(Terminé) Pourquoi toi ? ▿ Elizabeth

Encore ce cauchemar. Mary avait l’impression que sa vie n’était guidée que par celui-ci. Elle devait être forte, mais elle n’y arrivait pas. Elle avait toujours dû se montrer forte. Pourquoi ne pouvait-elle pas le faire une nouvelle fois ? Pourquoi ce cauchemar raconté la mort de François encore et toujours. Et plus cette nuit-là Mary s’était revue agenouillée devant le billot. Elle avait revécu la mort de Lola, la mort d’Aylee… Elle avait revu en une nuit tous les malheurs qui avaient autrefois rythmé sa vie. Pourquoi devait-elle encore souffrir ? Ne serait-elle jamais en paix ? Même après la mort, elle allait devoir se battre ? Mais pour combien de temps encore ? Elle ne voulait pas oublier son premier amour, jamais elle ne voulait oublier François. Elle ne voulait pas non plus oublier ses amies, sa vie à la cour, elle ne voulait pas oublier ce qu’il lui était arrivé durant ses années de règne, car c’était ce qui l’avait rendu plus forte. Mais elle voulait simplement vivre plus paisiblement. Elle avait besoin. Si elle ne voulait pas craquer, elle en avait besoin.

Ce matin-là, Mary était restée dans son lit après le réveil. Elle ne ressentait pas l’envie de se lever. Elle regardait la place vide qui se trouvait à côté d’elle. Elle s’imaginait François, juste-là, endormi paisiblement. Pourtant, il n’était pas là. Jonglant entre larme et rire, Mary se revoyait à la cour. Elle se remémorait de nombreux souvenirs. Stirling s’était mis à aboyer, ce qui avait permis à Mary de sortir de ses pensées. Le petit James réclamait également l’attention de sa maman. Il avait besoin de manger, d’être changé et d’être câliné. Mary regardait son fils qui était en train de lui sourire. Souriant également, la jeune mère finie par prendre son fils dans les bras. Elle venait de prendre une grande décision. Elle devait aller voir un médecin, ou plutôt appelé un psychiatre. Cette personne pourrait aider Mary à se débarrasser de ses cauchemars, de ses mauvaises pensées.

Après un long trajet à pied, Mary était arrivée devant un cabinet privé, afin de rencontrer une personne qualifié qui pourrait réellement l’aider. La jeune mère avait hésitait de nombreuses fois avant de pousser la porte, elle avait même tentait de faire demi-tour avant de se résonner. Mary déposa une main sur la poignée avant de franchir la porte. Mais ce nom avait retenu son attention : Elizabeth Tudor. Sa cousine. Mary espérait qu’il s’agissait d’une erreur, d’une véritable erreur. Elle ne voulait pas que la première personne qu’elle retrouve soit sa cousine. C’était impossible. Mary s’était installé dans la salle d’attente. Elle allait attendre patiemment que sa cousine daigne sortir de son cabinet. Et la porte s’était ouverte après, une dizaine de minutes d’attente. « Elizabeth ? » Mary s’était levée, fixant la personne qui se trouvait devant elle, le regard vide. Elle craignait la réponse qui allait lui être donnée.

Lasse et fatiguée, Elizabeth écoutait l'homme devant elle lui raconter ses soucis conjugaux. De temps à autre elle acquiesçait ou prenait quelques notes sur un carnet. Le plus souvent, ses yeux se perdaient dans le vide et elle n'écoutait plus que d'une oreille inattentive son patient. Généralement, elle essayait d'écouter et d'aider, mais aujourd'hui, elle n'allait pas bien. Elle avait une mauvaise impression, un mauvais pressentiment. Il allait arriver quelque chose, Elizabeth en était certaine. Comme elle ne pouvait pas savoir quoi, ni même si c'était vrai, elle avait continué sa journée de travail tranquillement réfléchissant plus à pourquoi elle était obligée de faire ce métier dont, avant son arrivée, elle ne connaissait rien. Un sourire faux sur les lèvres, Elizabeth signifia à l'homme que le rendez-vous était terminé. Sans plus de cérémonie, elle le poussa vers la sortie après un dernier signe de tête. Elle allait pousser un soupir, mais dû se retenir en apercevant une femme dans la salle d'attente. Qui était-elle ? Elle n'avait pourtant plus aucun rendez-vous. Ou alors devenait-elle folle au point d'oublier même ces détails ?

Le visage de cette femme lui semblait familier. Elle ne pouvait pas dire qui elle était, mais elle était certaine de la connaître. Peut-être était-elle déjà venue au cabinet ? Non. Ce n'était pas ça. Elle s'avança d'un pas, s'apprêtant à lui demander s'il avait rendez-vous, mais l'inconnue l'appela par son prénom. D'abord surprise et perdue par ce visage familier, elle se rappela que son nom était inscrit sur la porte. Si elle essayait de se rassurer comme ça, ça ne fonctionnait pas. Ravalant difficilement sa salive, quelque chose lui tomba dessus comme une évidence. Cette fille, si elle lui semblait familière, mais avec cette certitude de ne l'avoir jamais vu, c'était parce que c'était le cas. De cette fille, elle n'avait vu que des portraits et elle n'avait eu que des descriptions. Pourtant, quelque chose au fond d'elle, son instinct lui disait qu'elles venaient du même monde, que cette fille devant elle, c'était Mary. Mary Stuart. Sa cousine. Comment pouvait-elle être ici aussi ? N'était-elle pas... morte ? N'avait-elle pas été décapitée ? Elizabeth croyait rêver. Se rendant compte de son silence trop long, Elizabeth se ressaisit en secouant la tête et en affichant ce faux sourire qui semblait si sincère et qu'elle réservait aux patients. Après tout, peut-être se trompait-elle. La vie ici, loin de la cour et des gens qu'elle connaissait devait juste la rendre folle. « Oui ? Vous êtes ? » Demanda-t-elle, aussi sûre d'elle que possible. « Vous n'aviez pas pris rendez-vous, si ? » Fit-elle, en espérant que la comédie prendrait. Elle devait. Après tout, depuis son arrivée ici, elle jouait à celle qui avait tout oublié. Elle simulait une vie entière dont elle se souvenait, dans ce monde. Elle expliquait que pour elle tout était normal. Elle se protégeait, comme elle l'avait toujours fait.

Dix minutes d’attente. Mary allait attendre patiemment assisse sur une chaise. Elle n’allait pas débarquer dans le cabinet de sa cousine. Elle préférait attendre un peu. Attendre qu’elle sorte. Mais en attendant, elle réfléchissait beaucoup. Elle se demandait comment elle allait réagir en voyant sa cousine face à elle. Comment est-ce qu’Elizabeth allait-elle réagir ? Mary devait garder son calme, mais elle savait que ça allait être dur. Mary le savait bien. Après tout, il n’y avait plus personne dans la salle d’attente. Et le ou la patiente qui était en compagnie d’Elizabeth allait bien quitter le cabinet un jour ou l’autre. Mary pouvait patienter un peu. Mary était en train de s’imaginer retrouvant sa cousine, celle qui avait été son ennemie. Mais la porte s’était ouverte, laissant sa cousine apparaître. C’était bien elle. Le nom sur la porte n’était pas une erreur. Les portraits, les descriptions qu’on lui avait faites de sa cousine autrefois, c’était elle. Mary sentait la colère montait en elle. Rien que le fait de la voir l’énervait. Pourquoi est-ce qu’Elizabeth était la première personne que Mary retrouvait ? Pourquoi elle ? Pourquoi ce n’était pas François ? Bath ? Greer ? Kenna ? Lola ? Où des dizaines d’autres, mais pas Elizabeth. Mary avait prononcé le nom de sa cousine, comme par réflexe. Mais également pour savoir comment elle allait réagir. C’était un long silence qui s’était installé. Puis elle avait pris la parole. Elle avait prononcé ces mots qui énervait Mary. Elle ne la reconnaissait pas. Comment pouvait-elle ne pas reconnaître la femme à qui elle avait gâché la vie ? Mary comptait bien lui faire retrouver la mémoire. « Non, je n’ai pas pris rendez-vous. Mais je ne savais pas que nous étions obligeait de le faire. » Mary se faufilait dans le cabinet, sans même y être invité. Elle déposa le landau prêt du bureau et déposa ses affaires au pied du landau. Puis elle s’était mise à explorer les lieux. À regarder un peu partout, à poser ses mains sur tout et rien pour voir dans quel endroit vivait son bourreau désormais. « Ça change, n’est-ce pas ? C’est bien différent d’avant, non Elizabeth ? Ta vie ne te manque pas ? Je veux dire le confort, la protection ne te manque pas ? Tu ne te sens pas légèrement plus vulnérable maintenant ? » Mary enchaînait les mots, sans aucune émotion dans la voix. Si ça ne tenait qu’à elle, elle se serait déjà jetée sur sa cousine pour lui ôter la vie comme elle lui avait ôté autrefois. « Donc, ici, tu aides les gens ? Ça doit être terrible d’écouter le malheur des autres à longueur de journée. Je te plains ma pauvre amie, je sais que ce n’est pas ton genre, ce n’est pas ce que tu préfères de faire tout ça ? » Mary venait de s’installer sur le fauteuil de sa cousine. Celui, bien plus confortable, celui, qui montre qui est supérieur à l’autre dans la pièce. Mary était assise et regardait sa cousine qui se trouvait face à elle. Elle regardait sa cousine fixement, le regard plein de colère. Elle lui en voulait de l’avoir privé de sa vie et lui en voulait d’avoir imposé à son fils d’avoir le royaume d’Angleterre et la tête de sa mère, où uniquement l’Écosse et la liberté de sa mère.

Mary. De tous, elle était celle qu'elle voyait en premier. Quelque part, Elizabeth ignorait si elle retrouverait un jour quelqu'un. Elle ignorait même si elle le voulait réellement. Après tout, elle préférait faire celle qui ne se souvenait de rien. Elle préférait oublier et recommencer. Elle préférait mentir pour se protéger. De ce monde, elle ignorait tout et elle était effrayée. Il était merveilleux parce que tout y était nouveau. Des choses incroyables existaient ici. Des choses dont elle apprenait à se servir, doucement. Revoir Mary ramenait Elizabeth à ses vieux souvenirs et à ses vieux démons. Elle avait peur de ce que cela pouvait signifier. Alors, elle faisait comme toujours. Elle jouait la comédie. Elle faisait semblant de ne rien savoir. De ne se souvenir de rien. De ne rien comprendre. Jamais, elle n'avait imaginé ses retrouvailles avec sa cousine. Alors elle se devait d'improviser. Et surtout, elle se devait d'être crédible.

Jouant son rôle de psy, Elizabeth avait demandé à sa cousine si elle avait pris rendez-vous aussi neutre que possible comme elle savait si bien le faire. Sa cousine répondit, puis entra dans la cabinet sans attendre l'invitation. Elizabeth grimaça avant de se retourner et d'entrer à son tour. « Il le faut, mais je vous en prie : entrez ! » lâcha-t-elle en suivant la jeune femme. Elle avait un bébé. Son regard ne s'était posé sur lui qu'à l'instant, elle n'y avait pas fait attention. Un bébé. Etait-ce James ? Etait-ce possible qu'il soit encore si petit ? Devenait-elle folle ?

Mary ne se gênait pas. Elle regardait partout et touchait à tout. Elizabeth se contenait, mais n'avait envie que d'une chose : hurler et lui demander de sortir. Elle n'allait pas lui gâcher cette vie, elle n'allait pas lui prendre sa seconde chance. Elle parlait. Elle s'installait. Elle s'installait dans son fauteuil. Elle l'attaquait. Rien de différent en soi. « Excusez-moi, je ne comprends rien. Qui êtes-vous exactement ? » dit-elle en ayant refermé la porte et en restant à distance de sa cousine. « Je pense que vous me prenez pour quelqu'un d'autre ou que c'est un médecin que vous devriez voir... » Dit-elle en faisant allusion aux médecins s'occupant des problèmes mentaux. « Ici ? C'est-à-dire ? Le confort ? La protection ? De quoi parlez-vous ? » lâcha Elizabeth en s'approchant d'un pas. « Je vous conseille de vous lever, de quitter mon fauteuil... » elle fit une courte pause. Juste une seconde. Assez pour faire mentalement la comparaison entre ce fauteuil et son trône. Mary avait toujours voulu le lui prendre. « de prendre votre enfant, de quitter ce bureau et de voir un médecin ! » elle n'avait d'autres choix que de faire passer sa cousine pour folle. « Et je vous conseille d'arrêter de menacer tous les inconnus que vous voyez, ça vous éviterait bien des problèmes... Pensez à votre enfant ! » une menace cachée, mais qui prenait grand sens dans l'esprit d'Elizabeth. A force de la menacer, elle avait perdu sa vie et son fils. Dans ce monde, les choses pouvaient se répéter. Elle n'en revenait pas, même dans la mort, ou peu importe ce que ce monde était, les deux filles devaient se disputer et se haïr. Sauf que cette fois-ci, Elizabeth n'avouerait jamais qui elle est.

Sa cousine. Elizabeth. Ne se souvenait-elle réellement pas de sa défunte cousine ? Ne la reconnaissait-elle pas ? Après tout, elles ne s’étaient jamais vues réellement. Elizabeth n’avait jamais eu le courage d’affronter en face celle qu’elle avait faite captive. « Tu sais très bien qui je suis. Où si tu ne le sais pas, tu peux me croire, tu vas très vite le savoir. » Ça, oui, elle allait le savoir. Mary allait prendre le temps qu’il fallait pour lui rappeler jusqu’au moindre de ses souvenirs. Mary voulait que sa cousine sache pourquoi elle souhaitait se venger. Et voilà que désormais, elle comptait la faire passer pour une folle. « Je sais qui tu es et je ne suis pas folle. Je n’ai pas besoin d’un médecin. » Mary avait juste besoin de stopper ses cauchemars et elle était tombée sur sa cousine. Il y avait de quoi perdre la raison. Aux paroles de sa cousine, Mary s’était mise à sourire. Se sentait-elle une nouvelle fois menacé ? Après tout, Mary était assise dans son fauteuil, comme autrefois, elle aurait dû s’asseoir dans son trône. Alors Mary allait s’amuser un peu de la situation, admirant le fauteuil dans lequel elle était assise et passant ses mains sur les accoudoirs. « Je l’aime bien ce fauteuil. Je n’ai pas envie de le quitter. Je n’ai pas non plus envie de quitter ce bureau, ni même ta petite vie bien tranquille que tu pensée te construire ici. Loin de tes erreurs, loin de tes horreurs. Je ne suis pas désolée de t’apprendre que je ne compte pas en rester là. » Mary ressentait cette rage bouillonner en elle. Elle se revoyait pendant ses années de règne, face aux personnes qui l’avaient trahi. Elle savait que face à ce genre de personne, elle pouvait se montrer très mauvaise. Et à cet instant, elle avait envie de l’être. Elle avait envie de montrer à sa cousine, qu’elle était forte. Pourtant, Elizabeth se permettait des paroles bien trop dangereuse face à Mary. Comment Elizabeth pouvait-elle se permettre de menacer l’enfant de sa cousine ? Ne lui avait-elle pas fait suffisamment de mal ? Mary n’avait pas supportait cela, à la seconde où Elizabeth avait prononcer ces mots Mary s’était mise debout tapant d’une telle puissance sur le bureau. Mary fixait sa cousine dans les yeux, elle n’avait pas peur d’elle, elle savait qu’elle en revanche devait se sentir en mauvaise posture, comme toujours. « Tu ne menaces pas mon enfant. » Mary savait que dans ce monde elle n’était plus aussi puissante, elle ne pouvait plus nuire comme elle le voulait. Elle savait qu’ici, elle ne pouvait plus punir, elle ne pouvait plus ôter la vie de qui elle voulait. Mais personne n’avait le droit de menacer son enfant. Elle pouvait toujours faire souffrir, sans aucun problème.

Mary s’était de nouveau assise, montrant du doigt les chaises qui se trouvaient face à elle. « Tu vas t’asseoir sur cette chaise et tu vas m’écouter… Elizabeth. » Mary fixait sa cousine, marquant une très courte pause, avant de reprendre la parole. « Tu es psychologue alors tu vas m’écouter. Alors tu vois depuis que je suis ici, je rêve de François. Je rêve de sa mort. Je tenais beaucoup à lui, je l’aimais comme je n’avais jamais aimé. Mais tu sais quoi ? Je ne rêve pas uniquement de ça mort. Non, vois-tu Elizabeth, je rêve également de la mort d’une de mes amies. L’une de mes plus fidèles amies. Elle s’était rendue en Angleterre et une femme qui se prétendait être son amie a ordonné son exécution. Elle a ordonné qu’on lui coupe la tête. Penses-tu cela pensable ? Cette amie me manque terriblement, j’ai eu besoin d’elle par le passé, mais une personne m’a empêché de pouvoir la revoir. Et je rêve aussi d’une prison. Celle qui m’a gardé captive pendant vingt longues années. Je me revois loin de James, m’empêchant d’élever mon propre fils, m’empêchant de le voir grandir. Et pour finir, je me revois, moi, quelques minutes avant la mort. Je me revois à genoux devant le billot, je sens encore le courant d’air qu’a laissé la hache en s’approchant de ma nuque. Ces rêves ne sont pas des plus agréable. Mais sais-tu seulement ce que ça fait de mourir Elizabeth ? Sais-tu ce que ça fait de se savoir condamnée ? En tout cas, je sais que comme moi, tu sais ce que ça fait d’ôter la vie à une personne. Mais est-ce que tu as ressenti la même chose quand tu as ordonné tout cela ? Tu as ressenti de la joie ? De la tristesse ? Où de la peur ? » Mise à part la mort de François, Elizabeth était celle qui avait causé tout cela. Peut-être ne s’en souvenait-elle pas réellement, c’est ce qui énervait d’avantage Mary. Ne se souvenait-elle réellement pas de celle à qui elle détruit la vie ? Ne se souvenait-elle pas de cette pauvre Lola à qui elle avait ôté la vie, simplement parce-qu’elle pensait avoir été trahi ? La vie d’Elizabeth avait toujours été dirigée pas la peur, Mary en avait bien conscience et elle avait aussi cette envie, ce besoin de se venger, en montrant à sa cousine, qu’ici aussi elle allait devoir craindre les autres, la craindre elle. Mary ne comptait pas arrêter avant de s’être vengée.

L'espoir était un sentiment terrible. C'était beau et terrible. L'espoir vous laissait rêver et espérer. Parfois longtemps. Parfois si fort qu'on imaginait  que rien ne pourrait venir briser ça. Puis un jour, l'espoir venait vous briser. Il vous détruisait. L'espoir attend juste que vous ne doutiez plus. Il attend que vous soyez heureux. Puis il disparaît. Il fait apparaître la vérité. Il vous fait comprendre que l'espoir n'est là que pour vous faire souffrir. Elizabeth avait espéré. Elle avait tant voulu vivre normalement et être heureuse. Elle avait tant espéré que son ancienne vie n'avait été qu'un long et mauvais rêve. Elle avait tant voulu apprendre à faire confiance, à ne plus avoir peur et à aimer. Sauf qu'aujourd'hui, le retour de Mary changeait tout ça. Le retour de Mary venait de briser chaque parcelle d'espoir qu'Elizabeth avait en elle. Elle sentait revenir complots et vengeance. Elle ne se sentait plus en sécurité. Puis, plus qu'avant encore, elle se demandait si c'était vraiment à ça que devait ressembler le paradis... ou l'enfer. Personne n'en parlait jamais comme ça, tout était loin d'être magnifique ou terrible. Tout semblait banal... même si tout était différent. Pourtant, Elizabeth devait bien être dans cet autre monde, celui après la mort... Pourquoi retrouverait-elle Mary sinon ? Elle était morte ! Elizabeth ne se souvenait pas de sa mort, à elle, mais Mary ne pouvait pas être revenue à la vie ? Et elle était si jeune... comme Elizabeth...

Pour éviter de laisser s'installer le mal de crâne qui pointait le bout de son nez, Elizabeth cessait de se poser toutes ces questions, se concentrant désormais sur les seuls mots de sa cousine. « non... » souffla-t-elle. Non, elle ne voulait pas savoir qui elle était. Elle voulait continuer sa nouvelle vie et ne rien avoir à faire avec Mary. Elle jouerait cette comédie aussi longtemps que nécessaire jusqu'à pouvoir s'en débarrasser. Mais quelque chose lui disait que ça n'allait pas être simple. Les mots de sa cousine, son comportement, sa façon qu'elle avait de s'asseoir dans son fauteuil... Elizabeth comprenait bien la comparaison de Mary entre ce fauteuil et le trône d'Angleterre. Elle se doutait, en tout cas, qu'elle l'avait en tête, tout comme elle.

Elizabeth sentait la rage monter en elle, cette colère et cette haine qu'elle n'avait pas encore ressenti ici. Cette peur qu'elle croyait pouvoir oublier... Pourtant, Mary ne pouvait rien lui prendre ici. Elizabeth n'avait plus aucun pouvoir, comme sa cousine. Elizabeth n'était plus Elizabeth Tudor, reine d'Angleterre tout comme sa cousine n'avait plus rien de Mary Stuart, reine d'Ecosse. Elles n'étaient que deux femmes, libres de leurs obligations et de leur couronne. Elle ne put réprimer ce sursaut lorsque sa cousine frappa violemment sur le bureau. Le mélange de la rage et de la peur poussait Elizabeth à menacer indirectement sa cousine, gardant sa couverture d'amnésique, malgré tout. « Je ne menace pas votre enfant... Je vous mets en garde. J'ignore ce que vous imaginez, ce que vous pensez, mais méfiez-vous, c'est tout. » Insista-t-elle. Sa cousine ne s'était jamais arrêtée face à la menace. Elle doutait que cela fonctionne, mais elle se devait d'essayer. Si Elizabeth pouvait comprendre la rage de Mary, elle savait que cette dernière voulait se venger sans réfléchir. Si Elizabeth n'avait pas mis fin aux jours de Mary, c'est Mary qui aurait mis fin aux jours d'Elizabeth. Dans leur ancienne vie, il n'y avait de place que pour l'une des deux. Elizabeth avait gagné. Elle aurait pu perdre et être assassinée comme Mary l'avait été. Ça aurait été le cas si Mary avait réussi l'un de ses nombreux complots. Elizabeth n'avait fait que de se protéger. Comme Mary.

Elizabeth parlait peu, préférant écouter, craignant de dire une bêtise qui la trahirait. Lorsque sa cousine lui demanda de s'asseoir, Elizabeth ne put retenir son sourire. Certainement pas. Voilà ce qu'il voulait dire. Elle n'allait pas céder, elle n'allait pas obéir. Bien qu'Elizabeth n'avait pas cédé, Mary repris la parole. La suite fut longue. Mary parlait et ne s'arrêtait plus. Elle évoquait François et sa mort. C'était triste et horrible, mais Elizabeth n'y avait été pour rien. Ce jour-là, d'elle-même, de rage et de désespoir, Mary avait même gâché l'une des nombreuses chances qu'elle avait eu pour mettre fin à la guerre entre l'Angleterre et l'Ecosse. Puis elle avait continué. Elle avait évoqué Lola. Dès les premiers mots, Elizabeth avait compris, avait avalé difficilement sa salive aussi discrètement que possible. Elle avait se souvenir douloureux, comme Mary. Mais Elizabeth y avait été contrainte. Elle aimait et appréciait beaucoup Lola, mais cette dernière l'avait trahi, elle avait voulu la tuer. Elle ne pouvait pas laisser passer ça. Elle avait donné sa confiance et voilà ce qu'elle avait gagné. Comment Mary pouvait ne dire que ce qui l'arrangeait, oubliant la moitié de la vérité ? Oubliant que dans la même situation, elle aurait agi de la même façon. C'était d'une malhonnêteté. Puis elle avait évoqué sa prison. Elle avait évoqué son fils. Elizabeth comprenait sa douleur. Elle comprenait sa haine. Pourtant, encore une fois, elle n'avait pas eu le choix. Elle n'était pas le monstre de l'histoire. Mary n'avait pas été maltraitée, elle avait été emprisonnée loin de son fils, oui, mais Elizabeth avait toujours fait en sorte qu'elle soit bien traitée. Jusqu'au jour fatal, jusqu'au jour où lasse des complots, elle avait dû la faire exécuter pour protéger sa propre vie. Alors non, elle ne savait pas ce que c'était de mourir ou d'être condamnée. Mais elle savait ce qu'était de perdre ceux qu'on aime. Elle savait ce qu'était le sentiment de peur. Celui de tout perdre ou de craindre pour sa propre vie. Elle savait ce qu'était que de devoir prendre d'horribles décisions. Alors non, elle n'avait pas ressenti la moindre joie en exécutant sa cousine. Ordonner la mort d'une femme qui avait été souveraine n'avait pas été une joie pour Elizabeth. Tuer sa cousine n'avait pas été un plaisir pour elle. Ça avait été une nécessité. Ça avait été une protection. Si elle y avait pris un vrai plaisir, elle n'aurait jamais autant attendu, elle l'aurait exécuté à la première occasion. Elle avait voulu lui laisser une chance, mais Mary ne l'avait prise que pour comploter contre elle.

Par tous ces mots, Elizabeth était en colère, ressentait de la rage et de la douleur, de la peine aussi... « Je suis sincèrement désolée de tout ce que vous croyez avoir vécu... » Lâcha Elizabeth, permettant de sincèrement s'excuser sans le dire clairement, toujours pour garder sa couverture. Parce qu'elle était vraiment désolée de lui avoir fait subir tout ça, désolée qu'elles n'aient pu être amies et souveraines, se soutenant face aux ennemis et aux difficultés. « Mais que voulez-vous que j'y fasse ? Que voulez-vous y faire ici ? J'ignore réellement qui vous êtes ! J'ignore ce que vous me voulez ! Vous semblez en bonne santé, vous avez un enfant alors profitez de votre vie, avancez, oubliez... Apprenez à vivre et à ne plus avoir peur d'être heureuse. » Plus facile à dire qu'à faire. Mais Elizabeth voulait juste se débarrasser de sa cousine et vivre loin d'elle. Elle voulait aussi qu'elle soit heureuse de son côté, elle le méritait malgré tout. Elle avait souffert autant qu'Elizabeth. Aujourd'hui, elle méritait d'oublier son passé et sa douleur, elle méritait de vivre de nouveau, de vivre heureuse. « Maintenant quittez ce bureau, quittez ce cabinet et n'y remettez jamais les pieds ! Je vous ferai sortir de force s'il le faut... » Précisa-t-elle froide et autoritaire dans l'espoir de se faire obéir et de ne pas craquer en la voyant devant elle plus longtemps.

Elizabeth venait de menacer son enfant. Elle ne pouvait pas le nier. Elle devait assumer ses paroles. Mary avait vu clair dans son jeu, elle tentait de l’intimider voilà tout. Mais Mary ne comptait pas se laisser prendre au jeu. Les menaces d’Elizabeth ne lui faisaient aucunement peur. Et si elle voulait s’amuser à menacer son bébé ; un être si innocent, Mary ne la laisserait pas faire. Elle ne la laisserait pas lui faire du mal. Elle serait prête à tout pour le protéger. « Oh vraiment ? Aurais-je mal interprété ta phrase ? Non. Je ne pense pas. Je pense simplement que tu essaies de me faire peur avec tes menaces. Mais je n’ai pas peur, je ne suis pas faible et je ne compte pas fuir devant les menaces. Je suis plus forte à ce jeu-là. » Elizabeth n’avait pas à menacer Mary, son enfant ou qui que ce soit d’autre à qui tenait Mary. C’était hors de question.

Voilà maintenant qu’elle disait que Mary n’avait pas vécu toutes ces choses. Elle prétendait que Mary s’était inventé tout cela. Mary savait très bien que tout cela n’était pas le fruit de son imagination. Elle savait que toutes ces choses, elle les avaient vécues. « Mais je ne crois pas avoir vécu ces choses. Non, je les ai vécues et je le sais. » La douleur était bien trop forte pour que ce ne soit qu’un simple imaginaire. Et James, il était bel et bien là, à mes côtés, alors pourquoi aurais-je imaginé cela, alors que James était là ? Non, ce n’était pas possible. Puis les injures continuaient. Elizabeth disait ne même pas savoir qui se trouvait devant elle, une fois de plus. Elle jouait, Mary en était certaine. « Elizabeth Tudor, reine illégitime du trône d’Angleterre, dit ne pas me connaître. Alors je vais faire les présentations. Je m’appelle Mary Stuart, j’étais autrefois reine de France jusqu’à la mort de mon époux François de Valois. Reine d’Écosse après la mort de mon père Jacques V, alors que je n’avais que six jours. Je devais accéder au trône d’Angleterre, mais tu étais présente sur ce trône et tu avais peur de ma légitimité. Tu as tenté des offensives contre moi, contre mon peuple. Et quand j’ai tenté de trouver refuge, tu m’as enfermé pendant vingt longues années. Des années que j’ai passé loin de mon fils, loin de mes amis, de mes proches et des gens que j’aime. Pour au final me retrouver face à la hache, face à la mort, à cause d’un ultimatum que tu avais imposé à mon fils. Le forcer à pousser sa propre mère à la mort. » Mary reprenait sa respiration, ne marquant qu’une courte pause et reprenant un visage neutre pour effacer la colère qui était visible sur ce dernier. « Je pense que ces paroles n’étaient pas nécessaires, car je pense que tu ne m’as pas oublié. Je pense que tu sais très bien qui je suis et que la peur te fait te taire. Mais sache que ce n’est pas la bonne solution. Car ton ignorance m’agace d’avantage. Et j’ai perdu patience Elizabeth. Je n’ai plus envie de rire, je n’ai plus envie de m’amuser. Alors je ne pense pas que tu veuilles véritablement savoir ce que je veux réellement. La réponse te serait bien trop insupportable. Alors oui, je compte profiter de la vie, oui, je compte profiter de mon petit garçon, mais jamais, je dis bien jamais je n’oublierais. Jamais. » Ce que voulait Mary ? N’était-ce pas évident ? Mary voulait la vengeance. Mary voulait se venger et venger les gens qu’elle aime et qui ont été touchés de prêts ou de loin par Elizabeth. Cette ancienne reine d’Angleterre devait souffrir et Mary allait le faire. Elle prendrait même un malin plaisir à le faire. Un malin plaisir de voir sa cousine périr peu à peu, la voir souffrir jusqu’à la fin, privée de ses proches, comme Mary en a été privé dans la souffrance. Elizabeth devait le payer. Non, Elizabeth allait le payer. Et elle se traînerait à genoux aux pieds de Mary pour la prier de cesser ses souffrances. Mary allait prendre le temps qu’il fallait pour fomenter sa vengeance afin que cette dernière soit parfaite.

Elizabeth demandait, ou plutôt ordonnait à Mary de quitter le cabinet et de ne jamais y remettre les pieds. Sérieusement ? Pensait-elle l’intimidait comme cela ? Pensait-elle que Mary allait gentiment obéir en disant, pardon et en lui promettant de ne plus jamais l’importuner ? « Tu penses réellement que je vais t’obéir ? Tu penses que je vais te laisser vivre ta petite vie paisiblement ? C’est terminé Elizabeth, tu ne seras plus jamais en paix. À chaque instant, tu devras te demander ce que ta cousine prépare. Oui, parce que j’ai peut-être oublié de te préciser que tu étais de ma famille, oui Elizabeth, tu as fait assassiner ta propre cousine. Alors je compte bien rester dans ce bureau autant de temps que je le souhaite. Ce n’est certainement pas toi qui m’en feras sortir, sache-le. » Mary se dressa dans le fauteuil de sa cousine, comme pour lui montrer, qu’elle avait le pouvoir sur elle. Elizabeth était désormais perdue. Mary ne comptait pas lâcher l’affaire aussi facilement. « Oh, nous allons jouer à un petit jeu, si tu le veux bien, mais je sais très bien que tu ne vas pas refuser, tu aimes jouer Elizabeth n’est-ce pas ? Je vais t’aider à recouvrer la mémoire. Je vais te donner des noms, des mots et tu devras me dire ce que cela t’évoque. Je vais commencer par une personne qui m’a été très chère. Par une personne que j’ai sincèrement aimé. Gideon Blackburn. Je t’écoute. » Pour commencer, il fallait appuyer là où ça faisait mal. Elle n’allait pas pouvoir garder toutes neutralités si Mary insistait un peu sur les choses douloureuses, elle allait peut-être se trahir elle-même. Trahir sa soi-disant amnésie.

Elizabeth n'avait pas menacé l'enfant de Mary. Elizabeth n'avait fait que la mettre en garde sur son comportement qui pouvait lui causer des problèmes. La nuance, selon elle, était importante. Ce monde était bien différent du leur. Ici, Mary n'avait aucun pouvoir et aucun privilège. Si elle semblait folle ou si elle faisait des choses irraisonnées, elle pouvait avoir de sérieux problèmes. Problèmes qui pourraient affecter son enfant. Pourtant Mary insistait. Mary continuait de s'énerver. De contredire Elizabeth. De l'agresser. D'insister. « Vous avez mal interprété, en effet. Vous semblez voir le mal partout. Ce n'est pas normal... Vous devriez peut-être en parler avec quelqu'un si vous vous sentez menacé pour tout et n’importe quoi... » Affirme-t-elle, jouant au passage, son rôle de psychologue.

Elizabeth, qui simulait l'amnésie, prétendait, ou sous-entendait plutôt, que Mary avait inventé toute cette vie, que rien n'était vrai. Que pouvait-elle faire d'autre ? Elle ne se sentait pas de supposer que son histoire pouvait être vraie, elle craignait de faire une erreur qui la trahirait. A sa réponse, Elizabeth se contenta de secouer la tête dans un premier temps, puis répondit : « Si vous le dîtes ! » souffla-t-elle, en espérant en finir avec ça. Elizabeth partageait ses douleurs et son passé, elle avait vécu des choses similaires. Pourtant, Elizabeth voulait vivre différemment ici, loin de cet horrible passé qu'elle voulait oublier à tout prix. Elle aurait presque tout donné pour tout oublier de son ancienne vie. Tout n'avait pas été noir, au contraire, certaines choses avaient été merveilleuses. Certains moments inoubliables. Pourtant, pour être heureuse et ne pas être en permanence dans la peur, elle aurait aimé tout oublier. Les bons comme les mauvais moments. Puisque Elizabeth jouait l'amnésique, Mary se proposa de tout lui rappeler, la présentant et se présentant. Entendre son nom, son titre... C'était étrange. Voilà plusieurs mois qu'elle ne les avait plus entendu. Puis elle revint sur la soi-disant illégitimité d'Elizabeth à régner sur l'Angleterre. Et enfin sur sa capture et sa captivité. Sur son choix. Le pire choix de toute sa vie. Son poing se serrait peu à peu, mais elle le desserrait aussitôt pour que Mary ne remarque rien. Et elle continuait encore et encore. Elle ne s'arrêtait plus de parler. Elizabeth essayait de garder son calme, les yeux fixés sur sa cousine qu'elle rêvait d'étrangler de ses propres mains après tout ça. Evidemment, elle ne croyait pas en l'amnésie d'Elizabeth. Même si ça avait été réellement le cas, elle ne l'aurait pas cru. On ne pouvait pas oublier la grande Mary Stuart. Mary Stuart ne supportait pas d'être oubliée. Mary Stuart n'était que la pauvre victime dans toute cette histoire face à cette horrible Elizabeth Tudor. Mary Stuart ne pouvait rien oublier parce qu'elle était rancunière et mauvaise. Elle était obsédée par la vengeance et impulsive. Mary Stuart n'avait pas supporté de perdre... Simplement. Pourtant, si elle était réaliste et franche, elle avouerait franchement que si Elizabeth n'avait pas mis fin à ses jours, Mary aurait mis fin à ceux d'Elizabeth. Il n'y avait de place que pour l'une des deux et Elizabeth avait gagné. C'était ça qui faisait enrager autant sa cousine, voilà tout. Si Elizabeth comprenait sa cousine, aujourd'hui, l'envie de la faire taire était plus forte, mais elle ne pouvait rien faire si elle voulait espérer, un jour, être en paix.

Sa patience avait des limites. Ses nerfs étaient à bout. Son sang bouillonnait. Son coeur battait plus vite que la normale. Elle ordonnait à Mary de quitter le cabinet, ce qu'elle ne fit, évidemment, pas. Aux mots de sa cousine, elle fut à deux doigts d'exploser, mais réussit à se contenir grâce à elle ne sait quel miracle. La peur et la colère envahissaient Elizabeth. La peur de ne plus pouvoir vivre, d'être sans défense dans ce nouveau monde et de devoir revivre les épreuves du passé, encore et encore. Enfin, après plusieurs minutes de silence, elle put enfin reprendre. « Vous avez beaucoup d'imagination, c'est incroyable. Vous devriez peut-être écrire votre soi-disant vie. Cela peut vous aider à aller mieux. » Dit-elle moqueuse. « Quant à sortir de mon bureau. Si je ne peux pas vous en faire sortir, je suis certaine que d'autres pourraient le faire sans aucune difficulté. D'autant plus que vous venez de me menacer. Ce n'est pas prudent, vous savez. » Elle pouvait très bien appeler la police, expliquant qu'une folle s'était introduite dans son bureau, refusant de le quitter, tenant des propos incohérents et menaçants. Pourtant, elle se refusait à faire souffrir, encore, sa cousine. Pour l'instant, du moins.

La symbolique qu'utilisait Mary agaçait davantage Elizabeth. Cette façon de lui prendre son siège, cette façon de se dresser comme si elle avait le pouvoir sur elle. Les menaces d'Elizabeth pour la mettre dehors ne semblait rien y faire. Mary était tenace et têtue, ça, elle ne pouvait pas lui enlever. L'ancienne reine reprit ainsi la parole devant odieuse, horrible, méchante et blessante. Les yeux fixés sur ceux de Mary ne pouvaient que la trahir. Ce regard noir mêlé à l'immense tristesse ne pouvait que trahir Elizabeth. Sa cousine était donc une si mauvaise personne. Elle aimait faire souffrir et voir la souffrance chez les autres. Elle aimait blesser. Elle aimait détruire. Elle n'était qu'un monstre. Être souveraine l'avait transformé en monstre. Il avait suffi de ce prénom, de ce nom : Gideon Blackburn pour qu'Elizabeth se sente transpercée par la douleur. Elle avait l'impression que quelqu'un s'amusait à lui transpercer le coeur avec un millier de poignard. La douleur qu'elle ressentait au fond d'elle, cette boule dans le ventre et dans la gorge. Les larmes qui montaient. Ses poings qui se serraient. Elle n'arrivait pas à se contenir. Elle resta silencieuse une minute, des larmes pleins les yeux, rouge de colère. « Maintenant vous sortez de ce bureau ! » Hurla-t-elle en s'avançant et en claquant, à son tour, les mains sur le bureau. « Vous sortez ! » hurlait-elle, à deux doigts de s'avancer sur sa cousine pour la faire sortir de force. « Vous êtes un monstre ! » claqua-t-elle, en comprenant au fur et à mesure, le danger dans lequel elle se mettait. Heureusement, elle avait sa sortie de secours, qu'elle espérait bonne. « Vous vous renseignez sur les gens pour les faire souffrir... » Après avoir simulé une amnésie, elle pouvait simuler des souvenirs tronqués, un Gideon qui aurait existé dans ses souvenirs à elle, dans ce monde. « Vous allez m'écouter maintenant... » commença-t-elle, la gorge nouée, les larmes difficiles à retenir. « Menacez-moi, mais sachez que je peux faire pareil. Vous m'en avez beaucoup dit et je peux me montrer dangereuse moi-aussi. Alors cette fois-ci, prenez ça pour une menace : faîtes attention à votre enfant. Faîtes attention à vous. Jamais je ne me laisserai faire, est-ce bien clair ? Vous ne savez pas de quoi je suis capable... » Peut-être se mettait-elle en danger, elle et son secret, mais elle ne trahissait rien. Elle agissait comme une personne blessée et menacée, comme une personne qui voulait se protéger et qui utilisait la menace pour cela, gardant toujours en tête qu'elle ne devait faire aucune erreur. Alors Mary pouvait douter, mais n'avait aucune preuve qu'elle simulait son amnésie.

Elizabeth jouait son rôle de psy. C’était une réaction logique, mais qui avait tendance à énerver Mary. Les paroles de sa cousine étaient tellement irréelles pour Mary. Elle devait être en train de rêver ces, ça ne pouvait être autrement. Il était normal de se sentir menacée, de voir le mal partout quand on avait vécu ce qu’avait vécu Mary. « Je me sens menacée. Je vois le mal partout. Sérieusement ? Ne penses-tu pas que j’ai mes raisons Elizabeth ? Je n’ai pas mal interprété tes paroles. Je sais très bien ce que tu avais en arrière-pensée. Je n’ai pas besoin de voir qui que ce soit, puisque je n’ai aucun problème. En revanche, toi, tu devrais peut-être consulter, pour tes soi-disant problèmes de mémoires. Et peut-être aussi pour le fait que tu ne te rendes pas compte que tu menaces les autres. Ça pourrait te jouer des tours, tu sais. Des choses pourraient t’arriver sans que tu ne saches réellement pourquoi. » Mary était en effet en train de la menacer. Chacun son tour après tout. Et Mary voulait prouver que même ici, elle pouvait se montrer menaçante si on s’en prenait à elle ou à ses proches. Elle ne devait laisser aucune marche de manœuvre à Elizabeth. Mary devait s’assurer d’être en sécurité et surtout s’assurer que son fils l’était.

Elizabeth ne prenait pas Mary au sérieux. Elle avait tort. Elle se moquait de sa cousine et cela était impensable. Mary ne pouvait pas se laisser faire. Écrire sa vie, Mary ne serait pas contre. Mais ce qu’ignorait Elizabeth, c’était qu’avec cette histoire Mary pouvait détruire Elizabeth. Détruire sa nouvelle petite vie tranquille, sa réputation. « Écrire ma soi-disant vie. C’est moi que tu traites de menteuse alors. C’est toi qui simules une amnésie et c’est moi que tu traites de menteuse. Mais je n’en reviens pas. Il est vrai que je pourrais rédiger ma vie. C’est une bonne idée que tu me donnes là. Je pourrais rédiger chaque détail de ma vie. Ainsi, je pourrais dire à chacun comment leur gentille psy m’a ôté la vie. Comment d’une telle lâcheté elle a demandé à un enfant de prendre la décision d’assassiner sa mère. Comment d’une telle lâcheté, elle n’a jamais rendue une seule visite à celle qu’elle avait faite captive, même pas le jour de son exécution. » Mary souriait faussement. Avant de reprendre très vite la parole. « Et pour ce qui est de me faire sortir de ton bureau Elizabeth, personne ne m’en fera sortir, le temps que je n’en aurais pas terminé avec toi. Je n’ai pas peur Elizabeth. Ça non. » Elizabeth pensait réellement l’effrayait avec ces paroles. Pensait-elle que Mary allait dire, d’accord, je vais partir sans problèmes, excusé moi madame, je ne viendrais plus vous importuner. Après ces quelques mots Mary ne faisait que s’installer plus confortablement dans le fauteuil de sa cousine. Elle sentait que sa cousine allait finir par perdre pied. Elle devait tenter de la faire parler un peu plus. Elle devait la forcer à se trahir. Elizabeth n’était pas amnésique. Mary refusait d’y croire. Elle n’avait pas le droit d’avoir oublié tout ce qu’elle avait fait dans le passé. Elle n’avait pas le droit d’oublier Lola, James, Gideon ou elle-même. C’était impossible. Elle n’avait pas le droit. Ça non. Mary comptait bien raviver ses souvenirs s’ils étaient réellement enfouis quelque part.

Mary devait parler de Gideon. Elle devait le faire, même si la douleur était trop forte pour elle. Car elle avait sincèrement aimé Gideon. Et elle le savait mort, comme tout ceux qu’elle avait aimé par le passé. En prononçant ces mots Mary avait ressenti une douleur, une grande douleur à l’intérieur d’elle. Elle se faisait du mal, mais c’était pour qu’Elizabeth se trahisse. Même si les larmes montaient, Mary n’avait pas d’autres choix que de blesser sa cousine pour en apprendre un peu plus. « Non Elizabeth, je ne partirais pas. Je ne quitterais pas ce bureau. » Mary criait, ou plutôt hurlait encore plus fort qu’Elizabeth. Mary sentait qu’elle était à deux doigts de tout lui faire avouer. Elle n’allait pas lâcher maintenant. L’ancienne reine s’était relevée du fauteuil de sa cousine tapant du poing sur le bureau. Et Elizabeth venait de reprendre la parole. Mary levait les yeux au ciel. Les yeux toujours remplis de larme, elle laissa échapper un léger rire. Non pas qu’elle trouvait la situation drôle, non pas du tout. Mais simplement ce rire un peu nerveux était intervenu après le début des paroles d’Elizabteh. Elle pouvait menacer les gens ? Mary le savait très bien. Elle savait de quoi elle était capable. « Mais je le sais très bien Elizabeth. Je sais que tu peux menacer les gens, car tu l’as déjà fais par le passé. Tu peux te montrer dangereuse, venant d’une femme qui est en partie la cause de ma décapitation, je n’en doute pas. Tu ne te laisseras jamais faire, j’aimerais bien voir cela. Je sais très bien de quoi tu es capable. En revanche, tu ne sais même pas à quel point ma haine est puissante. À quel point mon désir de vengeance est puissant. Regarde bien cet enfant, car jamais tu ne pourras lui faire le moindre mal. Je serais la première à agir en cas de moindre doute. Je n’hésiterai pas une seule seconde à mettre fin à tes jours de mes propres mains. Elizabeth entend moi bien. Je n’ai plus peur. Je n’ai plus rien à perdre. Je suis prête à tout désormais. » Mary disait vrai. Si Elizabeth n’avait pas causé la mort de Lola, si elle n’avait pas était celle qui l’avait privé de son fils pendant de longues années, si elle n’était pas celle qui avait demandé à James de sauver ou non sa mère. Si Elizabeth n’avait pas commis ces erreurs, Mary n’aurait pas réagi comme cela. Tout le monde lui disait, dans son autre vie, qu’elle aurait pu s’entendre à merveille avec sa cousine, si elles ne portaient pas de couronnes.  Si elles n’étaient pas deux reines rivales, elles auraient pu s’entendre. Gideon le disait lui-même. Et il connaissait parfaitement les deux jeunes reines pour savoir ce qu’il disait. Mary aurait bien aimé avoir cette amitié. Mais elle le refusait. Pas après ce qu’elle avait fait. C’était tellement impensable pour Mary d’oublier cela aussi facilement. « Autrefois, quand nous étions encore reines, je n’arrêtais pas d’entendre et de me dire que nous aurions pu être amies. Pourtant, la vie en a décidé autrement. Notre rôle à chacune ne nous le permettait pas. Nous ne pouvions être amies. Cela était impossible. Vois-tu aujourd’hui tout aurait pu être différent. Mais non, ce ne sera pas le cas. Tu m’as privé de mon fils pendant vingt longues années Elizabeth. Je ne l’ai pas vu grandir. Je n’ai pas pu le protéger. Je n’ai pas pu jouer mon rôle de mère. Je me suis inquiétée à chaque seconde pour lui sans réellement savoir ce qu’il était en train de faire, sans savoir s’il courait un danger ou s’il était en sécurité. Je n’ai jamais vu le visage de mon fils adulte, je ne l’ai pas vu changer, je ne l’ai pas vu devenir un homme. Elizabeth, tu m’as privé de tout cela. Tu aurais pu m’aider à rester en vie. Tu aurais pu m’aider à me cacher, m’aider à vivre une vie d’exil avec mon fils. Mais non. Par peur, tu as préféré ordonner mon arrestation et demandé à mon fils de m’exécuter ou de perdre l’Angleterre. Tu as demandé à mon fils de prendre la décision de me tuer. » C’était l’appel d’une mère. Mary avait été privée de son fils et c’était ce qui l’avait le plus fait souffrir. Elle avait perdu la tête, c’était une chose. Mary a elle aussi tenté d’assassiner sa cousine, car elle se montrait menaçante pour elle, ses proches, son peuple. Mais Mary aurait accepté de signer un contrat stipulant qu’elle renonçait au trône d’Angleterre si elle pouvait fuir et vivre en sécurité aux côtés de son fils. Elle avait pourtant une seconde chance avec James, il était là, encore bébé. Elle pouvait désormais l’élever, jouer son rôle de mère, mais malgré tout, elle avait cette impression d’avoir abandonné son enfant, car elle en avait été forcée. Elle avait cette impression d’avoir laissé son fils dans les mains du vice et du mal en étant capturée. Mary ne voulait plus de cela. Elizabeth pouvait à tout moment se montrer menaçante une nouvelle fois, elle le disait elle même, elle pouvait être dangereuse. Elizabeth n’hésiterait pas une seule seconde à tuer une seconde fois Mary, si elle en avait l’occasion, si elle se sentait menacée pour la moindre petite chose. Et Elizabeth était connue pour sa peur, pour sa peur de tout et de rien. Elle craignait tout ce qui pouvait lui arriver, même l’impensable. Mais Mary voulait agir plus rapidement cette fois-ci. Elle voulait être la plus rapide des deux. Elle voulait vivre avec son fils, elle voulait le voir grandir. Elle ne voulait pas être privée de lui une nouvelle-fois. Elizabeth n’avait pas le droit de faire cela une nouvelle fois. Jamais. Jamais elle n’aurait l’occasion de recommencer, Mary ne la laisserait pas faire. C’était hors de question. « Elizabeth, promet moi de ne jamais recommencer. Promets-moi de ne jamais plus me menacer, promet moi de ne plus jamais menacer mon enfant. Promets-moi de rester loin de moi, loin de ma vie, loin de mon fils. Promets-moi de ne plus jamais me priver de mon enfant. Alors là et seulement là, je pourrais envisager de te laisser la vie sauve. Je pourrais éventuellement envisager de te laisser vivre en paix. Mais à la moindre erreur de ta part, au moindre signe de danger, de menace envers ma personne ou envers James, alors je surgirais, l’esprit plus vengeur que jamais. Prête à tout pour nous protéger, même à mettre fin à la vie de quelqu’un. Je l’ai déjà fait par le passé et je serais prête à recommencer au moindre signe de menace, venant de n’importe qui dans ce monde. » La voix de Mary était calme. Elle demandait à sa cousine de lui promettre un tas de chose sur un ton bas et calme. Elle menaçait sa cousine sur ce même ton si à n’importe quel moment elle décidait de trahir ses promesses. Mary semblait sincère. Elle savait si bien mentir. L’une des choses que la vie à la cour lui avait enseignée. Elle devait mentir, bien se montrer, savoir sourire quand cela était nécessaire, même si ce sourire ne venait pas du cœur, mais simplement du cerveau. Mary n’était pas prête à abandonner. Même si Elizabeth lui promettait toutes ces choses, Mary n’abandonnerait pas sa vengeance. Elle ne laisserait pas Elizabeth prendre le dessus et attenter à la vie de l’ancienne souveraine une fois de plus. Cela était impensable. Mary se disait simplement qu’elle allait devoir jouer doucement, de façon subtile. Elle allait devoir préparer sa vengeance sans que personne ne se doute de ce qu’elle avait fait. Personne à l’heure actuelle ne pouvait la raisonner. Car oui, elle avait peur. Elle n’avait pas peur de sa cousine, pas peur de la personne qu’elle était, elle avait simplement peur de perdre la chair de sa chair une nouvelle fois. James n’avait pas été conçu avec l’homme que Mary avait le plus aimé dans sa vie, mais il restait son enfant, son unique enfant, celui dont elle avait été privé bien trop longtemps. Celui qui avait réveillé en elle, chagrin, tristesse, haine, crainte et tellement d’autres sentiments. Si seulement François était là. Lui, il pourrait la rassurer, lui dire qu’elle était en sécurité, lui dire qu’elle n’avait rien à craindre, car ici, personne ne pouvait lui prendre son enfant. Il aurait pu lui dire qu’ils allaient avoir une famille nombreuse et vivre heureux loin des tracas de la cour, loin des complots, loin du mal. Bath aurait très bien pu la convaincre de toutes ces choses également. Il était tellement loyal et protecteur envers Mary qu’à ses côtés Mary se serait sentie plus forte et plus en sécurité. Elizabeth ne serait plus un problème. James, son grand frère aurait également pu la raisonner, la rassurer, la protéger. Mais là, Mary était bel et bien seule, face à l’une de ses plus grandes rivales, se retrouvant à devoir protéger un petit être innocent qui n’était autre que son merveilleux petit garçon. Elle était la seule à pouvoir lui offrir la sécurité et elle était prête à tout pour cela.

Désolée d'avoir été longue à répondre

Elizabeth ne savait pas comment se sortir de cette situation. Elle aurait aimé obtenir cette seconde chance, elle aurait aimé être débarrassée de son ancienne vie. Des gens qu'elle avait côtoyé, elle aurait aimé en revoir. Revoir ceux qu'elle avait aimé. Ceux qui avaient toujours été là pour elle. Gideon. Il était le meilleur exemple. Lola aussi, elle aurait aimé pouvoir s'excuser, s'expliquer. Mais Mary, non. Mary, elle aurait aimé ne jamais la revoir. Son rôle d'amnésique ne lui permettait pas de réagir comme elle le voudrait. Elle devait paraître loin de tout ça, ne pas être touchée, blessée ou agacée. Pourtant, elle était tout ça. Elle était tout ça et elle était en colère. Cette colère, cette rage qu'elle croyait éteinte dans ce monde, elle la sentait de nouveau en elle. Voir Mary, entendre ses menaces... Pourquoi devait-elle vivre ça à nouveau ? Elizabeth n'avait pas toujours fait les bons choix. Elle en avait conscience. Mais elle avait souvent fait les choix qui s'imposaient à elle. Si Mary n'avait pas été capturée et tuée, Elizabeth y aurait perdu sa tête et sa vie. Alors oui, elle avait dû faire le choix difficile d'exécuter sa cousine, d'exécuter une reine pour se sauver. Il n'y avait pas d'autres moyens sûrs pour elle.

« J'ignore si vous avez vos raisons. Vous semblez triste et en colère, je suppose que des choses l'expliquent. Quant à mes problèmes, je vous remercie, mais je sais ce que je dois faire ou non. » Ajouta-t-elle froide. Bien sûr, si Elizabeth se trouvait intérieurement des excuses, si Elizabeth voulait que Mary disparaisse, Elizabeth comprenait, malgré tout, les difficultés que Mary avait pour s'adapter ici. Elle comprenait sa souffrance et sa colère. Mais ici, rien n'était plus pareil, elles n'étaient plus rien, elles devaient avancer, oublier leur macabre passé aussi difficile que cela puisse être. En effet, si elles n'avançaient pas, elles allaient gâcher cette merveilleuse chance qui venait de leur être offerte. « mais je ne le répéterais plus, arrêtez de me menacer. C'est un conseil. » Si Elizabeth devait jouer son jeu d'amnésique  jusqu'au bout, elle ne comptait pas se laisser menacer pour autant. Elle voulait être enfin libre, elle voulait enfin vivre comme elle l'entendait et ne surtout pas avoir sa cousine dans les parages pour lui gâcher cette chance. Si elle, elle ne savait pas la saisir, Elizabeth en avait décidé autrement.

Pour se moquer de sa cousine qui revenait sans cesse sur les événements passés, Elizabeth lui conseillait d'écrire sa vie. Après tout, elle pourrait en intéresser plus d'un. Évidemment, il ne s'agissait là que d'une moquerie pure et simple. Les menaces, la froideur, l'indifférence, la colère ne fonctionnaient pas, alors elle essayait autre chose, qui ne marcherait sûrement pas, mais peu importe. « Je simule une amnésie si ça peut vous faire plaisir de le penser. » Soupira Elizabeth, lasse, en essayant de paraître sincère. « Écrivez ce que vous voulez sur moi, personne ne vous croira jamais. Une morte revenue à la vie ? Bien sûr ! N'oubliez pas de dire aussi comment était le paradis ! » Continuer dans la moquerie, toujours. « Sans oublier d'avoir demandé à un bébé de prendre une telle décision... » Un sourire en coin, avant de reprendre. « Non vraiment, les gens vont aimer votre histoire et vont y croire, évidemment. Personne ne vous prendra au sérieux, réfléchissez un peu et arrêtez de m'importuner. » Mary devait réfléchir. Bien sûr, Elizabeth n'aimerait pas voir sa vie étaler de la sorte, même si elle l'était déjà dans les livres. Mais Mary n'aurait aucune crédibilité. Mary passerait pour une folle, se verrait retirer la garde de son enfant et Elizabeth en serait débarrassée pour de bon. Il fallait l'avouer, cette idée n'était pas si mauvaise et avait un goût de victoire pour l'ancienne reine.

Les deux cousines connaissaient presque tout l'une de l'autre, sans s'être jamais rencontrées. Mary était intelligente et cruelle. Elle savait les sujets à évoquer. Elle savait les sujets douloureux. Elle savait que Gideon était l'un d'eux. Alors pour blesser Elizabeth, pour la torturer jusque dans leur seconde vie, elle parlait de lui. Il était pourtant un être cher aux yeux de Mary également. Sauf si cette dernière avait joué la comédie comme elle le faisait si bien. Gideon. Il avait aimé Mary. Puis il avait aimé Elizabeth. Peut-être même, dans d'autres circonstances, aurait-il pu être celui qui sauve les deux cousines de cette haine, de cette crainte mutuelle. Il n'en avait malheureusement pas eu le temps, mort, assassiné.

Les cris, les menaces, les mots, les insultes, rien n'y faisait. Mary avait toujours été une reine déterminée, prête à tout. Elle essayait de pousser Elizabeth dans ses retranchements, lui faire avouer. Elle aurait pu y arriver si Elizabeth n'était pas tant accrochée à sa vie nouvelle, à sa tranquillité. Alors, elle tentait une autre approche. Les mains toujours crispées, le visage en colère, les yeux pleins de larmes, elle se mit à respirer lentement, retrouvant son calme ou plutôt un semblant de calme. « Votre tête me semble bien accrochée pour une ancienne décapitée... » souffla-t-elle. Tête qu'elle aimerait décrocher, arracher de ses propres mains à l'instant. « Ecoutez Mary, je ne sais quels maux vous avez subi lorsque vous étiez plus jeune. Je ne sais quelles souffrances vous avez connu. Je ne sais quelles menaces vous avez dû affronter. J'ignore votre vie. J'ignore qui vous êtes, même si vous vous restez persuadée de me connaître. Je sens, je vois et j'entends votre haine, votre désir de vengeance et votre douleur. Et je vois aussi à quel point vous aimez votre enfant alors arrêtez avant qu'il ne soit trop tard. Vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de faire ? Vous venez me menacer dans mon bureau, sans aucune raison, m'accusant de votre mort, avec votre fils, là, tout près de vous ! Vous êtes vivante Mary. Vous êtes vivante et votre fils est tout près de vous. Alors arrêtez. Vous n'allez pas bien... » Essayait-elle de la raisonner. Elizabeth n'avait plus l'habitude de ses tours de forces et de ses disputes. Il n'y avait plus de trônes, plus de couronnes, et plus d'obligations. Si elle devait essayer de persuader Mary que la vie dont elle parlait était imaginée, elle le ferait, même si la tâche semblait ardue. « Vous entendez ce que vous dîtes ? Reines ? Ici ? Croyez-vous qu'une reine serait devenue psychologue ? Croyez-vous qu'une reine ferait sa vie entre ces murs ? Ce n'est pas sérieux, voyons... Votre fils est juste ici. Il n'est qu'un petit bébé encore, personne ne vous en a privé. Vous pouvez vivre la vie que vous voulez avec lui, vous pouvez vivre près de lui. Vous le verrez devenir un homme, vous le protégerez, vous l'aimerez... Seulement si vous arrêtez tout ça ! » Elizabeth pouvait facilement lui causer des problèmes. Ses mots, ses dires, ses réactions... Tout faisait penser à un délire, à de la paranoïa. Et même si Mary la mettait hors d'elle, si Mary l'énervait, elle voulait vraiment qu'elle aille bien, elle voulait vraiment qu'elle s'offre cette nouvelle et belle vie près de son petit garçon. Pourtant si sa vie et sa tranquillité étaient menacées, si cette peur qui s'était de nouveau installée était plus forte que tout, elle ne pourrait se retenir, elle ne pourrait faire autrement que d'agir comme elle savait le faire. Elle pouvait être menaçante, violente et agir comme la situation le lui demandait. Elle n'avait pas oublié toutes ces choses et elle y aurait recourt s'il le fallait vraiment. Elizabeth voyait les demandes de sa cousine, elle les entendait. Son coeur lui disait d'accepter, de promettre et de voir en cette ancienne reine une simple mère brisée par la vie et son destin de reine, mais son cerveau lui hurlait de se méfier, de ne rien croire, de se protéger. Elizabeth devrait encore affronter Mary, avec des moyens différents. « Je ne peux vous promettre toutes ces choses, ce serait avouer les avoir déjà commises et ce serait totalement faux. Vous vous entendez parler ? Vous n'êtes que haine, colère et menace. Vivez et arrêtez de croire qu'une menace invisible plane au-dessus de votre tête. » Elizabeth ne pouvait répondre autrement pour garder sa couverture. Elle était perturbée, perdue entre tous les sentiments qui se bousculaient en elle. Elizabeth savait ce qu'était la vie lorsqu'elle n'était rythmée que par la peur et elle ne le souhaitait pas, pas même à sa pire ennemie. « Je vous en prie Mary, arrêtez de vous faire du mal, faîtes vous soigner, vivez, soyez une bonne mère, apprenez à pardonner et oubliez. Soyez heureuse, Mary. » Conclut-elle, se retenant d'ajouter de ne plus venir l'importuner.