Parmi les plus grands empêcheurs de tourner en rond que Wilhuff Tarkin ait jamais connus, Alexander Hamilton tient définitivement une place privilégiée. Hamilton et ses grandes idées démocratiques, Hamilton et son absurde sens de l’équité, ses idéaux qui voudraient laisser la part belle au peuple, cette croyance quasi-religieuse dans la démocratie… Ses bouffonneries auraient presque pu faire rire Tarkin, pour commencer, mais plus le temps passe, plus il se trouve d’adeptes qui se rangent de son côté. Plus le temps passe, plus Alexander Hamilton devient un rival dangereux, qui pourrait bien faire de l’ombre à ses propres ambitions politiques et à son ascension jusqu’au bureau du maire, si tant est que ce dernier soit véritablement accessible.

Tarkin a de nombreuses cibles à abattre dans son collimateur, mais Hamilton est clairement sa cible privilégiée entre toutes. Ce n’est pas sans raison s’il a mis en œuvre plus d’une manœuvre malveillante dans le but de l’intimider pour commencer, de le faire taire pour de bon ensuite. Cela aurait pu, cela aurait dû fonctionner… mais Alexander Hamilton a la peau dure, et noyer ses ambitions se révèle être une tâche proche d’impossible… Il faudra employer la manière forte, donc, passer à l’intimidation, au chantage, aux négociations. Surtout, il faudra accepter de cesser d’en passer par des tiers pour régler leurs comptes.

Pour cette raison, Tarkin a invité directement son rival à le trouver dans son bureau, afin de discuter, si l’on se fie au message succinct qu’il lui a adressé, de l’avenir de cette ville. Ses intentions sont tout autres, bien sûr, et autrement plus complexes, ce qu’Alexander Hamilton n’ignorera pas… Mais ce dernier ne sera pas capable pour autant de résister au délicieux appel d’une confrontation, Tarkin en est intimement convaincu. Preuve en est de sa présence au rendez-vous, quand ce rendez-vous sent pourtant le traquenard à plein nez.

« Ah… monsieur Hamilton, merci d’avoir accepté de me rencontrer. » Il lui serre la main, trop chaleureusement pour être honnête. « Installez-vous, je vous en prie. » Il esquisse un léger sourire. « Vous voudrez un thé peut-être ? Ou un café ? »

Wilhuff Tarkin incarne tout ce que Alexander Hamilton déteste profondément. Un homme autoritaire et froid, incapable de voir au-delà de ses ambitions, un homme aux idéaux violents et brutaux… Tout ce que sa politique suggère est très exactement tout ce que Alexander Hamilton abhorre du plus profond de son être. De tous ses adversaires politiques, cet homme est définitivement le plus dangereux… dans tous les sens du terme, par ailleurs. Ce n’est pas seulement que ses idéaux vont à l’encontre de ceux du politicien, c’est qu’il pourrait définitivement changer la face de cette ville pour le pire… sans oublier, bien sûr, ce fait non négligeable – il a tenté de lui nuire, pas seulement à sa réputation mais aussi à ces jours, et c’est bien sûr une chose qu’Alexander ne peut pas pardonner.

Alexander est une cible à abattre aux yeux de Tarkin, et il le sait… Pour cette raison, au moment de recevoir de sa part une invitation formelle… il sait à peu près à quoi s’attendre. Il sait qu’entre eux, la discussion a peu de chances d’être cordiale, il sait également que Tarkin ne cherchera probablement pas à le soudoyer ou à négocier… Il doit déjà savoir que ça ne fonctionnera pas sur lui… En revanche, il savait naturellement qu’il ne pourrait pas résister à ce face-à-face. Et c’est effectivement le cas. Tarkin n’a tout bonnement pas su résister. Et donc, il s’est bel et bien présenté au rendez-vous, bien que conscience du piège qui devrait tout naturellement se refermer sur lui. Alors il est là, dans ce bureau trop élégant. Et il accepte cette poignée de main trop chaleureuse pour être honnête.

« C’était la moindre des choses. J’en avais assez de me frotter à vos hommes de mains, il était temps que je vous parle en personne », observe-t-il en référence aux hommes de Tarkin, qui l’avaient passé à tabac. « Je vous écoute. Bien que je doute que ce que vous avez à me dire ait grand-chose pour me passionner », lâche-t-il en le toisant d’un regard à la fois désagréable et peu convaincu.

C'est un conflit silencieux qui s'amorce, une véritable guerre des nerfs diplomatique. Ils savent tous deux ;la profonde antipathie qu'ils éprouvent l'un à l'égard de l'autre, la nier serait peine perdue, mais ils ont leur manière bien à eux de s'opposer l'un à l'autre. Ils sont forts de leur opinion, ils sont certains tous les deux de leur besoin de domination et de leur capacité à faire plier l'autre. Rien ne les arrêtera. Ils se montreront forts, ils se montreront intransigeants. Ils se montreront impitoyables, à leur manière bien à eux. Ce conflit d'egto et de conviction qui les oppose n'en est encore qu'à ses prémisses, il éclatera peut-être ici, et maintenant. Tout dépendra de ce qu'ils consentiront à se dire, tout dépendra de ce qu'ils admettront l'un vis-à-vis de l'autre. Tarkin, de son côté, est bien décidé à ne laisser transpirer aucune sorte de faiblesse. Il sait exactement quoi faire et entend bien poursuivre sur cette voie. Et il sait que son tempérament froid, glacial, même, pourrait bien être en mesure de faire céder l'ô combien nerveux Alexander Hamilton, son dangereux rival qui doit être réduit au silence une bonne fois pour toutes.

"J'espère qu'ils ne vous ont guère trop incommodé, je suis en tout cas ravi qu'ils vous aient laissé une impression des plus marquantes."

Tarkin avoue, à mi-mots, mais sans en dire assez pour que cela soit un véritable aveu, qu'il est bel et bien responsable de son agression, et il est particulièrement satisfait de cela. Face à l'insolence et l'impertinence de son interlocuteur, il ne peut, dans tous les cas, que se montrer implacable au possible.

"J'ai une offre à vous faire. Qui devrait vous épargner des déconvenues semblables à celles que vous avez semble-t-il déjà subies récemment."

Le sang d'Alexander bouillonne et ne fait qu'un tour. Le politicien doit prendre sur lui pour ne pas littéralement exploser alors que la froideur incarnée qu'est Wilhuff Tarkin ose lui adresser une réplique des plus menaçantes, sous ses airs faussement diplomates. Les individus tels que Tarkin sont les pires aux yeux d'Alexander. Ils sont d'une malveillance crasse, que Tarkin ne peut que constater et déplorer au plus haut point. Ceux qui dissimulent leur jeu, ceux qui sont capables de la pire cruauté sous couvert d'une distinction et d'une élégance et de façade... Tout ça l'agace profondément, le met hors de lui... Mais il sait qu'il doit se contenir... pour le moment en tout cas. Il ne faudra pas longtemps avant que sa colère explose, c'est sûr qu'il ne sera pas capable de s'en empêcher. C'est même la plus grande des certitudes. Wilhuff Tarkin est un homme dangereux, et qui saura appuyer sur la moindre de ses faiblesses. Il doit savoir rentrer au moins un tant soit peu dans son jeu s'il veut vraiment réussir quoi que ce soit.

"Ce sont des aveux ?"

Bien sûr que c'en sont, et en même temps une confession trop cryptique pour servir à quoi que ce soit devant n'importe quel tribunal. Il ne fait pourtant aucun doute en cet instant qu'il s'agit bel et bien de la confirmation des soupçons déjà bien grands d'Alexander. Bien sûr que Wilhuff Tarkin est celui qui a fomenté son agression. De qui d'autre aurait-il bien pu s'agir, après tout ?

"Des menaces et à présent du chantage. Votre vision de la politique est décidément digne de vous", rétorque Alexander. "Quelle que soit l'offre que vous avez à me faire, elle ne m'intéresse pas. Je ne baisserai pas les armes. Je ne reculerai pas."