Cette époque était étrange. Lors de sa monstrueuse existence, Carmilla n'avait pas un jour pensé que les civilisations évolueraient de telle façon que les populations et rangs sociaux se mélangeraient ainsi, dans un tel vacarme, pour le plaisir. A observer la foule de corps pressés les uns contre les autres, gigotant et s'effleurant sur le rythme d'une musique sans paroles, l'ancienne vampire se fit la réflexion que trouver des proies, en ce siècle, aurait été d'une facilité déconcertante. Elle n'aurait même pas eu besoin d'être subtile et de s'encombrer à vider progressivement de leur sang ses victimes. Que de temps elle avait perdu, à prétendre s'amouracher de jeunes filles pour mieux se glisser dans leur lit chaque nuit, et les affaiblir progressivement...
Assise au bar devant un verre de vin - terriblement attendu, certes, mais l'âpreté du vin rouge lui rappelait trop la texture du sang pour qu'elle accepte de s'en priver -, la "jeune" femme pestait silencieusement. Malgré ses efforts, malgré ses recherches, elle ne trouvait toujours pas de raison acceptable quant à la disparition de ses pouvoirs, quant à sa présence en ce monde et en cette époque qu'elle avait peiné à maîtriser.
En vérité, elle haïssait la foule. Ces corps étaient trop bruyants, les odeurs étaient trop fortes, et surtout... Les humains, dans leur insouciance, étaient trop appétissants. Ils auraient fait des proies parfaites.
Mais puisque se nourrir de sang n'était plus une nécessité pour elle, l'ancienne comtesse avait dû trouver d'autres centres d'intérêt. Parmi eux, bien sûr, la recherche et la lecture. Mais ce qui l'avait conduite ici, dans ce club prisé, c'était le nombre de femmes disposées à partager sa couche. A défaut de victimes, elle s'en faisait des amantes, toutes éphémères. Les jeux amoureux perdaient de leur charme lorsqu'ils ne revêtaient pas l'allure obsédante d'une séduction prédatrice...
Ses yeux sombres s'attardaient sur les silhouettes féminines qu'elle jugeait les plus attirantes. L'heure n'était plus au travail, ni aux recherches créatrices de migraines interminables. L'heure était à la détente.
Ce soir-là, il y avait plus de monde que d'ordinaire. L'excitation, également, était plus intense. Cela éveilla la curiosité de Carmilla, qui n'eut cependant pas à s'interroger longuement. Par l'entrée principale du club, venaient d'arriver une équipe, vraisemblablement de comédiens, à en juger par l'attroupement affolé qui se forma immédiatement autour d'eux. Amusée, l'ancienne vampire observa la scène de loin. Certains jouaient le jeu et acceptaient les selfies et autographes, tandis que d'autres veillaient à s'éloigner discrètement pour mieux rejoindre les coins discrets.
Patiemment, la brune attendit. Son attention avait été retenue par une silhouette plus alléchante que les autres, qui ne tarda pas à se présenter au bar. Carmilla profita de cette proximité pour changer de siège et lui glisser d'un air de fausse nonchalance :
Dernière édition par Carmilla Karnstein le Dim 9 Jan 2022 - 1:01, édité 1 fois
Invité
Sam 7 Aoû 2021 - 11:43
If you were less pretty, I think I should be very afraid of you
Ce soir, c'était leur dernière. Demain, toute la fine équipe se dispersera et vaquera à d'autres occupations, et ils oublieront bien vite avoir jamais joué et répété ensemble. Dans le cas de Villanelle, en tout cas, ce sera vite vu. Elle avait eu hâte que ça s'arrête. Le caractère répétitif des performances, ces lignes de dialogue qu'elle trouvait chaque fois un peu plus creuses à mesure qu'elle les répétait, la morne compagnie de partenaires peut-être talentueux mais qui ne revêtaient ni attrait ni intérêt à ses yeux... le tout combiné ne l'invite pas particulièrement à se joindre aux effusions générales, qui ne s'épargne pas les grandiloquences absurdes, comme s'ils faisaient tous partie d'une grande et belle famille. Tu parles.
Ils ne lui manqueront pas, ça ne lui manquera pas. Même si une routine en remplacera une autre. Et ainsi de suite... Elle en serait presque nostalgique des Douze, de ses missions, des rôles qu'elle incarnait alors librement au gré de fantaisies qui lui étaient propres (mais qu'on lui reprochait régulièrement, néanmoins). Elle ne veut plus être cette personne-là. Mais elle ne veut pas non plus être celle qu'elle se sent être ici, et qui n'est pas moins un rôle de composition que ceux qu'elle joue sur scène. Ce sentiment profond de vide, de vacuité, toujours le même... Qu'elle tait comme elle le peut, comme au moment d'accompagner ses collègues pour une dernière soirée en boîte de nuit. La danse, la musique forte, les corps enlacés, l'alcool...
C'est un vertige temporaire, qui fait à peine effet, mais c'est toujours mieux que rien, et ça vaudra toujours mieux que de rentrer chez elle, à ruminer, ruminations qui la ramèneront toujours, naturellement, instinctivement à elle. Eve. En son for intérieur, Villanelle ne peut s'empêcher de penser que tout, absolument tout serait différent si Eve était là. Peut-être qu'elle se trompe, peut-être que la réalité lui donnerait terriblement tort, va savoir. Mais elle préfèrerait quoi qu'il en soit l'avoir en chair et en os plutôt qu'en seules pensées.
Leur entrée au sein du Lux ne passe pas inaperçu, ils se retrouvent très vite alpagués, et Villanelle, sans considération ni sympathie pour les quelques-uns qui cherchent à l'aborder trace jusqu'au bar sans vraiment chercher à se montrer agréable ou aimable. Elle passe commande au barman au moment où une jeune femme vient s'installer à côté d'elle et l'aborder. Elle envisage tout d'abord d'envoyer négligemment promener la concernée quand cette dernière l'aborde en prétendant vouloir son autographe, mais elle change d'ais en considérant la jolie brune qui se trouve sous ses yeux. Séduisante, avenante, de quoi tromper bien plus efficacement son ennui que les compagnies qu'elle se coltine autrement.
"Tout dépend", dit-elle sans se priver de la détailler du regard. "Contre un verre. Ou une danse. Ou les deux. Ca se négocie."
Carmilla avait découvert les vertiges que pouvait provoquer la célébrité sur les foules très tardivement. Lorsqu'elle était elle-même bien plus jeune et bien moins monstrueuse, elle avait admiré, longuement, certains auteurs. Elle avait même vénéré celle qui était devenue sa Mère de substitution, celle qui l'avait transformée... Mais c'était en se réveillant dans cette ville que, après avoir osé quitter le refuge de son appartement, elle avait eu l'occasion d'apercevoir ces phénomènes qui ne manquaient jamais de la surprendre. Les êtres de ce temps étaient si... Directs. Et tactiles. Finalement, c'était peut-être pour le mieux qu'elle ne possède plus ses pouvoirs ou son régime particulier... Ses sens vampiriques n'auraient sans aucun doute pas résisté aux multiples tentations qu'étaient ces humains en proie à l'excitation.
Après avoir abordé la comédienne, du moins c'était ce qu'elle supposait d'elle, à en juger par son physique avantageux, l'ancienne vampire eut tout loisir de l'observer passer de l'ennui teinté d'agacement à l'intérêt. Ce changement la fit sourire discrètement. C'était un intérêt mutuel, après tout. De sa voix suave, elle reprit :
- Si ça se négocie... Vous aurez ce que vous voulez. Contre un nom, d'abord. Pour commencer.
Son sourire prit une allure enjôleuse. En son temps - qui s'était étendu sur plusieurs siècles, certes -, une telle franchise lui aurait valu bien des ennuis. C'était certainement le seul avantage qu'elle trouvait à cette nouvelle époque : les femmes y étaient bien moins prudes et moins impressionnables. Aussi, ses préférences sexuelles et romantiques étaient à peine condamnées, en comparaison avec ce temps où, en vérité, c'était certainement bien plus pour cela qu'elle s'était fait traquée que pour ses meurtres. Ce dernier point était discutable, bien entendu, mais elle préférait voir les choses ainsi.
- Carmilla, se présenta-t-elle en prétendant s'intéresser au contenu de son verre. Malheureusement, je ne suis pas très douée pour la danse. Pas ce genre de danse, en tout cas.
En vérité, au XVIIème siècle, elle avait été très douée pour la valse. Elle trouvait d'ailleurs à cette danse un charme qu'elle regrettait. A l'époque, c'était une danse tout à fait scandaleuse. Pour la première fois, les corps se touchaient, et le meneur enlaçait le suiveur. A certaines occasions, c'était même tout à fait érotique. Elle se mordit la lèvre inférieure alors que le souvenir de ses anciennes conquêtes s'imposait à elle. D'ores et déjà enivrée par la possibilité d'ajouter cette séduisante femme à cette liste, elle ne se formalisa pas de jouer les timides et enchaina :
- Pour ce qui est des verres... Nul besoin de les compter.
If you were less pretty, I think I should be very afraid of you
Quand la jeune femme lui demande son nom, Villanelle hésite, elle hésite quant au nom qu'elle pourrait lui donner. Elle pourrait décider d'être n'importe qui, comme il lui arrive de le faire, parfois, dans ses instants d'ennui les plus irrépressibles et insupportables, elle pourrait s'inventer un autre nom, une autre identité, et s'oublier derrière cet alias ô combien fragile, puisque ses collègues n'étaient pas loin et savaient qui elle était, et que d'autres ici ont aussi connaissance de qui elle est - enfin, toute proportion gardée.
Au final, personne ne sait vraiment qui elle est véritablement. Finalement, elle décide quel ce jeu la lasse d'avance, alors elle se contente d'une réponse plus concise, plus honnête, même s'il s'agit déjà, pour la peine, d'un alias, mais qu'elle a tendance à se préférer au nom que ses parents lui ont choisi.
"Villanelle", répond-elle alors tout en poursuivant de détailler son interlocutrice de haut en bas sans aucune discrétion ni aucune subtilité, elle n'en verrait pas particulièrement l'intérêt.
Elle se présente de son côté également. Elle se nomme Carmilla, un nom qui lui va particulièrement bien, un nom original, qu'elle a peu entendu. Un nom qu'elle finira peut-être par lui emprunter selon l'intérêt qu'elle saura ou non susciter en elle. Pour l'heure, elle a le mérite de savoir y faire pour capter son attention. Mais elle ne saurait nier que son apparence physique pour le moins avantageuse y contribue plus que largement.
"Tout se danse après quelques verres, on va commencer par ça", répond Villanelle dans un haussement d'épaules.
Elle n'a pas la moindre intention de se formaliser de ses avertissements. Personne ici, dans tous les cas, ne sait vraiment danser, il suffit de jeter un œil rapide à la foule agglutinée, pressée l'une contre l'autre pour constater l'inélégance ambiante. Mais avant quelque danse que ce soit, dans tous les cas, elle tient à en apprendre plus sur son interlocutrice et à découvrir si cette dernière mérite ou non sa curiosité, ce dont pour le moment, elle n'est pas totalement convaincue. "Pour moi, ce sera du champagne", ajoute-t-elle en se moquant bien de choisir peut-être l'une des boissons les plus chères de la carte. Ce n'est pas elle qui paye, après tout, quand bien même elle en aurait très largement les moyens. "En tout cas pour commencer", ajoute-t-elle en interpelant le serveur au bar pour qu'il lui apporte ce qu'elle souhaite. "Parle-moi de toi, Carmilla", ajoute-t-elle alors d'un ton presque directif, qui dans le vocabulaire de Villanelle pourrait se traduire par "divertis-moi".
Carmilla peut bien lui raconter n'importe quoi, ou lui dire la vérité sur sa vie. L'essentiel, c'est qu'elle se raconte. Et c'est donc tout ce que Villanelle attend de son interlocutrice. Du moins pour le moment.
L'ancienne vampire arqua un sourcil lorsque l'inconnue déclina son identité. Elle possédait une certaine connaissance des langues européennes, et repéra donc des sonorités françaises dans ce nom. Or, c'était un accent russe qu'elle percevait dans les intonations de la femme. Il s'agissait certainement d'un alias, mais qui n'était... Pas désagréable à l'oreille, elle devait le reconnaître.
- Enchantée, Villanelle, lui répondit-elle donc en français, par jeu.
Ce qui ne pouvait passer que pour de la nonchalance de la part de la comédienne était étonnamment attirant. Carmilla était habituée à inspirer une forme d'admiration teintée d'effroi, du temps où elle se nourrissait de sang. La décontraction avec laquelle ses proies compagnes se révélaient à elle, désormais, était un changement bienvenu. Cela satisfaisait moins ses instincts prédateurs, mais cela avait le mérite de changer quelque peu les règles du jeu de séduction qu'elle prenait constamment soin de mettre en place dans son quotidien.
Décidément, la femme avait des goûts très... Français. L'enseignante l'écouta commander du champagne, un fin sourire aux lèvres trahissant son amusement. Lorsque le serveur se tourna vers elle pour savoir si elle désirait commander à son tour, elle acquiesça doucement et lui indiqua :
- Je reprends du vin.
Elle but le contenu de celui qu'elle avait déjà en main et le passa donc au jeune homme pour qu'il le remplisse, après quoi elle se désintéressa de lui et préféra accorder de nouveau son attention à Villanelle, qui l'interrogeait déjà.
La directive assombrit son regard. Néanmoins, elle s'humecta les lèvres pour contenir toutes les impulsions qui lui étaient venues suite à ce ton autoritaire, et accepta d'en révéler un peu plus sur elle-même :
- Je suis autrichienne de naissance.
C'était un détail qu'elle aurait très bien pu éviter de mentionner, mais l'accent russe de son interlocutrice éveillait sa propre curiosité. Ainsi, elle les plaçait sur un certain pied d'égalité.
- Avant de... Eh bien, "d'emménager" ici - l'euphémisme la fit arquer un sourcil -, j'étais comtesse et descendais d'une famille très ancienne de la haute noblesse de Styrie... Mais j'ai bien peur que la lignée se soit éteinte avec moi, confia-t-elle dans un sourire étonnamment nostalgique.
Le nom de Karnstein l'avait accompagnée, tout le long de son existence humaine comme vampirique... Mais la comtesse Mircalla Karnstein n'existait plus depuis bien longtemps, remplacée par l'anagramme qu'elle s'était choisi comme nouvelle identité. Mais l'heure n'était pas à la contemplation. Elle cligna des yeux pour s'extirper de ses pensées et se concentra de nouveau sur Villanelle.
- Ici, je suis prof' à la fac et chercheuse à mes heures perdues, déclara-t-elle d'un ton neutre.
Elle eut un soupir avant de poursuivre, un sourire étirant le coin droit de ses lèvres :
- Je pourrais t'en révéler davantage, mais il faudrait ensuite que je te tue... Cela, ou j'attends qu'on ait bu plus de verres. Partons là-dessus, ce sera moins salissant. Et toi, Villanelle, qu'as-tu à me dire sur ta personne ?
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Villanelle adresse un sourire plutôt charmé à son interlocutrice quand cette dernière lui répond en français, petite touche qu’elle ne trouve pas déplaisante. Si cliché cela soit-il, Villanelle, de toutes les langues qu’elle a apprises (et ça en fait un certain nombre), a toujours eu un faible pour les langues latines et plus précisément le français, elle trouve ça particulièrement sexy. Enfin, toute proportion gardée.
Pour avoir vécu à Paris, elle a aussi croisé un plutôt grand nombre de Français dont le phrasé tout comme l’accent ne lui inspiraient franchement rien de particulier. Mais de la part de la prénommée Carmilla, elle appréciait. Ce quelque chose dans son comportement, à la fois intéressé et provocateur, avait tout pour la séduire, il faut dire. Pour le moment, elle remplit à peu près toutes les cases. Elle approuve son attitude, ses regards, son apparence et ses préférences en matière d’alcool, des signes plutôt encourageants au regard de ce que la suite présage. "J’aime beaucoup l’Autriche, j’ai un très bon souvenir de Vienne…", observe-t-elle sans envisager de se montrer spécialement explicite. Elle veut connaître l’histoire de son interlocutrice, ce n’est pas pour autant qu’elle en dira trop long sur la sienne.
Pour cela, encore faudrait-il qu’elle soit décidée quant à l’histoire qu’elle racontera. Le fait qu’elle se soit présentée sous le nom de Villanelle donne le ton mais n’exige pas pour autant une totale authenticité de sa part. Se faire appeler Villanelle, déjà, ne témoigne pas précisément d’une authenticité parfaite. Mais à aucun inconnu, elle ne se présenterait sous le nom d’Oksana.
"Une comtesse, rien que ça", observe Villanelle avec de faux airs impressionnés. "Et maintenant tu es prof. Drôle de reconversion. Tu enseignes quoi ? Mmm, non en fait, ça m’intéresse pas vraiment", constate-t-elle à voix haute en partageant le fil de sa pensée en même temps qu’il lui vient, sans spécialement de gêne ou de retenue.
De toute manière, ce que son interlocutrice ajoute ensuite a largement de quoi aiguiser bien davantage son intérêt et occulter d’office tout ce qu’elle a pu lui dire auparavant. Si elle en dit davantage sur elle, elle devrait la tuer… C’est peut-être dit avec humour, mais même si c’en est, c’est le genre d’humour qui lui parle (parce qu’il est sordide et pas du tout drôle, lui feront remarquer ceux qui l’ont vu s’essayer à l’exercice). En ce qui la concerne, Villanelle a envie que ce soit vrai, qu’il y ait un fond de vérité dans ce que son interlocutrice vient d’affirmer. Mais pour creuser le sujet, elle aussi aura sans doute besoin de quelques verres. A ce sujet, d’ailleurs, elle sirote le contenu de son propre verre avant de reporter son attention sur son interlocutrice et répondre à sa question.
"Si je te parle de moi, il faudra aussi que je te tue", répond-elle en la jaugeant de haut en bas. "Je n’ai pas très envie de te tuer."
Non, elle a des envies bien différentes en ce qui la concerne. Et qu’elle ne prend pas exactement la peine de dissimuler au demeurant.
Elle inclina légèrement la tête lorsque son interlocutrice mentionna l'Autriche. Une russe qui parlait couramment l'anglais et qui semblait connaître au moins une partie de l'Europe... Voilà qui n'était pas banal. Elle prit également note du silence apparemment mesuré et volontaire de la jeune femme. Une petite curieuse qui n'aimait pas en révéler trop sur elle-même, mh ? Elles étaient décidément faites pour s'entendre.
- Comtesse, oui. Mais hormis le titre, et éventuellement quelques terres, ça n'apporte pas grand-chose.
Pour sa part, ça lui avait surtout apporté le vampirisme. Ce qui en soi était... Quelque chose, mais avant tout une façon tout de même atrocement barbare de perdre la vie. Surtout dans la fleur de l'âge. Mais elle s'égarait.
La brune adressa un sourire à la blonde lorsque celle-ci admit qu'elle se désintéressait complètement de sa profession. Elle n'était pas vexée. En vérité, elle la comprenait. Elle-même n'y aurait trouvé aucun intérêt. Et le seul qu'elle trouvait à son métier était l'occasion d'être constamment en réflexion, ainsi que de bénéficier, quelques fois, du savoir et des réflexions de ses élèves... Lorsque ceux-ci savaient dépasser les simples affirmations et développer leur pensée.
Sa petite marque d'humour retint l'attention de la comédienne, ce qui était... intrigant. Le commun des mortels se serait contenté de sourire ou de rire jaune, voire nerveusement, et de se hâter de changer de sujet. Mais dans la posture de cette femme, elle discernait une certaine forme d'intérêt. Carmilla aurait donné cher pour lire dans ses pensées, à cet instant.
La réponse en miroir de Villanelle lui plut. Cette fois-ci, elle lui adressa un sourire qui aurait révélé la dangerosité de ses crocs, si elle en possédait toujours.
- Ca tombe bien, moi non plus, je n'ai pas très envie de te tuer. Mais il semblerait donc que nous soyons deux possibles et mystérieuses meurtrières.
Elle avait prononcé ces mots d'un air charmé. De toute évidence, si elle avait toujours eu un faible pour les naïves et fragiles demoiselles, quelques siècles plus tôt, rencontrer une femme potentiellement aussi dangereuse qu'elle l'excitait beaucoup. Dans un effort pour contenir cette excitation, elle sirota le contenu de son verre de vin, tout en laissant son esprit divaguer sur les possibles raisons qui pouvaient encourager Villanelle à taire son passé.
- Et donc, ce dernier film ? s'enquit-elle en reposant son verre, davantage pour la faire parler que par réel intérêt.
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Plus elle en apprend au sujet de sa mystérieuse interlocutrice, moins elle a le sentiment d'en connaître à son sujet... et le fait est que ça lui plaît. Ce qu'elle garde sous clé et ne lui apprend pas sur elle l'attire bien plus - au-delà de son physique tout à fait avantageux - que de longs discours barbants sur sa vie, son passé ou sa profession. Il y a une part de curiosité qui l'inviterait presque à poser des questions sur elle, mais elle est très vite occulté par le plaisir qu'elle a à ne pas trop en savoir, tout comme elle-même s'épargne évidemment d'en dire trop.
Elles ne peuvent pas vraiment savoir combien l'autre est sincère au moment de suggérer qu'elles seraient bel et bien capables de s'entretuer. Le simple fait qu'elles le suggèrent, peu importe que ce soit vrai ou non, dit déjà quelque chose de ce qu'elles sont, et c'est une choses dont elles savent visiblement se satisfaire l'une et l'autre. Si Villanelle doit finir par en vouloir plus - ce qui est déjà le cas - ce n'est pas vraiment à grands renforts de questions qu'elle cherchera à l'obtenir.
Elles semblent d'accord sur le fait qu'en dépit du fait qu'elles en seraient capables - en tout cas c'est ce qu'elles affirment -, elles ne ressentent pas l'envie particulière de se faire du mal. Deux possibles et mystérieuses meurtrières, c'est ce qu'elles sont, seul le terme "possibles" est ici superflu, mais en fin de compte, elles ne devraient pas vraiment se donner l'occasion de le vérifier. Elles seraient certainement trop occupées à autre chose. "Ça t'intéresse vraiment ?" demande Villanelle en jaugeant son interlocutrice quand celle-ci l'interroge sur son dernier film.
Pourquoi pas, en même temps, le métier d'acteur intrigue et intéresse, beaucoup s'en font une idée assez biaisée. Elle aussi, d'ailleurs, s'en était fait une idée plutôt biaisée. Elle a assez rapidement compris que pour ce qui était de tromper cet ennui mortel qui la guette depuis toujours, ce n'est pas une solution. Même dans une telle situation, elle reste victime de l'autorité d'un autre, d'impératifs qu'elle n'a pas décidés, d'obligations qu'elle n'a pas envie de remplir. Mais elle ne pense pas que Carmilla appartienne vraiment à la catégorie des intéressés, sans quoi elle aurait sans doute fait partie de cette foule de curieux qui l'avaient alpaguée avant qu'elle ne parvienne à échapper à leur regard.
"Si je ne jouais pas dedans, je te déconseillerais de le voir, il y a de bonnes chances que tu perdes deux bonnes heures de ta vie, si ce n'est plus. Mais tu pourras profiter de quelques scènes de nu, ceci dit."
Elle achève d'un trait sa coupe de champagne et intime d'un geste le serveur à reremplir son verre.
"Encore que t'aies pas forcément besoin d'aller voir le film pour ça."
Carmilla arqua un sourcil. Plus la conversation progressait, plus son amusement croissait, et plus elle avait faim. Faim de sang et de chair, bien sûr. Mais elle était privée de ses crocs, privée même de sa faculté à ne se nourrir que de ce liquide chéri entre tous. Alors, elle dut contenir son excitation et sa gourmandise. Pour ce faire, elle savoura une gorgée de vin. C'était un maigre substitut, mais la chaleur qui l'accompagnait était agréable.
- Pas vraiment, répondit-elle avec honnêteté.
L'évocation des scènes de nu la fit sourire. Cette dernière remarque lui plut davantage. Même si l'envie de prendre la femme par la main et de l'emmener ailleurs se faisait impérieuse, un réflexe professoral l'intima à continuer de l'interroger... Encore un peu. Ne serait-ce que pour faire monter leur attirance mutuelle, qui ne pouvait que s'amplifier avec un brin de frustration.
- Quel curieux choix que celui de jouer dans des films si l'on n'y trouve aucun intérêt.
Elle termina son verre. Cette fois-ci, elle croisa le regard de Villanelle avec plus d'intention. Elle était ouvertement et volontairement séductrice.
- Je te serais reconnaissante de m'épargner deux heures d'ennui pour quelques scènes de nu. Voir est une chose, mais pouvoir toucher... Et goûter est infiniment plus intéressant.
Elle se demanda comment elle était, au lit. Elle qui aimait jouer des rôles, cette préférence s'imposait-elle également lors de ses relations charnelles ? Était-elle brutale, rapide ou étonnamment douce ? Silencieuse ou portée sur les cris et les exclamations de plaisir ?
Toutes ces pensées, et bien plus encore, plus libidineuses et vicieuses, éveillèrent ses instincts de prédation. Elle humecta ses lèvres au goût de vin et se pencha suffisamment pour pouvoir lui proposer, d'une voix basse et chargée d'envie :
- Si je te proposais de me suivre jusque chez moi, que répondrais-tu, Villanelle ?
Son regard sombre accrocha celui de son interlocutrice. Elle en aurait volontiers fait l'une de ses proies... Ou l'une de ses semblables, en un autre temps.
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Villanelle hausse les épaules à la réflexion de son interlocutrice, bien qu'elle ait tout à fait raison. Mais dans le fond, qui faisait vraiment un travail qui l'intéressait vraiment ? A ce compte-là, il y avait quelques appelés et bien peu d'élus. Mais évidemment, le milieu du cinéma est très particulier. Comment pouvait-on vraiment ne pas être un minimum passionné quand on choisissait le métier d'acteur. Tout est une affaire d'aptitude à être passionné, sans doute.
En quête de ce qui serait susceptible de la faire se sentir vivante, de tromper l'ennui, l'acting avait semblé être une bonne alternative. Et par moments, quand elle peut se jouer d'un rôle qui l'attire ne serait-ce qu'un peu, ça marcherait presque. Mais ça ne dure jamais vraiment longtemps. Et bien vite, à mesure que les scènes se répètent et que la créativité se laisse étouffer par des directives qui lui déplaisent, il ne reste plus rien, rien que ce vide qui vous ronge et que rien ne tempère.
Une fine esquisse de sourire se dépose sur ses lèvres et la réponse de Carmilla l'enchante. Elle n'est pas là pour vendre son film, et elle se fiche assez que les gens aillent le voir ou non. Bien sûr, elle ressent quelque chose qui se rapprocherait de la satisfaction quand elle est reconnue, parfois (dans les moments où cela ne l'incommode pas, du moins), mais ça ne dure jamais bien longtemps, et c'est trop vain, trop inutile. Elle préfère largement devenir le projet, le temps d'une nuit, de cette femme séduisante, et qui a le mérite de ne pas mâcher ses mots.
Ni l'une ni l'autre ne s'embarrassent de beaucoup de subtilité au moment d'afficher la franche attirance qu'elles ont l'une pour l'autre, et donc, qu'elle lui propose de la suivre chez elle semble au final plutôt naturel. Et Villanelle, bien trop séduite, n'a aucune intention - ni aucun intérêt, cela va sans dire, à dire non. Elle sait, dans sa course au divertissement, ce qui est susceptible, un temps du moins, de lui apporter ce semblant de plaisir qui s'efface presque aussitôt après qu'on l'a effleuré. Plaisir de la chair ou plaisir de tuer, de détruire, l'un et l'autre éphémère, mais particulièrement agréables sur le moment. "Je répondrais que tu me dois d'abord une danse", répond-elle en l'observant de ses yeux de chat avant de venir glisser ses doigts dans sa longue chevelure sombre.
Elle se fiche assez de la danse en réalité, c'est une manière détournée de répondre oui à une invitation qu'elle ne se verrait en aucun cas refuser, et comme pour confirmer ce propos qui dans tous les cas était pour le moins indiscutable, elle rapproche son visage du sien pour venir embrasser ses lèvres sans aucune pudeur ni la moindre retenue.
La réponse de Villanelle ne tarda pas à venir et avec elle, la satisfaction de Carmilla augmenta. La jeune femme qui se tenait face à elle éveillait non seulement son envie libidineuse mais également ses instincts de prédation. Non pas qu'elle la considéra comme proie, loin de là. Mais bien au contraire, la dangerosité qu'elle percevait dans la légère menace qui s'était glissée dans les intonations de son interlocutrice un peu plus tôt lui donnait des envies de violence charnelle.
Elle s'apprêtait à répondre en entraînant la jeune femme sur la piste de danse mais fut prise de court par le baiser. C'était un geste agréable auquel elle répondit immédiatement, sans pudeur factice. Elles avaient toutes deux dépassé le stade où elles faisaient mine de faire preuve de retenue. Ce qui l'attirait chez son interlocutrice était en grande partie son assurance, c'était un trait de caractère dont elle faisait de nouveau preuve en cet instant. Au grand plaisir de la brune.
Enfin, après quelques longs instants à approfondir ce baiser, quelques instants où elle semblait dévorer à petit feu la jeune femme, elle s'écarta.
- Bien, alors dansons.
Elle prit sa main et, cette fois-ci, l'entraîna sur la piste. Elle avança sans se soucier des danseurs déjà présents, si bien que certains durent s'écarter pour les laisser passer. Particulièrement satisfaite de recevoir des regards à la fois intrigués et indignés, Carmilla se permit un gloussement moqueur avant de se retourner vers Villanellle.
Du bout de l'index, elle lui fit signe d'approcher puis elle reposa ses avant-bras sur les épaules de la jeune femme, l'emprisonnant délicatement pour qu'elles restent proches. Elle ne se souciait pas une seule seconde de la musique qui passait, que ce soit pour le style de danse ou pour le tempo.
D'une voix plus forte pour couvrir le bruit de la musique, des conversations et de l'agitation alentour, elle l'interrogea :
- En fait, la danse c'était ton idée... Alors tu me diras quand ça te suffira et qu'on pourra passer aux choses sérieuses.
Ses lèvres s'ourlèrent pour lui donner un air qui oscillait entre la provocation et la séduction.
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Il est au fond assez rare pour Villanelle de faire la rencontre de femmes qui aient la trempe et le tempérament de Carmilla, et cette femme lui plaît d’autant plus qu’elle reconnaît une partie d’elle-même dans l’attitude désinvolte de cette dernière. Narcissisme évident, bien sûr, que de se laisser séduire par ce que l’autre reflète de soi, mais ce n’est définitivement pas quelque chose de nouveau chez l’ancienne tueuse à gages.
Ce qui lui a plu chez Eve, après tout, a été d’abord ça, cette intime conviction du fait qu’elles étaient les mêmes, et ce qu’importe qu’elle soit à même de le voir ou non… Certes, Carmilla n’est pas de la trempe d’Eve Polastri, personne au monde ne saurait l’être, aucune femme au monde ne devrait avoir ne serait-ce que l’orgueil d’y prétendre, mais le temps qu’elle lui consacre – et réciproquement, Villanelle est séduite, intriguée, et aussi et surtout, elle ne s’ennuie pas, ce qui, selon ses critères bien spécifiques, mérite plus que largement d’être signifié et apprécié.
Au passage (on pourrait prétendre que c’est sans importance, mais ce serait bien entendu absolument faux), Carmilla Karnstein s’avère également embrasser à la perfection… Autre bon, excellent, même, point pour elle. Ce n’est qu’après un moment que leurs lèvres se détachent l’un de l’autre et que sa compagne pour la soirée consent à l’entraîner sur la piste de danse, sans s’embarrasser vraiment de la présence des personne autour, qui devaient s’écarter sur leur chemin, encore une marque manifeste et séduisante de ce tempérament qui ne cesse de la séduire depuis l’instant de leur rencontre. « La danse est une chose très sérieuse, Carmilla », répond simplement Villanelle quand sa partenaire du moment lui laisse entendre qu’il ne tient qu’à elle de donner le signal pour précipiter la cadence, car à ce stade, faut-il vraiment nier combien l’une comme l’autre attendent bien plus de cette soirée qu’une simple danse.
La danse est presque trop intime pour le peu qu’elles savent l’une de l’autre. Aux yeux d’Oksana, une danse serait presque plus intime que l’acte sexuel en lui-même, d’ailleurs. Mais ça ne l’empêche pas de faire traîner les choses pour autant. Elle aime se faire désirer. Et sans se donner la peine de paraître inaccessible en l’occurrence, elle apprécie le fait de, du moins, ménager un peu son effet. Et elle estime savoir y faire mieux que personne pour cela. Elle prend donc soin de prendre tout son temps, de mener la danse si elle le peut, entretenant l’impatience à grands renforts de regards éloquents et de baisers qui ne s’embarrassent d’aucune forme de pudeur. Elle rend à ceux qui les toise avec pour certain un agacement affiché le plus aimable des sourires, ravie de l’attention qu’elles savent, à elles deux, attirer.
Puis, après un temps qu’elle pense avoir laissé durer suffisamment longtemps pour alimenter sa propre impatience, elle se contente de quelques mots, le souffle déposé sur les lèvres de Carmilla, qui sont sans équivoque aucune quant à ce qu’ils appliquent. Cette fois, elle consent à le reconnaître, la danse a suffisamment duré. « Tu habites où ? »
La réponse de Villanelle eut le double effet de l'amuser et de la frustrer. Ce qui, en vérité, ne faisait que confirmer l'attraction sexuelle indéniable qu'elle ressentait pour cette mystérieuse femme. De toute évidence, elles avaient toutes deux envie de jouer au même jeu. La séduction n'était pas toujours une mince affaire et pourtant, ce soir-là, avec cette comédienne, elle était fluide. C'en était presque suffisant pour lui faire oublier la souffrance qu'elle éprouvait quotidiennement à endurer de nouveau une existence humaine à laquelle elle avait renoncé des siècles plus tôt. Lorsque l'on avait été immortel, redevenir vulnérable, fragile et tout simplement mortel avait un goût de malédiction.
- Si tu le dis. Je crois que tu es plus habituée que moi, dans ce domaine. Je t'ai dit que je n'étais pas très douée pour la danse.
En vérité, elle était suffisamment habile pour ne pas marcher sur les pieds de son interlocutrice, ce qui était déjà un exploit, selon elle. Amusée par l'effort déployé par cette dernière pour la faire languir, elle la laissa mener. Bien sûr, Carmilla étant égale à elle-même, elle ne fut pas avare en regards teintés de luxure, ni en mordillements lorsque leurs lèvres se touchaient de nouveau. Si visiblement la russe était une très bonne aguicheuse, elle-même avait une réputation de séductrice à tenir.
Durant tout le temps que dura leur danse, l'ancienne vampire s'amusa à se demander où elle l'aurait mordue, si elle avait dû en faire sa victime. Le cou ? Classique. Le sein ? Intime, très intime. Cela lui aurait trop rappelé Laura. L'intérieur des cuisses ? A cela, son regard s'était perdu à la contemplation de ce corps alléchant. Mordre à la cuisse était un acte qui promettait une douleur vive. L'emplacement donnait une part de vulgarité et de sensualité à ce geste qu'elle trouvait charmante. Oui, elle aurait sans aucun doute choisi cette option.
Mais ce n'étaient que des fantasmes de prédateur, qu'elle ne pouvait pas assouvir. Pas avec autant d'efficacité que lorsqu'elle avait des crocs, du moins.
Enfin, la question qu'elle attendait vint. D'une voix calme, qui ne révélait pas ses envies de sexe et de violence, elle répondit :
- Pas très loin. Suis-moi.
Elle lui prit de nouveau la main et l'entraîna hors de cet endroit trop bruyant et trop rempli. Le trajet jusqu'à son appartement était court, quelques minutes seulement. Le silence qu'elle maintint le temps de rejoindre son appartement était calculé. C'était un instant de pause et d'anticipation, il fallait en profiter.
Finalement, elle la fit entrer dans son appartement, situé au dernier étage d'un immeuble qui, fort heureusement, disposait d'un ascenseur. Après avoir refermé et verrouillé la porte, elle daigna reprendre la parole :
If you were less pretty, I think I should be very afraid of you
Le calme affiché de Carmilla ne laisseraient absolument rien deviner de ses intentions si Villanelle n'avait pas d'ores et déjà eu l'occasion de jauger ces mêmes intention par l'intermédiaire des baisers qu'elles s'étaient échangés jusqu'ici sans pudeur. Elle serait en mal de prétendre comprendre le caractère de son interlocutrice, ce qu'elle sait en revanche, c'est que chacune de ses facettes lui est, pour l'heure, séduisante, autant que ce corps qu'elle ne demande plus qu'à s'approprier, à présent.
Oui, la danse a bien assez duré, et au-delà de son envie de faire connaissance de façon dirons-nous plus charnelle avec la belle Carmilla, elle est aussi curieuse de découvrir où cette femme peut bien vivre. Au final, elle ne sait rien ou presque de celle qui la guide à présent jusque dans son antre. Si elle n'était pas de nature à penser que c'était d'elle qu'il fallait se méfier et non l'inverse, elle s'inquiéterait peut-être davantage de cette situation ou insisterait pour qu'elles se rendent dans son appartement, où elle aurait l'avantage du terrain, mais en définitive, l'idée ne l'effleure même pas.
En prenant docilement la main de Carmilla, Oksana se laisse donc conduire à l'extérieur, et suit sa future maîtresse sans vraiment savoir à quoi s'attendre. A partir du peu d'informations dont elle dispose au sujet de Carmilla, elle veut se faire une image mentale de l'endroit où elle vit, songe à d'autres formes de détails : est-elle bordélique ? ou au contraire maniaque ? Vit-elle seule ? Ce n'est pas parce qu'elle est si prompte à la conduire chez elle que c'est forcément le cas. Au final, elle prend la décision de se laisser surprendre, et elle n'a pas à attendre très longtemps. Carmilla disait effectivement vrai, elle n'habite pas loin.
Avant de répondre à Carmilla quand cette dernière lui propose à boire, Villanelle préfère prendre ses aises et parcourir les pièces de l'appartement sans franchement de gêne, comme si elle s'appropriait les lieux en toute légitimité, se permettant parfois de récupérer un objet posé là pour l'examiner de plus près. Elle ne cherche pas à se montrer plus précautionneuse, elle n'en voit pas outre mesure l'intérêt. Ce n'est qu'après un moment de cet examen minutieux qu'elle décide de reporter son attention sur Carmilla.
"J'ai assez bu", déclare-t-elle en se rapprochant d'elle.
Elle estime qu'elles ont suffisamment attendu pour ne pas avoir besoin d'attendre plus longtemps avant que de passer à l'acte, purement et simplement, pour cette raison, elle n'attend pas davantage pour s'emparer une nouvelle fois des lèvres de la belle Carmilla, impatiente, avide, tout en la plaquant contre le mur le plus proche.
Carmilla laissa son invitée examiner son appartement. Elle la trouvait bien curieuse, mais ne s'en formalisa pas outre mesure. Elle-même, par le passé, avait passé des semaines à côtoyer de près ses proies et à se faire héberger chez elles pour mieux les séduire et leur ôter progressivement la vie.
Son appartement était impeccablement rangé, exception faite de l'imposant bureau où elle passait visiblement le plus clair de son temps. En plus de l'ordinateur, étaient éparpillés sur le bureau des dizaines de dossiers pleins à craquer, de feuilles aux annotations manuscrites chaotiques et de livres aux pages cornées et aux couvertures usées. Toute l'obsession dont était capable l'ancienne vampire était regroupée là, sur ce meuble qui supportait ses insomnies et ses humeurs.
Même si elle assumait ouvertement cette obsession pour ses recherches, elle fut soulagée de constater que Villanelle ne s'attardait pas davantage à l'examen de son appartement. Elles avaient, après tout, des choses bien plus intéressantes à faire.
Ce nouveau baiser l'électrisa. Plaquée contre le mur, elle sourit contre les lèvres de sa partenaire du soir. Ses mains glissèrent le long des avant-bras de la jeune femme jusqu'à se caler sous ses coudes pour mieux l'attirer et la maintenir contre elle.
Là, dans l'intimité de son appartement, il devenait de plus en plus difficile de retenir ses pulsions les plus périlleuses. Si elle n'avait plus les crocs qui accompagnaient sa nature profonde, il lui restait un goût certain pour le sang humain - qu'elle était hélas forcée de ne consommer qu'en quantité modérée.
Elle profita donc de ce baiser avide pour tester les limites de Villanelle. Après avoir caressé sa lèvre inférieure de sa langue, elle ramena brusquement le corps de la jeune femme à elle et mordit sa lèvre, fort et jusqu'à sentir le goût ferreux qu'elle recherchait contre sa bouche. Elle ne perdit pas de temps et y passa la langue, à la fois pour apaiser cette morsure et pour profiter davantage de ce liquide précieux.
Cette action eut pour effet de lui donner plus d'entrain encore que précédemment et elle remonta les mains pour enfouir ses doigts dans la chevelure de cette belle rencontre.
If you were less pretty, I think I should be very afraid of you
Villanelle aurait peut-être eu beaucoup à dire concernant l’appartement de sa conquête d’un soir, si elle en avait spécialement l’envie, elle aurait pu s’attarder sur l’un ou l’autre détail, et décider d’y aller de ses commentaires, mais en toute honnêteté, son sens ou non de la décoration lui passe par-dessus la jambe, à l’heure actuelle, elle préfère, et de très loin, se focaliser sur ce corps pressé contre le sien, et sur ces lèvres qui embrassent à présent les siennes. Un baiser passionné, électrisant… un rien bestial, et qui prend la jeune femme de cours quand elle sent les dents de sa maîtresse d’un soir se refermer sur sa lèvre inférieure, pas juste pour la mordiller mais bel et bien pour la mordre franchement. « Aoutch ! »
Elle ne peut quand même pas passer à côté de la douleur qui l’élance soudainement, quand bien même elle se voit légèrement apaiser par la caresse de sa langue contre sa lèvre. Le regard plongé dans celui de Carmilla, l’ancienne tueuse à gage devrait peut-être s’inquiéter de la situation… encore faudrait-il que la situation en question lui déplaise réellement, ce qui au final n’est pas spécialement le cas. Pas que la douleur soit en soi si agréable, mais la férocité de sa partenaire, en revanche, est tout à fait à son goût. Elle apprécie d’autant plus que Carmilla n’excuse ni ne justifie son geste.
Non, c’était tout naturel pour elle, et inutile donc de se confondre en excuses parce qu’un élan de bestialité quelconque lui aurait fait perdre le contrôle. Peut-être aussi qu’elle la met au défi, en agissant de cette manière. Et si ça doit être le cas, elle a trouvé à qui parler, car il n’y a définitivement aucun défi – ou presque – que Villanelle n’ait pas l’impérieuse envie de relever. Elle enfouit ses doigts dans la chevelure de la blonde et intensifie encore leur échange. Ce n’est finalement qu’entre deux baisers enflammés, chaque contact des lèvres de sa maîtresse contre sa légère blessure l’élançant légèrement, mais pas désagréablement, qu’elle reprend la parole. « J’espère que j’ai bon goût, au moins », dit-elle d’un ton sans équivoque avant de glisser ses lèvres au creux de son cou, puis de venir mordiller le lobe de son oreille.
« C’est injuste », souffle-t-elle contre cette dernière. « Moi aussi j’ai envie de te goûter. »
Elle s’écarte légèrement pour laisser à son amante le loisir de constater le sourire qui orne en cet instant ses lèvres, malicieux et quémandeur. Elles ne font que commencer, bien sûr, mais une chose est quoi qu’il en soit certaine, et c’est que Carmilla sait y faire pour aiguiser ses envies, incontrôlables, et qu’elle ne cherchera pas à contrôler de toute manière. « Tu m’emmènes dans ta chambre ? » suggère-t-elle alors.
La réaction de douleur de son invitée fit sourire Carmilla, qui s'humecta les lèvres pour apprécier plus longuement le goût de son sang. Si jamais la jeune femme en venait à renoncer à l'idée de partager son lit suite à son geste, au moins, elle pourrait se consoler avec cette saveur... Mais il fallait croire que son amante n'était pas, malgré sa réaction, suffisamment surprise ou choquée pour s'en aller, à en croire son entrain. Ce qui n'était pas pour déplaire à la brune qui était désormais ronronnante, tout contre l'autre femme.
- Très bon goût, confirma-t-elle lorsque Villanelle en vint à l'interroger.
Toujours animée par ce plaisir sensuel qui augmentait progressivement d'intensité, elle tendit le cou pour mieux lui permettre l'accès à la peau de son cou.
A sa remarque, elle rendit à la superbe comédienne son sourire, rendant le sien plus enjôleur. Toute amante qui ne fuyait pas devant ses envies bestiales était une amante qu'il lui fallait récompenser.
- Mais avec plaisir, rétorqua-t-elle donc d'un ton faussement pompeux avant de lui faire signe de la suivre.
Elle l'entraîna dans le couloir et ouvrit la deuxième porte à leur gauche. L'éclairage qu'elle actionna aussitôt révéla un grand lit aux draps sombres, dans une chambre aux murs pourtant clairs, ornés de tableaux représentant tous des femmes dénudées, pour la plupart de dos, à l'exception faite d'un tableau où la femme représentée était blonde, jeune, et soutenait avec défi le regard du spectateur. Celui-ci, c'était Carmilla elle-même qui l'avait peint, mais elle ne s'attarda pas sur la décoration et se hâta au contraire de refermer la porte derrière elles.
La brune se plaça dans le dos de Villanelle et l'entoura de ses bras, ses lèvres s'intéressant à la peau de son épaule droite, pour remonter contre sa gorge. Le pouls qu'elle sentait contre sa bouche était enivrant.
Avide, elle passa les mains sous le haut de la comédienne, prenant son temps pour caresser son ventre et remonter vers sa poitrine.
Elle remonta le visage pour l'interroger d'une voix chaude, contre son oreille :
If you were less pretty, I think I should be very afraid of you
« J’en étais sûre », répond Villanelle avec une pointe d’amusement dans la voix quand sa partenaire d’un soir lui confirme qu’elle a très bon goût.
Pour elle, ce n’est jamais qu’un jeu, elle ne devine absolument pas que le sang puisse avoir une saveur aussi particulière pour Carmilla. Elle aussi a déjà pu goûter à la saveur du sang à certains moments, plus par accident qu’autre chose, elle n’y a jamais trouvé grand-chose de particulier. Elle n’a d’ailleurs, pour le sang, pas réellement d’affinités en dépit de ce que ses fonctions dans son ancienne vie pouvaient laisser présumer. Elle ne tuait pas vraiment pour le plaisir de faire couler le sang, ou même celui d’ôter une vie. C’était bien plus complexe que cela. Et absolument pas une chose dont elle cherche à se soucier en cet instant. Elle, elle a plutôt envie de passer à la vitesse supérieure, et elle ressent que Carmilla est du même avis.
Elle se laisse donc entraîner dans le couloir, et se permet, jusqu’au moment d’atteindre la chambre, de laisser son regard courir à droite et à gauche. Carmilla possède, à l’évidence, un sens de la décoration bien particulier, mais qui n’est pas pour déplaire à Villanelle. Des femmes nues, de dos, et une femme, belle, blonde, jeune, au regard impudique. Si cela n’avait tenu qu’à Villanelle, elle serait sans doute restée plus longtemps à observer les tableaux en question, mais sa partenaire a déjà refermé la porte de sa chambre derrière elle.
Aussitôt, les caresses reprennent. La chaleur de ses lèvres contre son épaule et sa gorge, la caresse de ses doigts sous son haut, qui se tend immédiatement, jusqu’à sa poitrine, puis, elle rompt le silence et se laisse décontenancer par une question à laquelle elle ne s’était pas le moins du monde attendue et qui a le don de déposer un sourire amusé sur ses lèvres, tandis qu’elle tourne les yeux vers la jeune femme pour ancrer son regard dans le sien. « Tu me demandes l’autorisation ? » demande-t-elle d’un ton amusé avant de se retourner pour faire face à la jeune femme. « Je t’y autorise si tu m’y autorises. »
Mais elle n’attend pas vraiment l’autorisation de Carmilla, en réalité, pour s’appliquer, non sans lenteur et sensualité, à débarrasser sa future maîtresse de tous les pans de tissus encombrants qui faisaient un peu trop barrage entre elle et son épiderme, non sans ponctuer l’affaire de quelques baisers supplémentaires, sa lèvre ouverte toujours en feu à chaque contact. « Elle est jolie », déclare-t-elle l’air de rien entre deux baisers tout en s’affairant à présent à débarrasser Carmilla de son soutien-gorge. « La fille du tableau », spécifie-t-elle sans tout de même se montrer plus précise quant à la fille en question. Une se détache du lot, c’est un fait.
Ce n’est peut-être pas le moment de laisser parler sa curiosité, il est même très probable qu’il n’y ait pas franchement de bon moment pour ça, mais Oksana avait eu envie de le dire, alors elle l’avait dit, sans réserve ni franchement se poser de questions.
L'amusement de Villanelle quant à sa dernière question était palpable, et contagieux. La réponse offerte fit sourire Carmilla, qui haussa les épaules d'un air joueur. - Je suis un peu vieux jeu.
Et pendant que son amante de la soirée la déshabillait, elle en faisait de même, ayant obtenu l'autorisation qu'elle désirait. Elle s'était pourtant permis un acte bien plus intime en buvant son sang, mais sa conception de la réalité était quelque peu déformée depuis qu'elle vivait dans cette ville. Elle s'imaginait la légère douleur qui accompagnait la jeune femme à chacun des baisers qu'elle déposait sur sa peau, et déjà, cette pensée suffisait à décupler la force de son désir.
Elle aidait presque docilement Villanelle à lui ôter son soutien-gorge lorsque ses pensées furent distraites par le commentaire de la comédienne. Une comédienne bien observatrice, par ailleurs. - Oui, elle l'est.
Son ton était un peu trop neutre. Elle s'en aperçut et prit une longue inspiration, avant de s'agenouiller pour ôter le pantalon de sa compagne du soir avec lenteur. Elle déposa régulièrement quelques courts baisers sur la peau de ses cuisses, puis de ses genoux, avant de lui ôter finalement le vêtement, puis le sous-vêtement qui allait avec.
Elle se redressa alors pour lui faire de nouveau face, lui adressant un sourire teinté de luxure qui assombrissait son regard.
- C'est moi qui l'ai peint. C'est une ancienne amante. Je crois qu'elle t'aurait plu.
Le souvenir de Laura était doux-amer. Elle avait éprouvé pour cette humaine des sentiments très forts, qui l'avaient menée à des extrêmes qui feraient frissonner bon nombre d'êtres humains saints d'esprit. Et, même si son époque et son rang social lui interdisaient même d'y songer, elle savait que Laura avait elle aussi éprouvé pour elle des sentiments similaires. Elle ne l'aurait pas laissée la courtiser avec tant d'ardeur, autrement.
Mais Laura était morte depuis des siècles et Carmilla n'était même plus une vampire. Elle chassa donc son souvenir en battant des cils, préférant se concentrer sur la délicieuse femme qui se trouvait devant elle. Elles étaient nues toutes les deux, les choses sérieuses pouvaient enfin commencer.
Elle prit Villanelle par les hanches et l'entraîna en direction du lit, où elle la fit asseoir sans grand ménagement pour la suivre aussitôt, se plaçant sur ses cuisses à califourchon pour l'embrasser à pleine bouche comme si elle cherchait à lui dérober sa force vitale.
If you were less pretty, I think I should be very afraid of you
Vieux jeu, Carmilla l’est certainement, en effet, alors qu’elle lui demande l’autorisation de la déshabiller, mais ce n’est pas pour déplaire à Villanelle, en réalité. Cette dernière n’est pas encore entièrement certaine d’être parvenue à cerner son interlocutrice, il est bien possible qu’elle n’y parvienne tout simplement pas, et cette perspective, loin de lui déplaire, lui paraît d’autant plus séduisante. Beaucoup sont si… prévisibles qu’ils en perdent leur intérêt, peu importe leur apparence. Carmilla, elle, ne se contente pas d’être particulièrement belle, elle est aussi intrigante, et ça fait toute la différence. Alors qu’elles se mettent mutuellement à nu, Villanelle s’autorise à faire la discussion, quand bien même le moment pourrait sembler ne pas être, éventuellement, des plus appropriés.
Quand la jeune femme se contente de lui répondre, d’un ton d’une neutralité exemplaire, que oui, la fille du tableau, celle qui se distingue de toutes les autres, est effectivement belle, Villanelle devine qu’elle a abordé un sujet dont sa compagne d’un soir n’a pas la moindre envie de parler, ce qu’elle peut comprendre. Elles n’ont vraiment pas besoin de parler dans tous les cas, ce n’est pas exactement pour entretenir une conversation longue et profonde qu’elles sont ici, après tout. Mais alors que Carmilla vient de la libérer de ce qu’il restait de tissu sur sa peau, elle reprend avec plus de détail.
Villanelle affiche un sourire en coin en constatant chez son interlocuteur ce quelque chose qu’elle aurait peut-être pu immédiatement reconnaître en elle si elle avait pris la peine de regarder au bon endroit. Carmilla est hantée par une ancienne obsession qui, à l’évidence, ne l’a pas suivie ici… tout comme c’est le cas de Villanelle également. Cette jolie blonde est pour Carmilla ce qu’Eve est pour elle. Et cette pensée, étrangement, l’attire d’autant plus vers Carmilla. « Oh, j’en suis certaine », répond l’ancienne tueuse à gages avec un fin sourire au coin des lèvres quand Carmilla observe que cette femme lui aurait certainement plu. Allez savoir. Dans tous les cas, elle n’est pas là. Et Eve non plus. Doivent-elles se considérer comme des lots de consolation l’une pour l’autre ? Peut-être bien, au final, mais même si ça doit être le cas, quelle importance, au bout du compte ? Tant qu’elles trouvent du plaisir à cet échange. Et pour l’heure, c’est le cas.
Elle a envie d’ajouter autre chose, mais renonce, elle pourra bien cuisiner Carmilla… d’une autre manière… plus tard. Pour le moment, elle préfère se concentrer sur le plaisir qu’elles sont susceptibles de mutuellement s’offrir.