Barely alive [Abigail]

Barely alive

feat. Abigail

Il s’était réveillé dans un laboratoire sens dessus dessous, une profonde blessure à l’épaule, mais tout le corps meurtri, en réalité… Ses souvenirs sont flous, du combat, il ne conserve en mémoire que quelques bribes indistinctes. Ce qu’il retient plus que le reste, c’est l’expression de rage vive qui dominait le regard de Peter tandis qu’il le rouait de coup, encore, et encore, et encore. Jusqu’à l’inconscience la plus totale.

Tremblant, désorienté, il s’était relevé au milieu des décombres. La tour d’Oscorp ne s’était pas effondrée, mais les dégâts étaient nombreux. Son père ne tarderait pas à découvrir l’ampleur des dégâts. Son père découvrirait une nouvelle fois quelle déception il ne sait que représenter pour lui. Le moindre mouvement, le moindre pas vers l’extérieur, lui fait un mal de chien, mais il s’obstine. Il doit s’éloigner, le plus vite possible…

La rage, la rancœur sont ses principaux moteurs alors qu’il s’engage dans un dangereux cheminement souterrain jusqu’à rejoindre la surface. Il devrait aller à l’hôpital. Il a probablement quelques os brisés, le visage tuméfié et le nez en sang… Mais aller à l’hôpital comporte trop de risques… Il pourrait exiger de son père, également, de régler la question, mais Harry ne se sent pas prêt à accepter sa déception…

Alors il erre quelques temps, d’un pas boiteux, à travers les rues de la ville, sous le regard alarmé de quelques patients. Quand l’un d’entre eux s’approche aimablement de lui pour suggérer de le conduire à l’hôpital, il marmonne quelques mots difficilement, d’une voix rauque.

« Votre téléphone… S’il vous plaît… »

Par pitié sans doute, la personne accepte de lui tendre son précieux Smartphone. Le premier numéro qu’il songe à composer alors coule de source. Il n’y a qu’elle qu’il se voit contacter, il n’y a qu’à elle qu’il a envie de se confier… Une tonalité. Deux… Une vague de soulagement le saisit au moment d’entendre sa voix à l’autre bout du fil.

« Abi… c’est Harry… »

Il n’a pas les mots, pas vraiment. Il lui demande de la rejoindre dans le parc à proximité, où il s’effondre à même l’herbe, complètement étourdi, la tête et le corps en vrac. On n’ose plus l’aborder. Il s’est dissimulé derrière un arbre et ceux qui entrevoient sa silhouette supposent sans doute qu’il doit juste être un gamin qui a trop bu et décuve dans son coin. Qu’importe. Il se fiche de l’opinion générale. Tout ce qu’il veut, ici et maintenant, c’est retrouver Abigail.

Barely alive

feat. Harry

Par chance, Abigail avait choisi de répondre à ce numéro inconnu qui l'appelait. Ordinairement, elle aurait évité l'appel, aurait raccroché aussi sec, mais l'appel était survenu à temps, à un moment où elle était trop accaparée par les révisions de son prochain examen et avait cruellement eu besoin d'une distraction. Elle avait répondu sans réfléchir… et s'était décomposée en entendant à quel point Harry semblait souffrir. Il n'avait suffi que de quelques mots pour qu'elle comprenne que, peu importe ce qu'il s'était passé, il avait besoin d'elle.

Alors elle n'avait pas hésité un seul instant et était venue, en voiture, au parc où il lui avait donné rendez-vous. Elle aurait pu suspecter un piège, mais non. Elle savait que Harry ne la trahirait pas de la sorte. Il n'avait, pour le moment, aucune raison de se méfier d'elle ou de ses intentions. Et puis, la voix qu'il avait eue au téléphone… on ne pouvait pas imiter une telle tension, une telle manière d'articuler péniblement les mots.

Elle mit quelques instants à le retrouver, son regard anxieux scannant l'ensemble du paysage. Elle dut s'aventurer un peu plus franchement dans le parc, ignorer les enfants et leurs parents qui jouaient ensemble, ignorer les quelques passants qui n'étaient, en cet instant, que des éléments gênants du décor. Et puis, enfin, elle le vit. Distinguant sa silhouette sur l'herbe, Abigail prit une vive inspiration et se précipita à ses côtés.

À genoux dans l'herbe à côté de lui, elle ne le toucha pas immédiatement. Elle préféra d'abord se faire une petite idée de l'étendue des dégâts, pour ne pas le blesser plus qu'il ne l'était déjà. Son état était… préoccupant. Il y avait beaucoup de sang. Et à la manière dont il respirait, elle soupçonna quelques côtes cassées, si ce n'était pire.

« Harry… »

Relevant le regard vers lui, elle dégagea de son front une mèche de cheveux, cherchant à voir s'il parvenait à garder les yeux ouverts.

« Surtout, ne t'endors pas. Et dis-moi si je peux t'emmener à l'hôpital ou non. »

Elle était bien placée pour savoir que parfois, même lorsque les blessures étaient graves, la nécessité de garder un certain anonymat était plus urgente. Ne voulant pas prendre cette décision pour lui, elle le laissa répondre, tout en continuant d'attester de l'étendue des dégâts. Son épaule, en particulier, saignait atrocement.

« Désolée », souffla-t-elle à son intention avant d'appuyer fermement sur la plaie pour tenter d'atténuer l'écoulement.

Elle avait envie de l'interroger, mais doutait qu'il soit véritablement en état de lui parler. Aussi, elle s'obligea à prendre son mal en patience tout en attendant de savoir si elle appellerait les secours ou des alliés plus discrets.

Barely alive

feat. Abigail

Sa voix lui semble lointaine, quand elle le rejoint enfin, comme si elle se trouvait à plusieurs mètres d’elle. Il doit cligner plusieurs fois des yeux, en lutte envers lui-même, pour voir son visage penché au-dessus de lui… A moitié dans les vapes, il songe en cet instant qu’Abigail ressemble à un ange, et il doit se faire violence pour garder les yeux ouverts et ne pas sombrer dans l’inconscience. D’un geste faiblard, il cherche la manche d’Abigail, qu’il finit par agripper, comme pour garder prise avec une réalité qui menace de s’éloigner toujours davantage.

« Non… pas l’hôpital… surtout pas l’hôpital… »

Les dégâts causés à la tour d’Oscorp feront déjà grand bruit, il veut s’éviter une attention supplémentaire, qui l’obligera qui plus est à se justifier de ses actes… que ce soit auprès de la police ou… de son père. Non, Harry n’est pas encore prêt à se confronter à son géniteur. Il le faudra, mais pour le moment, il veut juste… se réveiller, se remettre de sa blessure et… se trouver en présence de la seule personne au monde qu’il a envie de voir à l’heure actuelle.

Il sait bien qu’il ne laisse pas beaucoup de choix à Abigail, qui n’aura peut-être pas les moyens de le soigner efficacement, mais il apprécie qu’elle comprenne son besoin d’anonymat… comme toujours, il n’y a aucune forme de jugement, entre eux, dans les pires situations. Ils se regardent et se voient, en se moquant cruellement de cette part d’obscurité grandissante qui les consume tous les deux.

Harry étouffe un cri de douleur quand, pour comprimer sa blessure, Abigail prend soin d’appuyer fermement dessus. Au moins, la douleur a le don de le ramener à la réalité et à un état de conscience plus vif. Il ne sait pas qui appelait…

« Tu crois… tu penses que tu pourrais m’emmener chez toi ? L’un de tes pères était chirurgien, non ? » il songe en se rappelant ce que Peter lui avait dit au sujet du docteur Lecter… Ce qui doit au passage lui rappeler que les pères d’Abigail n’auront probablement aucune envie de l’accueillir sous leur toit… mais Harry préfère encore se confronter à eux plutôt que de faire face à son père, à l’heure actuelle. « J’ai eu peur Abi, tu sais… », il ajoute d’une voix particulièrement fiévreuse, tremblant de tous ses membres. « J’ai cru que je te reverrais jamais. »

C’est mélodramatique à souhait, mais d’un autre côté, Harry a vraiment cru qu’il allait y passer… Et il a bien eu de la chance, clairement, de s’en sortir en… plus ou moins un morceau.

Barely alive

feat. Harry

Le visage d'Abigail s'adoucit. L'inquiétude était toujours présente, mais Harry avait les idées suffisamment claires pour s'exprimer de manière intelligible, ce qui était rassurant. Elle passa brièvement une main sur la joue du jeune homme, son pouce s'attardant sur sa peau en une caresse de réconfort.

« Je ne vais nulle part, et je n'en ai pas fini avec toi. Tiens bon Harry. »

Elle était sincèrement touchée qu'il ait pensé à elle dans des circonstances aussi périlleuses. Mais pour ce qui était des sentiments, ils auraient le temps d'en parler plus tard. La chose était décidée, elle l'emmenait dans le seul endroit où elle se sente suffisamment en sûreté.

« Il va falloir marcher un peu mais je te tiens, d'accord ? »

Tout en parlant, elle l'aidait déjà à se relever, tentant de le soutenir au mieux. Au passage, elle envoya un message aussi bien à Will qu'à Hannibal, à la fois pour les prévenir qu'elle emmenait Harry chez eux et pour leur demander de l'aide de toute urgence.

« La voiture est pas loin… »

Abigail l'aida à avancer, se découvrant une force qu'elle ne soupçonnait pas, ou plutôt une volonté telle qu'elle en venait à endurer les appels à l'aide de ses muscles et de son dos pour éviter de risquer une chute qui aurait pu aggraver les blessures d'Harry.

Une fois arrivés à la voiture, elle l'aida à s'allonger sur les sièges arrières, non sans se pencher une dernière fois sur lui pour chercher son regard.

« T'endors surtout pas. »

Son ton était ferme, mais un léger tremblement révélait l'inquiétude qu'elle tentait tant bien que mal de refouler pour rester calme et utile. La panique commençait à s'installer dans son esprit. Elle l'ignora et se ressaisit pour conduire, aussi vite que possible, jusqu'à chez elle. Pendant le trajet, elle songea à une manière d'obliger Harry à parler afin d'éviter qu'il ne s'endorme.

« Raconte-moi ce qui s'est passé. Je veux tous les détails. »

Quelques minutes plus tard, elle se garerait et se réintéresserait de nouveau à la nécessité de le soigner mais en attendant, elle profitait de l'occasion d'allier curiosité et utilité.

Barely alive

feat. Abigail

La force qu’Abigail est capable de lui prodiguer, juste par sa présence, rien qu’avec le son de sa voix, est absolument prodigieuse. La jeune femme n’a probablement pas idée d’à quel point les mot qu’elle prononce, et la façon dont sa main caresse sa joue, est d’un réconfort précieux… Certes, ce n’est pas ce qui va atténuer sa douleur ou l’aider à venir à bout de ses blessures mais… Parce qu’Abigail est là, Harry sait se convaincre du fait que tout ira bien. Parce qu’Abigail est là, les craintes de Harry s’estompe petit à petit, au profit d’une chaleur plus simple et plus douce.

Harry hoche la tête quand Abigail lui demande de marcher. Certes, ça ne va pas être simple, mais il en trouve la force. Abigail sait respecter son désir de ne surtout pas se rendre à l’hôpital, et même s’il doute fort d’être accueilli à bras ouverts par les deux pères de la jeune femme – qui quand il les avait rencontrés chacun individuellement à l’époque où Peter et lui étaient ensemble n’avaient pas franchement donné l’air de l’apprécier –, les situations désespérées appellent des mesures désespérées… Il préfère encore ça que de devoir se justifier auprès d’un personnel médical encombrant… Et même si son père sera au courant bien assez tôt de ce qui s’est passé à Oscorp (si ce n’est pas déjà le cas), Harry préfère s’abstenir de se confronter à lui immédiatement.

Harry s’étend sur le siège arrière de la voiture alors qu’Abigail s’installe côté conducteur. Il sent les brumes du sommeil ternir son esprit, et l’envie de fermer les yeux et de se blottir dans les bras de Morphée est particulièrement intense… mais il se retient. Il se prête à l’exercice exigé par Abigail afin de ne pas totalement succomber à un sommeil ravageur.

Harry lui explique tout, d’épuisement et de douleur, il n’omet rien, pas plus qu’il n’essaie de prendre de pincettes. Il lui parle des exigences de son père, qui avait attendu de lui qu’il attire un mutant jusqu’à Oscorp pour s’en servir de cobaye. Il lui parle de Manon et de ce qu’il a consenti à faire pour son père en la menant à lui en dépit du début d’amitié qui se tissait entre eux. Il lui parle de l’échec de leur expérience, de cet homme qui avait sauvé Manon à temps. Il évoque l’hospitalisation de Regulus Black, le nouveau petit ami de Peter, qui est son portrait craché, et que Manon aurait arbitrairement attaqué en le prenant pour lui. Alors il parle du combat, de la rage qui avait été celle de Peter, de la violence avec laquelle il s’était attaqué à lui, du fait qu’il l’avait laissé pour mort… A Abigail, il ne veut jamais rien cacher. Elle est la seule à pouvoir et devoir tout savoir… Quand il a fini de parler, la voiture s’est garée, et Harry peut entendre la voix inquiète de Will Graham à l'extérieur du véhicule.

"Abigail... Qu'est-ce qui s'est passé ?"