The lonely moments just get lonelier. [Abigail & Harry]

The lonely moments just get lonelier

feat. Abigail

Il n’est pas du tout étonné de la réponse d’Abigail. L’inverse l’aurait probablement surpris, voire dérangé en cela que l’image, précise, qu’il s’était fait d’elle, s’en serait vue ternie. Certes, Abigail est trop mystérieuse pour que Harry puisse prétendre l’avoir véritablement cernée – et ce qu’elle a de secret est une des choses qui l’attirent le plus chez elle, il doit le reconnaître (pour peu qu’il accepte de reconnaître combien elle l’attire, en réalité), mais il pense deviner au moins la nature de son caractère… et qui par certains aspects fait écho à la sienne… Pas que, de son côté, il ne soit pas capable d’apprécier une soirée en boîte, mais il en admettra tous les défauts tout en s’imposant malgré tout ce bruit constamment… comme pour taire ne serait-ce qu’un peu les pensées et les voix déplaisantes qui accaparent son esprit de plus en plus dérangé.

« Si j’étais obligé de t’inviter, Abigail, je ne le ferais pas », affirme-t-il avec un fin sourire. « Je le fais parce que j’en ai envie, c’est tout. »

C’est le cas. Il a envie d’être avec elle, d’apprécier sa compagnie dans tous les contextes possibles. Harry se sent bien, apaisé, compris quand il est en sa présence, et il a le sentiment, peut-être à une moindre échelle mais tout de même, que ce sentiment est partagé, qu’elle aussi parvient à se sentir comprise quand elle se trouve en sa présence… est-ce que ce n’est pas d’une importance capitale ? Est-ce que ce n’est pas une chose essentielle ? Harry pense que oui. Ils ont probablement tous les deux souffert de cet évident décalage persistant, entre eux et le commun des personnes de leur âge : personne n’était jamais totalement à même de les comprendre et de véritablement saisir la nature complexe de leurs pensées, qui puisaient très souvent leur source dans des traumatismes trop vif pour être exactement compris pour qui n’en aurait pas subi de tel.

« Je vais regarder le programme », il dit en extirpant son smartphone dernier cri (gosse de riche) de la poche de son pantalon. Il scrolle rapidement la page de son application cinéma. « Drame psychologique, gros blockbuster, comédie débile, film d’horreur de type série B ou film obscur ukrainien en noir et blanc ? » il l’interroge en essayant de faire déjà des pronostics sur ce que sera la réponse de son interlocutrice.

Peut-être qu’il devrait arrêter de faire ça, d’ailleurs, de présumer de ses goûts et de ses envies mais… Il ne peut pas s’en empêcher.

The lonely moments just get lonelier

feat. Abigail

C’est si simple et agréable de passer du temps avec elle, de parler, de planifier des moments simples, comme le feraient deux jeunes personnes tout à fait normales. L’un comme l’autre, sans tout savoir l’un de l’autre, ont tout de même conscience de ne pas l’être, ils ne seront jamais comme tout le monde, mais… Même s’ils ne seront jamais comme tout le monde, ils aspirent à ces mêmes moments de douceur et d’accalmie… et autant les partager ensemble, n’est-ce pas.

« Mince, c’était le premier de ma liste », répond Harry pour charrier Abigail quand cette dernière suggère qu’elle veut bien voir n’importe quoi au cinéma tant qu’il ne lui impose pas le film ukrainien de trois heures en noir et blanc.

Evidemment, il n’en était pas question pour lui non plus, quoi que parfois, de manière pas tout à fait assumer, il peut cultiver un certain goût pour ce genre de films, surtout durant de longues soirées d’insomnie. Mais ce n’est vraiment pas l’ambiance, et de préférence, il préfère quelque chose qui ne demande pas un trop grand temps de réflexion. Il préfère quelque chose qui leur libère l’esprit et les libère de leurs soucis, car clairement, ils n’ont pas besoin de se servir de la fiction pour appuyer sur leurs traumas… Mieux vaut s’en servir comme d’une échappatoire, n’est-ce pas.

« Va pour le dernier film de super-héros. » Il se fend d’un sourire. « Je te préviens, je vais être totalement largué, j’ai vu quasi aucun des précédents, mais ça me tente quand même. » Plus qu’un film d’horreur, pour être honnête. « La séance est dans une demi-heure, le temps de se mettre en route », dit-il en lui suggérant d’y aller, sourire aux lèvres. « Et d’acheter un gigantesque seau de pop-corn qu’on terminera jamais », complète-t-il d’un ton entendu.

Tous les deux peuvent passer du temps ensemble. Tous les deux peuvent apprécier, en chemin, de discuter de tout et de rien, et de leurs goûts cinématographique. L’idée de toujours trouver de nouvelles activités, de nouvelles occasions de passer du temps avec elle. Sa compagnie est si douce qu’il est difficile de s’en passer. Il s’en rendra plus tard compte du fait que cette même compagnie lui est en fait devenue indispensable… Et il ne luttera pas contre cet état de fait. Il l’acceptera pleinement… et avec le délicieux plaisir de ne plus jamais se sentir seul.

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feat. Abigail

« J’aime cette idée », répond Harry avec un sourire sincère et complice quand Abigail suggère qu’ils pourront bien, après tout, inventer leurs propres histoires pour combler les vides scénaristiques de l’histoire qu’ils verront se dérouler sur l’écran, que ce soit parce qu’ils n’auront pas pris la peine d’aller voir la floppée de films précédents, ou juste parce que le scénario de base ne casserait pas trois pattes à un canard.

Il aime beaucoup l’idée de faire travailler leurs méninges et leurs imaginations pour prêter aux personnages un passif et des intentions qui n’auront jamais été les leurs. C’est même une pensée qui lui plaît terriblement, à dire vrai. En réalité, à l’heure actuelle, n’importe quelle activité en compagnie d’Abigail lui paraît, quoi qu’il en soit, revêtir un caractère unique et exceptionnel. Parce que c’est elle, et qu’il a envie de passer absolument tout son temps en sa compagnie. Même le fait de s’asseoir dans le noir à côté d’elle sans rien dire ni rien faire le rend heureux. Si c’est pas un signe, ça.

« Ouf, je ne vais pas avoir besoin d’arrêter de t’adresser la parole immédiatement », dit-il d’un ton léger quand elle se positionne immédiatement sur le popcorn sucré.

Détendons-nous tout de suite, Harry n’a en réalité pas une opinion si forte que cela concernant le popcorn (il a mieux à faire de sa vie), mais il faut tout de même ne pas avoir peur des mots, au bout d’un moment, et le popcorn salé manque tout de même singulièrement d’intérêt. Tous les deux se mettent en route et marchent côte à côte. Même le fait de marcher à ses côtés, rien que ça, lui plaît… C’est assez étonnant, cette manière que sait avoir Abigail de rendre exceptionnel tout ce qui pourrait n’être considéré que comme anodin.

« J’aime bien cette idée de tradition », dit-il en souriant. « On devrait même se fixer un jour de la semaine. Interdit de planifier autre chose, on se retrouve devant le cinéma, qu’il neige, qu’il pleuve ou qu’il vente. » Pari proche d’impossible compte tenu de leurs vies particulièrement dissolues, mais c’est encore un autre débat. Harry s’en fiche bien. Sur le moment, il le pense sincèrement. Il ne peut évidemment que sauter sur le prétexte de passer plus de temps avec la jeune femme – comment pourrait-il en être autrement ? « Deal ? » dit-il ensuite comme s’il était en train de proposer à Abigail de signer un pacte qui changerait sa vie pour toujours.

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feat. Abigail

Un sourire ravi étire les lèvres de Harry au moment d’entendre la réponse d’Abigail… Il éprouve autant de satisfaction à l’idée de se donner l’occasion de passer davantage de temps avec elle qu’à celle de savoir percer ne serait-ce qu’un peu sa solide carapace. Il aime la voir sourire, il aime sentir qu’elle est à l’aise en sa compagnie… Il apprécie, sans savoir mettre de nom sur elle, la connexion qui semble naturellement les lier, et qui rend chacune de leurs discussions si passionnante, et chacune de leurs interactions de plus en plus nécessaires pour lui. L’idée de passer davantage de temps en sa compagnie, l’idée de pouvoir apprendre à mieux la connaître, le comblent plus qu’il ne l’aurait soupçonné.

« Tu penses vraiment à tout », dit-il avec un sourire alors qu’elle lui propose de se retrouver au cinéma tous les mardis soirs, afin de s’épargner la compagnie inconfortable de quelconques fauteurs de trouble, qui seraient susceptibles de les embarrasser par leur seule présence. « Le mardi soir, c’est parfait. »

Tout comme elle-même ne sera peut-être pas toujours susceptible de tenir ses engagements, Harry n’en est pas certain non plus, mais il se promet tout de même, en son for intérieur, de se tenir autant que possible à cet engagement. Il n’a aucune envie de la décevoir, et surtout… ce n’est pas une responsabilité, ce n’est pas un fardeau, c’est une réelle envie de sa part. Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas senti aussi bien, naturellement bien avec quelqu’un… Il ne veut pas se passer d’une compagnie qui lui fait autant de bien, encore moins à l’heure où il ne sait se départir du sentiment que tout périclite autour de lui.

Tous les deux s’installent dans la salle obscure où, fort heureusement, leur choix de film les préserve d’une trop grande affluence. Installés côte à côte face au grand écran lumineux, leur seau gigantesque de pop-corn entre eux, Harry songe, en s’efforçant de ne pas laisser son regard s’attarder plus longuement que nécessaire sur la jeune femme assise à côté de lui, qu’il ne se lassera certainement pas de cette tradition qui vient tout juste de naître. Abigail à ses côtés, Harry se sent bien, il se sent à sa place. Et c’est là un sentiment qu’il n’échangerait définitivement pour rien au monde. Un sentiment d’absolue plénitude, telle qu’il en avait franchement trop peu connu ces derniers temps.