Tu t’étires longuement en regardant au-dessus de toi, allongée sur un canapé que t’as rajouté dans l’observatoire. Certes y’a normalement pas grand chose à regarder car y’a rien de plus informatisé qu’un lieu comme celui-ci, avec une coupole qui ne s’ouvre que pour faire passer l’immense télescope, mais t’as un poil bidouillé la zone histoire d’arranger ça. Maintenant, grâce à divers projecteurs holographiques, le ciel que le télescope observe se projette sur le plafond en dôme de l'observatoire et te plonges très loin de cet endroit, dans un espace que tu voudrais voir de la lune si tu le pouvais de nouveau. Quoique tu fasses tu n’as plus tes DS perso, alors tu fais avec les moyens du bord dans cette ville à la technologie archaïque. Déjà t’as trouvé cet endroit pour être en paix et tu ne pensais franchement pas pouvoir être aussi près de ton astre avant de trouver le deal avec Charles.

Enfin tout n’avait pas vraiment commencé comme ça. T’avais sauté un peu trop rapidement aux conclusions quand t’avais découvert cet institut mais comment ne pas superposer ce que tu voyais et ton expérience personnelle ? Certes l’institut était loin de ressembler aux corpos de ton monde mais pourquoi se ressembleraient-elles toutes à vrai dire ? Et ça y faisait penser, avec des jeunes qui étaient élevés ensemble car “différents” mais sans que tu comprennes en quoi. C’est quand t’avais envisagé d’en savoir plus et que t’avais vraiment mis le nez dans les papiers du directeur que t’avais compris ton erreur et surtout que tu l’avais rencontré lui. C’était une erreur de débutante de ta part de te faire prendre comme ça mais quand ça concernait Arasaka ou bien David, t’en devenais vraiment imprudente. Il avait réussi à apaiser ta méfiance et te faire comprendre son objectif, mais t’avais décidé de le voir pour le croire. Cependant t’avais baissé les “armes”, lui remettant en état toute son informatique en signe de bonne foi. Même si tu ne lui avais pas raconté ton enfance et les raisons exactes de cette attaque de ta part, il avait accepté de ne pas te dénoncer et t’avais même proposé un deal qui te convenait.

Et t’étais restée parce que finalement t’avais un accès complet à l’observatoire et aussi, même si tu ne le disais pas, parce que tu veillais sur les étudiants qui se trouvaient ici. T’avais l’impression de voir la maison que vous aviez pensé trouver lors de votre fuite des sous sol d’Arasaka il y a 18 ans. Sauf que t’étais la seule à avoir survécu et que ta vie n’avait pas été si idyllique que ça. Mais le passé est le passé et tu ne peux rien y faire, tu peux juste aider ceux qui sont hors normes, tout comme toi. En deux ans t’as donc refait tout l’informatique de l’institut pour en faire quelque chose de bien plus moderne, travaillant désormais sur les équipements de tout le monde, des professeurs aux élèves. On peut dire que l’endroit est à la pointe de la technologie désormais. Et encore tu pourrais faire bien plus mais faudrait que ça rentre dans le budget. Bon l’observatoire est fou mais ça, tu l’as fait sur tes crédits persos.

T’as beau être dans la contemplation du ciel, t’entends le son caractéristique des roues du fauteuil de Charles dans le couloir et te redresses, sans pour autant couper la projection. Il ne l’a peut être pas vu mais il n’est pas idiot, il connait ta passion pour le ciel et surtout la lune. Tu sifflotes juste pour que la lumière se rallume un peu, de façon tamisée.

« On fait des heures supp’ ? »

Demandes-tu en le voyant apparaître. C’est de la taquinerie car vous êtes aussi grave l’un que l’autre sur ce sujet là, à vous faire des journées de fou, et c’est bien pour cela que tu te permets. Tu te redresses pour venir à sa rencontre.

« Ou t’as enfin le temps de me montrer cette salle que tu caches si précieusement ? »

Vous en avez déjà parlé et il t’a dit qu’un jour il t’en parlerait car tu pourrais “certainement comprendre”. Ca t’avait rendue curieuse forcément mais t’avais respecté qu’il veuille pas te montrer ce qui s’y trouvait. Pour qu’il vienne te parler à cette heure, c’est qu’il a quelque chose de personnel à te dire ou bien qu’il accepte enfin d’en dévoiler un peu plus sur lui. Après c’est de bonne guerre, tu ne lui as jamais raconté ta vie même s’ils semble toujours savoir ce qui se passe dans ton esprit. Certainement un don mais pareil, t’as pas insisté, c’est à lui de décider de t’en parler. Après tout, depuis cette nuit où vous vous êtes retrouvés face à face, vous vous êtes toujours dit que c’était l'honnêteté qui comptait.

Tu sais bien qu’il ne voit pas les choses ainsi parce que les heures ne comptent pas tant qu’on fait ce qu’on aime et surtout qu’on protège les siens, mais ça reste une heure bien tardive pour se déplacer au sein de l’institut. Et puis t’aimes bien le taquiner sur ce sujet comme t’es comme lui, ne comptant jamais tes heures si t’en as envie. T’en as passé du temps à faire que tout fonctionne ici, poussant la technologie autant que tu le peux pour le moment. Pour le reste il va falloir que tu travailles car si tu veux que ça existe de nouveau il faut tout recréer de A à Z et ce n’est pas ce que tu faisais avant. C’est hyper intéressant d’être soudainement à la place de ceux qui créaient toutes les améliorations que vous portiez mais ça demande des connaissances qu’il faut que t’apprennes voir que tu testes toi-même. Des heures d’amusements avec, forcément, son lot de dangers aussi.

Tu réponds à son fin sourire par le même, le suivant alors dans les dédales de l’institut puisque tu vas enfin avoir accès au seul endroit complètement protégé des agressions intérieures. Tu n’as jamais eu rien à faire sur cette zone, elle avait déjà un système de sécurité bien plus avancé que le reste et semblait tout simplement avoir sa propre volonté. T’en as toujours été curieuse, regardant parfois ses protections en te demandant si tu les brisais ou pas, mais t’as décidé de faire confiance à Charles, comprenant que c’est une partie de lui. Tu peux faire beaucoup de choses par envie, tu n’es pas forcément quelqu’un de “bien” au sens propre du terme, mais tu sais ce que c’est de vouloir protéger son intégrité personnelle alors t’as respecté ça. Et ça paie aujourd’hui, alors que vous marchez tous les deux dans les couloirs.

Tu ne peux t’empêcher de regarder comment il désactive le tout, comprenant bien vite que, sans lui, tu ne peux pas le faire. Ou alors faut hacker la protection mais sans ton matos de netrunner t’as un doute de passer ça si facilement. Quand tu poses enfin les pieds dans cet immense dôme, tu siffles d’admiration en tournant sur toi-même.

« Quelle beauté ! »

C’est pourtant un lieu extrêmement vide qu'on pourrait trouver quelconque mais t’en devines assez bien l’utilisation, s'avançant jusqu’au centre pour étudier ce qui s’y trouve, remarquant tout de suite le casque.

« On peut dire que c’est plus imposant que la baignoire d’où je me branchais pour pénétrer les réseaux de Nightcity. Il n’y a que toi qui t’en sers ? »

Pour savoir si tout ce matériel n’est fait que pour lui ou si d’autres peuvent s’en servir à partir du moment où ils sont formés pour. Tu te doutes qu’une personne lambda aura vite fait de perdre son esprit dedans mais est ce qu’il faut des capacités en plus de simplement savoir l’utiliser ?

« Que vois-tu exactement avec ?»

Le dôme est si magnifique et pourtant tu trouves le casque si archaïque par rapport au reste mais t’as appris qu’ici tout est bien moins avancé que dans ton monde. Est-ce que c’est vraiment une mauvaise chose ? Quand tu te souviens de tes années enfermée dans les sous sol d’Arasana, à parcourir l’ancien web avec les autres, mangée par les démons qui s’y trouvaient parce que vous n’étiez que de la “chair à canon”, tu te dis que la technologie avancée n’est pas forcément toujours un atout. Et cette pensée ne peut être contredite par la mort de l’homme de ta vie, en pleine crise de cyberpsychose. Des moments difficiles qui te font relativiser quand tu rales après la batterie de ta tablette qui flanche ou la lenteur des calculs de tes machines. Oui t’allais plus vite avant mais est-ce que t’as vraiment envie de retrouver exactement tout ça et que ça recommence ? Difficile à dire.

T’écoutes Charles en silence, essayant de comprendre ce qu’il t’explique sur la machine mais ça te parait assez clair en vérité. Chaque être humain à sa propre signature et tu le sais puisque, dans ton monde, chaque être était connecté au réseau et qu’il t’était facile de retrouver ceux que tu cherchais grâce à leur signature. Bien entendu il y avait les netrunners comme toi qui savaient se cacher mais peu de personne avait ton niveau ou celui de Kiwi.

« Oui je vois bien. J’avais un système similaire mais plus roots dans mon monde. Ça me permettrait de me plonger totalement dans le réseau et non pas juste superficiellement comme quand j’étais “éveillée”. Ainsi je pouvais suivre les chemins de chacun et briser plus facilement la glace des endroits où je voulais aller. »

Enfin tu te comprends pour ce qui est du terme “roots” car le branchement en lui-même était bien plus évolué comme il était directement dans ta nuque grâce à ton deep dive, mais tu restais simplement plongée dans la glace de ta baignoire. T’aurais pu avoir bien plus et Maine tout comme David ou bien Kiwi t’en avaient parlé de nombreuses fois mais tu ne voulais plus avoir l’impression d’être branchée comme chez Arasana. Tu voulais que ce soit simple et ne te donne pas l’impression d’être encore une batterie.

« Est ce qu’il y a des dangers à se brancher ? Est-ce qu’il est possible de se perdre dans le réseau ou bien d’y subir une attaque ? »

Chose que t’as déjà vécu et qui te paraît évident à demander avant de faire le moindre test car, oui, t’as aucune inquiétude à tester cet appareil s’il accepte.

T’écoutes avec grand intérêt. Qu’il ne s’inquiète pas, tu ne te brancheras pas à Cerebro sans son accord car tu ne sais pas exactement comment il fonctionne et surtout parce que tu n’es pas une mutante, même si tu penses que vous pouvez vivre tous ensemble. Le principe de cet endroit est évident car tu fais des parallèles avec ce que t’as vécu. Certes t'étais branchée dans le réseau, ce qui peut paraître loin de l’esprit mais, en réalité, pas tant que ça. A une époque où on a des connexions à même le cerveau pour pouvoir passer ses appels en y pensant seulement et où on se chrome le corps pour être plus solide et performant, le fait de pouvoir voyager aussi facilement sur la toile permet d’aller dans les pensées les plus profondes de tout le monde, un peu comme un télépathe informatique. C’est flippant quand on y pense mais c’était ton monde : imparfait et brutal.

« Mais s’il est capable d’amplifier les capacités psychiques, en faut-il forcément des hors norme ou est-ce qu'un entraînement quotidien est suffisant ? » Demandes-tu avec curiosité. « Je sais qu’il y a des personnes qui ont naturellement un don pour ce genre de “voyages” car j’ai des prédispositions qui ont fait que j’ai été connectée très jeune… » Euphémisme mais t’en diras pas plus. « … mais est-ce envisageable de s’en servir, même une unique fois, sans être un mutant ? »

Tu regardes en dessous de toi, à moitié en équilibre dans le vide, n’ayant vraiment aucune peur de tomber et n’ayant absolument aucun vertige. Tu te remets bien ensuite, comme si t’avais vu ce que tu cherchais et reportes ton attention sur Charles.

« Je sais ce qu’est la folie. Dans mon monde la technologie était telle qu’elle était implantée à même le cerveau et le chrome remplaçait la peau et les organes. Savoir voyager dans cette toile était pouvoir entrer jusque dans l’esprit des gens que tout cela rendait fou. Le corps humain est fait pour rester organique, pas pour se lier à autant du métal et des circuits qui ne sont pas naturels. Le cyberpsychose tuait beaucoup trop. »

Maine par exemple. C’est encore si douloureux pour toi de penser à la façon dont tu l’as perdu même s’il est allé jusqu’au bout de son caractère et est mort en tuant ceux qui vous poursuivaient. Et puis David ensuite… Mais tu chasses cela de ton esprit rapidement car tu préfères rester concentrer sur cette conversation et la découverte de cette salle.

« Je comprends donc le danger dont tu parles, mais as-tu quelqu’un pour te sortir de là si jamais quoi que ce soit se passe ? Ou pour te seconder ? »

Charles est un puissant mutant, tu l’as bien compris, mais on ne sait jamais ce qui peut se passer. Toi même t’as été bien souvent trop téméraire sur certaines missions et cela a entraîné beaucoup de conséquences, y compris la mort de ton compagnon.

C’est ce que tu pensais. Et tu comprends sa réticence à laisser quelqu’un de non formé et de non mutant se servir de Cérébro vu la puissance qu’il a, car tu ne laisserais pas quelqu’un se faire équiper d’un deep dive comme le tien et pénétrer la toile et les glaces sans un bon entraînement. Ce sera juste un suicide mental, une raison de finir comme un légume chez soi sans jamais pouvoir revenir au réel. Non vraiment tu comprends Charles bien plus qu’il ne le pense. Quoique, ne lit-il pas dans tes pensées après tout s’il le désire ? Il doit donc savoir exactement à quoi tu réfléchis s’il veut être sûr que tu ne feras pas de conneries. Et tu pourrais en faire, t’en as déjà fait pour les gens que t’aimes, mais ici il n’y a pas le seul être qui t’a vraiment fait passer tes propres limites pour le protéger. Pour rien d’ailleurs…

« C’était ainsi. Un cercle vicieux dans lequel il était complexe de ne pas mettre un pied. Commencer à s’améliorer le corps permettait de ne pas rester au bas de l’échelle sociale et d’avoir accès à plus de choses. Et ensuite il fallait plus de chrome pour améliorer de nouveau son corps et que ce soit cohérent. Après tout, ça sert à quoi d’avoir des jambes qui courent vite si on n’a pas le cœur qui va avec ? Tu vois l’idée? Puis les injections pour supporter tout le chrome, puis la folie quand le chrome est trop présent dans l’organisme. »

Ce n’est pas vraiment une confidence ce que tu lui fais, c’est plus une explication de ce qu’était ton monde et surtout de la façon de vivre d’une partie des mecs qui t’entouraient parce que vous étiez plus raisonnables les filles, même si Rebecca était bien améliorée aussi. Il y avait aussi la puissance de ce que vous portiez, sa façon de l’utiliser, etc. Tant de paramètres pour finir par se déconnecter de la réalité.

« Pourquoi pas ! »

Après tout, s’il est tout seul à gérer Cérébro, on ne sait jamais ce qui pourrait se passer un jour et il faut quelqu’un qui puisse veiller sur lui quand il l’utilise. C’est certainement l'hôpital qui se fout de la charité car t’étais la première à te brancher seule quand t’avais pas envie qu’on voit ce que tu fabriquais mais t’étais consciente du danger de faire ça justement.

« C’est pas se porter malheur que d’y penser. Je sais ce que ça fait de se faire attraper en plein voyage et sans une aide extérieure, il est complexe de revenir à la réalité. Et puis tu ne sais pas ce qui peut se passer à l’extérieur aussi. »

T’avais été sortie une ou deux fois de la glace en urgence parce que vous étiez repérés et qu’il fallait partir vite. Même si cela n’a rien d’agréable de se faire débrancher en catastrophe, ça ne peut être fait que par des personnes qui savent comment le faire sinon c’est un coup à perdre totalement l’esprit.

« A toi de me former. »

Finis-tu par rajouter avec un petit sourire sur les lèvres.

« Je te remercie de ta confiance. »

T’es bien placée pour savoir que ce n’est pas rien d’accepter ce que tu lui proposes. Tu seras la seule, une fois qu’il sera plongé dans Cérébro, à avoir accès à toutes ses fonctions vitales mais aussi à son corps inerte. Tu n’as pas autorisé grand monde à être à tes côtés quand t’étais plongée dans la glace et finalement t’as même été trahie par celle que tu pensais être ton mentor alors la confiance n’est pas quelque chose que tu prends à la légère. Et vu la façon dont vous vous êtes rencontrés, il aurait pu ne jamais y avoir ce lien entre vous mais Charles est un homme fiable et sûr, sur qui tu peux compter. Tu n’as pas besoin de lire dans ses pensées pour le savoir, il te l’a prouvé depuis quatre ans. Quant à toi… T’es secrète et tu ne lui as jamais raconté ta vie mais tu sais que tes pensées te trahissent donc il sait tout mais n’en a pourtant jamais fait allusion, respectant ton silence et t’apprécies ça. Mutant ou non mutant, vous avez beaucoup plus en commun que vos congénères peuvent l’imaginer, et ça te fait plaisir de pouvoir aller plus loin que juste une différence de race car vous avez beaucoup à vous apprendre.

T’écoutes ce qu’il t’explique sur Cerebro pour savoir exactement comment le débrancher s’il y a besoin. A vrai dire le fonctionnement se rapproche énormément de ce que tu possédais même si c’est plus archaïque et global que ce que tu pouvais faire. Tu ne juges pas, ça ne sert pas à faire la même chose mais faire des comparaisons te permet de mieux comprendre et appréhender ce que tu vas devoir faire pour le sortir de là.

« Est ce que t'envisages de continuer de faire évoluer Cérébro ? Car je pourrais m’y intéresser si tu veux. »

Ca t’intéresse de mieux comprendre toute la bête pour explorer au mieux ses possibilités. Difficile de passer à côté comme tu passes des heures à essayer de recréer ce que tu possédais avant. Tu ne cherches pas à récupérer ton corps cybernétique mais juste à retrouver les sensations que tu pouvais avoir avant, quand rien ne pouvait te résister.

« Que se passe t’il si j’enlève ton casque sans cette procédure ? Y a t’il une possibilité pour que ton esprit reste dans la machine ou se perde ? »

Demandes-tu simplement, assez terre à terre sur ce sujet car tu te dis que plus t’en sais, plus tu connais les limites de ce ce que tu peux faire en cas d’urgence. T’as bien compris comment faire pour le sortir de la machine mais si jamais un jour vous n’avez pas le temps ou que la seule façon de couper Cerebro est de tout débrancher en urgence, qu’est ce que ça fait ? Est-il quand même capable de revenir de lui-même ou y a t’il une infime possibilité qu’il reste là bas, comme toi si on te débranche violemment.

« C’est une bonne idée. Si jamais j’ai un doute sur une manœuvre je m'arrêterai et je laisserai passer les cinq minutes pour que tu comprennes. »