femme s’exprime avec son cœur, et lui partage son plaisir de savoir que ses sentiments sont réciproques.

Charles n’estime pas que c’est trop tôt, il ne considère pas qu’ils devraient attendre avant de se dire qu’ils ont sur le cœur, il trouve, bien au contraire, la spontanéité de Rose charmante, rafraîchissante. Et surtout, Charles n’a aucun mal à croire que tous les deux sont exactement sur la même longueur d’ondes… Il suffit d’observer le cadre de leur premier baiser pour s’en rendre compte et en avoir le cœur net. C’est évident, ils sont tous les deux deux grands romantiques. Ils ont pris le temps de se découvrir et de s’apprivoiser, et de constater leur attirance mutuelle. Alors, pourquoi se retenir de se dire tout ce qu’ils ont envie de se dire.

« Cette soirée film sera la première d’une longue série », lui promet-il, comme une manière de lui confirmer à mi-mots qu’il prend au sérieux les prémices de leur histoire, et brûle d’en entendre davantage.

Jouer à se faire peur

feat. Rose

« S’il te plaît, viens aussi souvent que tu le souhaites », l’encourage Charles avec un sourire.

Il ressent, profondément, et sans avoir besoin de fouiller l’esprit de Rose, à quel point elle a besoin de se sentir rassurée et véritablement aimée, elle dont le passif affectif a probablement été aussi tourmenté qu’éprouvant – chose que Charles est bien placé pour comprendre de son côté. Il tient à la rassurer, à lui faire comprendre qu’elle n’a à s’inquiéter ni de ses sentiments, ni de son sérieux. Charles est sincèrement, profondément attaché à elle, et il n’est pas la moindre relation dans laquelle il ne se soit pas investi complètement. Et Rose lui donne envie de tout faire pour elle. La récompense de son sourire vaut tout l’or du monde…

Quant à lui, il a tout autant besoin qu’elle de se sentir aimé, d’éprouver cette tendresse qui s’est trop souvent soldée par des blessures de cœur insoutenables. Il s’est senti si seul, ici, pour la première fois depuis bien longtemps, une autre personne le comble de sa présence et le fait se sentir entier. C’est un sentiment précieux. Un sentiment qu’il ne voudrait échanger pour rien au monde. Si ça ne tenait qu’à Charles, s’il n’était pas un minimum raisonnable, il lui proposerait directement de s’installer ici, à l’institut, à plus forte raison qu’il y a bien assez de place au sein du manoir, en dépit de la présence de quelques professeurs et élèves – qui à son grand désarroi ne sont absolument pas nombreux… Mais il ne s’agirait pas de griller inutilement les étapes.

« D’accord… Redis-moi ça quand je t’aurais tout expliqué », dit-il en souriant, quand elle évoque ce « terrible secret » susceptible de la faire fuir. Le secret n’est pas si terrible, mais le connaître est indispensable pour Rose, s’ils veulent espérer construire quoi que ce soit tous les deux. « Je t’ai dit que cette école accueillait des élèves aux capacités exceptionnelles. C’est le cas. Nous sommes ce qu’on appelle des mutants. Notre évolution génétique nous a conféré des compétences qui nous distinguent de la plupart des humains – bien qu’ici, la distinction soit plus complexe. Chaque élève et chaque professeur de l’institut Xavier possède un pouvoir particulier. Et comme tu dois t’en douter à présent, c’est également mon cas », ajoute-t-il avec un fin sourire.

Il laisse déjà à Rose le temps de digérer cette première information avant de lui en dire plus sur sa propre histoire et sur ses propres pouvoirs. Mais il devine d’avance qu’elle acceptera sa nature sans la redouter… Elle lui a bien assez fait comprendre avoir été confrontée à des curiosités autrement plus improbables.