(terminé) What we should have lived [Eve]

What we should have lived

feat. Eve

Villanelle s’en veut, terriblement. Elle s’en veut d’avoir fait du mal à sa fiancée, elle s’en veut d’avoir semé le doute et la tristesse dans l’esprit de celle qu’elle aime. Elle a laissé parler ses seules incertitudes, ses propres angoisses, et à présent, c’est Eve qui en fait les frais. Elle n’a su s’empêcher de se sentir en colère, de lui en vouloir… et à présent, c’est contre elle-même qu’elle est en colère, terriblement en colère… et elle ne sait pas plus gérer ce sentiment qu’aucun autre en fin de compte.

« Prête-moi ton super cerveau, s’il te plaît », tente Villanelle avec un amusement mal placé quand Eve observe qu’elle voudrait qu’elle soit à même de comprendre ce qu’elle-même comprend d’elle. Elle le voudrait vraiment, en réalité, ce serait beaucoup simple. Elle aimerait être capable de pénétrer les pensées de son amante, mais faute de le pouvoir, elle continue de s’égarer.

Elle aime entendre Eve lui dire qu’elle a confiance en elle. Elle aime entendre ces mots parce qu’elle sait qu’ils sont sincères… et en même temps, ça lui fait du mal, parce qu’elle n’a pas été capable de lui dire la même chose en retour, quand Eve mériterait sa confiance plus que n’importe qui d’autre. Quand il est question de nommer ses émotion, de comprendre tout ce qui se passe dans sa caboche, elle a l’impression de ne pas avoir évolué d’un iota, et ça l’agace… Elle ne se sent pas à la hauteur de ce qu’elle éprouve elle-même. Villanelle sent bien qu’Eve fuit la conversation, une part d’elle se sent soulagée, elle n’a pas forcément envie d’en discuter plus, au risque de s’enfoncer davantage, mais elle a très peur d’avoir fissuré quelque chose, et que tout finisse par casser si elle ne comate pas la brèche immédiatement.

« Je t’aime aussi, Eve. » Elle le dit avec toute la conviction du monde, elle ne veut pas qu’Eve ait des doutes, elle ne veut pas qu’elle remette tout en question. « Eve… » Eve vient de se lever, lentement, avec précaution pour se rapprocher du cadavre d’Hélène. « Je t’aime », elle répète quand même, in peu plus fort, comme pour l’éloigner de la contemplation du corps, au risque de retourner à une discussion qui l’épuise vraiment. Mais Eve commence à fouiller le corps d’Hélène, le tout pourr ne rien trouver de significatif. Elle ne bouge pas de sa place alors qu’elle la voit fouiller la chambre de fond en comble, en quête d’un indice, mais surtout en quête, très probablement, d’une échappatoire, n’importe laquelle, qui lui évite de revenir plus longuement sur une conversation inconfortable.

« OK », c’est tout ce qu’elle répond quand Eve finit par suggérer qu’elles s’en aillent d’ici et s’efforcent de donner du sens à cette situation. Elle ne va pas y contrevenir. Alors oui, elle accepte de se lever à son tour.

Elle prend l’initiative d’ouvrir la porte de la chambre et alors… Alors le décor change, étouffant, oppressant. Une violente odeur de fumée pénètre l’air tandis que les deux femmes découvrent sous leurs yeux une scène d’incendie. Cette maison dévorée par les flammes, Villanelle la reconnaît. Cette scène, c’est elle qui en est l’auteure… Elles sont plongées dans un nouveau souvenir. Un souvenir qui la concerne.

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Comment tout ceci fonctionne ? Villanelle n’en a pas la moindre putain d’idée, et ça commence très sérieusement à l’inquiéter. Mais quand bien même elle ne saurait au nom de quoi elles semblent voguer d’un épisode déplaisant à l’autre de leurs existences respectives, elle a bien peur de devoir envisager d’en retirer une leçon quelconque. Et c’est, très honnêtement, la dernière chose dont elle puisse avoir envie. Elle n’a pas envie de contempler sa mémoire dans le blanc des yeux et de décider d’en faire quelque chose ou non… Malheureusement, face aux faits bruts, elle est impuissante, et tout ce qu’elle peut faire, dans un premier temps, c’est s’éloigner le plus rapidement possible de cet incendie qui ravage cette demeure familière qu’Eve, pour sa part, découvre pour la toute première fois.

Si toutes deux avaient dû faire face à un épisode qui avait échappé à la mémoire de la principale concernée, cette fois est différente. Villanelle sait précisément où elle se trouve et ce qu’elle a fait à cet instant bien précis, elle sait très exactement quelle est cette maison que les flammes lèchent et dévorent avec appétit, elle sait très précisément ce qu’elle contient… les personnes qui s’y trouvent, surtout. Elle observe alternativement Eve, prise dans la tourmente d’un souvenir qu’elle ne comprend pas (au moins, elles n’auront pas été projetées directement dans la maison en flammes, quelque part c’est une chance), et la maison incendiée, avec une sorte de fascination morbide qu’il lui faut du temps à mettre de côté pour se focaliser plus totalement sur sa conversation avec son interlocutrice, sans la négliger ni la mettre de côté.

« C’est ma maison de famille », elle explique évasivement comme si c’était la chose la plus naturelle à dire et qu’elle n’exigeait définitivement aucune explication complémentaire. La jeune femme se permet néanmoins une précision de plus. « Ma mère est à l’intérieur », ajoute-t-elle d’un ton qui se veut des plus indifférents, accompagné d’un haussement d’épaules.

Elle n’a aucune envie de revenir là-dessus, sur toute cette histoire, elle n’a pas la moindre envie de devoir parler en long, en large et en travers de cette décision radicale et très concrète de faire que le passé parte en fumée. La situation parle d’elle-même pour ainsi dire, certes… En attendant, que sont-elles supposées déduire de tout ceci, sont-elles supposées avoir une grande révélation ou va savoir quoi d’autre ? ça n’intéresse pas Villanelle le moins du monde. Elle ne veut pas être intéressée par tout cela.

« Je comprends vraiment pas ce qu’on fiche ici. »

Comme si le dire changeait quoi que ce soit où leur permettrait d’assister à une autre scène.

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feat. Eve

Villanelle se sent à la fois attirée par les flammes en même temps qu’elle caresse l’envie de s’en éloigner le plus rapidement possible. Elle n’a pas envie de se souvenir de ça, elle n’a pas envie de se remémorer ce souvenir, elle n’a pas envie d’entendre Eve, peut-être, lui suggère de faire preuve de clémence à l’adresse de sa mère, à l’adresse de tout ce qui périra par les flammes au cœur de cette maison de laquelle elle était devenue une étrangère. Elle le sait, Eve ne peut pas comprendre. Elle avait évoqué très vaguement son retour aux sources auprès de sa fiancée, sans pour autant entrer dans les détails les plus sordides.

Le regard qu’elle adresse à Eve quand cette dernière commence une phrase qu’elle ne finit pas est un regard d’avertissement. Il n’est pas question de sauver la moindre vie, il n’est pas question d’appeler les pompiers, il n’est pas question d’agir. Rien de ce qui a eu lieu ici n’était démérité. Absolument rien, et elle n’a pas l’intention de réparé ce qui n’a nul besoin de l’être. Non, il n’en est pas question. Elles ne devront rien faire, elle n’agira pas… Villanelle veut le faire comprendre à Eve d’un regard, mais elle admet bien vite que ce n’est pas réellement nécessaire. Eve l’a compris, elle le sait, et c’est sur elle qu’elle décide avant tout de focaliser son attention… et ça la touche. Même dans cette situation d’urgence et de pure violence, c’est sur elle qui se focalise, sur elle et sur ses états d’âme. Peu importe la tourmente qu’elles traversent, elle reste présente, à l’écoute, elle fait preuve de douceur, elle s’efforce de l’écouter.

« Je t’avais dit que j’étais retournée en Russie… », dit-elle alors, ce qui est une manière de lui faire comprendre que non, cet épisode ne correspond pas à son adolescence ou à son enfance, c’est un épisode plus récent, bien plus récent, un épisode où Eve faisait d’ores et déjà partie de sa vie. C’est récent, oui, et elle n’a pas envie de revenir là-dessus. « Je sais pas à quoi je m’attendais en revenant. J’ai cru… »

Elle avait cru pouvoir renouer avec une famille qui était ravie de ne plus l’avoir dans sa vie. Une fraction de seconde, elle a vu à quoi sa vie aurait pu ressembler… mais tout s’est effondré, ensuite, dans des proportions qui ont échappé à toute compréhension.

« T’as pas idée de ce qu’elle m’a dit… » Elle pousse un soupir. « Elle voulait que je m’en aille, elle m’a rejetée comme si j’étais… » Rien. Rien du tout. Non, pire. Un monstre. Mauvaise dès la naissance, un bébé qui ne pleurait pas, le mal incarné… L’obscurité dans cette maison. Tu ne fais pas partie de cette famille, c’est ce qu’elle lui a dit. Tu n’appartiens pas à cet endroit. « Elle ne mérite pas d’être sauvée. »

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feat. Eve

Eve ne cherche pas à la dissuader, elle ne cherche pas à réparer ce que Villanelle a fait, elle n’essaie pas de la convaincre de la nécessité de sauver sa mère, elle ne se focalise pas sur ce point précis… non, c’est sur elle qu’elle se focalise, et cela fait définitivement un bien fou à Villanelle qui ne veut pas être blamée pour sa cruauté. Bien sûr, Eve a accepté sa part d’ombre depuis longtemps, en même temps qu’elle a apprivoisé la sienne, mais c’est tout de même un soulagement certain pour la blonde de constater qu’ici et maintenant, l’attention de sa fiancée est entièrement focalisée sur elle et uniquement elle. Villanelle se laisse totalement aller dans ses bras. Elle ne pleure pas, mais elle dépose tout de même au creux du coup de son amante des soupirs bouleversant de sincérité. Elle avait terriblement besoin de cette chaleur, de cette tendresse, de tout ce qu’Eve lui apporte en cet instant. Elle lui prouve, de la meilleure façon possible, qu’elle restera à ses côtés quoi qu’il advienne, et Eve avait eu terriblement besoin de le sentir, et tout autant besoin de l’entendre.

Elle ne répond pas tout de suite quand Eve lui demande ce qu’elle veut faire. Elle n’en a pas la moindre idée, elle a envie de savourer cette étreinte, et elle se focalise sur ce réconfort total et évident que lui apporte la présence de sa moitié. C’est cela, avant tout, qui la porte et qui la rassure, et c’est à cela qu’elle se raccroche avant toute chose, plus qu’absolument tout le reste. Est-ce qu’elle veut rester ? Est-ce qu’elle préfère partir ? Mais si elles doivent décider de s’en aller, où iront-elles ? Villanelle reste incapable de comprendre les raisons de leur présence. Pourquoi se retrouvent-elles soudainement dans la tourmente d’un passé que Villanelle ne veut surtout pas revivre ? Et pourquoi ce souvenir en particulier. Sa voix est faible, mais sincère, quand Villanelle accepte de finalement répondre, se reculant légèrement, mais pas trop tout de même, ne voulant pour rien au monde échapper aux bras d’Eve.

« J’ai plus rien à faire ici. »

C’est la vérité. Regarder flamber la maison de sa jeunesse, se satisfaire du fait de savoir sa mère, agonisante, à l’intérieur, ne lui apporte pas de satisfaction particulière, pas plus qu’elle ne l’inquiète non plus. Tout ce qu’elle veut… Tout ce qu’elle veut, c’est être avec Eve. Elle ne veut pas replongée dans une tourmente que Eve et elle seule a su calmer. Il n’en est pas question.

Une esquisse de sourire étire les lèvres de Villanelle quand Eve lui affirme une nouvelle fois qu’elles avaient toutes un monstre au fond d’elle. Elle le lui a déjà dit, et il était difficile de le dissimuler. Oh, comme elle a besoin d’entendre ça, qu’elle n’est pas seulement définie par sa part de monstruosité.

« Toi aussi tu n’es pas un monstre… même si j’aime bien quand ton monstre ressort de temps en temps », répond Villanelle en serrant ses mains dans les siennes. « Viens, on se tire de là. »

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feat. Eve

Villanelle serre aussi fort que possible la main d’Eve dans la sienne quand cette dernière confirme qu’il est temps pour elles de partir. Une part d’elle songe que si c’est cette scène, précisément, qui leur a été offerte de contempler, cette fois, elles auraient peut-être dû y faire quelque chose. Peut-être que le destin n’attend pas d’elles qu’elles soient les spectatrices passives de leurs actions passées, mais qu’elles agissent par rapport à elle. Peut-être que Villanelle, plutôt que de sauter sur Hélène et de l’étrangler, aurait dû la garder en vie et la faire parler… Peut-être aussi devrait-elle sauver sa mère tant qu’elle le peut encore – si elle le peut encore… Il n’y a peut-être que de cette manière qu’elles seront capables de dépasser cette épreuve et de rentrer chez elle. Peut-être, mais Villanelle ne s’y sent pas prête. Elle ne veut pas pardonner, elle ne veut pas réparer ce qui, à ses yeux, n’a pas besoin de l’être. Elle veut s’en aller, et elle veut partir en sachant Eve à ses côtés. C’est ce qui lui importe réellement.

Où iront-elles maintenant ? Va savoir. Ce n’est pas comme si elles pouvaient vraiment se permettre de rejoindre les foyers environnants sans qu’on leur demande des comptes, et il n’y a que la campagne russe à perte de vue. Peu importe, elles trouveront un véhicule, le voleront, traceront leur route et aviseront au moment voulu. Tout ce qui lui importe, c’est de s’éloigner et de laisser derrière elle cet épisode qui à ses yeux ne mérite pas que l’on s’y attarde. Elles n’ont, au final, pas véritablement le temps de s’y attarder plus longuement, car déjà, le décor change pour la troisième fois autour d’elles.

« Je connais cette rue… », constate Villanelle, réalisant bien vite que c’est de nouveau dans un de ses souvenirs à elle qu’elles se retrouvent plongées, autant l’une que l’autre. Elle sait encore moins expliquer ce qu’elles font là et pourquoi elles sont là, mais voilà, elles sont là, toutes les deux, et le corps qu’elles découvrent, suspendu la tête en bas, éventré, sous le regard horrifié des individus qui contemplent le contenu de la vitrine… c’est son œuvre. « Dommage », commente Villanelle… « On a manqué tout le fun. » Elle se tourne vers Eve et lui adresse son regard le plus intense. Elle ne sait pas vraiment pourquoi elles sont là, mais cet épisode lui est moins éprouvant que les deux préccédents, qui avaient mis son cœur et son esprit à rude épreuve, alors elle s’autorise à se détendre, même si c’est probablement loin d’être une bonne idée. « Je suis sûre que tu aurais adoré découvrir le spectacle en entier. »

Elle en est même convaincue, même si elle ne l’aurait probablement pas assumé à l’époque. Et dans le fond, Villanelle est presque déçue de ne pas pouvoir lui dédicacer cette merveilleuse performance.

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feat. Eve

Le sourire qui se dépose sur les lèvres d’Eve au moment d’avoir la confirmation du fait qu’elle est responsable de la scène de crime qu’elles ont eu sous les yeux fait également sourire Villanelle. C’est loin d’être une réaction saine dans de telles circonstances, et pour cette raison, Villanelle aime Eve plus que jamais. Eve exalte, ravie d’avoir eu raison, ravie de constater le fait qu’elle avait vu juste sur ce crime, en dépit de ce qu’avait pu affirmer Carolyn. A l’évocation de cette dernière, Villanelle grimace très légèrement. Eve a toujours eu un instinct redoutable, plus encore quand cela la concerne… bien sûr que ce crime lui aura immédiatement fait penser à elle.

« Ce qui t’aurait plu encore davantage, c’est de participer, avoue », suggère Villanelle avec un sourire au coin des lèvres. Elle hausse les épaules. « C’est que partie remise », affirme-t-elle avec un sourire. « Bon, ça demande un minimum de matos, mais on pourrait toujours s’arranger », ajoute-t-elle sans perdre ce sourire qui, au fond, lui fait du bien, car depuis tout à l’heure, alors qu’elles naviguent de scènes et scènes de leur passé, elles n’ont pas vraiment trouvé l’occasion de sourire, toutes les deux.

La Russe accompagne les pas de sa fiancée tandis que cette dernière se rapproche au plus près de la victime. La plupart des passants, à présent terrifiés, s’agitent dans un mouvement de panique de plus en plus grand. La police ne va pas tarder à arriver, mais Villanelle ne s’en inquiète pas, et elle sent que Eve non plus… C’est difficilement explicable, mais elle a le net sentiment qu’elles sont ici sans être ici… que tout ce à quoi elles assistent n’aura pas d’impact direct sur elle. C’est ce qu’elle a véritablement envie de croire.

« C’est pas l’endroit pour te donner les détails, Eve », affirme-t-elle mais sans le penser réellement, car en réalité, lui décrire en détail les événements ne la dérange pas tant que cela, et même, elle est plutôt impatiente de découvrir les émotions qui se liront sur le visage d’Eve au moment de connaître les détails les plus sordides de cet événement qu’elle ne veut évoquer qu’avec fierté, de la fierté et absolument rien d’autre.

Pour que cette conversation restent entre elles, Villanelle souffle les détails de cet épisode à l’oreille d’Eve… Elle lui détaille la tenue qu’elle portait, et son masque… l’insouciance de sa victime, qui s’imagine faire l’objet d’un jeu certes peu innocent, mais qui n’aurait rien de mortel… Elle lui raconte comment elle l’a sanglé, sous son regard pervers, comment il s’est retrouvé suspendu la tête en bas…. Et cette lueur de réalisation, dans son regard, au moment de voir briller la lame de son couteau… Il était trop tard, déjà, son sang devait arroser le sol quelques instants plus tard.

« J’en ai eu sur les chaussures », grimace-t-elle en guise de conclusion.

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feat. Eve

Un sourire satisfait étire les lèvres de Villanelle tandis que, attentive à l’expression de son visage, et à ce léger voile, un rien sombre, qui s’est déposé sur son regard, elle devine l’ampleur de sa fébrilité à la pensée de ce qui est arrivé à cet homme que la blonde a si légèrement torturé devant un public médusé qui, dans un premier temps, l’a applaudie avant que de réellement comprendre la nature du spectacle auquel il venait d’assister. Quand leurs regards se croisent, Villanelle aime à y découvrir cette compréhension totale de ses actes, sans aucune forme de jugement. Elle a eu peur, précédemment, parce qu’elle les a senti s’éloigner, ce qui est à ses yeux, sans le moindre doute, le pire scénario possible. Mais en cet instant, elle n’a plus peur de rien. Eve la comprend pleinement, totalement, et elle est capable d’apprécier autant le geste que sa perversité, elle le cautionne et l’apprécie complètement. Elle la cautionne et l’apprécie complètement. Elle l’aime et l’accepte dans son entière globalité.

Villanelle hoche seulement la tête quand, au moment de reprendre la parole, Eve résume la chose en quelques mots particulièrement appropriés. Oui, c’était un sale type, en effet. Un connard fini qui n’avait jamais reçu que la monnaie de sa pièce. Villanelle tuait sans réelle distinction de qui pouvait le mériter ou non, mais le sort qui avait été réservé à ce type en particulier ne pouvait être considéré que comme amplement mérité à ses yeux. Elle refuse d’avoir le moindre scrupule à son sujet… Les scrupules ont toujours été, quoi qu’il en soit, très éloignés de ses considérations. Exception faite de ceux qu’elle peut ressentir quand il est question de sa fiancée. Celle qui fait toute la différence, toujours, en toute circonstance.

« On aura d’autres occasions », affirme Villanelle avec un léger sourire, satisfaite de ce qu’elle découvre dans l’attitude d’Eve en cet instant.

Elle les sent complices malgré tout, elle les sent capables de dépasser ses insécurités et ce qu’elle a eu le grand tort de dire pour le regretter presque immédiatement, mais en le pensant sans doute, du moins partiellement.

« C’est pas les sales types qui manquent », ajoute-t-elle avec esprit. Elle ne pense pas que c’est Eve qui saura la contredire à ce sujet, bien au contraire. « J’ai encore des talents cachés, tu vois », reprend Villanelle quand Eve la complimente, affirmant que son coup d’éclat était un coup de génie. De la part d’Eve, un tel compliment trouve une résonnance toute particulière, et qui plaît immensément à la blonde, qui ne s’en cache pas réellement. « Si tu es intéressée par ce genre de matos, on pourra toujours envisager de l’utiliser dans un autre contexte », ajoute-t-elle d’un ton qui ne prête à aucune forme d’équivoque.

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feat. Eve

Villanelle affiche un sourire teinté d’arrogance quand Eve reconnaît qu’elle ne cessera très probablement jamais de la surprendre. Villanelle y compte bien, quand bien même elle se voit partagée entre l’envie de sans cesse surprendre sa fiancée dans le but de constamment la fasciner et celle de n’avoir aucun secret pour cette dernière. Elle aime l’idée qu’elles se connaissent par cœur toutes les deux, qu’elles soient capables de lire en l’autre avec une déconcertante facilité… Un état de fait qui ne laisse pas beaucoup de place, normalement, à l’effet de surprise… Mais Eve et Villanelle sont loin de faire les choses comme tout le monde. Elles inventent leurs propres codes au sein de leur relation à part entière, et c’est ce qui rend cette dernière si remarquable et si forte.

Villanelle sait aussi que la surprise peut être négative, malheureusement, comme l’ont confirmé ces paroles malheureuses qu’elle ne peut pas reprendre et qu’elle se moleste mentalement d’avoir prononcées avec beaucoup trop de légèreté au regard de la douleur que cela a suscité chez la femme qu’elle aime. Mais elle se rattrapera. A tout prix, et de toutes les manières possibles. Elle n’a pas le choix. Pour Eve, elle serait capable de faire n’importe quoi, et quand elle expose si ostensiblement et maladroitement des failles creusées par ses propres insécurités, elle déploiera toute l’énergie nécessaire à les combler, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus la moindre trace. Plutôt que d’y revenir, évidemment, Villanelle préfère se fendre d’une remarque lubrique qui lui vaut un regard amusé de la part d’Eve, de ces œillades complices desquelles elle ne se lassera jamais, elle le sait.

« Peut-être bien », se contente de répondre Villanelle d’un ton faussement mystérieux quand elle affirme que les petites démonstrations que lui promet la blonde auraient toutes les chances de très mal tourner, pour des raisons certes évidentes, mais qui dans leur cas pourraient bien se transformer en quelque chose d’autrement plus agréable, et Villanelle n’est pas dupe, elle voit bien la lueur d’intérêt qui brille dans le regard de son interlocutrice, et qui ne saurait absolument pas la duper.

Elle veut ajouter autre chose, mais c’est à ce moment précis que le décor change une fois, mais cette fois, plus de scène perturbantes ou inexplicable de leur passé, qu’importe qu’elles s’en souviennent ou non, les deux femmes sont de retour chez elle, dans leur confortable salon. Villanelle balaie l’espace du regard comme si elle s’attendait à en voir surgir un piège quelconque, mais ce n’est pas le cas… Il semblerait bien qu’elles aient finalement fait le tour de leurs expériences respectives… Ou de celles en tout cas que cette île, allez savoir pour quelles raisons, voulait qu’elles se remémorent.

Oui, elles sont finalement de retour chez elles. Mais quelque chose a changé. En elles. Leur escapade mémorielle aura naturellement des séquelles. Et il leur faudra y faire face.