[terminé] Smooth as silk. [Amélie & Oksana]

Smooth as silk

feat. Oksana Astankova

Le château Guillard pouvait être impressionnant, à première vue. Nombreux étaient ceux, parmi ses élèves, qui avaient hésité avant de s'y rendre, certains qu'ils avaient dû se tromper d'adresse. Des cours de danse dans un château, c'était rare. Mais Amélie n'avait pas pu imaginer meilleure utilisation de la demeure ancestrale de sa famille que celle-ci. La danse, c'était sa véritable passion. Celle qui avait animé la jeune Amélie qu'elle avait été, autrefois. C'était une passion qui l'empêchait de se remémorer les crimes terribles commis par son alter ego. En particulier la danse classique, qui imposait à quiconque la pratiquait de faire preuve d'une grande discipline. La danse, c'était éreintant. Il fallait de la concentration et de l'attention pour la pratique. C'était une occupation qui avait le mérite d'être physique tout en vidant efficacement l'esprit. Amélie y avait trouvé un refuge reposant, dont elle abusait parfois, craignant trop d'entendre la voix froide et sarcastique de Widowmaker dans un recoin de son esprit.

En ce début de soirée, elle attendait une jeune femme qu'elle ne connaissait pas, pour un cours particulier. Ce n'étaient pas ses favoris, mais ils avaient le mérite d'accaparer son attention et de compléter son salaire. Non pas qu'elle ait à se plaindre de ce point de vue là. Elle avait toujours eu une vie aisée, même auprès de Talon, et le fait d'avoir retrouvé son château dans cette ville l'avait aidée à repartir du bon pied.

Ses pensées furent interrompues par le lourd battement du heurtoir sur la porte principale du château. Elle déposa sa tasse de café sur la table qui lui servait de bureau entre deux cours, puis accueillit sa nouvelle élève. Ses yeux à l'étonnante couleur dorée s'attardèrent sur la jeune femme qui lui faisait face. Son visage lui était familier. Sans doute l'avait-elle vue sur une affiche publicitaire.

- Bonsoir. Je suis Madame Lacroix. Entrez, je vous en prie.

Elle s'écarta de l'entrée pour la laisser passer, referma la lourde porte derrière elles puis la guida jusqu'à la salle de danse, qui était en vérité l'ancienne salle de réception du château, réaménagée pour sa nouvelle fonction. L'un des murs était entièrement recouvert de miroirs.

- Vous veniez pour... Pour un mariage, lut-elle sur ses notes.

C'était une noble ambition que celle d'apprendre à danser pour l'élu.e de son coeur. Le souvenir de son propre mariage s'imposa à elle en une réminiscence qui lui fit fermer les yeux, le temps d'une inspiration. Elle les rouvrit et, par réflexe, vérifia que la manche de son haut recouvre intégralement son bras droit. Moins elle voyait l'odieux tatouage hérité de Widowmaker comme un ultime pied-de-nez, mieux elle se portait. Comment expliquer à quiconque de sain d'esprit qu'elle se soit fait tatoué "Araignée du soir, cauchemar" en plus d'une toile d'araignée... Ce n'était pas un geste d'une personne saine d'esprit. C'était le geste d'une assassin impitoyable au sens de l'humour plus que douteux. Une assassin qu'elle n'était pas, qu'elle n'était plus, qu'elle n'avait jamais voulu être.

Encore une fois, elle dut se faire violence pour refouler ses pensées chaotiques. Elle se tourna vers la jeune femme et l'interrogea enfin :

- Qu'aimeriez-vous apprendre ? La valse ? Le tango ? Une chorégraphie ?

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feat. Amélie

Quitte à prendre des cours de danse, et comme pour tout ce qu’elle faisait dans la vie ou presque, Villanelle ne pouvait évidemment que voir et faire les choses en grand. Elle s’était renseignée sur plusieurs professeurs avant de se décider pour Amélie Lacroix, ne serait-ce que parce qu’elle donnait ses cours dans un château, et même si ce genre de détails pourraient passer pour de l’esbrouffe, ça comptait quand même aux yeux de Villanelle. C’est qu’elle pouvait avoir une certaine attention du détail. Il n’est pas question de n’importe quel événement, il est question de son mariage, et Villanelle tient à ce que tout, absolument tout, soit véritablement parfait… C’est pour cette raison que, même si leur public devait être réduit à peau de chagrin, elle n’offrira pas une ouverture de bal médiocre à sa fiancée. Eve aura tout ce qu’il y a de meilleur, c’est ainsi.

Parce qu’il n’était pas question pour elle de se mêler à une foule d’apprenti-danseurs complètement patauds, elle avait demandé des cours particuliers. Elle aurait pu inscrire Eve aussi, c’est vrai, mais le fait est qu’elle tient à lui faire la surprise, et elle veut croire que la surprise en question sera bonne… Sur place, c’est une jeune femme élégante, séduisante, aux étonnants yeux dorés qui vient lui ouvrir. Madame Lacroix. Avec elle, on sent que ça ne déconne pas… ce n’est pas plus mal.

« C’est ça », répond Villanelle alors que Mme Lacroix, en considérant ses notes, demande confirmation du fait qu’elle vient pour un mariage, en détournant les yeux de son interlocuteur pour balayer les lieux du regard. Il lui en faut plus pour l’impressionner, mais ça ne l’empêche pas pour autant d’apprécier sincèrement le décorum. « Surtout pas la valse », réplique Villanelle en rejetant cette idée avec une grimace.

La valse, traditionnel certes, mais chiant comme la pluie, hors de question. Villanelle est prête à parier que c’est une valse bien plan-plan que Niko et Eve ont dansée lors de leur mariage, et il n’est pas question qu’ils s’adonnent à la même chose. Quant à l’idée d’une chorégraphie… En l’absence d’Eve, elle devine que ce sera compliqué, et elle veut  garder la surprise jusqu’au bout.

« Le tango, ça me plaît », reprend-elle alors.

Une danse plus sensuelle, plus mouvementée, plus libre, qui lui semble bien plus convenir à être à l’image de leur relation. Car si Villanelle veut que tout soit tout de même élégant, raffiné et de bon goût, elle tient aussi à ce que leur mariage leur ressemble, et pour ce faire, il ne peut pas être question le moins du monde qu’il se contente d’être bêtement traditionnel… Elles en bâilleront d’ennui sur la piste de danse.

« Comment on procède, alors ? » reprend-elle en se frottant les mains.

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feat. Oksana Astankova

La réaction de la jeune femme au sujet de la valse l'amusa. Amélie se fit une meilleure idée des intentions de sa nouvelle élève, sa grimace ne lui ayant pas échappé. Une femme peu portée sur les danses traditionnelles, donc. Soit. Elle en tiendrait compte.

Le regard vigilant de la française s'attarda un instant sur la silhouette de la nouvelle venue. Sa musculature plaisait à la danseuse qu'elle était. Il y avait du potentiel dans un tel corps.

- Je suppose que l'absence de votre partenaire est intentionnelle.

Une surprise, sans doute. Se passer de la présence de la personne qu'elle allait épouser serait contre-productif dans le cas contraire. Amélie n'attendit donc pas réellement la réponse de son interlocutrice avant de poursuivre d'un ton docte :

- Sans certitude que le partenaire connaisse les pas, il vaut mieux partir sur du tango argentin. C'est moins... Traditionnel, mais plus simple pour improviser. Plus flexible.

Elle s'avança pour se placer devant elle, laissant une fois de plus son regard détailler celle qui lui faisait face. Elle soutint son regard avec franchise tout en continuant à expliquer ses intentions :

- L'idée est que je vous apprenne à guider. C'est essentiel. Si vous savez guider, même les erreurs passeront comme étant intentionnelles. Et après, nous passerons aux pas et aux figures. Selon le temps et votre envie, nous pourrons éventuellement travailler quelques mouvements de rumba. C'est la danse de l'amour par excellence, alors... Ca peut servir, suggéra-t-elle avec un mince sourire.

Elle lui expliqua donc les rudiments du tango argentin. Elle s'intéressa d'abord à sa posture, n'hésitant pas à la corriger, avant de lui montrer la manière d'amorcer les pas et les mouvements dans cette danse. Lorsque vint le moment de passer à la pratique et non plus à la théorie, elle s'avança et lui fit prendre la position de meneuse, adoptant donc le rôle du suiveur.

Alors qu'elle venait de placer la main droite de Villanelle entre ses omoplates et qu'elle lui tenait comment tenir sa main avec la gauche, le souvenir d'une jeune femme à l'effronterie sans pareille mais au sourire radieux s'imposa à son esprit. Elle en fut d'abord décontenancée, puis tout simplement horrifiée. Ce n'était pas un souvenir qui lui appartenait. C'était un souvenir qui appartenait à...

Eh oui, chérie.  

Rejetant une fois de plus ces pensées intrusives, ses yeux flamboyant d'une colère adressée à son alter ego se posèrent sur le visage de la jeune femme.

- S'agit-il d'un homme ou d'une femme ? s'enquit-elle finalement afin de jauger de la meilleure posture à adopter.

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feat. Amélie

Villanelle hoche la tête quand Amélie suggère que l’absence de sa partenaire n’est pas accidentelle. En certaines circonstances, Villanelle est convaincue que d’autres doivent venir seuls parce qu’ils n’auront pas réussi à traîner leur moitié dans ce genre de cours, dans le cas de Villanelle, il n’est pas question de cela : elle tient à surprendre Eve, et la surprise serait évidemment gâchée si elle assistait à ses efforts pour gagner un semblant de technicité sur la piste de danse.

Bien sûr, cela demande une certaine forme d’ajustement, car cela signifie que votre cavalier ne pourra pas, de son côté, disposer de votre maîtrise, à moins de déjà maîtriser la chose pour commencer, ce qui ne sera pas forcément le cas d’Eve, mais Mme Lacroix, qui semble rodée à l’exercice, a d’ores et déjà trouvé la solution à ce problème en particulier et lui propose donc de lui enseigner le tango argentin. En effet, dans l’esprit de Villanelle, cela sonne comme un peu trop traditionnel, mais si cela autorise une part d’improvisation, alors c’est dans la poche. Enfin, dans la poche… encore faut-il qu’elle parvienne à ses fins.

« La danse de l’amour par excellence… », répète Villanelle, songeuse, tandis que son interlocutrice lui fait comprendre qu’avant toute chose, il faudra qu’elle apprenne à guider. Elle a envie de soutenir que ce n’est vraiment pas un problème pour elle. Ceci dit, en réalité, quand il est question d’elle et de Eve, il n’est jamais si simple de déterminer qui mène la danse plus exactement. « Ça me parle », reprend-elle alors, bien décidé à ajouter quelques mouvements de rumba à la danse si cela peut rendre l’affaire plus séduisante encore. Encore qu’elles n’aient pas forcément besoin de ça, en réalité… Mais bon, autant faire les choses à fond.

Le professeur s’applique alors à lui expliquer les rudiments du tango argentin… Pas forcément agréable de se laisser donner autant de directives et de se laisser diriger, mais Villanelle ronge son frein malgré tout, et même, on peut le dire : elle s’applique. Elle fait ça pour la bonne cause, après tout. Elle adopte la position de la meneuse, a le sentiment un instant que quelque chose a changé, une lueur étrange dans les yeux étonnamment dorés de son professeur, mais elle décide de ne pas y prêter attention, tout compte fait.

« Une femme », répond-elle, ravie d’entendre que son interlocutrice ne partait pas du postulat naturel qu’il devait forcément s’agir d’un homme comme tant d’autres. « Vous n’avez pas du tout le même gabarit par contre », répond-elle à une question que personne ne lui a spécialement demandé. « Tout va bien ? » demande-t-elle ensuite en référence au trouble qu’elle a senti chez son interlocutrice, plus par curiosité malsaine que par sincère considération.

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feat. Oksana Astankova

C'était donc une femme. Amélie en tiendrait compte durant l'apprentissage de sa nouvelle élève. Les mouvements à exécuter n'étaient pas exactement les mêmes. Cela relevait du détail, mais Amélie était une perfectionniste. La précision concernant le gabarit la fit sourire.

- Ce n'est pas un problème, assura-t-elle aussitôt.

La question sur son état, en revanche, lui fit perdre son sourire. Elle resta un instant silencieuse, toisant sa partenaire de danse d'un regard légèrement méfiant. Tout n'allait pas bien, en vérité. Mais elle ne pouvait pas réellement confier à une inconnue qu'elle était tourmentée par des souvenirs qui ne lui appartenaient pas - pas exactement, en tout cas -, de personnes qui n'étaient pas de ce monde quoiqu'il en soit.

- Oui. Reprenons.

Un mensonge évident, mais elle ne lui laissa pas le temps de protester. Elle tapota le biceps de la jeune femme afin de l'obliger à avoir une prise ferme, mais suffisamment souple pour qu'elle puisse guider facilement. Puis elle lui répéta ses instructions concernant les mouvements et pas de base, baissant le regard sur ses pieds afin de corriger au besoin.

- Avancez d'un pas, tout en essayant de rester le plus proche possible du sol. Comme si vous le survoliez. Frôlez mon pied. Votre partenaire doit pouvoir comprendre, sans que vous ne le lui indiquiez verbalement, que vous souhaitez avancer. Donc, vous avancez votre pied tout en frôlant le mien sur le côté, et en même temps vous donnez l'impulsion avec votre buste et vos bras, ce qui va m'obliger à reculer.

Elle marqua une pause, lui laissant l'occasion de s'exprimer si elle avait des questions, ou si elle avait besoin d'indications supplémentaires. Elle resta toujours attentive aux moindres difficultés qui pouvaient apparaître, tout en essayant de rejeter loin d'elle les pensées intrusives qui menaçaient à tout instant de lui faire perdre véritablement la tête.

- Nous allons travailler sans musique pour le moment, afin de nous concentrer sur la précision des mouvements. Et quand vous serez plus à l'aise, nous essaierons en musique. Ce qui devrait être légèrement plus simple, parce que le rythme du tango argentin est intentionnellement irrégulier, afin que les danseurs puissent choisir les temps de pause et les temps d'accélération. Mais nous verrons cela plus tard. En attendant... Essayez de me faire reculer de trois pas. Le but est que je comprenne vos intentions grâce à votre langage corporel. Si je ne reçois pas d'indication pour reculer, je ne vous faciliterai pas la tâche et je resterai sur place. De même si vous ne m'arrêtez pas à temps, je continuerai de reculer.

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feat. Amélie

Villanelle n’est absolument pas convaincue par ce « oui » que lui adresse son professeur de danse, mais elle accepte malgré tout de ne pas insister, surtout parce que ce ne sont pas ses affaires – être indiscrète ne lui pose aucun cas de conscience moral, vraiment, ce n’est pas du tout un souci pour elle, mais quitte à l’être, autant que ce soit pour une bonne raison… là, non seulement elle ne sait pas ce qu’il en est, mais elle n’est pas totalement certaine d’être intéressée quoi qu’il en soit. Ce qu’elle veut, c’est qu’on lui apprenne la danse, fin de l’histoire. Elle n’a pas l’air prête à se confier de toute manière, soit. Elle est ici pour apprendre à danser, dans tous les cas, alors au final, ça lui convient parfaitement. Que son interlocutrice lui mente effrontément était son problème, après tout.

Villanelle se focalise alors sur les instructions de son interlocutrice, même si elle trouve relativement déplaisant, pour tout dire, de s’entendre donner autant de directives en si peu de temps : mais ça, ce n’est pas vraiment une surprise malgré tout. Alors elle fait ce qui est demandé. Elle s’avance d’un pas, reste proche du sol, frôle son pied… Comprendre sans qu’elle n’indique rien verbalement, hein ? Elle affiche un sourire en coin à cette pensée. Avec Eve, ce sera d’une facilité enfantine, parce qu’elles savent parfaitement se comprendre sans rien se dire, c’en a même été assez alarmant en certaines circonstances.

« J’ai saisi », se contente-t-elle de répondre sans chercher à pauser des questions dans l’intervalle où l’occasion lui en est donnée. En même temps, elle a le sentiment de l’avoir effectivement bien intégré, et sans difficulté.

L’idée de travailler sans musique ne lui plaît pas complètement, elle est certaine de pouvoir se concentrer sur la précision des mouvements avec ou sans musique, ce n’est pas comme si elle avait été obligée à la concentration dans des circonstances autrement plus complexes, mais soit, elle laisse parler la pro, un peu à contrecoeur.

« Compris », reprend-elle avant d’esquisser un mouvement pour faire reculer sa partenaire des trois pas demandés, gardant en tête les indications demandées.

Elle plante son regard dans celui du professeur tout du long, comme elle le ferait si elle se retouvait en compagnie d’Eve. Hors de question de regarder ses pieds ou ceux de sa partenaire, elle est suffisamment sûre d’elle, même alors qu’elle s’exerce à une danse qu’elle ne maîtrise pas du tout, pour ne pas se focaliser uniquement sur ses pas mais se concentrer sur sa partenaire de danse. Après tout, c’est comme ça que c’est supposé fonctionner, n’est-ce pas ? A ses yeux en tout cas, oui.

« Alors, je suis comment ? »

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feat. Oksana Astankova

Sa nouvelle élève était incroyablement concentrée. C'était le type d'élèves qu'Amélie appréciait tout particulièrement. Villanelle était attentive, appliquée et n'était pas là pour lui faire perdre son temps. Il y avait de quoi se réjouir. Et elle se réjouit d'autant plus que la jeune femme avait parfaitement compris ce qu'elle attendait d'elle. Amélie se laissa guider, nota l'assurance de sa partenaire de danse.

- Pas mal du tout, répondit-elle d'un air appréciateur. Vous avez une bonne maîtrise de la connexion qu'il faut pour guider.

La posture de la jeune femme était bonne, elle aussi. Amélie décelait chez elle de véritables aptitudes qui, naturellement, lui plurent. Habituellement, et pour de telles réclamations, elle se contentait de rester simple et de permettre aux futurs mariés de se débrouiller tout en improvisant en cas d'erreurs. Mais avec celle-ci, elle commençait à se permettre d'imaginer lui enseigner des pas plus compliqués, mais plus efficaces dans l'art de séduire son partenaire. Ce qui était le but d'une danse de mariage, n'est-ce pas ? Le choix du tango argentin pouvait être un délicieux préliminaire à la nuit de noces.

Avant de se perdre dans ses pensées et dans son imagination, Amélie reprit sa posture d'enseignante et s'écarta de Villanelle pour aller chercher la télécommande qui contrôlait les enceintes installées aux coins de la salle de danse.

- Allez, essayons en musique. C'est d'ailleurs la mienne pour le moment mais si vous connaissez déjà la musique que vous utiliserez au mariage, nous pouvons directement travailler dessus.

Elle appuya sur un bouton de la télécommande. Une musique de tango argentin commença à se propager dans la pièce, mais elle baissa le volume afin qu'elles puissent continuer à s'entendre. Elle reposa ensuite la télécommande et revint se placer face à son interlocutrice en posture de danseuse.

- Vous connaissez les pas de base, alors essayez de me guider, où vous voulez, au rythme que vous voulez. Si vous vous débrouillez bien et que vous vous concentrez sur le guidage, je devinerai les pas que vous voulez me voir faire. Et après, selon comment vous vous en sortez... On ajoutera un peu de charme à tout cela, sourit-elle.

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feat. Amélie

Amélie aurait pu tomber sur Villanelle un jour de non-volonté totale, et alors, elle n’aurait clairement pas eu affaire à l’élève appliquée et concentrée qui se prend au jeu de son enseignement… Peut-être, d’ailleurs, que leurs prochaines leçons ne se passeront pas aussi bien, parce qu’elle se sera lassée et ne voudra pas être aussi assidue, mais pour le moment, elle est d’humeur, et puis, elle ne le fait pas pour elle, elle le fait pour Eve, elle veut qu’elles soient éblouissantes, lors de leur mariage, même si le nombre de leurs invités doit être réduit à peau de chagrin, vu les circonstances.

« C’est vrai », répond Villanelle sans humilité quand le professeur de danse observe qu’elle a la bonne maîtrise de la connexion pour guider.

Elle est ravie qu’elles passent très vite à un essai avec musique, elle estime que c’est tout de même plus adapté. Après quoi son interlocutrice lui fait remarquer qu’elle pourra amener la musique de leur ouverture de bal pour leurs prochains entraînements. La vérité, c’est qu’elle n’en a pas la moindre idée… elle n’y a pas spécialement réfléchi. La plupart des couples ont leur morceau, leur chanson… quelle serait la leur ? Villanelle garde cette question dans un coin de son esprit, incertaine quant à ce que serait la meilleure réponse à cette question, même si un certain nombre de possibilités lui viennent déjà à l’esprit. Dans tous les cas, c’est une chose qu’elle devra décider avec Eve, techniquement… Quoique… elle apprécierait assez de la surprendre sur ce point, mais il n’en est pas complètement convaincu, loin de là.

« Comment vous choisissez vos musiques, vous ? » demande Villanelle tout en prêtant attention à la mélodie qui s’échappe à présent des enceintes.

Dans le même temps, elle exécute les recommandations d’Amélie… L’inexpérience se fait tout de même ressentir dans sa gestuelle, d’autant qu’elle se déconcentre, en certaines occasions, mais elle prend néanmoins plaisir à guider sa partenaire : ou à essayer de la guider, en tout cas, avec les bases que sa professeure lui a inculqué… Quand elle daigne se concentrer un peu plus, elle est efficace, mais elle peut facilement se laisser distraire, à plus forte raison quand la jeune femme lui fait quelques remarques cryptiques qui laissent la porte ouverte à son imagination.

« Et qu’est-ce que ça veut dire, ajouter un peu de charme ? » demande-t-elle, en posant un regard attentif et intéressé à son interlocutrice.

Elle, ajouter plus de charme que ce que son charme naturel implique dans tous les cas – et c’est évidemment déjà beaucoup –, elle trouve déjà ça très bien.

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feat. Oksana Astankova

Le manque d’humilité de son élève lui fit hausser les sourcils. C’était une assurance qui avait ses attraits, mais qui pouvait rapidement devenir gênante, si cette même assurance empêchait Villanelle de suivre ses instructions. Mais pour l’heure, nul besoin de s’inquiéter, la jeune femme semblait être appliquée.

Elle observa que la question de la musique ne semblait pas être un sujet dont ces deux femmes avaient discuté. Par pudeur, Amélie laissa à son élève tout le temps de nécessaire à lui répondre, la laissant réfléchir à la question. L’interrogation de Villanelle la fit sourire doucement.

- Selon le rythme. Mais pour le tango argentin, qui n’exige pas un rythme régulier… On peut se permettre d’être plus souple.

Elle continuait de réfléchir à la question pendant qu’elle s’exprimait, ce qui lui donnait un regard songeur.

- Si vous n’avez pas de chanson spécifique à votre couple… Je pourrais vous ramener quelques-unes de mes sélections lors de nos prochaines sessions,  proposa-t-elle ensuite.

Pendant que la jeune femme tentait de la guider, et commençait à très bien s’en sortir, d’ailleurs, Amélie corrigeait avec patience les quelques maladresses ou erreurs. Elle était intransigeante, mais le but n’était pas de faire fuir ses élèves. D’autant plus lorsque l’élève en question n’avait principalement que le manque de pratique à déplorer.

Concernant le « charme » qu’elle mentionnait, son expression prit une allure plus malicieuse. Cette jeune femme était déjà charismatique, Amélie ne s’inquiétait donc absolument pas de la possibilité que Villanelle échoue dans le domaine de la séduction. Mais elle pouvait l’y aider malgré tout.

- Ça veut dire ajouter quelques mouvements pour… « décorer » la danse. La rendre plus sensuelle. C’est le but, non ?

Supposant qu’une démonstration valait mieux que les mots, elle prit délicatement les deux mains de son interlocutrice et les ramena sur ses hanches.

- Posez les mains sur mes hanches. Je vais avancer d’un pas, profitez de cet instant pour accompagner mon mouvement et m’obliger à changer de sens, comme si vous vouliez m’obliger à me retourner. Et lorsque je ferai de nouveau un pas, recommencez. Ça fait toujours son petit effet.

Elle se plaça et exécuta le mouvement qu’elle venait de lui décrire. Elle continua cependant de s’exprimer pendant qu’elle lui montrait les pas en question :

- En tango argentin, chaque mouvement peut être interprété comme faisant partie d’une parade amoureuse. Il y a des mouvements de fuite, des mouvements de possessivité, de séduction, de fusion… Il ne tient qu’à vous de choisir quelle histoire vous désirez raconter à travers votre danse.

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feat. Amélie

« Je veux bien », confirme Villanelle quand son interlocutrice suggère de ramener quelques-unes de ses sélections lors de leur prochaine session si elle ne devait pas trouver la musique idéale par elle-même.

Ça pourra lui donner quelques idées. Mais elle doit tout de même reconnaître ne pas totalement apprécier l’idée de s’arrêter sur une musique qu’elle n’aurait pas choisie et qui n’aurait donc pas nécessairement de lien direct avec son histoire avec Eve. Elle se dit surtout qu’elle doit mener sa propre enquête de son côté, aussi subtilement qu’elle peut en être capable, afin de jauger de ce qui pourrait bien être l’ouverture de bal idéale pour sa future femme. Ceci dit, mieux vaut une musique qui à l’origine ne lui parle pas tant que ça que pas de musique du tout, n’est-ce pas.

Villanelle s’efforce de suivre les directives de son professeur, accepte même de se laisser corriger à quelques reprises, elle ne le fait que parce qu’elle veut que tout soit absolument parfait pour Eve, mais elle aurait bien plus rapidement perdu patience dans n’importe quelle autre circonstance.

« C’est le but », confirme la Russe quand le professeur de dans suggère qu’ajouter un peu de charme signifie décorer la danse afin d’y ajouter de la sensualité.

Oui, Villanelle, dans toute sa prestance et toute sa suffisance, a envie de croire qu’elle n’a pas le moins du monde besoin de l’aide de qui que ce soit pour déployer des trésors de sensualité, mais à travers la danse, elle peut éventuellement être moins acquise à l’exercice et plus maladroite. Oui ses regards de braise et son sourire ravageur feraient certainement leur effet (l’humilité ? Pour quoi faire ?), mais elle veut mettre toutes les chances de son côté, afin de laisser un souvenir des plus impérissables à sa future femme. Elle veut que cette dernière soit absolument subjuguée par ses talents.

A la demande d’Amélie, elle pose ses mains sur les hanches de sa partenaire de dance et accompagne son mouvement tout en cherchant à exécuter très précisément le mouvement demandé. Elle n’a pas l’impression de le faire exactement pour commencer, mais elle en comprend l’idée, et cette idée lui plaît beaucoup, de même que ce concept de fuite, de possessivité, de fusion… La possibilité de pouvoir raconter leur histoire à travers une seule danse est aussi parfaite que fascinante… Alors elle s’efforce d’imprimer dans ses gestes précisément l’histoire qu’elle veut retranscrire. L’attirance évidente, mais aussi la répulsion, un pas en avant pour plusieurs en arrière, mais toujours, malgré tout, le besoin nécessaire, impérieux, de se rapprocher, une force d’attraction au fond plus grande que tout le reste.

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feat. Oksana Astankova

Pendant que les mains de son élève se posaient sur ses hanches, Amélie posa les mains sur les épaules de la jeune femme. Elle observa son visage, intéressée de voir à quel point elle était concentrée et à quel point elle avait besoin de regarder ses mouvements pour comprendre son intention. La brune devait reconnaître que la Russe s’en sortait très bien. Si ses gestes manquaient nécessairement de précision, elle compensait très efficacement par l’attitude. Ce qui, pour cette danse, était ce qui importait le plus.

- Nous n’en sommes pas encore là, mais un petit conseil malgré tout : le principe du tango, c’est de marcher. Alors si à un moment vous êtes déstabilisée ou n’avez plus d’idées pour terminer la chanson… Marchez en gardant en tête le style de la danse et le rythme. Tant que vous respectez l’esprit de la musique et de la danse, vous resterez impressionnante pour les spectateurs et… Sûrement pour votre partenaire aussi.

Si elle-même avait désormais une idée de l’amour souillée par l’horreur et le meurtre, elle se souvenait cependant d’un temps où chacune de ses danses étaient destinées à plaire. Au public avant tout, et par la suite à son époux.

Elle cligna des yeux tout en s’efforçant de chasser toute nostalgie.

- Le plus important à partir de maintenant… C’est la posture, et le cadre,  indiqua-t-elle tout en l’obligeant à se redresser en appuyant doucement sur sa colonne vertébrale, puis en lui replaçant les bras correctement. Si vos bras s’affaissent, vous ne pourrez pas guider efficacement.

Elle passa encore quelques minutes à lui montrer des mouvements de bras décoratifs, ainsi que des mouvements des jambes, qui accompagnaient la danse pour, là encore, la rendre plus séduisante. Enfin, après lui avoir donné ses conseils et indications, elle se replaça devant elle en prenant la posture de la partenaire guidée.

- Bon, je vais relancer la musique, vous aurez environ trois minutes pour… Me guider et nous faire danser. Improvisez, mais ne cessez jamais de danser. C’est le meilleur exercice.

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feat. Amélie

Villanelle cherche à intégrer chaque élément d’information que lui transmet son professeur de danse. Sera-t-elle à même de tous les retenir ? ça n’a rien de spécialement certain. Mais elle a une bonne mémoire, et en l’occurrence, elle a fait le choix d’être attentive, de ne pas être dissipée, elle a fait ce choix parce qu’elle veut offrir à Eve un mariage dont elle se souviendra tout au long de son existence, et que ça lui avait semblé être la meilleure manière de procéder en ce sens. Maintenant, entre l’intégration d’une information et son application, surtout quand il s’agit de danse, il y a bien évidemment un monde. Mais Villanelle a l’impression, non, la conviction d’être bonne, et elle se repose, à vrai dire, pleinement sur cette conviction. Alors elle retient de marcher si besoin, en n’oubliant seulement pas de respecter le rythme et l’esprit de la danse en question. En effet, l’essentiel, c’est de rester impressionnante pour les spectateurs.

« Je ne me laisse jamais déstabiliser », se permet-elle malgré tout d’affirmer d’un ton tout à fait confiant, avec sur le visage un air assuré qui pouvait être tout à fait insupportable à qui ne la connaissait pas et la prendrait pour une véritable tête à claque (qu’elle a tendance à être aussi, certes.

Elle se reconcentre néanmoins quand son professeur lui assure que l’essentiel reste la posture, le cadre, Villanelle la laisse faire quand elle repositionne ses bras convenablement, quand bien même elle n’apprécie guère d’être corrigée. Elle est là pour apprendre, pas pour aplatir le crâne de son professeur de danse contre le mur le plus proche sous le prétexte qu’elle avait daigné corriger sa posture. C’est un effort mental plus complexe qu’il n’y paraît. Les minutes qui suivent, Amélie lui montre les mouvements de bras et de jambes à exécuter pour parfaire la danse. Et finalement, elle relance la musique.

Ses mouvements sont sans doute trop amples, et surtout, Villanelle en fait des caisses, mais on ne pourra certainement pas lui reprocher de ne pas mener la danse jusqu’au bout, et encore moins de ne pas savoir improviser (elle n’est pas spécialement mauvaise dans ce dernier domaine, au demeurant).

Elle s’amuse, et elle donne de sa personne, elle écoute une partie des directives de son professeur, certes, mais en oublie rapidement certaines autres, elle se montre plus expansive que technique, et ça la fait sourire, car une part d’elle, aussi, a envie de prendre son professeure au dépourvu. Non, jamais elle ne se laisse déstabiliser. En revanche, elle, de son côté, adore déstabiliser autrui, et elle le montre une fois encore.

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feat. Oksana Astankova

La règle première de toute bonne danseuse était d'être capable de suivre les indications silencieuses de son ou sa partenaire. Le but de toute danse de couple était de trouver l'équilibre. Celui qui menait devait faire croire à ses partenaires qu'ils étaient les meilleurs avec qui ils avaient dansé, et les suiveurs devaient accepter de se laisser guider et tenter de faire leur possible pour exécuter les mouvements imposés par les meneurs. C'étaient des règles implicites qui garantissaient que chacun trouve son compte et passe un bon moment. Et donc, Amélie avait l'habitude de se laisser guider par des danseurs débutants souvent malhabiles, embarrassés, mais qui tentaient. Et, afin de les encourager et de mieux les conseiller, elle les encourageait régulièrement à guider selon ce que leur dictait leur instinct.

En l'occurrence, Villanelle se reposait davantage sur l'instinct que sur la technique. Ce qui était dommage, car Amélie avait vu l'application dont elle était capable. Mais visiblement, ce n'étaient pas tant les mouvements qui posaient problème à la jeune femme que le caractère. L'ancienne ballerine observait l'air fier et légèrement goguenard de sa partenaire, ce qui, au fond, l'amusait. Mais elle n'était pas là pour flatter l'ego de ses clients, encore moins pour accepter que l'on se joue d'elle dans sa salle de danse.

- Bien. Vous avez suffisamment d'aisance pour vous amuser. Ce qui est une bonne chose. Mais faites attention cependant. A trop jouer, vous risquez de rendre vos intentions incompréhensibles, et tous les partenaires de danse n'ont pas l'habitude d'anticiper les mouvements comme je le fais.

Elle eut un sourire discret. Elle s'était reculée à la fin de la chanson pour lui prononcer ces paroles, mais cette fois-ci, elle s'avança de nouveau tout en la fixant de son regard doré.

- Je crois qu'il est temps que je vous enseigne un mouvement qui devrait vous plaire, annonça-t-elle avec un calme qui n'était pas dénué de malice.

Cette fois-ci, plutôt que de prendre la posture de la suiveuse, elle prit au contraire la posture de la meneuse. Elle saisit fermement la main de la jeune femme et plaça son autre main entre les omoplates de Villanelle. Elle lui adressa un bref sourire en coin avant de la basculer en arrière, accompagnant le mouvement pour être penchée sur elle tout en la retenant pour l'empêcher de chuter.

- Croyez-moi, ça fait toujours son effet, souffla-t-elle sensuellement près de son visage.

Elle continua de la retenir quelques secondes avant de finalement la relever brusquement pour mieux la libérer de sa prise l'instant d'après.

Smooth as silk

feat. Amélie

Villanelle n’apprécie pas forcément de s’entendre pointer ses erreurs et ses défauts, mais en même temps, si elle est ici, c’est pour cette raison. Et même si ça ne lui plaît pas, elle est obligée d’écouter à son professeure de bout en bout. L’aisance pour s’amuser, elle en a, c’est certain, et ce n’est définitivement pas un problème pour elle, en revanche, oui, elle peut reconnaître qu’elle a sans doute tendance à trop jouer. Villanelle s’amuse de constater que cette réflexion pourrait s’appliquer à d’autres aspects de sa vie : à trop jouer, on peut rendre ses intentions incompréhensibles.

« Eve en sera capable, elle », se rembrunit-elle quand son professeure lui fait comprendre que si elle a l’habitude, une cavalière moins expérimentée sera prise au dépourvu par sa manière de faire.

Elle a beau le dire, et vouloir être convaincue du fait qu’Eve serait capable de lire ses intentions mieux que personne d’autre, elle peut admettre que sa réflexion reste le fruit de sa seule fierté, et ne peut donc pas véritablement prise en considération. Non, elle doit écouter Mme Lacroix, même si ça ne lui plaît pas le moins du monde. Mais elle laisse ça de côté, surtout quand le professeur reprend en suggérant de lui enseigner un mouvement qui sera susceptible de lui plaire.

Villanelle, curieuse, la laisse faire quand Amélie, à nouveau, mène la danse. Elle n’a pas la moindre idée de ce qui l’attend, mais dans la circonstance, ce n’est pas pour lui déplaire, et encore moins quand elle comprend où son professeure veut en venir. Elle place une main entre ses omoplates et la fait basculer en arrière. Le sourire de Villanelle s’élargit. Oh, Eve va adorer ça. En toute confiance, parce qu’Amélie a l’air de parfaitement savoir ce qu’elle fait, elle laisse faire, jusqu’au moment où elle la redresse.

« Oh, je veux bien le croire », confirme-t-elle alors, bien décidé à faire de ce mouvement de danse le clou de son mariage.

Elle observe son interlocutrice avec intérêt, si un peu plus tôt, elle n’avait pas été convaincue de tenir encore longtemps à respecter les directives de son professeure, elle est à présent avide de son enseignement. Elle les visualise déjà toutes deux, dans leurs tenues de mariées, répéter le même mouvement de danse. Nul doute que ça aurait directement son petit effet.

« Alors, qu’est-ce que je dois faire ? » demande-t-elle alors, aussi impatiente qu’une enfant.

Smooth as silk

feat. Oksana Astankova

Ses commentaires n'étaient de toute évidence pas au goût de son élève. Amélie observa la jeune femme se rembrunir et afficha un mince sourire d'amusement. Elle ignorait tout des capacités de la fiancée de cette jeune personne, mais elle espéra silencieusement que cette "Eve" saurait effectivement tenir la cadence de cette boule d'énergie et de grandiloquence qu'était Villanelle.

Loin de se laisser décontenancer par l'humeur de la blonde - l'on pouvait tout affronter après avoir fréquenté nul autre que Gabriel Reyes et ses coups de sang légendaires -, Amélie choisit plutôt de la distraire de sa mauvaise volonté en lui montrant l'un des mouvements qui impressionnaient généralement le plus. Et elle fut ravie de constater que cet enseignement eut l'effet escompté.

Amélie observa que Villanelle passait rapidement de l'agacement à l'impatience. Son attitude lui rappelait celle des rares enfants à qui elle enseignait la danse, à faire la mauvaise tête lorsqu'elle les rabrouait et, au contraire, à faire preuve d'enthousiasme quand ils apprenaient de nouveaux mouvements.

Décidant de profiter de cet excès d'enthousiasme tant qu'il était présent, Amélie s'avança pour donner ses instructions.

- Tenez ma main droite et ramenez nos mains jointes vers votre épaule. Votre autre main doit être placée dans mon dos, de préférence entre mes omoplates afin de me soutenir. Assurez-vous que je tienne bien votre biceps et tendez le bras droit tout en fléchissant la jambe gauche. Je sais que ça va sembler contre-intuitif, mais vous devez rester droite autant que possible. Il n'y a que votre jambe gauche qui doit être pliée, l'autre doit être tendue et accompagner le mouvement de mes jambes. Ce sont vos mains qui vont me maintenir, il est donc important que vous mainteniez le cadre. Et lorsque vous souhaiterez que je me redresse, vous n'aurez qu'à vous redresser et accompagner mon mouvement afin que je puisse vous suivre. Simple, non ?

Avant de la laisser essayer la pratique, cependant, elle jugea bon de glisser quelques informations de plus :

- Sachez d'ailleurs qu'en tango, vous pouvez également faire des semblants de renversé. Vous "obligez" le partenaire à se pencher en arrière pendant les quelques temps de pause de la danse, sans aller aussi bas que pour le renversé. Dans ces cas là, il suffit d'écarter le bras qui tient la main de votre partenaire et, comme toujours, d'accompagner le mouvement.

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feat. Amélie

Villanelle se rembrunit et se lasse facilement, mais elle peut aussi s’enthousiasmer rapidement – en somme, il faut savoir de quelle manière la prendre (en tout bien tout honneur), et en l’occurrence, si la jeune femme s’était sentie à deux doigts d’abandonner et de tourner les talons, elle est finalement à nouveau complètement investie dans le cours tandis qu’Amélie lui apprend un de ces mouvements qui, elle en est certaine, ne pourra que plaire terriblement à Eve. En conséquence, elle devient tout à coup très assidue, très attentive, et très appliquée. Elle veut retenir toutes les indications de son professeur afin d’être en mesure de les répéter à la perfection. Elle aimerait réussir du premier coup à faire les choses de manière tout à fait irréprochable.

Alors elle fait exactement ce qu’elle lui demande. Elle s’applique à reproduire chaque mouvement qu’elle lui indique en s’empêchant de faire la moindre erreur. Tenir sa main droite, placer son autre main entre ses omoplate, tendre le bras, fléchir la jambe gauche… en effet, dans ces circonstances, Villanelle a envie de se pencher plus que de se tenir droite, mais elle comprend ce qu’elle veut dire. C’est vrai que dit comme ça, ça a l’air très simple, reste à vérifier si la pratique est vraiment aussi aisée que la théorie, ce qui n’est pas une certitude, naturellement.

Elle apprécie les précisions d’Amélie, qui sait lui prouver de cette manière qu’elle sait très exactement ce qu’elle fait, en plus de bien savoir le faire. C’est une chose qu’elle ne peut que constater et apprécier chez son interlocutrice. Elle ne s’est pas tournée vers une danseuse qui saurait vaguement s’agiter sans comprendre véritablement ce que danser signifie. Il est évident que son professeur maîtrise son domaine, et donc elle juge bon de retenir tout ce qu’elle peut bien lui apprendre. Faire des semblants de renversé sans aller aussi bas… Villanelle devine d’avance qu’elle aura tendance à vouloir en abuser, pour le simple plaisir d’en abuser. Elle hoche la tête une fois que son interlocutrice a fini de parler.

« D’accord, j’ai tout retenu », confirme-t-elle d’un ton fier – parce que c’est la vérité, elle a tout bien retenu comme il faut, et elle n’en est pas peu fière. Encore faut-il bien retenir ces choses et réussir à effectivement les appliquer d’un point de vue plus concret. Et ça…

Ça, on va voir dans les prochaines minutes sans Villanelle en est capable ou non. Quelques secondes plus tard, elle se répète mentalement les gestes indiqués par Amélie. Ses gestes sont un peu raides, mais le résultat est là, et Villanelle affiche un sourire de satisfaction tandis qu’elle fait basculer Amélie en arrière en accompagnant son mouvement.

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feat. Oksana Astankova

Les nouveaux élèves qu'elle recevait pouvaient généralement être rangés dans deux catégories : ceux qui étaient traînés par leur partenaire et ne parvenaient pas à vaincre leur timidité et se condamnaient donc à rester crispés, et ceux pour qui la danse était une nouveauté mais qui débordaient d'enthousiasme de par ce simple fait. Villanelle semblait s'intégrer dans la seconde catégorie, pour le moment. Lors de ce cours, Amélie l'avait sentie à deux doigts de s'agacer et de rejeter ses conseils à de nombreuses reprises, mais finalement, son enthousiasme l'avait emporté et elle s'était révélée être une élève extraordinairement appliquée. Si bien que lorsqu'elle tenta de la renverser comme elle le lui avait théoriquement enseigné, ce fut un succès.

Amélie, accrochée à Villanelle, renversée en arrière, la fixa avec une pointe de fierté. Elle attendit que la jeune femme la redresse avant de s'exprimer pour donner son avis.

- C'est bien. Bravo, Villanelle.

Elle lui adressa un sourire bref quoique sincère. Elle baissa le regard sur sa main, qui elle reposait toujours sur l'épaule de la blonde. Une pensée intrusive lui souffla que ses doigts étaient proches, très proches de la gorge de son élève. Il ne suffirait que de quelques centimètres pour...

Amélie battit des cils, s'aperçut que sa prise sur l'épaule de Villanelle était plus ferme, bien trop forte. Elle retira sa main avec vivacité, comme si elle s'était brûlée. Troublée par ces pulsions meurtrières qu'elle parvenait de moins en moins bien à réprimer, elle déglutit et se détourna de la jeune femme. Par sécurité, car elle était loin de se douter que cette même personne avait parfaitement les moyens de se défendre en cas d'abandon catastrophique aux aspects les plus dangereux de sa personnalité.

- Je crois... Je crois que nous pouvons nous arrêter là pour aujourd'hui, souffla-t-elle finalement en lui tournant le dos. Concernant la suite, la décision vous revient. Vous avez excellement bien progressé durant ce cours, c'est donc à vous de me dire à quel point vous souhaitez pratiquer avant le grand jour.

De nouveau plongée dans son rôle de professeure, Amélie retrouva une voix plus assurée, plus mélodieuse, là où son petit débordement l'avait rendue plus hésitante. Elle osa même se retourner et fixer le visage de son interlocutrice de son étrange regard doré.

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feat. Amélie

Villanelle n’est pas peu fière d’elle, elle doit bien le reconnaître, au moment d’exécuter peut-être pas parfaitement mais du moins efficacement le pas de danse tapageur que son professeur de danse vient de lui enseigner. Elle n’attendait pas vraiment les compliments de sa cavalière pour afficher toute sa fierté, mais bien sûr, ces exclamations satisfaites vont de pair avec son orgueil naturel.

Elle est absolument ravie d’avoir aussi bien réussi. Elle est bien décidée à retenir chacun des conseils de son professeur afin de pouvoir les répéter tout aussi bien, pour ne pas dire mieux, quand viendrait le moment d’impressionner Eve comme elle a la ferme intention de le faire lors de leur ouverture de bal. Elle s’imagine déjà la scène, toutes les deux dans leur tenue de cérémonie : tout le reste se dissiperait tandis qu’elles savoureraient cette danse là pour symboliser leur relation entière et la valeur exceptionnelle de leur union.

Elle chasse cette pensée, mais sans la laisser s’éloigner de beaucoup, en se recentrant sur l’instant présent, et sur cet instant de flottement que Villanelle ne sait pas identifier exactement mais qui lui sont pourtant un rien familière. Elle a vu passer dans son regard une lueur vaguement familière qu’elle n’a pas su identifier précisément, mais qui trouve son origine en un lieu qu’elle devrait être capable d’identifier, car les pulsions contre lesquelles son interlocutrice lutte ne sont pas bien différentes de celles contre lesquelles Villanelle a voulu lutter avant d’être rappelée à l’ordre par les Douze. Elle décide d’ignorer ce léger moment de trouble pour se focaliser sur ce qu’ajoute alors son professeur, qui affirme qu’elles peuvent s’arrêter là pour aujourd’hui. Soit, Villanelle reconnaît que ça lui va parfaitement de s’arrêter sur ce qu’elle estime être un signe de réussite.

« Toutes les semaines, c’est bien non ? » suggère Villanelle quand son interlocutrice lui dit que la suite dépend d’elle selon combien elle veut pratiquer avant le grand jour. « Oui, je pense qu’une fois par semaine, c’est bien », décrète-t-elle comme si elle était véritablement à même d’en savoir quoi que ce soit. « La prochaine fois, je viendrais avec une musique. Notre musique. » Quelle qu’elle puisse être. « Merci pour ce cours », reprend-elle alors, même si elle ne lui doit peut-être aucune forme de remerciements, mais elle doit reconnaître avoi passé un bon moment, et avoir le sentiment d’avoir appris pas mal de choses. « Vous êtes une bonne prof », reprend-elle, bien que, évidemment, elle n’a pas de véritable élément de comparaison en la matière.

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feat. Oksana Astankova

Son élève semblait avoir retrouvé le sourire, et un certain enthousiasme pour la danse, ce qui ne pouvait que ravir la professeure qui commençait à ranger et préparer la salle de danse pour ses prochains cours. Plus elle dansait, moins elle était hantée par ses pensées intrusives et, à son grand dépit, violentes. Ceci étant, elle était au moins rassurée sur ce point : si Villanelle avait remarqué son instant d’égarement, elle avait eu la discrétion de ne pas le relever. Et si elle ne l’avait pas remarqué, c’était tant mieux. Cela signifiait que le masque d’Amélie ne s’étiolait pas complètement.

Sortant de ses réflexions silencieuses, elle reporta son attention sur son interlocutrice lorsque celle-ci se décida pour des cours hebdomadaires.

- Un cours d’une heure par semaine me semble être le plus judicieux en effet, approuva-t-elle en plaçant son matériel électronique en sûreté.

Elle revint vers le centre de la pièce, et donc vers la jeune femme et plaça les barres d’entraînement pour ses cours de danse classique de l’après-midi.

- Je vous réserve donc ce jour et cet horaire pour les semaines à venir. Et oui, n’hésitez pas à venir avec votre musique. Ou vos musiques si vous en avez plusieurs.

Le remerciement la fit sourire. Elle inclina doucement la tête vers la blonde.

- Je vous en prie. Et je vous remercie du compliment. Vous êtes vous-même une bonne élève.

Gardant un sourire courtois aux lèvres, elle la raccompagna hors de la salle de danse et jusqu’à l’entrée du château. Là, elle lui tint la porte.

- A très vite. Contactez-moi par mail ou appelez-moi si vous avez un empêchement.