(terminé) L'hôpital qui se fout de la charité + Sophie

Les cours s’étaient terminés un peu plus tôt que prévue pour Sabrina. La blonde allait donc pouvoir rentrer plus tôt chez Sophie et s’attaquer à l’exposé qu’elle devait faire pour la fac. Elle avait pris beaucoup de retard ces derniers temps, elle avait même loupé quelques cours. Il fallait dire que toutes les histoires qu’il y avait eu avec Sophie l’avaient beaucoup marqué. La blonde savait qu’au moindre faux pas, son amie pouvait se souvenir de tout. Et puis ce n’était pas tout. Depuis quelques jours, Sabrina avait de mauvaises pensées. Elle était prête à tout pour ne pas que l’on connaisse sa véritable identité. Elle ne voulait pas qu’on la voie comme une sorcière, mais elle voulait encore moins être vue comme la fille du Diable. Alors pour rendre son histoire plus crédible encore, elle avait songé de nombreuses fois à envoyer son père à l’asile. Rien de bien méchant, juste quelques jours, histoire de rendre son histoire un peu plus concrète. Sauf qu’elle n’avait sans doute pas le droit de faire ça… Mais en même temps, ce n’était peut-être pas si grave. Après tout Lucifer, lui pardonnait presque tout. Avec toutes ces pensées, la blonde avait donc été absente à la fac, pendant presque deux semaines et n’avait donc repris que depuis quelques jours. Ses soirées étaient donc destinées à rattraper tout ce qu’elle avait loupé à cause de ses bêtises.

Après les cours, Sabrina s’était donc arrêtée à la boulangerie, comme presque tous les jours maintenant, pour aller chercher quelques viennoiseries, elle savait que cela faisait plaisir à Sophie et c’était pour elle une façon de se faire pardonner la manipulation mentale. En arrivant chez Sophie, la blonde déposa alors son sac près de l’entrée, le sachet de viennoiseries sur la table, et sa veste sur le canapé. Cherchant Sophie, pour lui signaler sa présence. Étrange, elle ne semblait pas être là. Pourtant, elle lui avait dit qu’elle allait rester là pour la journée. Ce n’était rien, Sabrina allait pouvoir profiter du calme pour travailler. Sans perdre de temps, la blonde monta à l’étage, pour se mettre directement sur son travail. Sauf qu’en montant, une surprise l’attendait. Sophie était bel et bien chez elle, assise sur le lit de Sabrina, mais ce n’était rien comparé à ce que voyais Sabrina. « Sophie… Je peux savoir ce qu’il s’est passé ? » L’incompréhension se lisait dans la voix de Sabrina. Une partie de sa chambre avait, visiblement, pris feu.

Sophie n'avait rien prévu de particulier aujourd'hui. Elle comptait simplement rester chez elle et attendre que la journée passe. A vrai dire, certains jours, elle n'avait plus la force d'affronter le monde extérieur et de faire semblant que tout allait bien. Comme elle vivait avec Sabrina, il lui fallait plus souvent faire semblant que si elle vivait seule. Heureusement cette dernière n'était pas toujours là - entre ses cours et son père, elle ne passait pas ses journées ici - alors Sophie pouvait en profiter pour avoir de longues journées, seule chez elle. De longues journées où elle n'était plus obligée de se taire et de faire semblant. Aujourd'hui était un de ces jours, un de ceux où elle voulait rester seule, à penser à tout ce qui n'allait pas, sans se soucier de devoir sourire ou être joyeuse. Aujourd'hui, elle voulait simplement pleurer sur ses problèmes et trouver des solutions qui n'existaient pas.

Profitant de cette journée pour ranger un peu la maison qui en avait grand besoin - et pour donner l'illusion d'avoir occupé son temps - Sophie avait rassemblé des livres et des cahiers qui traînaient dans le salon. Il n'était pas rare que Sabrina laisse traîner ses cours un peu partout, sans que ça ne gêne le moins du monde Sophie, qui se fichait du bazar. Néanmoins, pour donner l'impression d'avoir fait quelque chose d'utile de sa journée, la jeune femme avait rassemblé toutes ses affaires pour les ranger et les déposer dans la chambre de son amie.

Une fois tous les livres réunis, Sophie les avait posés sur le bureau de Sabrina. Les yeux de Sophie furent alors attirés par un objet qui trônait là, sur le bureau. Il était étrange et attirait particulièrement l'attention de Sophie. Elle n'avait jamais vu ce genre de choses. Évidemment, sa curiosité était plus forte que tout et elle ne pouvait pas s'empêcher d'y toucher. Le prenant entre ses mains, Sophie le tourna dans tous les sens pour l'observer et en comprendre l'utilité. C'était vraiment étrange. Soit il s'agissait d'un objet technologique que Sophie évitait comme la peste, soit il s'agissait d'un objet magique et elle avait plutôt tout intérêt à ne plus y toucher, soit il s'agissait d'un objet de décoration. Sophie avait beau l'observer de tous les côtés, elle ne comprenait pas. En revanche, à force d'appuyer partout et de le manipuler sans réfléchir aux conséquences, il se passa quelque chose que Sophie ne pouvait ni prévoir, ni expliquer. L'objet avait comme... explosé entre ses mains. Sophie avait aussitôt lâché cette chose, qui tomba au sol et qui enflamma ce qui se trouvait autour de lui. Prise de panique, Sophie resta immobile un instant, sans savoir quoi faire. Mais, par elle ne savait quel miracle, elle avait trouvé le courage de réagir et de ne pas partir en courant. Elle avait réussi à éteindre ce qui aurait pu se transformer en catastrophe.

Se remettant doucement de ce qui venait de se passer, la jeune femme s'installa un instant sur le lit de Sabrina, son coeur battant à toute vitesse. Comment allait-elle justifier ça ? Elle pouvait sortir, retourner à ses occupations et faire comme si elle ne savait rien de ce qui venait de se passer. Sauf que Sabrina s'en rendrait compte aussitôt qu'elle rentrerait et Sophie ne saurait pas tenir le mensonge éternellement. Sabrina allait la tuer. Sophie accumulait les erreurs et les problèmes et elle venait de potentiellement se mettre, en plus de tout, son amie à dos. Il n'y avait plus qu'à espérer que cet objet n'avait pas d'importance particulière et que Sabrina lui pardonnerait d'y avoir touché. Pour le reste, Sophie rembourserait évidemment les dégâts, sans discuter.

Avant que Sophie ne puisse trouver une excuse valable à ce qui venait de se passer, la porte de la chambre s'ouvrit complètement pour laisser apparaître la sorcière. Elle rentrait beaucoup plus tôt que prévu. Sophie se mit debout aussitôt, fuyant le regard de son amie pour le poser sur les dégâts liés au feu. « Ce n'est pas ce que tu crois ! C'était comme ça quand je suis arrivée ! » Mentit-elle avec assurance, craignant que Sabrina ne lui en veuille trop si elle apprenait que Sophie avait fouillé dans ses affaires. Elle ne savait pas comment elle justifierait ça, le mensonge étant sorti avant qu'elle ne puisse réfléchir à ce qu'elle devait dire. Maintenant, elle devait se débrouiller avec ce mensonge.

Sa journée de cours s’étant terminée un peu plus tôt que prévue, la blonde s’était dépêchée de rentrer chez elle pour pouvoir se reposer un peu. Exténuait par tout ce qui la tracassait ces derniers temps, en plus de tout ces cours, surtout qu’elle tentait de rattraper tout ce qu’elle avait loupé pendant son absence. La plupart de ses soirées étaient destinées aux rattrapages, ce soir n’allait pas faire exception, seulement, elle allait pouvoir s’accorder un moment calme pour se reposer.

Après avoir fait un saut à la boulangerie, comme tous les jours ces derniers temps, la blonde était rentrée chez Sophie. Déposant ses affaires, elle se dirigea rapidement dans sa chambre, en voyant que Sophie n’était pas dans les parages, elle s’était imaginée que son amie s’était absentée. Sauf qu’en entrant dans sa chambre, elle vit Sophie, qui était bel et bien là et qui honnêtement ne semblait pas très bien. La sorcière s’inquiéta dans un premier temps, son secret avait peut-être été découvert, une fois encore. Mais son regard s’était vite posé sur la véritable cause de mal-être de Sophie. Une partie de sa chambre avait visiblement… brûlé. Qu’avait bien t-il pu se passer pour que cette pièce se retrouve dans cet état ? Bien évidemment, la sorcière se tourna vers son amie, la seule personne présente dans cette maison et surtout dans cette pièce et donc la seule personne à pouvoir lui expliquer ce qu’il s’était passé. Sabrina commençait à connaître son amie. Elle voyait bien quand elle mentait ou quand elle cachait quelque chose. Et là, elle cachait clairement quelque chose. Son regard fuyant la trahissait. « Et tu n’as rien entendu ? » S’approchant de son bureau, la blonde tenta d’évaluer l’ampleur des dégâts. Heureusement, ce n’était qu’une petite partie de sa chambre qui avait brûlé. « Une partie de la pièce a brûlé, tu as forcément entendu, vu ou senti quelque chose. » Sans doute. Sinon, pourquoi serait-elle ici ? « Et puis qu’est-ce que tu fais dans ma chambre Sophie ? » Ce n’était pas qu’elle n’avait pas le droit d’y entrer. Sabrina s’en fichait, elle ne fermait jamais sa chambre, parce qu’elle lui faisait confiance et qu’elle n’avait rien à cacher. Enfin presque. Tout ce qui concernait ses secrets était bien trop caché pour que la rousse ne puisse tomber dessus.

Son bureau avait brûlé en partie, il était clairement fichu, tout comme sa chaise et quelques bricoles sans trop d’importances. Heureusement, ses affaires de cours n’avaient rien. Sabrina aurait vraiment été mal dans le cas contraire. Alors qu’elle s’apprêtait à faire demi-tour, pour aller se poser sur son lit, la blonde s’était souvenue d’une chose. La veille au soir, elle avait travaillé sur un objet magique qu’elle avait posé sur son bureau. Cet objet pouvait être dangereux s’il tombait entre de mauvaises mains. Et entre les mains de Sabrina, il pouvait lui être très utile, trop utile pour accepter de l’avoir perdu. Prise de panique, elle se mit à démonter son bureau, puis à fouiller le dessous de son lit. Elle était certaine de l’avoir posé là la veille, mais elle était épuisée, alors elle l’avait peut-être rangé ailleurs sans même s’en rendre compte. Sauf qu’il ne semblait nulle part. « Sophie, il y avait un objet là… Merde, il est passé où ? C’était un objet, pas très grand, avec des inscriptions dessus… Tu ne l’aurais pas vu ? » Sabrina interrogeait son amie tout en continuant de chercher. « Tu veux bien m’aider à chercher. J’en ai vraiment besoin. » L’inquiétude se lisait dans la voix de Sabrina, qui travaillait sur cet objet depuis des semaines, essayant de l’ouvrir, car cet objet pouvait l’aider à retrouver certaines choses importantes qu’elle avait perdues.

Le retour imprévu de Sabrina avait surpris Sophie. Elle s'imaginait avoir encore un peu de temps pour trouver une excuse, une raison valable ou pour se décider à dire la vérité. Prise au dépourvu, la jeune femme s'était levée, affirmant à la hâte que ce n'était pas ce que Sabrina croyait et que la chambre était déjà dans cet état à l'arrivée de Sophie. Elle n'aimait pas l'idée de lui mentir, mais le mensonge était sorti naturellement, sans qu'elle n'ait davantage de temps pour réfléchir. Maintenant, elle devait faire avec. Le regard fuyant, la voix hésitante, Sophie se contentait de secouer la tête de gauche à droite lorsque son amie lui demanda si elle n'avait rien entendu, vu ou senti. Il était préférable que Sophie ne parle pas trop, pour éviter que Sabrina ne comprenne trop rapidement. « Je rangeais en bas, j'ai trouvé tes livres alors je suis venue les déposer dans ta chambre... » Souffla-t-elle en désignant les livres intacts d'un geste de la main lorsque Sabrina se questionna sur la présence de Sophie ici. Au moins, cette information n'était pas un mensonge. Sophie avait réellement déposé des livres appartenant à Sabrina dans sa chambre.

Déglutissant difficilement, peu fière de mentir ainsi à son amie, la jeune femme ne bougeait pas et laissait Sabrina observer l'ampleur des dégâts. La sorcière semblait soudainement paniquée alors qu'elle évoquait un objet qu'elle avait posé sur son bureau. La description ne laissait aucun doute à Sophie, c'était l'objet qui s'était embrasé sans raison alors qu'elle se contentait de le manipuler et de lire ce qu'il y avait d'écrit dessus. Si la jeune femme se sentit soudainement très mal à l'idée d'avoir potentiellement créé des ennuis à Sabrina, elle tenta de ne pas trop réagir. Contrôlant les réactions de son visage du mieux qu'elle le pouvait, elle avait été incapable, en revanche, d'empêcher ses mains de jouer ensemble, signe évident de son malaise. Quelque chose lui disait qu'elle venait de faire une nouvelle grosse bêtise. Dernièrement, il semblerait que Sophie était incapable de faire autre chose que causer des problèmes à ses proches. « Je vais t'aider. » Souffla-t-elle, parfaitement consciente qu'elles ne retrouveraient jamais cet objet, même avec toute la bonne volonté du monde. Néanmoins, comme son amie lui avait demandé de l'aide et qu'elle ne pouvait pas dire la vérité, Sophie se contenta de s'approcher, cherchant partout autour du bureau, en soulevant les feuilles et les objets qui avaient survécu pour dégager la surface et faire semblant de chercher. « Il était vraiment très important cet objet ? Peut-être que tu peux en trouver un autre, identique ? » La voix de Sophie tremblait et hésitait, craignant d'avoir réellement fait une grosse bêtise, en fonction de l'importance de cet objet et du pourquoi Sabrina l'avait en sa possession. « Il servait à quoi ? » S'inquiétait-elle alors finalement, son regard évitant toujours celui de Sabrina, se concentrant sur sa tâche inutile en cherchant l'objet qui avait été détruit.

En rentrant chez elle, Sabrina ne s’attendait clairement pas à avoir une partie de sa chambre brûlée. La blonde avait besoin d’explication et puisque Sophie était la seule dans la maison et qu’elle se trouvait dans sa chambre, elle était la seule à pouvoir lui expliquer. Et elle avait plutôt intérêt à avoir une bonne explication. Si elle se trouvait ici, c’était donc parce qu’elle avait trouvé des livres appartenant à Sabrina et qu’elle lui avait gentiment monté dans sa chambre. Donc ce n’était pas parce qu’elle avait entendu le moindre bruit. Pas parce qu’elle avait senti la moindre odeur de brûlé… Ce n’était pas si logique que cela. Une partie de la pièce avait pris feu et Sophie ne s’en était pas rendu compte avant de monter déposer les livres ?

La blonde observa alors sa chambre, où plutôt la partie qui avait brûlé. Cherchant à voir ce qu’elle avait perdu à cause de ce petit incendie. Heureusement qu’il n’y avait pas grand-chose d’abîmé… Pas grand-chose, mais le plus important semblait avoir disparu. Sabrina avait trouvé un objet qui pouvait l’aider à retrouver ce qu’elle voulait le plus. Sa famille, le reste de ses pouvoirs… Qu’importe, cet objet pouvait l’aider à les retrouver, en partie du moins. Sauf qu’il n’était plus là. Sabrina s’agita alors dans toute la chambre, espérant le retrouver ailleurs, même si elle était persuadée de l’avoir posé juste ici la veille au soir. Trop inquiète, la blonde ne se pensa même pas à remercier son amie qui se mit à l’aider à chercher, après que Sabrina le lui ait demandé. Plus elles cherchaient, plus Sabrina perdait espoir de le retrouver un jour. « Oui. Il était vraiment très important pour moi. Et non, je ne peux pas en retrouver un identique. J’ai déjà eu beaucoup de chance de tomber sur lui. » Désespérée la blonde se laissa tomber sur son lit. « A retrouver les miens. » La partie la plus importante. Grâce à cet objet, elle aurait pu retrouver sa famille, ses tantines, Ambrose, Nick ou ses amis. Encore un espoir qui ne l’avait mené à rien d’autre qu’à de la déception. « Je suis maudite, Sophie. À chaque fois que j’espère pouvoir les retrouver, la chance m’échappe. » Et c’était sans doute cet objet qui avait causé cet incendie en réalité. Si Sabrina n’avait pas réussi à déchiffrer tout ce qui était écrit dessus, elle en avait compris quelques mots. Et si elle ne se trompait pas, une personne manipulant l’objet de la mauvaise manière pouvait créer ce genre de chose. C’était une sorte de protection de l’objet ou un truc comme ça. « C’est de ma faute. Je suis stupide. J’aurais dû prendre plus de précautions avec cet objet. J’aurais dû le ranger, le mettre en sécurité au lieu de le laisser là à la vue de tout le monde. Bien sûr, ce n’est pas de toi dont je doute. Je sais que tu ne te serais pas permise d’y toucher. Seulement, n’importe qui pouvait s’introduire ici et j’aurais dû faire plus attention. » dit-elle en s’en voulant, ne se doutant pas que Sophie était directement responsable de la perte de l’objet et de l’incendie de la chambre.

Sophie cherchait l'objet auquel Sabrina semblait tellement tenir. Elle cherchait, mais elle savait mieux que n'importe qui, qu'il n'y avait plus rien à trouver puisque l'objet avait pris feu devant elle, après ses manipulations. Honteuse et surprise, la jeune femme avait alors menti, sans réfléchir. Maintenant qu'elle commençait à comprendre que cet objet était important pour Sabrina, Sophie se sentait de plus en plus mal. Sabrina allait la détester comme jamais personne avant. Sophie espérait de tout son coeur que la sorcière avait une autre solution. Peut-être trouver le même genre d'objet ? Malheureusement, la réponse de la blonde était sans appel. Non. Elle avait déjà eu beaucoup de chance de trouver celui-ci. La gêne de Sophie ne fit qu'augmenter à cette réponse et, alors qu'elle entendait son amie se laisser tomber sur son lit, elle continuait de chercher pour cacher ses joues qui étaient rougies par la honte. Sophie venait de lui retirer la chance de retrouver, peut-être, sa famille. Une piste. A cette idée, la jeune femme sentit son coeur se serrer. Sabrina allait faire plus que la détester, elle allait la maudire. La haïr. Et elle aurait parfaitement raison.

Les mots de Sabrina raisonnaient encore et encore. Non, elle n'était pas maudite. Elle avait simplement une amie complètement stupide et qui ne pouvait pas s'empêcher de toucher à tout. La chance lui échappait parce qu'elle côtoyait quelqu'un comme Sophie, quelqu'un qui n'attirait que la malchance, en permanence. « Non... » Souffla Sophie de sa voix étouffée, incapable de dire autre chose. Elle n'eut pas le temps d'en dire davantage puisque, déjà, Sabrina rejetait la faute sur elle. Elle se pensait responsable et pensait qu'elle n'avait pas été suffisamment prudente. Et, en même temps, comment aurait-elle pu s'en douter ? Savoir ? Deviner ? Et, pire que tout, elle assurait qu'elle savait Sophie innocente. La pauvre Sophie était de plus en plus mal. La situation lui échappait totalement. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle fasse des bêtises et qu'elle déçoive ceux qu'elle aimait ? Pourquoi n'était-elle pas juste quelqu'un de bien ? Ne sachant plus comment faire semblant de chercher l'objet, Sophie s'installa près de son amie, la tête baissée, les joues rouges et la voix tremblante. « Sabrina... Même sans cet objet, tu vas retrouver ta famille. » Affirma-t-elle, malgré sa petite voix, tout en enlaçant son amie pour la réconforter et dans l'espoir que celle-ci ne remarque pas la gêne de Sophie.

Sans cet objet, Sabrina était certaine de ne pas pouvoir retrouver les siens. Après tout, ce monde l'avait isolé. Il l'avait privé des siens pendant plus de trois années. Pourquoi est-ce qu'il lui ferait le cadeau de lui rendre un jour ? Alors, non, sans cet objet, elle allait rester seule encore longtemps. Bien évidemment, Sophie était là. C'était son amie et elle tenait sincèrement à elle. Mais sans tout le reste de sa famille, rien ne pouvait être parfait. Sabrina ne pouvait pas s'en contenter. Elle ne pouvait pas accepter une vie sans eux. Seulement, voilà, ce monde refusait de lui faire plaisir. Ce monde refusait de la voir véritablement heureuse. Elle était certaine d'être maudite. Après tout, elle avait fait de nombreuses mauvaises choses par le passé. En tant qu'enfant du Diable, peut-être n'avait-elle pas le droit d'espérer être véritablement heureuse. Ce monde était peut-être sa punition. Sa prison. Même le non de Sophie ne pouvait pas la rassurer. Comment pouvait-elle savoir si elle était maudite ou non ? Si elle ne l'était pas, cet objet n'aurait pas disparu. Sa chambre n'aurait pas pris feu la seule nuit où cet objet, si sacré à ses yeux, était ici.

Le réconfort de Sophie ne servait à rien. Le fait de l'enlacer, de lui dire des phrases rassurantes, n'avait aucun effet. " Non Sophie. Tu as déjà retrouvé certains des tiens. Moi, je n'ai encore retrouvé personne. Alors j'ai le droit de perdre espoir. J'ai le droit de croire que cet objet était le seul à pouvoir me ramener auprès d'eux." Voir Sophie retrouver les siens lui faisait plaisir. La sorcière était heureuse pour son amie. Mais elle devait bien avouer que cela la peinait également. Voir son bonheur, lui rappelait son propre malheur. Ça lui rappelait qu'elle était seule, sans famille. Et surtout, ça lui rappelait qu'elle ne reverrait sans doute jamais les siens. " Sophie, tu es certaine de ne rien avoir remarqué d'étrange quand tu es montée ? Tu es certaine de ne rien avoir entendu ? " Sabrina ne voulait pas abandonner. Un détail avait peut-être échappé à Sophie. Un détail important qui allait peut-être l'aider, lui dire que l'objet ne s'était pas consumé, mais volé. Sabrina n'avait que peu d'espoir, mais elle essayait de se raccrocher à ça. " Écoute, j'ai une idée. On va te faire revivre le moment où c'est arrivé. Tu devras te concentrer sur tous les bruits que tu entends, sur tout ce que tu vois et qui est anormal. D'accord. Je peux peut-être essayer de connecter mon esprit au tien. À deux, on devrait comprendre ce qui s'est passé, on devrait ne pas louper de détail. " La blonde se leva soudainement pour aller fouiller les quelques bouquins qu'elle avait dans sa chambre. Et en quelques secondes à peine, la blonde avait trouvé. " C'est bon. Si tu es prête, on peut se lancer. " Trop prise par sa tristesse, la blonde n'avait même pas encore remarqué la gêne de son amie depuis le début.

Sophie essayait de la réconforter en la serrant contre elle et en prononçant des mots qui se voulaient rassurants. Pourtant, rien n'y faisait. Sabrina était malheureuse d'avoir perdu cet objet qui aurait pu lui être si utile. Objet qui s'était enflammé à cause des différentes manipulations de Sophie, mais elle n'arrivait pas à lui avouer. Au départ, elle n'avait pas réellement voulu lui mentir. Désormais, en voyant sa peine, elle n'arrivait plus à lui dire la vérité. Sabrina allait la détester pour de bon, c'était une évidence. Sophie comprenait ce que Sabrina lui disait. Elle n'avait retrouvé personne quand Sophie avait commencé à retrouver les siens, ça ne devait pas être facile pour elle. « Non, tu n'as pas le droit de perdre espoir. » Avait rétorqué Sophie, d'une voix un peu trop autoritaire. « J'ai attendu presque trois ans pour en retrouver certains. C'est injuste que tu doives attendre plus longtemps, mais ils vont revenir pour toi aussi. Je n'ai eu besoin de rien du tout pour les voir revenir. J'ai espéré. J'ai prié. J'ai gardé espoir. Alors, même sans cet objet, ils reviendront. » Sophie s'en voulait tellement qu'elle s'emportait. Son amie allait retrouver sa famille, tout ne pouvait pas dépendre de cet objet. Sophie ne supporterait jamais d'être responsable du malheur de la sorcière. « Ne perds pas espoir, d'accord ? » Avait-elle soufflé, plus douce et plus calme, en souriant à Sabrina pour la réconforter.

Sabrina restait concentrée sur cet objet. Elle voulait comprendre ce qui s'était passé. Alors, elle interrogeait de nouveau Sophie. N'avait-elle rien remarqué ? En était-elle certaine ? Pour ne pas dire davantage de mensonges, la jeune femme s'était contentée de bouger la tête de droite à gauche. Puis les choses s'étaient enchaînées et Sophie n'arrivait plus à tout arrêter. Sabrina avait une idée : elle allait faire revivre le moment à Sophie. Elle demandait à Sophie de se concentrer sur ce qu'elle entendait et voyait pour remarquer des choses anormales. Elle voulait connecter son esprit au sien. Si elle faisait ça, Sabrina comprendrait le mensonge de son amie. Sophie paniquait. Elle voyait Sabrina se lever et fouiller ses livres. Sophie, quant à elle, était incapable de dire quoi que ce soit ou de bouger parce qu'elle ne savait pas ce qu'elle devait faire. Dire toute la vérité maintenant ? La laisser faire ? Se sauver en courant ? Lorsque Sabrina s'était rapproché de Sophie, un bouquin à la main, pour lui dire qu'elles pouvaient y aller si elle était prête, Sophie s'était reculée pour s'éloigner. « Non ! » Avait-elle protesté, une main devant elle pour dire à son amie de ne pas l'approcher. Sa gêne et sa panique passeraient désormais facilement pour la peur que Sabrina provoquait chez elle lorsqu'elle était comme ça, prête à utiliser sa magie. « Tu ne te serviras pas de magie sur moi. Je te l'interdis ! » Sophie avait toujours été très claire avec ça. Sauf si elle donnait son accord, Sophie refusait que la sorcière ne se serve de sa magie sur elle. Alors, elle s'était redressée pour s'approcher de la porte de la chambre. « Je suis désolée que tu aies perdu cet objet. Je suis vraiment désolée. » Elle insistait sur le vraiment parce qu'elle s'excusait surtout d'en être la responsable, mais ça ne changeait rien. « Mais c'est non. » Il était hors de question qu'elle se laisse faire.

Bien sûr qu’elle avait le droit de perdre espoir. Après avoir attendu plus de trois ans les siens sans succès, elle avait le droit de croire qu’aucun d’entre eux n’était dans ce monde. Peut-être avait-elle mérité de vivre sans les personnes qu’elle aime. Peut-être que c’était une sorte de punition pour ses mauvaises actions. Après tout, cet objet n’aurait peut-être rien changé. Avec ou sans lui, elle n’était peut-être pas destinée à les retrouver. Sophie avait peut-être dû attendre trois ans pour retrouver certains membres de sa famille, mais elle n’avait eu qu’à attendre quelques semaines pour tomber sur Camille. Si Sabrina devait retrouver les siens, alors elle en aurait déjà retrouvé certains dès le début, elle en était certaine Lorsque Sophie lui demanda de ne pas perdre espoir, la blonde se contenta de souffler en haussant les épaules. Comment ne pas perdre espoir ?

Malgré tout, Sabrina gardait une lueur d’espoir quant à cet objet. Il devait être convoité par d’autres. Peut-être avait-il seulement été volé. Mais comment connaître la vérité ? Seule Sophie était présente lors des événements. Soudainement, Sabrina eut une idée. Travailler sur la mémoire de Sophie pour remonter certains souvenirs auxquels elle n’aurait pas prêté attention. Sabrina pouvait pénétrer son esprit pour l’aider à chercher. La sorcière était certaine de pouvoir le faire. Sans perdre de temps, l’enfant du Diable se leva du lit pour aller fouiller dans l’un de ses livres de sortilèges. Et en un claquement de doigts, la blonde avait trouvé le sort. La sorcière retrouva alors un léger sourire, reflet de la lueur d’espoir qui était en train de renaître en elle. Mais Sabrina ne s’attendait très certainement pas à un refus de la part de Sophie. Elle était tellement certaine qu’elle ferait tout pour aider son amie. L’incompréhension se lisait alors sur le visage de la sorcière qui n’avait plus fait un pas après le non catégorique de Sophie. « Tu refuses de m’apporter ton aide ? Tu es sérieuse Sophie. Je pensais que j’étais ton amie et que tu étais prête à tout pour m’aider. » Le ton montait légèrement. La blonde avait enfin cru que tout n’était pas perdu et Sophie refusait de la laisser entrer dans son esprit. Quel genre d’amie était-elle ? « Ce n’est pas comme si j’allais te faire du mal. Ce sort est inoffensif. Tes souvenirs resteront intacts, ta vie ne court aucun danger. Alors il va falloir m’expliquer pourquoi tu refuses. » Cette fois-ci, ses souvenirs resteraient intacts. Sabrina n’allait rien modifier, elle allait se contenter de voyage à travers un court instant de son passé.

Sophie s'en voulait de briser cet élan d'espoir chez Sabrina. Elle semblait tellement se réjouir à l'idée d'avoir trouvé une solution potentielle pour régler son problème qu'il était difficile pour Sophie de dire non. Pourtant, elle n'avait pas le choix. La jeune femme ne tenait pas à ce que Sabrina apprenne le rôle qu'elle avait joué dans la disparition de cet objet grâce à un tour de magie. Sophie s'en voulait de lui avoir menti et si elle devait dire la vérité à un moment ou un autre, elle le ferait d'elle-même - bien qu'elle craignait cette idée puisqu'elle craignait que son amie ne lui en veuille réellement.

Alors, même si elle s'en voulait de réduire à néant tous les espoirs de la sorcière, Sophie avait refusé, empêchant Sabrina de l'approcher et s'approchant de la porte pour fuir le plus vite possible. Le visage de Sabrina parlait de lui-même. Aucun besoin de l'entendre parler, il était évident qu'elle ne comprenait pas et qu'elle était surprise. Non seulement, elle était surprise, mais, en plus de tout, elle haussait légèrement le ton en reprochant à Sophie de ne pas vouloir l'aider, précisant, au passage, qu'elle n'était pas son amie. Cette réflexion blessait profondément Sophie. Alors si elle ne voulait pas la laisser utiliser sa magie sur elle, elle devenait automatiquement une mauvaise amie ? Elle ne pouvait pas dire oui à tout, même si, cette fois-ci, son refus était lié à sa peur d'être découverte.

Surprise et étonnée par les mots de la sorcière, Sophie n'avait rien répondu tout de suite. La main posée sur la poignée de porte, Sophie attendait de voir si Sabrina avait autre chose à dire. Et, en effet, cette dernière avait repris la parole. Sabrina défendait son idée : elle ne lui ferait aucun mal, c'était inoffensif et ni ses souvenirs, ni sa vie ne seraient en danger. Et, en plus de tout, elle exigeait des explications. Si Sophie se sentait responsable, elle se sentait désormais, également, en colère. De quel droit Sabrina exigeait-elle des explications ? Si Sophie disait non, c'était non. C'était aussi simple que ça. Elle n'avait rien à justifier lorsqu'elle ne voulait pas qu'on se serve de magie sur elle. « Tu n'as pas à me faire culpabiliser parce que je refuse ! » Rétorqua la jeune femme, son ton était plus froid et dur qu'habituellement. Un ton que Sabrina n'avait pas l'habitude d'entendre venant de Sophie. « Et je n'ai aucune explication à te donner. Je ne veux pas que tu te serves de tes pouvoirs sur moi, c'est aussi simple que ça. » Se justifia-t-elle, malgré tout. « Ça ne fait pas de moi une mauvaise amie. La magie, c'est ton monde. Pas le mien. Il faut que tu comprennes ça. » Parce que Sabrina semblait oublier que c'était quelque chose de relativement récent dans la vie de la jeune femme et qu'elle n'était pas prête à tout accepter la concernant.

Pour éviter de se disputer réellement avec Sabrina, la jeune femme avait tourné la poignée de la porte et avait commencé à l'ouvrir pour prendre la fuite. « Je sais que tu ne me veux aucun mal, mais je ne veux pas. Maintenant, laisse-moi tranquille ! » Avait fini par dire Sophie avant de s'engager dans le couloir menant à n'importe où, pourvu que ce soit loin de Sabrina.

Sabrina avait eu une idée. Une idée qui lui redonnait de l’espoir. Une idée qui lui redonnait le sourire. Et Sophie était la seule à pouvoir l’aider. Parce qu’elle était la seule à avoir pu voir ou entendre quoi que ce soit. Parce qu’elle était la seule dans la maison quand les événements se sont produits. Mais la rousse refusait. Elle refusait d’aider son amie. De quoi avait-elle peur ? C’était totalement ridicule. Sabrina savait contrôler ses pouvoirs et elle n’avait rien à craindre. La sorcière allait simplement pénétrer son esprit.

« Mon monde ? Il semble pourtant bien t’intéresser mon monde quand il s’agit de servir tes intérêts. » Les mots de Sabrina dépassaient sa pensée. Elle était en colère et en voulait réellement à Sophie pour son refus de l’aider. Sophie aimait s’amuser avec la magie de Sabrina. Uniquement quand cela l’arrangeait. Uniquement quand elle l’avait décidé. Sinon, Sabrina pouvait bien aller se faire voir avec sa magie et elle en avait la preuve avec l’attitude de celle qu’elle croyait être son amie. « C’est ça Sophie, fuit la conversation. Ça vaut sans doute mieux. Je me débrouillerais seule, comme toujours, je commence à avoir l’habitude. » Sur ces mots, la sorcière referma la porte, la séparant désormais de Sophie. Et sans perdre de temps, elle tourna la clé dans la serrure, pour éviter que Sophie puisse rentrer à nouveau. Les paroles de la blonde ne s’adressaient pas réellement à Sophie. Elle ne l’avait jamais vraiment laissé seule, pas volontairement en tout cas. Mais Sabrina avait, durant toute sa vie, eu l’habitude d’agir seule, puisque tout le monde lui tournait, sans cesse, le dos.