Les trahisons mènent toujours à la vengeance | Sophie

L’amitié. La confiance. L’affection. Tant de mots qui, normalement, définissent une amitié sincère. Une amitié qui s’était consolidée à travers le temps. Une amitié que l’on pensait indestructible. Une amitié que l’on pensait interminable. Une amitié qui avait pourtant pris fin. Sophie ! Une amie si gentille, si sincère, si dévouée… Non… Une traîtresse. Voilà ce qu’elle était réellement. Lorsque le gouvernement avait pris la décision de lancer une chasse aux sorcières, Sophie avait été la première à dénoncer. De tous les mortels de ce monde, c’est en Sophie que Sabrina avait le plus confiance. Quelle erreur ! Sophie n’avait pas hésité à la dénoncer aux autorités. Pire encore, elle les avait aidés à l’arrêter. Elle avait fait ce qu’il lui avait demandé pour bloquer les pouvoirs de la sorcière. Elle avait fait ce qu’il fallait pour la désarmer, pour l’empêcher de se protéger contre ces hommes qui étaient venus l’arrêter. Et elle, elle s’était contenté de rester là. Immobile, à observer ce qui se passait sous ses yeux.

Sabrina avait passé des semaines, des mois à endurer les pires souffrances. Des mois durant lesquels elle se faisait torturer sans presque aucun répit. Des mois durant lesquels elle avait eu le temps de penser à la trahison de celle qu’elle pensait être son amie. Elle avait d’abord été triste, perdu dans l’incompréhension la plus totale. Et au fil du temps, sa tristesse s’était transformée en haine. En une profonde haine.

Des mois s'étaient écoulés lorsque la sorcière avait réussi à quitter sa prison. Tous ses pouvoirs lui avaient été restitués, par la force. Et Satan savait à quel point ses pouvoirs allaient lui être utiles. Sophie et tous ces démons qui avaient osé lui faire du mal, à elle et à ses frères et sœurs sorcières, ils devaient le payer de leur vie. Ils devaient connaître la même souffrance, ils devaient connaître une mort atroce et lente.

Après avoir fait de la Terre un nouveau cercle infernal, après avoir pris le pouvoir sur cette maudite île, Sabrina n’avait plus qu’une idée en tête : retrouver les traîtres. Toute la population était mise à contribution, ceux qui lui rapportaient ceux qu’elle cherchait étaient gracieusement remerciés, ceux qui les protégeaient étaient méchamment punis, condamné à une éternité de souffrance.

Les ennuis causés par cette ville, Sophie ne les connaissait que trop bien. Généralement, elle se retrouvait dans une histoire complétement folle qui la dépassait complètement en compagnie d'une autre personne. Dans ce cas, il fallait alors se battre contre une créature, trouver la solution à une énigme, survivre à quelque chose, par exemple. A chaque fois, Sophie s'en sortait indemne - en dehors de quelques séquelles psychologiques, les événements marquant forcément durablement les habitants.

Naturellement, lorsqu'elle avait ouvert les yeux dans ce nouveau monde, Sophie s'était imaginée qu'il s'agissait d'une énième épreuve, comme d'habitude. Pourtant, cette fois-ci, elle était seule et l'endroit était terrifiant. Des ruines. Du feu. La déconstruction, partout. Elle était dans la même ville que celle où elle vivait depuis cinq ans, elle en était certaine, mais cette version-là était... l'Enfer sur terre. La mort, partout. La vie elle-même semblait inexistante. Enfin, presque...

Alors que Sophie déambulait dans ce qui avait été des jardins autrefois, au milieu de ruines et de statues étranges, elle avait aperçu une silhouette. Prudente, Sophie s'était approchée. Il pouvait s'agir d'un allié ou d'un ennemi... Le problème était que pour le découvrir, Sophie devait signaler sa présence. A une distance sûre, elle s'était stoppée. Non seulement pour garder ses distances au cas où cette personne s'attaquerait à elle, mais aussi parce que cette silhouette lui était étrangement familière. Elle se trompait peut-être, mais... Non, elle ne se trompait pas. Quelque chose, au fond d'elle, lui soufflait qu'elle ne se trompait pas. « Sabrina... » Souffla-t-elle en se dirigeant vers elle. Les deux femmes ne s'étaient ni revues ni parlées depuis que Sophie l'avait mise dehors, mais dans cette aventure, elles n'avaient d'autres choix que de s'allier et mettre leur rancoeur de côté, n'est-ce pas ? « Je suis heureuse que ce soit toi... » Continua-t-elle en réduisant la distance pour la rejoindre. Même si elles étaient en froid, Sophie savait qu'elle pouvait compter sur Sabrina - et ce, malgré tout ce qu'elles avaient pu se dire avant de se quitter.

De toutes les personnes qu’elle connaissait, jamais Sabrina n’aurait imaginé que ce serait Sophie qui allait la trahir. Elle croyait la connaître, elle pensait être son amie. À elle, elle se confiait, presque sans aucune retenue. À elle, elle avait tout raconté de son histoire. Avec elle, elle s’était amusée avec la magie. Pourtant, dès qu’elle en avait eu l’occasion, elle l’avait trahi, dénoncée. À cause d’elle, Sabrina avait vécu l’enfer, le véritable enfer. Elle avait été privée de ses pouvoirs - à cause de Sophie qui l’avait piégé avant même qu’elle ne soit capturée - et elle avait été torturé durant ce qui semblait être une éternité.

Maintenant, qu’elle était dehors, elle avait fait de la ville un nouveau cercle infernal, forçant chaque mortel à lui obéir. Détruisant tout ce qu’elle touchait, parce qu’elle devait la retrouver. Elle devait retrouver celle qui lui avait fait tout ce mal et elle devait lui rendre la monnaie de sa pièce. Sophie devait souffrir autant qu’elle. Plus qu’elle. Elle devait payer le prix de sa trahison au prix fort. Elle devait payer les semaines de souffrance de la sorcière au prix fort.

Sabrina avait remué chaque coin de cette ville, réellement, elle avait incendié des dizaines, des centaines de bâtiments, elle avait laissé les démons et les sorciers se déchaîner sur Terre, elle avait condamné des mortels, parce qu’ils refusaient de lui dire où était la traîtresse. En quelques semaines à peine, le chaos s’était répandu sur l’île. Tous les traîtres étaient sévèrement punis, ceux qui la servait était gentiment récompensé. Sabrina ne comptait pas s’arrêter avant de l’avoir devant elle. Mais jamais, elle n’aurait imaginé que cette stupide mortelle vienne seule, jusqu’à elle. « Heureuse que ce soit moi ? » Répéta-t-elle, avant d’ajouter un rire cynique. « De qui te moques-tu Sophie ? » Ajouta-t-elle en s’approchant de la rousse. Elle l’avait dénoncée, trahie, faite enfermée et maintenant, elle osait dire qu’elle était contente que ce soit elle. À quoi s’attendait-elle ? À une explosion de joie ? À un pardon ? Jamais. Jamais Sabrina n’allait lui pardonner ce qu’elle lui avait fait. « Tu as toujours été si naïve Sophie. Si stupide. Tu pensais vraiment que j’allais t’accueillir à bras ouverts après ce que tu m’as fait ? » La blonde se mit à rire de nouveau, réduisant la distance qui la séparait de Sophie. « Non… Tu vois, je ne suis pas aussi stupide que toi. Je ne le suis plus. » Dit-elle après s’être placée derrière Sophie. Elle avait attendu ce moment depuis si longtemps. Elle s’était imaginé sa vengeance depuis si longtemps. Et maintenant que le moment était venu, elle ne savait pas comment s’y prendre. Ce moment ne devait pas être gâché, ni regretté. Elle devait agir au mieux, penser à comment faire au mieux pour se venger au mieux.

Sophie était rassurée. Rassurée de voir un visage familier. Rassurée de voir un visage rassurant, malgré les problèmes qu'il y avait eu entre elles. Avec Sabrina, Sophie se sentait en sécurité. Avec Sabrina, Sophie pensait qu'elle était capable de se tirer de cette histoire sans trop de soucis et, surtout, entière.

Pourtant, il suffisait de se montrer attentif au comportement de Sabrina et d'observer les traits de son visage pour comprendre qu'il y avait un problème. Quelque chose n'allait pas. Elle se comportait étrangement. Elle était différente. Il y avait quelque chose de mauvais en elle. Sophie, en y regardant de plus près, pouvait le ressentir, le voir dans le fond de ses yeux. Sabrina n'était plus vraiment Sabrina.

Les mots de Sabrina avaient confirmé les craintes naissantes de Sophie. Il se passait quelque chose. Quelque chose qui ne pouvait pas seulement être lié à leur histoire commune, aux derniers événements qu'elles avaient eus à vivre, toutes les deux... Non, il y avait quelque chose de plus grave. Sophie frissonnait de peur face au rire et aux mots de celle qui avait été, autrefois, son amie. Elle avait peur d'elle parce qu'elle savait la puissante sorcière qu'elle pouvait être et elle avait peur parce qu'elle ne comprenait pas ce qui était en train de se passer. Rien n'était plus effrayant que lorsqu'on ne comprenait pas.

Les accusations fusaient, mais il n'y avait jamais aucune raison précise donnée à ce comportement. Elle se contentait de sous-entendre des menaces, de rester vague. Sabrina se rapprochait, rappelant la naïveté et la stupidité de Sophie au passage. Elle évoquait ce quelque chose qu'elle lui avait fait, sans que Sophie ne comprenne quoi, évidemment. Alors, Sophie se contentait d'observer, en silence.

Doucement, Sabrina avait réduit la distance qu'il y avait entre elles jusqu'à se positionner derrière Sophie. Elle ignorait comment réagir ou quoi dire. Sabrina semblait tellement en colère et Sophie craignait de faire pire que mieux. Pourtant, il n'y avait pas le choix. Elle devait faire quelque chose. Se défendre. Réagir. Rester immobile et silencieuse n'arrangerait rien à la situation, c'était évident. « Sabrina... Explique-moi, je ne comprends pas ce que tu dis. » Souffla-t-elle en se retournant vers son amie. A cet instant, elle aurait aimé s'éloigner, mais elle n'y arrivait pas, paralysée par la peur de ce que la sorcière était capable de faire avec ses pouvoirs et sa colère si Sophie donnait l'impression de prendre la fuite. « Qu'est-ce que je t'ai fait ? » Demanda-t-elle, sans faire de pause pour lui laisser le temps de répondre. « C'est parce que je t'ai demandé de partir ? » Elle ne pouvait pas lui en vouloir autant juste pour ça, si ? Puis ça n'expliquait pas ce qui était arrivé à la ville... Non, il y avait forcément autre chose.

Le moment était enfin venu. Sabrina avait dû attendre pendant si longtemps, mais elle était enfin là. Sophie était venue à elle, seule, de son plein gré. Quelle imbécile. Pensait-elle avoir le droit de venir la voir comme une fidèle amie ? Pensait-elle avoir le droit de lui dire qu’elle était heureuse que ce soit elle qui se trouvait face à elle ? Avait-elle cru que sa trahison allait être pardonnée aussi rapidement ? Jamais. Jamais elle n’allait être pardonnée. Elle allait devoir souffrir, payer pour tout le mal qu’elle lui avait fait.

Sabrina s’amusait un peu avec celle qui allait devenir sa victime. Elle faisait naître la peur en elle, parce que Sophie l’avait peut-être dénoncée, mais elle n’en restait pas moins un lâche, elle avait peur de la magie et elle allait avoir peur de Sabrina. Qu’est-ce qu’elle lui avait fait ? Elle ne comprenait pas ? Jouer les innocentes n’allait pas l’aider, bien au contraire. Sophie ne pouvait pas avoir oublié sa trahison et si elle l’avait fait, Sabrina allait l’aider à se souvenir. « Parce que tu m’as demandé de partir ? » Dit-elle en haussant la voix, une voix remplie de haine et de mépris. « Je n’avais pas l’impression d’avoir le choix. » Elle l’avait empoisonnée pour la priver de ses pouvoirs et l’avait vendu aux chasseurs de sorcières. Où était la demande dans tout cela ? « J’ai cru que tu étais mon amie, mais j’ai eu tort. Tu m’as trahi Sophie. Je peux au moins savoir ce que tu as gagné à faire ça ? Quelle a été ta récompense ? » Elle avait dû être généreusement récompensée pour avoir dénoncé une sorcière. Mais avait-elle eu une belle récompense ou s’était-elle contentée d’une bouchée de pain ? Avait-elle si peu d’importance à ses yeux ? Elle n’en avait aucune visiblement, sinon, elle ne l’aurait pas vendu, pas même contre une grosse fortune. « Que dirais-tu d’inverser un peu les rôles ? Toi la victime et moi celle qui t’offre en pâture ? J’ai des tas de démons impatients de te faire la peau. Mais si tu préfères, je peux aussi jouer le rôle du bourreau, c’est un rôle qui me convient parfaitement. Mais je préfère te prévenir, je serais moins douce que n’importe quelle créature démoniaque foulant cette maudite ville. » Voilà ce que la trahison et la souffrance avaient fait d’elle. Le mauvais côté de Sabrina avait ressurgi, prenant le pas sur tout le reste, sur tout ce qui faisait d’elle une bonne personne.

Sophie ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas le comportement de Sabrina et la colère qui se dégageait d'elle. D'accord, elles s'étaient disputées au point où Sophie lui avait demandé de partir, mais... Ça ne pouvait pas avoir créé une telle haine chez celle qui fut longtemps son amie, si ? Sabrina se moquait, appréciait le moment, mais ne répondait pas aux questions de la jeune femme. Elle lui parlait de choix et, en effet, Sophie ne lui avait pas laissé le choix de quitter sa maison, mais... Enfin, ce n'était tout de même pas une raison pour lui en vouloir à ce point. Sabrina avait joué avec sa mémoire et ses souvenirs, Sophie avait parfaitement le droit d'être en colère.

Avant que Sophie ne puisse répondre quoi que ce soit, Sabrina avait repris la parole. Elle disait avoir cru que Sophie était son amie, mais qu'elle s'était trompée, que Sophie l'avait trahie et elle s'interrogeait sur la récompense à tout ceci. Mais à quoi ? Sophie ne comprenait rien. Tout ça ne correspondait pas à ce qui s'était réellement passé entre elles. Il semblait y avoir plus. Beaucoup plus. Seulement, Sophie ne savait pas quoi. « Sabrina, je t'assure que je ne comprends rien. Je suis ton amie. Nous avons eu des différends, je le sais, mais je ne t'ai pas trahie. Tu as joué avec ma mémoire et j'étais en colère, mais j'ai souffert aussi de ton départ, ne crois pas que ça m'a fait plaisir. Il n'y avait rien à gagner, juste... Je n'avais pas le choix. » Il fallait que Sabrina comprenne, Sophie ne lui avait jamais voulu le moindre mal. Jamais. Bien au contraire, même.

Sabrina n'écoutait rien. Il y avait en elle un désir de vengeance incontrôlable. Quelque chose que Sophie n'arrivait pas à comprendre. Elle menaçait Sophie, elle la menaçait très sérieusement de laisser ses démons l'attaquer. Ses démons ? Comment ça, ses démons ? Ou elle proposait mieux encore, de devenir elle-même le bourreau, la menaçant d'être plus cruelle encore que ces démons qu'elle évoquait.

Sophie avait peur. Terriblement peur. Elle ne comprenait pas ce qui était en train de se passer et elle ne comprenait pas comment calmer son amie. Elle voulait à tout prix l'empêcher de lui faire du mal et de dépasser les limites pour lui éviter des regrets, plus tard. « Sabrina, je t'en prie, ne fais pas n'importe quoi. Ne fais rien que tu puisses regretter un jour à l'autre. J'ignore pourquoi tu es dans cet état, pourquoi tu es si en colère, mais tu n'es pas toi-même, tu n'es pas dans ton état normal. » Tenta-t-elle de la supplier.

Sabrina était en colère. Elle rêvait d’une vengeance depuis si longtemps. Mais derrière ce masque, elle cachait une véritable blessure, une véritable tristesse… Son amie l’avait trahie. Véritablement trahie, d’une profonde trahison incompréhensible, impardonnable. Sabrina avait confiance en elle, elle avait pleinement confiance en son amie et elle l’avait dénoncé. Dans ce monde où la chasse aux sorcières était ouverte, Sophie l’avait dénoncé, pleinement consciente de ce qui allait arriver à Sabrina. Cette trahison l’avait blessé et avait fait d’elle ce qu’elle était devenue aujourd’hui. Elle était devenue ce monstre, à cause de Sophie. À cause de ses années enfermées, à cause de la souffrance qu’elle avait endurée. Maintenant libre, avec Sophie face à elle, elle avait la possibilité de se venger. Elle avait la possibilité de lui faire comprendre ce qu’elle avait ressenti durant tous ses mois seule, enfermée, durant tous ces mois à souffrir.

Sophie continuait de plaider son innocence. Comment pouvait-elle le faire ? Sabrina avait vu Sophie la dénoncer, elle l’avait vu la trahir, elle l’avait vu lui tendre cette chose qui lui avait ôté tout pouvoir, la rendant vulnérable, incapable de se défendre. Avait-elle réellement oublié ce qu’elle lui avait fait ? Jugeait-elle réellement que cela n’avait rien à voir avec une trahison ? Et comment pouvait-elle dire qu’elle avait souffert de son départ ? Si elle ne l’avait pas dénoncé, Sabrina n’aurait jamais eu à partir. Elle n’avait pas le droit de se plaindre. Elle n’avait pas le droit de se faire passer pour une victime. « On a toujours le choix Sophie. » Se contenta-t-elle de dire, toujours aussi froide, ne relevant pas le fait qu’elle lui a rejeté la faute, ne relevant pas le fait qu’elle disait n’avoir rien gagné. N’était-ce pas pire encore ? De l’avoir fait gratuitement ? Si Sophie avait trouvé l’excuse parfaite, Sabrina aurait peut-être pu comprendre. Si Sophie l’avait fait pour protéger sa famille, pour la retrouver ou pour quelque chose d’aussi important, Sabrina aurait compris. Peut-être même lui aurait-elle pardonné ? Mais là ! Elle l’avait fait sans aucune raison et elle ne s’en cachait pas. Quel genre de monstre était-elle pour avoir agi ainsi ?

« Je ne regretterais rien Sophie. Je pense à cette vengeance depuis des mois. J’ai remué cette île pour te retrouver. J’ai fait de cette île un Enfer, où les êtres démoniaques sont libres de vivre pour te retrouver. J’ai détruit tout ce qu’étais, j’ai perdu tout ce en quoi je croyais à cause de toi. Et tu penses que je vais abandonner simplement parce que tu me le demandes ? Je ne suis plus moi-même à cause de toi. Regarde ce que tu as fait. Tout cela est ton œuvre en fin de compte. » Dit-elle dans un premier temps pour tenter de lui expliquer qu’elle n’avait pas voulu ça, mais que Sophie l’y avait obligé. Elle tentait de lui faire comprendre qu’elle ne pouvait pas s’arrêter, pas maintenant, pas après tout ce qu’elle avait fait pour y arriver. « Tu peux me supplier tant que tu veux Sophie, ça n’y changera rien. Tu pensais que mes pouvoirs allaient m’être retirée pour toujours ? Tu t’es trompée. J’ai fini par les récupérer, j’ai fini par réussir à fuir de cette prison dans laquelle tu m’avais envoyée. Tes suppliques et tes airs d’innocente ne te rendent pas moins coupable. Tu n’as eu aucune pitié pour moi. Alors dis-moi pourquoi j’en aurais pour toi aujourd’hui ? » Lui demanda-t-elle en s’approchant d’elle pour lui faire véritablement face. « Ce que tu ressens à cet instant, ce n’est même pas un dixième de ce que j’ai ressenti chaque minute, de chaque jour de mon existence depuis que tu m’as dénoncée. Tu n’imagines même pas le mal qu’ils m’ont fait durant tous ces mois. » Ajouta-t-elle enfin, en infligeant une intense douleur à Sophie par télépathie.

Sophie était terrifiée par le comportement de son amie qu'elle ne comprenait pas. Jamais elle n'avait vu Sabrina aussi énervée. Jamais elle ne l'avait vu perdre son calme à ce point. Elle pouvait être en colère après leur dispute, quand bien même elle datait désormais, elle pouvait être en colère d'avoir été mise à la porte par Sophie, mais au point de réagir de la sorte... Non. Sophie avait plutôt l'impression qu'il y avait autre chose. Une autre chose qu'elle n'était pas capable de comprendre. Sophie ne l'avait pas trahie. Au contraire, des deux, cet acte aurait plutôt été à imputer à Sabrina. Sophie avait simplement réagi de sorte à se protéger et se défendre. Rien d'autre.

Sophie, sentant que la situation était en train de dégénérer dangereusement pour elle qui n'avait aucun pouvoir pour se défendre, tentait de raisonner son amie et de lui faire comprendre les regrets qu'elle finirait par éprouver en se comportant de la sorte. Cependant, Sabrina faisait la sourde oreille. Elle refusait d'écouter. Elle refusait de se raisonner. Elle voulait se venger. Et elle allait le faire. Sabrina se perdait dans un discours que Sophie ne comprenait pas. Un discours qui lui faisait peur. Comment Sabrina avait-elle pu changer à ce point ? Et cette île... Comment avait-elle pu changer à ce point ? C'était impossible ! Il y avait quelque chose de plus derrière tout ça, c'était certain. Sauf que Sophie était incapable de comprendre de quoi il s'agissait. La magie, les phénomènes étranges... ce n'était pas quelque chose de familier pour elle, malgré les années passées ici. Son esprit ne raisonnait pas de cette façon, de celle qui lui permettrait de comprendre.

« Ce n'est pas toi ça, Sabrina. Tu n'es pas comme ça. Rien n'a pu te rendre comme ça. Je ne sais pas ce qui t'arrives... Peut-être que tu es sous l'effet d'un mauvais sort ? Tu n'as jamais voulu faire de la Terre l'Enfer... Jamais. Tu es quelqu'un de bien. » Elle aimait la Terre et ses êtres humains, Sophie le savait et ne pouvait pas croire s'être trompée à ce point-là sur son amie. Elle ne pouvait pas croire que Sabrina avait changé à ce point. « Pourquoi aurais-je cru que tes pouvoirs t'avaient été retirés pour toujours ? Ça n'a aucun sens... Je n'ai jamais voulu que tu sois privée de tes pouvoirs ! Jamais ! Je ne t'ai jamais envoyé dans aucune prison... Pourquoi aurais-je fait cela ? On s'est disputées, mais... c'est tout. » Elle ne cherchait pas à la tromper, à la supplier pour la manipuler. Elle cherchait juste à comprendre. Comprendre ce qui se passait. Comprendre ce qu'avait Sabrina. Pourquoi elle agissait ainsi, pourquoi elle lui en voulait tant. Sophie ne jouait pas l'innocente. Elle l'était. Elle ne comprenait pas. Les explications de Sabrina n'avaient aucun sens à ses yeux. « Parce que je suis ton amie et que je veux t'aider ? » Voilà pourquoi Sabrina devait avoir de la pitié pour elle. Elle ne pouvait pas juste l'attaquer, sans rien écouter.

Sabrina lui faisait désormais face, mais elle refusait de changer ses plans. Sophie pouvait le lire dans ses yeux. Elle était déterminée à lui faire payer quelque chose qu'elle n'avait pas fait. Et, alors qu'elle continuait à lui reprocher elle ne savait quoi, en parlant du moment où Sophie l'avait dénoncée et ce qu'elle avait supporté pendant des mois, Sophie avait voulu rétorquer quelque chose, mais elle avait ressenti une douleur violente, qui l'avait forcée à se plier en deux. Elle n'avait pas besoin de chercher pour comprendre ce qu'elle était en train de ressentir, ce qui était en train de se passer. Sabrina était en train de l'attaquer grâce à ses pouvoirs. « Sabrina ! Arrête ! » Suppliait-elle, en tentant de la regarder dans les yeux pour qu'elle comprenne le mal qu'elle était en train de lui faire. Elle finirait bien par retrouver ses esprits, non ? Le contraire était impossible. Aux yeux de Sophie, en tout cas.

À cause de Sophie, Sabrina avait souffert durant de longs mois. Elle pensait pouvoir avoir confiance en elle. Elle lui avait parlé de ses pouvoirs et souvent, à deux, elles s’amusaient avec eux. Il était amusant de jeter des sorts aux voisins ou aux adversaires, lors des différents concours organisés par la ville. Mais la magie de Sabrina avait fini par lasser Sophie. Cette dernière était une véritable enfant, elle s’était lassée de son jouet, alors elle l’avait jeté. Pour Sophie, jeter son jouet, c’était dénoncer Sabrina à des chasseurs de sorcières, afin de se débarrasser de Sabrina. Et maintenant qu’elle se tenait face à elle, elle faisait semblant de n’être au courant de rien. Elle faisait semblant de n’être responsable de rien. Ce comportement était écoeurant, même pour Sabrina qui depuis toutes ces années avait bien changé. Il lui arrivait de regretter ce qu’elle avait fait à ce monde, mais elle avait l’impression de ne plus pouvoir faire marche arrière, parce qu’elle avait l’impression de ne plus être cette bonne sorcière.

Sabrina n’écoutait pas les mensonges de Sophie. Elle en avait assez de toute cette comédie. Comment Sophie pouvait croire que Sabrina allait lui pardonner aussi facilement ? Après tout ce qu’elle lui avait fait, comment pouvait-elle espérer un pardon ? Comment pouvait-elle croire que Sabrina allait la penser innocente ? Lorsqu’elle avait été arrêtée par ces chasseurs de sorcières, Sophie était là, elle avait assisté à toute la scène et n’avait rien fait pour défendre et protéger son amie. Et les preuves étaient suffisantes ce jour. Sabrina savait tout de la culpabilité de Sophie.

Agacée, Sabrina s’était approchée de Sophie. Voulant la faire souffrir comme elle l’avait fait souffrir, Sabrina se servit de ses pouvoirs contre celle qui fut autrefois son amie. Sophie avait mal, elle se pliait sous la douleur et avait demandé à Sabrina d’arrêter. « A chaque fois que je les suppliais d’arrêter, à chaque fois que je leur disais à quel point j’avais mal, ils continuaient plus encore. Ils augmentaient la douleur, me riaient au nez. » Lâcha-t-elle en intensifiant la douleur de Sophie. « Tu ne peux même pas imaginer à quel point ils m’ont fait souffrir quand j’étais là-bas. » Ajouta-t-elle en laissant Sophie respirer un instant, cessant toute douleur chez elle. « Est-ce que tu savais ce qui m'attendait chez ces chasseurs de sorcières ? » Sabrina avait espéré, les premières semaines, que son amie ne savait pas vraiment ce qu’elle avait fait. Sophie était innocente et influençable, alors elle avait pu croire en des choses fausses. Mais Sabrina savait que c’était faux, parce qu’elle se repassait cette scène en boucle dans son esprit. Elle savait que tout cela était voulu par son amie. « J’ai longtemps cru que tu avais fait ça pour retrouver ta famille. Pour la protéger. » Continua-t-elle de dire, la voix remplie d’émotions. « Mais je sais bien que c’est faux. Tu m’as dénoncé parce que tu ne supportais plus d’avoir chez toi une sorcière. Parce que la fille du Diable n’était plus assez amusante pour toi. » Lâcha-t-elle avec colère et haine. « Ils m’ont traité de monstre, mais les véritables monstres, c’est vous ! Toi et ceux qui font souffrir les sorcières. » Ajouta-t-elle avant d’utiliser un nouveau pouvoir contre Sophie. « Tu sais ce qu’ils font aux sorcières pour les forcer à utiliser leur magie ? Ils les brûlent ou les noient. » Tout en expliquant cela, Sabrina avait entouré Sophie des flammes de l’Enfer. « Tu ressens cette chaleur ? Tu vois ces flammes ? Imagine, ressentir cette chaleur sur ta peau. » Lâcha-t-elle en infligeant une douleur similaire à la brûlure sur le bras de Sophie. C’est ce qu’ils faisaient aux sorcières, leur infligé des brûlures en espérant les voir utiliser la magie. Ensuite, ils attendaient qu’elles guérissent -pendant ce temps, ils utilisaient toutes sortes de torture- et ils recommençaient.

Sabrina attaquait Sophie. Elle se montrait étonnamment cruelle et violente. Ce n'était pas la Sabrina que Sophie connaissait. Elles s'étaient disputées et Sophie l'avait mise à la porte, c'était vrai. Sabrina avait cette fâcheuse tendance à mentir et à se servir de ses pouvoirs pour tout et rien, c'était vrai. Mais Sabrina n'était ni un monstre, ni cruelle. Sabrina était une bonne sorcière, avec un coeur. Elle l'était, en tout cas, avant qu'elles ne se disputent. Sophie pouvait-elle encore y croire lorsqu'elle se pliait en deux sous la douleur qu'elle lui infligeait, malgré ses supplications ?

A la place, elle lui faisait plus mal encore, en se justifiant par la douleur qu'on lui aurait infligé à chaque fois qu'elle avait elle-même supplié. Sophie comprenait bien qu'il lui était arrivé quelque chose de terrible, mais elle ne savait pas quoi et elle n'était pas responsable. Alors pourquoi Sabrina s'attaquait-elle à elle ? Un instant, elle avait fini par arrêter. Sophie se redressait légèrement, des larmes plein les yeux, à essayer de retrouver son souffle et d'oublier ce qu'elle avait ressenti. « Tu as vécu quelque chose d'horrible, je comprends. Ils se sont comportés comme des monstres avec toi. » Sa compassion était sincère, même si elle ignorait toujours de quoi elles étaient en train de parler exactement. « Tu as souffert, mais ça ne te donne pas le droit de faire souffrir les autres... » Là, elle essayait de la ramener à la raison, même si elle craignait de voir le contraire se produire si Sabrina prenait ces quelques mots pour une attaque.

Une fois encore, elle accusait Sophie d'être responsable par ses questions, alors que Sophie n'y comprenait vraiment rien. Elle n'avait rien fait, en dehors de mettre Sabrina dehors après un énième mensonge et une énième manipulation. « De quels chasseurs de sorcières est-ce que tu parles ? » Sophie n'en connaissait aucun. Elle ne comprenait pas. Pas plus quand Sabrina évoquait la protection de sa famille, que Sophie avait fait quelque chose pour ça, mais que c'était finalement faux, qu'elle l'avait dénoncée parce qu'elle ne supportait plus d'avoir une sorcière, la fille du diable, chez elle, que ce n'était plus suffisamment amusant... Elle finissait par les traiter de monstres. Elle et les autres humains qui faisaient souffrir les sorcières, très certainement. « Je ne comprends rien, Sabrina ! » Sophie s'agaçait, c'en était trop pour elle. Elle perdait patience face au manque d'explications de la sorcière. Il n'y avait que des accusations. Rien d'autre. Sophie souffrait sans savoir pourquoi. Et elle n'en pouvait plus de cette injustice. « Je ne suis pas un monstre, pas plus que toi. Je t'ai demandé de partir parce que tu m'avais menti, trahi, manipulé, mais je n'ai rien fait d'autre... » Elle haussait la voix, ce qui était très certainement une mauvaise idée, mais elle n'en pouvait plus d'être accusée de toutes ces choses qu'elle n'avait pas faites.  

Cette fois-ci, Sabrina s'était attaquée à Sophie avec un autre pouvoir. Elle avait entouré Sophie de flammes, en faisant référence à la manière dont les chasseurs forçaient les sorcières à utiliser leurs pouvoirs. Puis, pour lui faire comprendre la douleur ressentie, et plus seulement la chaleur dangereuse des flammes qui se trouvaient tout près d'elle, Sabrina la lui infligea sur les bras. Sophie tomba à genoux en hurlant de douleur. Elle ne suppliait plus, elle marmonnait juste dans l'espoir que ça s'arrête, en pleurant et criant... A quoi bon de toute façon puisque Sabrina refusait de l'écouter, malgré tout ce qu'elle avait dit pour se justifier et lui faire comprendre qu'elle n'avait rien fait de mal.