Peu importe les époques ou les mondes, l’histoire de Daemon ne pourrait se résumer sans aborder la relation imparfaite entre son frère Viserys et lui-même.

Oscillant toujours entre haine et amour, les deux héritiers Targaryen ont pourtant été tous deux une source de réconfort pour leur père lors du décès de leur génitrice, morte en couches en tentant de leur donner un troisième frère. Et s’ils furent si liés durant l’enfance, incertains quant à leur positionnement dans la lignée familiale, la décision du roi Jaehaerys de confier sa succession à cette branche pourvue de mâles ne fit ensuite qu’attiser leurs disputes tout comme leurs retrouvailles. Encore et encore.. Encore et toujours.

Lorsque son grand-frère prétendit au trône, Daemon fut présent, décidant de réunir une troupe de mercenaires pour le soutenir. Pourtant, quelques années plus tard, ce ne fut pas lui qui fut désigné héritier de la couronne mais bien sa nièce Rhaenyra. Un choix qu’il considéra comme une trahison, pensant jusque lors être dans les bonnes grâces de Viserys malgré ses petits égarements.
A nouveau, la déception se fit sentir lorsque Daemon requerra l’annulation de ses épousailles malheureuses, survenues l’année de ses seize ans, avec Rhea Royce, dame du Val d’Arryn qu’il trouvait aussi séduisante qu’un mouton. Et une nouvelle fois, le refus de son frère, le roi, certainement influencé par sa main Otto Hightower, le condamna à cette union infertile et à un ennui profond dans le Val.

Du moins, c’est ainsi que le prince raconterait l’histoire, de son point de vue. Peut-être éviterait-il de mentionner les moments où, lui aussi, avait fait défaut à son aîné.

Il était évident qu’il n’oserait pas mentionner  son instabilité, son incapacité à supporter la même fonction plus de quelques mois. On lui avait pourtant confié de nombreuses chances : commandant du guet de Port-Réal, grand Argentier, maître des Lois ou encore membre du Conseil Restreint mais rien ne semblait avoir apaisé sa soif d’aventure ni la tempête qui sommeillait en lui.
Pour protéger son honneur, Daemon n’aborderait certainement pas non plus sa violence et sa débauche. Sa vision de la justice et de la paix n’étant qu’une mascarade, une manière d'extérioriser sa brutalité, le Targaryen préférerait taire son plaisir à amputer de manière punitive, son habitude de consommer sans régler la note dans les tavernes ni son goût prononcé pour les jeunes filles dans les bordels.

Et puis, une lune rouge. Et plus rien de ce qui a existé ne compte.

Les rues d'un nouveau monde s'offraient alors à lui pour un second départ, une chance à saisir. Si beaucoup auraient pu être effrayés par ce lieu inconnu, ce quotidien à apprivoiser, Daemon avait tout de suite senti que son existence avait un but. Il n’était pas ici par hasard. Le rôle qui devint rapidement le sien, celui de professeur, fut sa première réponse. Ici, il trouvait enfin une occupation capable de satisfaire sa soif d’apprentissage, son besoin constant de défi, le passionnant assez pour qu’il ne s’abreuve de manuels.
Son adaptation se fit aisément, chose assez étonnante pour un homme provenant d’un univers moyenâgeux. Les changements le perturbaient peu mais le plus difficile restait l’acceptation des normes de sa nouvelle société. La parité, l’égalité, l’absence de droit du sang, des habitudes de vie qui lui étaient bien plus restées collées à la peau que la pensée de ses êtres chers.

Le prince Vaurien tente désormais de décoder son nouvel univers, malicieux et imperturbable, bien qu’il ne puisse plus laisser ses pensées divaguer en prenant de la hauteur à dos d’un dragon dont il n’a que l’odeur en souvenir.