Dans l’embrasure de la porte, il l’observe un instant, le cœur serré. Il ne peut pas retardé une échéance qui n’avait déjà que trop attendu, et pourtant, lui qui n’éprouve guère de difficulté à affronter les conversations et débats d’idées les plus épineux ressent en cette instant une appréhension réelle à la perspective de briser ce qu’il restait d’espoir chez celle à qui il avait fait une promesse, une promesse qu’il ne pourra pas tenir.
Dès lors qu’il avait accueilli Manon au sein de l’institut Xavier, il lui avait fait une promesse, sincère et solennelle, celle de chercher son frère jumeau, et surtout celle de le trouver. Le chercher, oui, il l’avait fait. En l’absence de ses pouvoirs, il avait déployé tous les moyens à sa disposition, et ces moyens n’avaient pas suffi. Au retour de son pouvoir, et de Cerebro, la tâche devait être simplifiée, mais Charles avait passé de longues heures à la recherche de ce jeune homme sans qui Manon se sentait incomplète, le tout pour faire le constat violent et irrévocable de son échec. S’il n’a pas été capable de retrouver Maxime par de tels moyens, alors… Il doit accepter l’idée de ne pas être en mesure de le retrouver.
Faute d’honorer sa promesse, Charles redoute que Manon décide de quitter l’institut. Pour des raisons pratiques, bien sûr… Mais pour des raisons plus personnelles, également. Il n’avait jamais vraiment envisagé d’isoler ce constat auparavant, mais il est à présent flagrant : Charles s’est attaché à Manon, sincèrement. Comme il est attaché d’une certaine manière à tous ses élèves, certes, mais pas seulement. L’énergie qu’il a déployé à retrouver le frère jumeau de Manon aurait pu lui mettre la puce à l’oreille. Charles s’est attaché à elle comme un père est attaché à sa fille. Et le déchirement qu’il ressent est celle d’un parent qui doit accepter que son enfant vole de ses propres ailes, ce que Manon fera sans doute en découvrant son échec… Et il ne pourra pas se permettre de la retenir.
Après un moment, Charles finit par faire rouler son fauteuil jusqu’à la table de la bibliothèque où Manon est assise. La jeune femme n’a pu que l’entendre arriver, mais elle semble concentrée sur ce qu’elle fait. Ou bien a-t-elle décidé de l’ignorer, va savoir. Quoi qu’il en soit, il se rapproche d’elle, et se signale d’un léger raclement de gorge.
« Manon… Je voudrais m’entretenir avec toi quelques instants. J’ai une nouvelle à t'apprendre. »
Son air grave et son ton presque solennel ne peuvent laisser aucun doute à Manon quant au fait que la nouvelle en question est loin, très loin d’être bonne. A partir de là, sans doute a-t-elle déjà deviné…
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Petruccio Auditore
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En ce moment, Manon ne semblait pas trop faire de vagues. Elle qui avait terrorisé des élèves, de cette école ou même du campus humain où elle devait se rendre pour quelques cours, aucune plainte n’était remonté jusqu’au professeur Xavier. Pourtant, le cœur de Manon ne s’était pas miraculeusement apaisé : Noël était passé. Et puis son anniversaire. C’était un nouvel hiver qu’elle aurait dû passer avec Maxime. Il aurait dû être là, souffler ses bougies – il avait toujours adoré l’odeur de leur fumée après coup – c’était ce qui était prévu. Mais là... ça faisait quatre ans, maintenant. Quatre ans, et rien de ce qui s’était passé n’avait comblé le vide sur la chaise libre à côté d’elle.
Au moins en étudiant, elle échappait momentanément à ces pensées sombres. C’était ce qu’on attendait d’elle, après tout. Elle qui vivait littéralement dans une école. Un livre ouvert devant elle, ses notes de l’autre côté de son bureau, elle rédigeait quelques lignes, en rayaient rageusement la plupart, et s’efforçait de recommencer. Heureusement qu’il n’y avait personne d’autre ici... Elle ne se serait pas permise le moindre accès de colère en public, sauf s’il pouvait être reporté sur quelqu’un d’autre.
Son menton se releva légèrement par réflexe quand elle entendit ces roues écraser le tapis. Un son familier, ici... et qui se rapprochait. Elle ferma les yeux un moment et les rouvrit, s’attendant presque à un reproche, ou un rappel sur tel ou tel devoir, telle ou telle classe. Un discours de professeur.
« Manon... Je voudrais m’entretenir avec toi quelques instants. J’ai une nouvelle à t’apprendre. » Elle aurait pu considérer cette annonce comme elle le faisait toujours, avec distance et un soupçon de mépris... mais ce ton de voix n’était rien de ce qu’elle connaissait chez cet homme. Grave, lent, comme s’il hésitait sur la façon de l’appréhender. Il avait toujours été le genre de personne à arrondir les angles, mais d’ordinaire, il n’approchait personne avant d’avoir déjà un discours déjà préparé dans sa tête, et d’être persuadé d’avoir raison. Il ne... prenait pas des pincettes. Comme il le faisait maintenant.
Un frisson d’appréhension parcourut la nuque de Manon, qui laissa reposer son crayon pour se redresser, se tournant pleinement vers lui.
S’il prenait ce ton avec elle, c’est qu’il n’y avait qu’une raison.
« Maxime. » devina-t-elle dans un souffle.
Si ça avait été une bonne nouvelle, le professeur n’aurait pas pu réprimer un sourire sur son visage, malgré toutes ses intentions à rester professionnel. Cependant... c’était bien le contraire qu’elle lisait sur son visage.
Elle prit une grande inspiration, il ne fallait pas qu’elle se laisse non plus posséder par ses émotions et ses craintes.
« Qu’avez-vous appris sur Maxime ? » articula difficilement la jeune femme, une main toujours posée sur le bureau. Au cas où elle aurait besoin de se raccrocher à quelque chose.
Elle a compris. Il savait qu’elle comprendrait. Il comptait, d’ailleurs, sur le fait qu’elle comprendrait, immédiatement, quel sujet il leur faudrait aborder… La nouvelle ne serait pas moins brutale, mais peut-être plus simple à appréhender pour la pauvre Manon qui n’aurait dès lors d’autre choix que de supporter la terrible éventualité de ne jamais revoir son frère jumeau. A ce sujet, Charles ne veut se montrer radical, ni définitif. Mais il tient à demeurer réaliste malgré tout. Et il ne peut plus faire ces promesses qu’il pensait pouvoir tenir autrefois. Ce serait malhonnête. Et envers Manon, il ne veut pas l’être. Il ne veut pas alimenter des espoirs qui pourraient être déçus ou trahis.
Qu’a-t-il appris sur Maxime ? Rien. Ou trop peu de chose. Rien de significatif. Il a compris que Cerebro ne lui permettrait pas de le retrouver, que ses pouvoir étaient insuffisants à ce titre. Il a compris que ses recherches pourraient bien ne pas aboutir, et que c’est une éventualité qu’il ne doit en aucun cas occulter. Aussi, oui, il doit être sincère. Il n’a rien appris sur Maxime, et l’infructuosité de ses recherches, qui plus est, auraient plutôt tendance à le convaincre du fait que Maxime ne se trouve pas ici, sur cette île. Son propos ne sera pas aussi radical, mais il ne peut occulter cette éventualité loin d’être négligeable.
« Je suis désolé, Manon… » Aucune phrase commençant de la sorte ne peut avoir un dénouement heureux, c’est une évidence. Mais c’est une fois encore sa manière de préparer le terrain. « Je ne vais pouvoir honorer la promesse que je t’ai faite. »
Il a eu beaucoup d’espoir dès lors que ses pouvoirs lui sont revenus. Grâce à eux, il a pu entrer en contact avec de nombreux mutants et en accueillir plusieurs au sein de l’institut, mais il rencontre également des limites contre lesquelles il ne peut malheureusement rien, et qu’il doit assumer dorénavant.
« Je n’ai pas l’intention d’abandonner mes recherches, cette promesse, je continue de te la faire, mais je ne peux être certain qu’elles aboutiront. »
Il a beau y mettre les formes, il sait que la nouvelle reste terrible et cruelle pour Manon. Il voudrait pouvoir le dire d’une autre manière, mais il en est bien incapable. Il envisage d’ajouter que si Manon décide que cet échec justifie son départ, il comprendra qu’elle décide de partir, mais il veut éviter de lui en donner l’idée. Charles n’a pas la moindre envie de voir Manon s’en aller… voir n’importe lequel de ses protégés partir serait pour lui un constat d’échec, c’est plus encore le cas en ce qui concerne Manon, à qui il s’est sincèrement attaché.
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Lun 6 Fév - 13:49
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TW. pensées suicidaires
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« Je suis désolé, Manon... » Cette phrase, cette excuse raisonnait dans sa tête des millions de fois avant qu’elle ne prenne conscience qu’elle l’avait vraiment entendue. Elle était figée là, à se répéter ces mots, dans son intonation, avec ce regard qui la fixait avec regret. « Je suis désolé, Manon... » Le sang quitta son corps, comme si elle pouvait devenir encore plus pâle qu’elle ne l’était déjà naturellement, puis ses doigts se crispèrent sur l’acajou du bureau.
« Mais... c’est Maxime... ! » insista-t-elle sans voix, ne comprenant pas ce que ça impliquait. Comme si le professeur pouvait juste réaliser qu’il y avait eu une confusion dans les noms, que ce n’était qu’une erreur grossière, facilement réparable. Cependant, sa tête avait compris, elle. Elle avait compris qu’il n’y avait pas d’erreur, que sa moitié était définitivement perdue, et que le professeur ne savait pas comment le lui annoncer.
Elle n’entendit pas le reste. Il aurait pu lui dire n’importe quoi pour la rassurer, essayer de lui faire garder espoir, lui assurer qu’il ne comptait pas rester sur cet échec, ce n’était pas ce qu’elle voyait. J’ai perdu Maxime... C’est tout ce qui occupait ses pensées. Je l’ai perdu pour toujours... Et d’un coup elle réalisa : son regard se reposa sur le reste de la bibliothèque en comprenant que ça, vivre ici, étudier, ce qu’elle faisait à l’instant, seule, c’était quelque chose qui resterait tel quel. Maxime ne viendra pas. Maxime n’étudiera pas ici avec elle. La solitude de cette pièce restera ce qu’elle est. Tout lui semblait si... froid et oppressant. Immense. Les étagères de livres l’écrasaient, ne lui laissant que des jambes tremblantes et faibles qui cédèrent sous leur poids, tombant à genoux devant le fauteuil.
Étouffée, à la merci de tout ce qui pouvait tomber sur elle, Manon ne pouvait plus retenir ses larmes à présent.
« Pitié... c’est Maxime... »
Juste Maxime. Juste un garçon. Un adorable garçon. Immensément meilleur qu’elle, plus doux, plus gentil, si le professeur le connaissait, il l’aurait tout de suite adoré. Mais il ne le connaissait pas, personne ne le connaissait, ce n’était qu’un nom parmi tous les autres et personne ne souffrait comme elle de sa perte. On l’oubliera, comme tous les autres noms qui ne veulent rien dire.
Elle pourrait blâmer le professeur. Ce serait facile... Il était juste là, et c’était lui qui lui avait fait cette promesse. Cependant même cela, elle n’en avait plus la force. Elle se sentait vide, épuisée, vidée de tout ce qui la poussait encore à se lever le matin.
Je veux mourir, professeur...
Elle ne prononça pas ces mots, mais elle les pensait. Ce n’est pas comme si elle avait une quelconque valeur, sans Maxime. L’un sans l’autre... c’était impensable. Et si elle était la moitié qui survivait, eh bien... à quoi bon ? C’était lui le meilleur des deux.
Mais elle restait là, paralysée, les bras tombés le long de son corps, le visage perdu et éteint.
« Je... » Elle chercha ses mots, puisqu’elle ne voulait rien dire. « Y avait-il autre chose... professeur... ? »
Charles peut voir Manon se décomposer à vue d’œil, alors qu’elle prend conscience de la triste vérité. C’est un spectacle difficile. La douleur de Manon est si forte qu’elle en serait presque tangible. Charles, sensibles aux pensées, terribles, qui traverse l’esprit de la jeune femme en cet instant, ne saurait y être insensible. Mu par un instinct protecteur, il voudrait l’aider, l’encourager… annuler ses paroles pour pouvoir lui rendre l’espoir qu’elle a perdu par sa faute. Mais il ne le peut pas. Justement parce qu’il la respecte, parce qu’il veut l’aider et l’encourager, il estime lui devoir la vérité… Et maintenant ? Maintenant… Charles serait presque sans voix face à la détresse de son interlocutrice.
Il pourrait lui dire qu’il poursuivra les recherches, et c’est ce qu’il a l’intention de faire, mais il est trop tard pour la convaincre qu’elle n’a pas perdu Maxime, comme l’assènent ses pensées, encore et encore et encore. Perdue, comme en deuil, les larmes aux yeux, Charles ne passe à aucune de ses pensées, y compris les plus sombres. Je veux mourir, professeur. Ces mots sont intériorisés, mais Charles les entend comme s’ils avaient été hurlés à son oreille. Avec toute la précaution dont il est capable, Charles s’avance doucement vers Manon et dépose lentement une main réconfortante sur son épaule. Instinctivement, il voudrait la prendre dans ses bras, il ne le fait pas. Comment décider de ne pas la brusquer alors qu’il vient pourtant de mettre son monde sens dessus dessous.
« Manon… Je veux que tu te sentes libre de me parler, et je préfèrerais que tu ne restes pas seule, dans cette épreuve. »
Il marque une pause.
« Je sais que je n’ai pas su honorer ma promesse, je ne peux attendre de toi qu’en retour, tu choisisses de rester ici, à l’institut. Mais je ne veux pas t’abandonner, Manon. Je sais que la famille que tu pourrais gagner ici ne saurait probablement jamais remplacer celle que tu redoutes d’avoir perdue pour toujours… mais je veux veiller sur toi, je veux poursuivre les recherches, malgré tout. Je n’ai pas l’intention de t’abandonner, Manon. »
Chacun de ces mots, il les a prononcés avec une conviction totale, avec une franchise qui n’avait exigé aucune sorte de calcule. Pas le moindre, même. Il ne peut prétendre à la moindre stratégie dans des circonstances telles que celle-ci. Son instinct lui souffle de protéger Manon à tout prix, et de l’aider à aller mieux, à traverser l’épreuve terrible qu’elle doit affronter. Il veut être sa lumière dans la tempête, celle qui lui permettra de s’en sortir en dépit de la tourmente à laquelle elle se voit confrontée.
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Jeu 9 Fév - 12:19
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Manon frissonna en sentant cette main sur son épaule, un contact doux et chaleureux qu’elle ne connaissait que trop peu. Elle ignorait ce que cela voulait dire, elle ignorait ce que le professeur cherchait à faire. Il savait que c’était dangereux, qu’on ne touchait pas Manon sans qu’il y ait un risque qu’elle ne viennent attaquer mentalement par derrière. Mais le professeur était redevenu puissant maintenant, il était le télépathe le plus puissant du monde, il n’aura aucun mal à contrer des assauts mentaux incontrôlés.
D’ordinaire, Manon maîtrisait parfaitement ses dons. Quand elle touchait les souvenirs de quelqu’un, c’était qu’elle le souhaitait. Mais là... tout ce qu’elle avait en tête c’était Maxime. Son visage, sa voix, son expression quand il était heureux, quand il était méfiant, quand il mangeait quelque chose qu’il aimait...
Il ne veut pas que je reste seule... mais je suis seule. Maxime n’était pas là, il ne sera plus jamais là, comme s’il était mort. Oublié de la surface de la terre. Comme si elle était la seule à se rappeler de lui, que personne ne se souviendra jamais qu’un jour Maxime a existé. Qu’il était un ange et que le monde l’a perdu.
Tout le monde devrait souffrir comme elle souffrait. Tout le monde devait ressentir ce vide, ce trou noir. Tout le monde devrait sentir le sol se dérober sous leurs pieds à la pensée que jamais Maxime ne reviendra.
Si elle le pouvait, elle imposerait dans chaque esprit le souvenir de son jumeaux, elle l’imprimerait dans chaque tête, et alors... et alors peut-être qu’il lui reviendrait? … Non. C’est impossible. Ce ne serait qu’une illusion, personne ne peut revenir comme ça. Avec des souvenirs.
« Vous me dites ces choses, professeur... mais vous ne connaissez pas Maxime. »
Ses mains se relevèrent contre son visage, écrasant les larmes chaudes qui s’y écoulaient. Elle sentait sa mâchoire crispée, ses poumons écrasés.
« Il... Il n’existe pas, ici. Il n’est qu’un mot de plus... Je vous ai fait courir après du vent. » Si le cerveau le plus puissant du monde ne pouvait pas retrouver un garçon, alors c’était que c’était impossible, rien de plus. Personne n’avait jamais échappé à Charles Xavier. « Pourquoi est-ce que je perds toujours, professeur... ? Quelle dette dois-je encore payer pour qu’on cesse enfin de tout m’arracher ? »
Son passé tout entier, ses parents, son enfance, son innocence, sa maison... Toutes ces choses qu’elle avait pris pour acquises, comme l’aurait fait n’importe quel enfant. Maxime était la seule personne qu’elle ne pouvait pas se permettre de perdre, sans quoi elle deviendrait folle.
« Ne vous inquiétez pas... Même si je le voulais, je ne pourrais pas quitter l’Institut. Je n’ai nulle part où aller. Il n’y a rien pour moi... »
Et ici, au moins...
Elle ne savait pas trop quoi penser d’ici. Ni même du professeur. Elle ignorait toujours ce que signifiait cette main sur elle, où s’arrêtait son rôle d’informateur détaché. Il devait dire ça à tous ses élèves... tous ceux qui ont perdu quelqu’un et qui ne savent plus où aller.
Toujours patient, calme, imperturbable... comme si rien ne pouvait jamais l’atteindre. Aucune souffrance, aucun manque, rien.
Comment convaincre Manon que, même en l’absence de son frère, elle peut ne pas être seule. C’est une facilité que de l’affirmer, que de dire que d’autres personnes sauront être là pour elle, qu’il saura être là pour elle… C’est le cas, il veut réussir à combler une partie de sa solitude par sa présence, mais il sait également, qu’il n’est pas si simple de se soustraire à l’absence des personnes auxquelles nous tenons au point qu’elles semblent nous combler, au point que leur disparition semble vous amputer d’une part de vous-mêmes. Rien ne sera pareil en l’absence de Maxime, pour Manon… mais il n’est pas question qu’elle se complaise pour autant d’une solitude qui serait, tout naturellement dangereuse. Elle vaut mieux que cela, et il est important qu’elle le sache.
« Il est bien plus qu’un mot, Manon, chaque pensée que tu gardes pour lui, chaque souvenir de vous deux ne saurait le réduire à un seul mot. Quand bien même il ne serait pas ici… ce n’était pas peine perdue que de l’avoir cherché, je devais le faire. Je ne regrette rien du temps que j’ai consacré à t’aider. Je regrette seulement de devoir t’apprendre tout ceci. »
Elle perd toujours tout, c’est ce dont elle est persuadée à présent. Est-ce vrai ? Charles, de son côté, refuse de croire que ce soit le cas, mais il ne peut promettre à Manon que l’avenir sera plus clément envers elle, que cette épreuve la façonnera d’une certaine manière… Il ne peut rien lui dire de tout cela à l’heure actuelle. Elle est encore trop affectée, et Charles le sait pertinemment.
« Je sais que ce que tu as gagné te semblera moindre en comparaison de ce que tu as perdu. Et je devine que la famille que tu trouveras ici ne saura compenser la perte que tu subis… Mais je veux que tu saches, Manon, que je suis là pour toi. »
Il l’est, vraiment. Pas juste comme ce professeur de l’institut qui serait une figure imperturbable, et regarderait probablement de façon lointaine ses élèves. Il voudrait pouvoir faire office pour elle de figure paternelle, capable d’être présent pour elle, pour la rassurer et la soutenir, pour l’aider dans l’épreuve, vraiment. Il fera en sorte de la protéger, il fera en sorte qu’elle n’ait plus à subir cette épreuve, celle de se sentir isolée, abandonnée, incomprise. Charles a accès à ses pensées, il a accès à sa fragilité.
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Ven 17 Fév - 12:10
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« … Mais je veux que tu saches, Manon, que je suis là pour toi. » Elle ignorait pourquoi ces mots sonnaient différemment, comme un écho qui se propageait dans sa tête sans qu’elle ne parvienne à l’arrêter. Ce ne serait pas aussi facile d’entrer dans ses pensées que si elle avait été une personne ordinaire, et pourtant, cette voix la déstabilisait. C’était une main qui s’efforçait de venir vers elle, cependant… elle ne savait pas quoi en faire, de cette main.
« Vous n’avez pas dit son nom… » articula-t-elle lentement, retrouvant un faux calme dans sa voix. « Vous prononcez le mien sans cesse, mais vous ne dites jamais le sien. »
La vérité, c’était qu’à part elle, personne ne connaissait Maxime. Elle le savait, bien sûr. Mais maintenant, elle réalisait combien c’était vrai. Manon releva ses yeux gonflés vers lui. S’ils avaient été blancs comme les humains, nul doute qu’ils seraient rouges à présent. Cette pensée lui revint en tête : tout le monde devrait souffrir comme elle souffre. Tout le monde devrait ressentir ce manque, ce vide de ne pas le connaître. Lentement, sa main se leva vers l’homme, mais s’arrêta devant lui, la paume ouverte, presque molle.
« Vous devez regarder, professeur. » Elle faisait de son mieux pour abaisser ses défenses psychiques, ne pas repousser ses intrusions, mais il fallait qu’il fasse de même. Il était le cerveau le plus puissant du monde, elle ne pourrait jamais entrer dans sa tête s’il ne la laissait pas, et il fallait qu’elle lui montre Maxime. Qu’il sache. Qu’il ressente. « Si vous pensez ce que vous dites, vous le feriez. Vous partageriez ma douleur, et vous comprendriez. Regardez mes souvenirs, et souvenez-vous de lui ! »
Même dans ses souvenirs, Manon n’avait jamais été une bonne personne, mais elle n’avait pas peur que Charles le découvre. Il le savait déjà. Tout ce qu’il voulait, c’était contempler son regard changer, voir au fond de lui qu’elle pouvait l’ébranler, l’émouvoir. Qu’il… peut-être… puisse la comprendre enfin…
Manon a tout à fait raison, et la vérité, c’est que Charles ne s’en était pas rendu compte lui-même avant qu’elle ne souligne cet état de fait. Pas une seul fois il n’avait prononcé le nom de Maxime. C’était probablement une manière inconsciente pour lui de ne pas enfoncer le couteau dans la plaie, mais il peut aussi reconnaître qu’une telle démarche pourrait avoir pour effet de nier ce frère qui, s’il n’est peut-être pas présent dans ce monde (et c’est malheureusement plus qu’une possibilité si même les pouvoirs de Charles n’ont pas été en mesure de le localiser), il a une place fondamentale dans le cœur et dans l’esprit de Manon… et il ne veut pas négliger sa souffrance, ni la balayer d’un revers de la main.
Voir la jeune femme dans cet état est un véritable crève-cœur pour Charles. Il peut le voir à son visage bouffi, à ses lèvres tremblantes, à ses yeux gonflés… Sa tristesse est palpable, elle serait accessible à n’importe qui, même la personne la moins observatrice, mais ce qui affecte le plus Charles, ce sont ses pensées. Il n’en néglige aucune, quitte à se montrer trop intrusif, mais il comprend rapidement que c’est ce que Manon veut, elle veut qu’il puisse prendre la pleine conscience de sa douleur, profonde et intense… De la violence de celle-ci… une violence vive, qui n’échappe en effet pas à l’appréhension de Manon.
Ce que cette dernière attend de lui, c’est une démonstration de profonde et totale empathie, et c’est bel et bien ce qu’il lui accorde. Il s’attache à ses souvenirs, des souvenirs qui ne plaçaient peut-être pas toujours la jeune femme en odeur de sainteté, mais avaient du moins le mérite de mettre en exergue un fait des plus évidents. Le lien qui l’attache à son jumeau est d’une profondeur émotionnelle rare… De celles que ne peuvent comprendre que ceux dont les âmes se seront attachées l’une à l’autre avec une force intuitive et presque naturelle.
« Je partage ta douleur. » Quand Charles prononce ces mots, ce ne sont pas des paroles en l’air. C’est une réponse sincère aux émotions que Manon a voulu lui délivrer, et qu’il a accueillies à la hauteur de ses craintes et de ses attentes. « Je te promets de ne jamais l’oublier. »
C’est une promesse sincère. Il ne saurait en être capable. L’image de Manon se superpose à celle de son frère jumeau, à présent, les deux, une fois juxtaposées, deviennent indissociables. Impossible de penser à l’une sans songer à l’autre.
« Je te promets de ne jamais oublier Maxime. »
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Dim 5 Mar - 19:56
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Elle sentait cette intrusion dans son esprit aussi clairement que si elle était dans une pièce et que quelqu’un ouvrait la porte devant elle. D’ordinaire, elle avait de lourdes et épaisses défenses psychiques, bâties artificiellement pour se défendre de Jean Grey en personne ! Mais elle les avait toutes abaissées. Elle voulait que Charles voie.
Au moins cela, il ne lui refusa pas.
« Professeur… »
Et elle vit son expression changer. Enfin… Son regard était rivé sur lui, sur ces rides qui naissaient sur son visage tandis qu’il voyait pour la première fois le visage de Maxime. Qu’il l’entendait parler. Il est réel… Maintenant, il n’y a plus personne qui pourrait le nier. « Je partage ta douleur. » C’était la première fois que les mots du professeur venaient réellement apaiser quelque chose chez elle, comme si enfin ils venaient toujours quelque chose de profond. Ses yeux se fermèrent un moment, ses doigts essuyant une larme à peine née dans le coin de son œil.
« Je te promets de ne jamais l’oublier. »
Elle le regarda de nouveau, affrontant son regard avec une paix qu’elle n’aurait pas cru possible. Mais ce n’était pas assez, elle attendait plus…
Et ça venait… ça arrivait…
« Je te promets de ne jamais oublier Maxime. »
Ses lèvres se pinçaient instinctivement, sa gorge se noua, et Manon se sentit obligée de regarder partout ailleurs pour retenir les larmes qui lui montaient aux yeux, aussi brûlantes que de l’acide. Elle aurait voulu dire quelque chose, mais seulement un petit son plaintif et étranglé ne franchit sa gorge.
Finalement, elle laissa retomber son visage sur les genoux du professeur. Elle n’avait plus la force de rien, et il était probablement la seule personne dans ce monde, cet univers, qui pouvait la comprendre à présent. Manon n’était plus capable de retenir ses tremblements, ses pleurs, elle n’était rien de plus qu’une petite fille maintenant…
Charles n’a que ses mots pour espérer réconforter Manon, et il sait très bien que cela ne saurait être suffisant. Mais ce n’est pas une parole vaine, simple ou jetée au hasard. C’est une parole sincère, prononcée avec le cœur… parce que oui, il a contemplé d’aussi prêt qu’il l’a pu la douleur de son élève… et il la porte à présent autant qu’elle. Maxime existe dans l’esprit de sa sœur, il existe également dans l’esprit du professeur Xavier. Sa promesse pourrait paraître simpliste, peut-être même un peu vaine, mais il la formule avec toute la sincérité qui puisse être. Oui, il ne l’oubliera pas, et quand son interlocutrice daigne affronter son regard, elle peut lire dans ses prunelles l’ampleur de sa conviction. Charles le constate immédiatement… elle semble plus paisible. Pourtant, sa souffrance ne s’est pas effacée… Sa souffrance ne s’effacera jamais… Mais elle avait eu besoin d’entendre qu’elle n’était pas seule, et Charles le lui conforme, non en se contentant seulement de lui dire ce qu’elle aspire à entendre, mais parce que oui, il ne veut surtout pas l’abandonner, c’est même hors de question.
Manon détourne le regard, Charles, lui, ne la quitte pas des yeux. Il ne s’autorise plus à accéder à son esprit, il se contente de ces signes visibles qui viennent témoigner de sa souffrance, de la douleur profonde qu’elle ressent. Il ne dit rien. Il laisse le silence les envelopper, car il est définitivement le théâtre adéquat à l’expression de ces émotions vives et contrariées que la jeune femme doit s’autoriser par-dessus tout à éprouver… Ce n’est pas simple, ce n’est évidemment pas agréable, mais c’est bien sûr nécessaire. Il n’y a qu’ainsi que Manon sera en mesure de canaliser sa rage et sa souffrance et de la métamorphoser en quelque chose de fort et de puissant. En quelque chose qui en vaille véritablement la peine.
Charles est un peu décontenancé au moment de voir Manon finalement s’abandonner à sa détresse, contempler sa solitude et laisser tomber son visage sur ses genoux, exposant en cet instant une fragilité qu’elle n’a que trop souvent tendance à dissimuler. Manon est une jeune femme à la force de caractère tout à fait remarquable. Mais la force n’existerait pas sans ces moments d’abandon et de faiblesse qui sont tout à fait logiques, parfaitement naturels. Manon redevient une enfant, sensible, en quête d’affection et de repère, et c’est tout naturellement que Charles se pose en repère solide et pérenne… et qu’il lui adresse cette affection dont elle a tant besoin.
C’est avec lenteur et douceur que Charles caresse doucement la chevelure blanche comme neige de la jeune mutante – un geste d’apaisement. Il ne se positionne pas seulement, en cet instant, en mentor et en guide. Il se présente en père. Presque malgré lui. Un père qui prendra le plus grand soin de sa fille.
« Tu pourras m’en parler autant que tu le désireras. Tu n’as plus à porter ce poids seule. Je suis là pour toi. »
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Petruccio Auditore
▿ Ton univers : Assassin's Creed II
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Lun 13 Mar - 0:24
♛ Bad News
I need a father, I need a mother, I need some older, wiser being to cry to. I talk to God but the sky is empty.
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Elle sentait son corps trembler de toute part, ses larmes couler sur des jambes qui ne devaient probablement pas la sentir, et sa respiration haletante et saccadée. Il n’y avait rien de grâcieux, rien de calculé comme elle le faisait d’ordinaire mais c’était tout simplement impossible de s’arrêter. Comme si Charles avait ouvert en elle une porte qu’elle avait cru impossible à bouger…
Et puis soudainement… elle sentit cette main sur sa tête.
Son sang se figea.
Charles lui caressait doucement les cheveux.
Ce contact… la perturbait, même dans ses pleurs. De toute sa vie, Manon ne se souvenait pas que quelqu’un ait eu cette attention pour elle. Les professeurs ne s’adressaient pas à leurs élèves de la sorte, c’était le rôle de parents. De gardiens. D’adultes qui éprouvaient de l’affection et de la tendresse. Autant dire des gens qu’elle ou Maxime n’avait jamais connu, ou qui avaient été définitivement rayés de leur mémoire après toutes ces années de torture. Même à l’Institut, même quand elle n’était encore qu’une enfant, on n’avait jamais caressé sa tête. Pas plus que la joue, ou même une main sur son épaule. Parce qu’elle était une orpheline, que personne n’avait beaucoup d’affection pour elle, et que personne ne lui faisait confiance pour la toucher, avait-elle conclu il y a longtemps. Et elle avait considéré ça normal, ça avait été pareil pour Maxime.
Alors en cet instant, elle était perdue. Partagée entre tellement d’émotions différentes… Sa douleur qui ne partait pas, son soulagement d’avoir enfin quelqu’un de son côté, sa tristesse de devoir accepter sa séparation avec Maxime, et maintenant… ce geste qu’elle se surprenait à aimer.
« Tu pourras m’en parler autant que tu le désireras. Tu n’as plus à porter ce poids seule. Je suis là pour toi. » lui promit-il, d’une voix si douce qu’elle ne songea même pas à s’en méfier comme elle l’aurait fait d’habitude.
« Il… Il me manque tant… » articula-t-elle entre ses sanglots. « J’en ai assez d’être seule… »
À la seconde où elle sentait la main de Charles s’éloigner de sa tête, celle de Manon la saisit et la reposa où elle était.
Au fond, Manon avait surtout besoin de quelqu’un. N’importe qui. Elle avait besoin de ne pas être seule. Elle avait besoin de soutien, d’une épaule réconfortante, de comprendre qu’elle n’a guère besoin de tout affronter par elle-même. D’un seul geste, peut-être maladroite mais d’une tendresse sincère, d’une seule caresse dans ses longs cheveux blancs, il veut lui faire comprendre qu’elle peut se laisser aller, qu’il n’y a aucun mal dans le fait de baisser les armes, que parfois, on n’a pas le contrôle surtout, et ce n’est pas grave si l’on se découvre moins fort que ce que l’on aurait voulu. Il veillera sur elle comme un père sur sa fille. Il accaparera ce rôle que personne n’a pu tenir pour elle, et il s’efforcera d’être à la hauteur d’une tâche qui est nouvelle pour elle… Et difficile à appréhender car inédite, justement.
Quand il lui affirme qu’elle pourra lui parler autant qu’elle le voudra, il est tout à fait sincère. Si elle doit se sentir gagnée par la détresse, le manque ou le vague à l’âme, elle pourra toujours le trouver. Parler, exorciser ses démons, est bien souvent la meilleure chose à faire. Bien sûr, Maxime ne reviendra pas pour autant… mais qui sait, son absence sera peut-être un fardeau moins lourd, ou ne serait-ce qu’un peu moins lourd, à porter.
Il lui manque tant, c’est ce qu’elle lui dit, et elle pourra le répéter, encore et encore, il devine à quel point c’est le cas, à quel point elle se sent privée d’une partie d’elle-même en l’absence de son frère… et c’est bien normal. Mais ce n’est pas une fatalité. Ça ne doit pas en être une… Elle est jeune, elle a plus d’une qualité à revendre, elle est capable de beaucoup. Elle les impressionnera tous… Elle peux exister individuellement, tout en s’entourant des bonnes personnes, des personnes susceptibles de l’aider et de l’encourager sur les voies qu’elle estimera les plus dignes d’être explorées.
« Tu n’es pas seule, Manon. »
C’est le cas. Elle n’est pas seule. Il est là. Manon a perdu un frère. Elle a trouvé un père. Il ne sera probablement pas le plus doué dans ce rôle, mais il fera tout son possible pour se montrer à la hauteur de ses attentes, pour se montrer digne autant qu’il le peut de la confiance qu’elle place en elle, ce qu’elle lui prouve en réclamant, silencieusement, qu’il n’interrompe pas ses caresses.
« Je ne te laisserai jamais seule. »
C’est une promesse sincère. Une promesse lourde de sens… Une promesse par conséquent dangereuse.
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