Les loups | Elizabeth

Belle avait l’impression de ne jamais pouvoir être tranquille. Elle avait l’impression de ne jamais pouvoir profiter pleinement de moments agréables. Toute l’après-midi, la neige était tombée, par petits flocons, sur la ville. Pourtant, Belle avait eu une soudaine envie. Elle voulait profiter de sa journée libre pour faire une petite sortie. La forêt était, à ses yeux, l’endroit idéal pour profiter du calme et de la nature. Et pour elle, il n’y avait rien de plus beau qu’une forêt couverte de neige fraîche. La balade était si agréable que Belle n’avait pas fait attention au temps qu’elle avait passé dans la forêt. Elle n’avait pas non plus fait attention à l’heure qu’il était. Elle comprit qu’il était temps de faire demi-tour lorsque le soleil était en train de se coucher. Vu qu’elle s’était bien enfoncée dans la forêt, elle savait qu’elle n’allait pas avoir le temps de sortir avant que le soleil n’ait totalement disparu, mais elle voulait s’avancer le plus possible.

Après une demi-heure de marche, environ, le soleil était à peine visible et Belle était toujours loin de la sortie. Et bien évidemment, ce n’était pas suffisant. Un hurlement s’était fait entendre. Un hurlement qui n’avait rien d’humain. Non, c’était un hurlement animal. Un hurlement de… loup ? Non, Belle n’avait jamais vu un seul loup par ici. Elle avait dû rêver ce cri, il n’y avait pas d’autres explications. Seulement, la jeune femme avait entendu un deuxième hurlement, puis quelques autres cris avaient suivi. Comme toujours, les loups se promenaient en bandes et à en juger par les cris, ils étaient une bonne dizaine. Et le pire dans tout cela, c’était qu’ils n’avaient pas l’air d’être très loin d’elle.

Inquiète, Belle s’était mise à courir dans le sens opposé des cris. Elle essayait de courir le plus vite possible. Elle ne savait pas si elle allait réussir à quitter la forêt en passant par là, mais pour le moment, elle voulait seulement s’éloigner des loups, qui s’étaient lancés à sa poursuite. Pour couronner le tout, la neige tombait de nouveau. Un blizzard venait de s’abattre sur la forêt. Il était presque impossible de voir à plus de quelques centimètres. C’était fichu. Belle n’allait jamais pouvoir quitter la forêt avec ce temps. Elle n’allait peut-être même pas réussir à trouver un endroit pour s’abriter. Elle allait simplement finir là, dévorée par les loups. Elle en était presque certaine, pourtant, elle refusait d’abandonner. Elle voulait continuer de courir, continuer jusqu’à ne plus en pouvoir, continuer jusqu’à se faire rattraper par la meute. Seulement, elle avait été stoppée dans sa course. Puisqu’elle ne voyait presque rien, elle n’avait pas vu la personne qui se trouvait dans la forêt et l’avait percutée. Camille avait chuté au sol, mais c’était très vite relevé, elle n’avait pas de temps à perdre. « Elizabeth ? » Dit-elle en reconnaissant le visage de son amie. « Vite, relève-toi et cours. » Ajouta-t-elle en lui tendant la main pour l’aider à se relever, sans prendre le temps de lui expliquer pourquoi elle devait courir. Apparemment, dès que les deux femmes se trouvaient au même endroit, elles étaient, presque certaines, qu’un problème allait leur tomber dessus.

Spoiler:

Elizabeth sortait très peu, mais il lui arrivait, parfois, d'avoir besoin de souffler et de prendre l'air. Elle craignait toujours autant tout et tout le monde, surtout Mary, mais elle avait besoin de dépasser ses peurs et d'affronter ce monde, parfois. Pour son propre bien. Pour se donner l'illusion d'être libre. D'être forte. Elle évitait toujours les endroits bondés, qu'elle n'appréciait pas particulièrement, et préférait les endroits calmes et tranquilles. La forêt, cette fois-ci, lui avait semblé être une bonne idée. Il neigeait et le spectacle ne pouvait être que magnifique. Prudemment, elle s'y était donc rendue. Elle n'y resterait pas longtemps. Une heure ou deux. Juste le temps de prendre l'air, de profiter de la balade et elle rentrerait.

La nuit était tombée si vite. Elizabeth savait qu'il était déjà tard lorsqu'elle était arrivée, mais pas à ce point. La jeune femme avait alors accéléré le pas, histoire d'arriver plus vite en dehors de la forêt, qu'elle craignait plus qu'autre chose la nuit. Sa balade avait été agréable, mais il n'était plus temps de se balader, désormais. Cependant, la balade semblait s'éterniser puisqu'elle ne retrouvait plus la sortie. Elle avait beau chercher, elle ne trouvait pas. Elle avait simplement l'impression de tourner en rond.

Être perdue aurait pu suffire à rendre cette sortie effrayante, mais rien ne suffisait jamais à cet endroit. La neige, avec plus de force que précédemment, s'était remise à tomber. On n'y voyait presque plus rien, le vent soufflait, la neige tombait et il faisait affreusement froid. Comme si cela ne suffisait pas, des cris étranges, mais encore lointain, étaient parvenus jusqu'aux oreilles d'Elizabeth. Cette forêt avait gagné. Elizabeth était terrifiée et regrettée plus que jamais d'avoir quitté l'endroit où elle vivait, où elle se sentait en sécurité.

Il fallait réfléchir à la meilleure chose à faire. Tenter de trouver un abri ? Tenter de sortir d'ici ? Se faire renverser par quelqu'un en train de fuir quelque chose ? Le destin avait, semblait-il, choisi pour elle puisqu'elle se retrouvait au sol, dans la neige fraiche, après avoir été bousculée. « Belle ? » S'étonna-t-elle à son tour en relevant les yeux, après avoir entendu son prénom. Son amie ne perdait pas de temps. Elizabeth n'avait pas le temps de chercher à comprendre, que déjà elle se remettait debout grâce à la main tendue par Belle et qu'elle se mettait à courir. « Que se passe-t-il ? » Demanda-t-elle, essoufflée par cette course rendue difficile par la neige. A quoi devaient-elles échapper ? Que fuyait-elle ? Pourquoi à chaque fois qu'elles se rencontraient, il devait se passer ce genre de choses ?

Spoiler:

Les choses tournaient toujours mal dans cette maudite ville. Belle avait voulu profiter de son après-midi de libre pour aller se balader un peu en forêt. La nuit était vite tombée - trop vite d’ailleurs - alors elle avait voulu regagner la sortie. Bien évidemment, cela lui était impossible. La neige tombait de plus en plus fort, tout comme le vent soufflait de plus en plus. Voir à plus de quelques mètres devenait impossible. Et ce n’était pas tout, Belle tournait en rond, elle n’arrivait pas à retrouver son chemin, à croire que la forêt s’était refermée sur elle. Comme si elle ne voulait pas qu’elle puisse sortir d’ici. Et puisqu’une mauvaise nouvelle - ou plusieurs - ne vient jamais seule, des hurlements s’étaient fait entendre. Des loups. Il y avait des loups dans la forêt. Belle ne s’en était pas inquiétée tout de suite, mais rapidement, les hurlements s’étaient fait de plus en plus proches. Si elle ne partait pas maintenant, elle allait se faire dévorer par la meute qui se lançait à sa poursuite.

Avec la tempête de neige, Belle ne voyait pas grand-chose, mais elle faisait de son mieux pour avancer le plus vite possible. Seulement, elle venait de percuter quelque chose ou plutôt quelqu’un. Belle avait alors levé les yeux rapidement. Elizabeth. C’était elle qu’elle venait de bousculer. Leur destin était donc de se croiser à chaque fois que quelque chose d’étrange se passait. Ne pouvaient-elles pas se rencontrer au hasard, dans un bel endroit sans danger, ni chose étrange ?

Puisqu’elles n’avaient pas le temps, les loups courant plus vite qu’elles, Belle s’était relevé à toute vitesse, avant de tendre la main à Elizabeth pour l’aider à se relever à son tour. Elizabeth devait se relever et courir le plus vite possible. Sans poser de question - au moins au départ - Elizabeth s’était relevée et avait suivi Belle dans sa course. « Nous sommes poursuivis par des loups. » Dit-elle simplement, il n’y avait pas besoin de plus d’explications, Elizabeth allait comprendre l’urgence de la situation avec ces simples mots. La neige les ralentissait, les fatiguait. Elles perdaient en vitesse et les loups, eux, n’étaient sans doute pas aussi ralentis par le temps. Il fallait qu’elle trouve vite de quoi se défendre ou de quoi s’abriter. Cette fois-ci, la Bête n’était pas là pour protéger Belle et la sauver des loups qui s’en prenaient à elle dans la forêt.

Elizabeth courait, suivait Belle et ne posait pas de question. Pourtant, cette course était épuisante. Il n'était pas simple de courir dans la neige en ne voyant pas grand-chose. Alors, Elizabeth avait fini par demander ce qui était en train de se passer - alors qu'elle s'en doutait parfaitement puisqu'elle avait entendu les hurlements et qu'elle entendait maintenant qu'elles étaient poursuivies. Les mots de Belle confirmèrent ses craintes. Très bien, il n'y avait pas de quoi paniquer. Il fallait simplement s'échapper et trouver un endroit où se cacher - il y avait de quoi paniquer, d'accord.

Les secondes passaient lentement. Les loups s'approchaient de plus en plus. Les deux femmes n'arrivaient plus à les distancer. Épuisées par leur course, ralentie par la neige et le vent, il était difficile de maintenir la distance sur le long terme. Pourtant, s'arrêter, c'était signer son arrêt de mort. Alors, les deux femmes puisaient dans leurs dernières forces. Elizabeth cherchait une solution miracle, un abri, quelque chose en hauteur, peut-être ? Ou un endroit isolé ? Un endroit étroit dans lequel les loups ne réussiraient pas à entrer ?

Elle avait l'impression que son voeu avait été exaucé. A quelques mètres devant elles se trouvait une sorte de vieille grange ou une cabane en bois, elle n'en savait rien. Ce n'était certainement pas l'endroit idéal parce qu'il les enfermerait dans un endroit fragile, mais elles avaient besoin de se reposer. C'était ça ou se faire dévorer. « Là-bas ! » Avait alors crié la jeune femme en désignant l'endroit pour que Belle puisse s'y diriger également. La cabane ne paraissait être qu'une ombre à cause du vent et de la neige, mais Elizabeth l'avait vu, elle en était certaine.

Les deux femmes s'y étaient donc réfugiées. Elizabeth était entrée, avait attendu que son amie fasse de même et s'était jetée sur la porte pour la fermer et la tenir. L'endroit n'était pas très grand, mais il y avait largement de quoi tenir à deux - savoir, en revanche, ce que ce genre d'endroit faisait ici était une excellente question... En revanche, l'endroit était délabré et la porte ne tenait presque plus - il fallait espérer que, dans les recoins, une fenêtre ne se cachait pas non plus. Autant dire que leurs chances de survie étaient très minces, mais, au moins, elles en avaient une.

Belle n’en pouvait plus de courir. Cette neige n’arrangeait rien, elle rendait seulement la course plus difficile encore. Malgré tout, Belle continuait de courir, parce qu’elle savait qu’elle n’avait pas le droit de s’arrêter. Arrêter de courir maintenant, c’était se condamner à une mort certaine. Malheureusement, elle savait qu’elle n’allait pas pouvoir courir encore pendant des heures. Les loups, eux, ne semblaient pas se fatiguer, ils étaient de plus en plus proches et les deux femmes couraient de moins en moins vite. Il fallait trouver une solution, un endroit pour se cacher, mais avec cette tempête de neige, il était presque impossible de voir au loin.

Lorsque Elizabeth se mit à crier, montrant une direction, Belle avait tourné les yeux, mais n’avait rien vu. Enfin, elle avait aperçu quelque chose, mais était incapable de le distinguer correctement, elle ne parvenait pas à voir la forme que cette chose avait, mais elle avait confiance en Elizabeth. Puisque son amie avait changé de direction pour se rendre vers ce qu’elle avait vu, Belle l’avait suivi sans poser de question et elle avait bien fait. Malgré la neige, les deux femmes avaient atteint une sorte de vieille cabane en bois en l’espace de quelques minutes à peine. Elizabeth avait ouvert la porte et était entrée, puis ce fut au tour de Belle. Sans perdre de temps, Elizabeth s’était jetée sur la porte pour la refermer, juste à temps puisqu’un loup s’était jeté dessus au même moment. « Il faut trouver un moyen de bloquer la porte. » Cette dernière tenait très mal et avec le vent et la force des loups, elle allait céder en quelques minutes à peine. Belle avait attrapé la première chose qui lui était tombée sous la main : une chaise. Une simple chaise qu'elle venait glisser sous la poignée de la porte. Cela n'allait très certainement pas tenir longtemps, mais c'était, sans doute, déjà mieux que rien. « J’espère que ça tiendra au moins le temps que les loups abandonnent. » S’ils abandonnaient un jour. « J’ai peur que l’abri ne tienne pas longtemps, mais pour le moment, j’ai besoin de m’asseoir un peu. » Dit-elle en se laissant tomber au sol pour reprendre son souffle et laisser ses jambes se reposer.

S'abriter était la seule chance qu'elles avaient pour espérer survivre. Elles se fatiguaient beaucoup plus vite que ces loups et elles n'avaient pas la même endurance. Un peu plus et elles se seraient évanouies de fatigue. Cette cabane était donc une bénédiction pour les deux jeunes femmes qui s'y étaient jetées avant de refermer la porte. Juste à temps pour éviter un loup qui s'était jetée sur elle, les ayant suffisamment rattrapées. Sans cet endroit, ce refuge, elles auraient été dévorées.

Rester derrière la porte pour l'empêcher de s'ouvrir ne serait pas suffisant bien longtemps. Belle avait raison, elles devaient trouver quelque chose pour la bloquer. Aussitôt, tandis qu'Elizabeth continuait de la maintenir en restant contre elle, Belle était partie chercher une chaise qui traînait dans un coin pour la poser au niveau de la poignée. Evidemment, ce n'était pas une protection destinée à durer éternellement, mais elles auraient un peu de répit. Quelques minutes, au moins, avec un peu de chances. « Tu crois qu'ils vont abandonner ? » S'ils se fatiguaient, elles avaient une chance. Mais encore fallait-il qu'ils se fatiguent avant que la porte ne cède, ce qui était peu probable avec une simple chaise.

Tout comme Belle, Elizabeth avait besoin de se reposer. Alors, elle l'avait imitée et elle s'était laissé tomber sur le sol. Elle ressentait la douleur dans les jambes, dans le dos, partout. Après une si longue course dans la neige, rien de plus naturel. Cependant, elle savait que ça ne pourrait pas durer longtemps. Leur répit allait être de courte durée puisque l'endroit ne tiendrait pas éternellement. « Espérons qu'il y ait une autre sortie, sinon nous sommes condamnées. » Impossible pour elles, si ce n'était pas le cas, d'emprunter la même porte que pour entrer puisque les loups s'y étaient réunis - à moins de trouver un bon moyen de les distraire. « Que faisais-tu dans la forêt si tard ? » Demanda-t-elle, histoire de se détendre une minute ou deux en discuter, alors qu'elle-même était si tard dans la forêt, ce qui n'était clairement pas dans ses habitudes. « Nous sommes destinées à nous rencontrer dans ce genre de situation. » Elle se permettait une sorte de plaisanterie, mais qui ne disait que la vérité. A chaque fois que Belle et Elizabeth se rencontraient, il se passait quelque chose du genre.