L'armée des ombres | Elizabeth

▿ Date de naissance : 29/10/1991

En se réveillant, Camille pensait se trouver dans sa chambre, dans son lit. Elle pensait se réveiller en sécurité, dans un lieu qu’elle connaissait, auprès de son époux. Pourtant, en ouvrant les yeux, elle sentait la douleur dans chaque partie de son corps. Elle avait l’impression d’être restée durant des heures sur ce plancher, allongée. Comment s’était-elle retrouvée là ? Comment avait-elle pu s’endormir sur le sol ? Et dans un endroit qu’elle ne connaissait visiblement pas. La brune ne voyait rien, plongée dans le noir absolu, elle n’arrivait même pas à distinguer ses propres mains se trouvant pourtant à quelques centimètres seulement de son visage. Pourtant, l’odeur des lieux ne lui rappelait rien. Cette odeur était semblable à celle d’un vieux bâtiment, rongé par l’humidité. Tout comme ce parquet ne lui rappelait rien. Rien qu’au touché Camille avait pu remarquer l’usure du parquet, les trous qui s’y faisaient nombreux. Dans aucun lieu de sa connaissance, il y avait ce genre de sol. Alors où était-elle ? Il lui fallu quelques minutes avant d’émerger totalement. Comprenant que les lieux étaient bien réels, tout comme son angoisse naissante.

Une fois assise la brune passait une main à l’arrière de son crâne, tentant de calmer la vive douleur qui venait de se réveiller. « Est-ce qu’il y a quelqu’un ? » Honnêtement, Camille ne savait pas quelle réponse elle préférait entendre. À vrai dire, elle n’avait pas envie de rester seule dans une telle situation. Et en même temps, elle avait peur d’être entourée de mauvaises personnes. « Frédéric ? » La brune tenta d’appeler son époux en vain. « Sophie ? » Alors elle tenta d’appeler l’une de ses sœurs, sans succès. Elle s’apprêtait à crier un autre nom lorsqu’un bruit se fit entendre non loin d’elle. Ses yeux s’écarquillèrent, peureuse de découvrir ce qui était en train de s’approcher. Toujours assise, la brune se recula, jusqu’à toucher le mur, déposant une main sur ses lèvres, se forçant à faire le moins de bruit possible. Avant de se manifester, elle devait s’assurer que cette personne ou cette chose ne lui voulait aucun mal. En reculant la main de la brune s’était posée sur une minuscule boîte, qu’elle ne prit pas la peine d’ouvrir pour le moment, par crainte de faire trop de bruit, mais elle la tenait fermement dans la main.

▿ Date de naissance : 07/09/1988

Comme s'il s'agissait désormais d'une habitude de cette ville, Elizabeth s'éveilla difficilement après avoir entendu des sons - comme des cris - dans une pièce qui n'était pas celle où elle s'était endormie. Elle n'avait d'ailleurs aucun souvenir d'être allée se coucher. Ses derniers souvenirs, après sa journée de travail, étaient assez flous - mais elle ne s'en étonnait même plus, tant cette situation devenait incroyablement fréquente pour la jeune femme. Ses yeux s'ouvrirent avec une certaine difficulté. Elle avait envie de dormir, de garder les yeux clos. Pourtant, elle avait fini par s'obliger et, les yeux ouverts, elle observait donc l'obscurité écrasante qui régnait dans ce lieu et qui ne lui permettait pas de distinguer quoi que ce soit. Finalement, les yeux ouverts ou fermés, ça ne changeait pas grand chose pour elle. Son coeur s'était aussitôt mis à battre plus vite, les mêmes craintes qu'habituellement l'envahissant peu à peu. Qui ? Pourquoi ? Comment ? Mary ? Elizabeth s'imaginait sans cesse voir Mary derrière tout ça, sans jamais pouvoir en obtenir la preuve formelle. Soit cette dernière cachait extrêmement bien son jeu pour pousser Elizabeth dans ses derniers retranchements, soit Mary était vraiment innocente - dans cette situation, du moins. C'était une question qui restait sans réponse, malheureusement pour la jeune femme.

Comme elle n'y voyait absolument rien et que son esprit émergeait assez difficilement, Elizabeth n'avait pas repéré tout de suite l'autre personne dans cette pièce. Se croyant seule, puisqu'elle n'entendait plus rien et qu'elle pensait avoir rêvé, ses mains tâtaient le plancher à la recherche de quelque chose pour l'éclairer, mais il n'y avait rien. Ses yeux se faisaient très difficilement à l'obscurité et il était difficile de ne pas paniquer face à ce genre de situation. Ne pas voir où elle était était un sentiment terrible pour la jeune femme. Plus que jamais, elle se sentait vulnérable.

Le bruit de ses mains sur le plancher fit bouger quelque chose. Elle ignorait si cette chose, ou ce quelqu'un, lui voulait du mal ou s'il s'agissait d'une victime, comme elle, mais elle l'entendait s'agiter sur le plancher. Aussitôt, la jeune femme s'était figée - alors que l'on n'y voyait rien, donc il s'agissait d'un geste complètement inutile - de crainte d'attirer l'attention. Elizabeth, qui entendait cette respiration beaucoup trop rapide, se redressa vivement, incapable de rester allongée, plongée dans le noir, plus longtemps. Debout, elle se sentait moins vulnérable - même si c'était une chose tout à fait relative. « Mary ? » tenta-t-elle d'appeler dans un souffle, comme si la réponse la plus évidente à cette question était un oui - un oui qu'elle espérait presque parce qu'à choisir un monstre, elle préférait le sien, qu'elle connaissait, à tous les autres.

▿ Date de naissance : 29/10/1991

Camille s'était réveillée dans un endroit qu'elle ne connaissait pas. Elle ne se souvenait même pas être venue jusqu'ici. Elle ne comprenait même pas ce qu'elle faisait là. Que faisait-elle allongée sur le plancher de cette vieille bâtisse ? Il faisait terriblement noir ici. Trop noir pour pouvoir distinguer quoi que ce soit. Elle était incapable de savoir si elle s'était retrouvée seule dans cet endroit ou s’il y avait quelqu'un d'autre allongé là, à ses côtés. Préférant la seconde option, peut-être égoïstement, elle tenta d'appeler, en vain, son époux puis l'une de ses sœurs. Alors qu’elle s'apprêtait à crier un autre nom, un bruit s'était fait entendre non loin d'elle. Même si elle préférait ne pas être seule, elle craignait de découvrir ce qui était avec elle. La brune savait que ce monde était capable de tout, la chose qui se trouvait avec elle n'était peut-être pas humaine. Cela pouvait être une créature. Prise de panique, la brune se recula à toute vitesse jusqu'à heurter le mur qui se trouvait derrière elle. Et de peur que sa respiration soit entendue, elle porta ses mains jusqu'à sa bouche l'empêchant d'émettre le moindre son.

Ce que Camille semblait avoir oublié, c'était qu'elle avait crié quelques minutes plus tôt. Alors s'il y avait quelqu'un ici, il l'avait forcément entendu. Après quelques secondes de silence qui lui avait paru être une éternité, la brune entendit de nouveau un bruit. Une voix cette fois-ci. Celle d'une jeune femme criant un prénom. Mary. Qui était cette Mary ? Camille n'en connaissait aucune. Elle ne savait pas qui était derrière cette voix, mais elle s’était immédiatement sentit soulagée. Cette voix semblait humaine, elle ne l'était peut-être pas, mais Camille voulait y croire. Alors dans le plus grand des silences elle trouva le courage de se lever toujours une main portait à sa bouche. La boule au ventre, la jeune femme s'avançait vers la voix qu'elle avait entendue quelques secondes plus tôt. Après un léger soupir, la brune trouva le courage de prononcer un mot à son tour. « Qui... » Ces mots étaient sortis comme un souffle à peine audible pour elle-même. Alors après un nouveau soupir, la brune reprit, bien plus fort cette fois-ci. « Qui est là ? » Elle ne savait pas si elle pouvait espérer une réponse, mais elle pourrait en tout cas espérer que la personne qui se trouve avec elle ne présente aucun danger. Elle espérait même que cette personne soit une connaissance dont elle n'avait pas reconnu la voix.

▿ Date de naissance : 07/09/1988

Plongée dans le noir, incapable de savoir où elle se trouvait, Elizabeth s'était redressée à l'instant où elle avait compris qu'elle était potentiellement en danger. Ses yeux peinaient à s'habituer à l'obscurité. Désespérée, elle avait tenté d'appeler Mary, comme à chaque fois qu'il se passait quelque chose d'inhabituel ou de dangereux dans sa vie. Elizabeth avait la fâcheuse tendance à rendre Mary responsable de tous ses maux, depuis que cette dernière s'acharnait à lui faire vivre un enfer, dans cette ville.

Son appel avait fait bouger quelqu'un, ou quelque chose. Et cette chose se mit à parler - ou à essayer, dans un premier temps, avant de se reprendre. Au son de sa voix, Elizabeth semblait percevoir de la peur, mais tout ne pouvait être qu'une comédie jouée pour la rassurer. La méfiance naturelle d'Elizabeth était exacerbée par la situation angoissante qu'elle était en train de vivre, quoi de plus normal ? Il y avait au moins une chose dont elle était certaine : ce n'était pas Mary. Elle, elle l'aurait reconnue sans la moindre difficulté, dès le premier mot. Et, étonnamment, cette information l'inquiétait plus qu'autre chose. Au moins, face à Mary, elle connaissait son ennemi et elle savait qu'elles étaient capables de s'allier et de s'entraider, aussi fou que cela puisse paraître.

Devait-elle répondre avec franchise à cette question ? Devait-elle continuer de garder le silence, dans l'espoir que cette personne - puisque la voix était humaine, Elizabeth tentait de se rassurer en se disant que cette chose n'en était pas une, finalement - finisse par disparaître, comme par magie ? La jeune femme avait pris une seconde ou deux pour réfléchir, sans trop traîner pour autant - il était préférable de ne pas jouer avec les nerfs de son interlocuteur inconnu. « Je m'appelle Elizabeth. » Ce n'était qu'un souffle, difficile, rempli de la même terreur que celle qui se lisait dans la voix de l'inconnue. Un souffle qui semblait affreusement résonner entre ces murs. « Je ne vous veux aucun mal. Je... Je ne sais pas comment je suis arrivée ici. » Elle était sincère - elle n'avait aucune raison de mentir, après tout - mais elle cherchait avant tout à rassurer l'autre personne pour éviter qu'elle ne l'attaque - à supposer qu'elle n'était pas responsable de tout ce qui était en train de se passer, évidemment. Bien sûr, ses mots n'étaient pas forcément rassurants. En eux-mêmes, ils n'avaient rien de particulier, mais elle savait que quelqu'un de coupable, de responsable, quelqu'un qui chercherait à lui faire du mal dirait exactement les mêmes choses, donc elle n'était pas certaine que cela puisse l'aider. Et, en même temps, il fallait bien qu'elle réponde quelque chose.

▿ Date de naissance : 29/10/1991

Dans le noir, il était difficile pour Camille d’apercevoir ce visage. Elle n’était pas seule ici. Ce qui était peut-être une bonne chose, ou peut-être pas. Mais comment le savoir, sans même pouvoir apercevoir cette autre personne. Avec crainte, la brune avait osé prendre la parole. Elle avait besoin de savoir qui était, avec elle, dans cette pièce. Après la question de la brune, un léger silence s’était installé. Il était resté peu de temps, mais il avait laissé naître une certaine crainte en Camille. Pourquoi est-ce que cette personne semblait hésiter à décliner son identité ?

Une voix brisa soudainement le silence. Enfin. Cette personne déclina enfin son identité. « Elizabeth. » Répéta alors la brune, dans un son à peine audible pour elle-même. Ce prénom, cette voix. Il était vrai qu’elle lui avait semblé familière, mais l’espace d’un instant seulement. Trop prise par la peur, Camille avait oublié à qui appartenait cette voix. Avec un prénom, il était bien plus aisé de l’associer. Elle n’était donc pas vraiment seule, son amie était là. La rousse ajouta une autre phrase, lui disant qu’elle ne voulait lui faire aucun mal, ajoutant encore, qu’elle ne savait pas comment elle était arrivée là.

Sans aucune réponse, Camille s’était avancée vers cette voix. Elle attrapa une allumette dans la boîte qu’elle avait ramassée en se réveillant sur le sol quelques minutes plus tôt. « Elizabeth, c’est bien toi. » Lâcha-t-elle de soulagement. « C’est Camille. » Précisa-t-elle, ne sachant pas si elle allait la reconnaître avec la faible lumière de l’allumette.

Un mouvement avait attiré le regard de la brune. Un regard rassuré qui se changeait soudainement en un sourire inquiet. Cette ombre. Il y avait une ombre. Elle était en train de se rapprocher. À cause de la peur, la brune avait lâché l’allumette – qui s’était éteinte au vol - au sol. Et elle ne put retenir ce léger cri, intervenu en même temps que la chute de l’allumette. Sans source de lumière, il était désormais impossible de voir cette ombre. Impossible de savoir où elle se trouvait.

▿ Date de naissance : 07/09/1988

Dire qu'elle avait peur était un euphémisme. Elizabeth était terrorisée par la situation - qui pourtant devenait presque une habitude, tant elle était confrontée aux caprices de cet endroit depuis qu'elle était arrivée. Habituellement, elle se retrouvait confrontée à Mary - rien de tel que confronter sa pire ennemie en même temps que son pire cauchemar ou qu'un monstre effroyable, pour ajouter du plaisir au plaisir, n'est-ce pas ? - aujourd'hui, elle ignorait qui était son allié ou son adversaire. Ce n'était pas Mary, elle en était persuadée. Elle connaissait bien trop le son de sa voix pour ne pas la reconnaître. Il fallait se rassurer comme on le pouvait et Elizabeth le faisait en se disant que cette voix, qui s'adressait à elle, paraissait inoffensive. Paraissait, oui, parce que la réalité pouvait être tout autre. Elle avait longuement hésité à répondre, à se présenter. Devait-elle dire la vérité ? Prétendre être quelqu'un d'autre ? C'était très certainement une mauvaise idée de mentir, elle n'était sans doute pas là par hasard.

Il fallait dire la vérité. Il fallait trouver du courage et affronter cette épreuve, comme elle en avait affronté tant d'autres auparavant. La personne face à elle souffla quelque chose. Elizabeth se figea dès l'instant où elle avait compris que l'autre personne était en train de s'avancer vers elle. Son pas semblait plutôt calme, mais elle ne pouvait s'empêcher de trembler à l'idée que cette personne soit plus proche encore, alors qu'elle ignorait tout de son identité ou de ses intentions. De légers bruits se faisaient entendre, qu'Elizabeth n'arrivait pas à distinguer, et une petite lumière éclaira soudainement l'espace entre les deux femmes. Camille. C'était Camille. Une Camille rassurée de voir qu'il s'agissait véritablement d'Elizabeth - et Elizabeth était tout aussi soulagée de savoir qu'il s'agissait de Camille, il fallait bien l'avouer. Elle était donc avec une amie, une alliée. Une chance dans ce genre de moments de pouvoir compter sur une sorte de confiance qui existait déjà entre elles. « Camille. » Souffla-t-elle de soulagement. Heureuse de la voir et heureuse d'y voir enfin quelque chose, même si la faible luminosité de l'allumette ne leur permettait pas de découvrir toutes les particularités de la pièce dans laquelle elles se trouvaient.

Alors qu'elle s'apprêtait à ajouter quelque chose, du coin de l'oeil, Elizabeth avait aperçu un mouvement. Furtif. Bref. Mais néanmoins suffisant pour qu'elle soit certaine d'avoir vu quelque chose et de ne pas avoir rêvé. Quelque chose était en train de s'approcher d'elles. Une ombre. Camille avait très certainement vu la même chose puisqu'elle cria et lâcha l'allumette qu'elle tenait entre ses doigts, qui cessa de les éclairer au milieu de sa course, avant de rejoindre le sol. Instinctivement, la main d'Elizabeth s'était saisie du bras de Camille afin de la rapprocher d'elle. Qu'importe ce qu'était cette chose, elles ne devaient pas se séparer et elles devaient toujours rester en contact - difficile de se retrouver sinon, avec l'obscurité qui régnait en ces lieux. « Chut. » souffla-t-elle, tant pour elle que pour son amie. Les secondes paraissaient être une éternité. Elles attendaient. Quoi ? D'être attaquées ? De voir ce que cette chose s'apprêtait à faire ? Sauf qu'elle ne faisait rien. Il ne se passait rien du tout. « Qu'est-ce que c'était ? » Finalement, après une minute, peut-être, la jeune femme s'autorisait à parler - après tout, elles parlaient depuis le début, sans que rien ne leur arrive, et puis, il fallait bien prendre le risque, elles n'avaient pas le choix pour découvrir ce qui était en train de se passer. Peut-être que Camille avait vu les choses plus clairement ? Peut-être qu'avec ses informations, elles comprendraient mieux ce qui était en train de se passer ou peut-être qu'elles pourraient mieux se protéger de ce qui se cachait dans l'ombre ?

▿ Date de naissance : 29/10/1991

Ce n’était pas la première fois que Camille se retrouvait dans une situation comme celle-ci. Ce monde aimait s’amuser avec ses habitants. Il aimait les confronter à des choses effrayantes. Pourquoi ? Camille l’ignorait. Elle ne savait même pas s’il y avait vraiment une réponse à cette question. Ce qu’elle savait, en revanche, c’était que ce n’était pas près de s’arrêter. Ce monde s’amusait depuis bien trop longtemps pour cesser un jour. À chaque fois qu’elle se retrouvait dans cette situation, elle espérait être avec un proche, et en même temps, elle préférait les savoir loin de tout cela. Seule, elle avait peur de ne pas s’en sortir. Avec un inconnu, elle avait les mêmes craintes. Mais finalement, elle préférait ces deux options, refusant de voir une personne qu’elle aime vivre des situations dangereuses. Elle refusait de les savoir en danger.

Cette fois-ci, Camille avait appelé son époux, puis l’une de ses sœurs. Il y avait quelqu’un ici, mais elle avait ignoré, durant un temps, de qui il s’agissait. Puis, plutôt rapidement, elle avait reconnu cette voix. Elle l’avait déjà entendu. Si la personne qui était avec elle ne faisait pas partie de sa famille, elle faisait partie de ses amies. Elizabeth. C’était Elizabeth qui se trouvait avec elle. Camille était alors partagée entre la joie de ne pas être seule ou avec un inconnu et entre l’inquiétude pour cette amie à qui elle tenait vraiment. Mais la brune tentait de se rassurer en se disant qu’aucune d’elles n’abandonnerait. Elles étaient toutes les deux prêtes à tout pour se battre et survivre. Et surtout, Camille lui faisait confiance. Une confiance aveugle. Lors de leur première rencontre, Camille lui avait presque sauvé la vie. Elle avait pris de très gros risque en protégeant Elizabeth et en faisant croire qu’elles se connaissaient et qu’elles étaient amies. La brune le savait, Elizabeth ne pouvait pas oublier cela. Et elle tenait à Camille, sans doute. Sans oublier qu’elle appréciait le petit Georges et qu’elle ferait en sorte de ne pas faire de lui un enfant ayant perdu sa mère. La voix d’Elizabeth, sa façon de prononcer le prénom de Camille, cela prouvait qu’elle était, elle aussi, soulagée et presque heureuse de voir un visage familier à ses côtés.

Depuis le début, les deux femmes étaient plongées dans l’obscurité la plus totale. Mais Camille avait ramassé ce petit objet, cette petite boîte à son réveil. À l’intérieur, il y avait quelques allumettes. Il n’y en avait que très peu, mais elle en avait utilisé une pour éclairer le visage d’Elizabeth, et par conséquent, le sien. Grâce à cette faible lueur, les deux femmes avaient pu se reconnaître et être certaine de qui elles avaient en face d’elles. Mais cette faible lueur avait aussi éclairé quelque chose d’autre. Une troisième présence, observait du coin de l’œil. Camille ne s’était pas attendu à voir ce genre de chose apparaître, alors que rien n’avait semblé être là depuis son réveil. Dans la panique, elle lâcha un petit cri d’effroi et lâcha l’allumette qui s’éteignit dans sa chute, les plongeant de nouveau dans l’obscurité. Qu’est-ce que c’était ? Avait-elle rêvé ? Dans ce genre de situation, son imagination pouvait lui jouer des tours. Mais la brune compris rapidement qu’elle n’avait pas rêvé. Non, puisque la réaction d’Elizabeth lui avait fait comprendre qu’elle avait vu quelque chose, elle aussi.

La rousse avait immédiatement attrapé le bras de son amie. Instinctivement, Camille avait fait la même chose, attrapant à son tour son amie. Elles devaient rester en contact. Elles ne devaient pas se lâcher, parce qu’elles ne devaient pas rester seules. Dans l’obscurité la plus totale, elles n’arrivaient pas à se distinguer l’une et l’autre, alors il n’y avait que ce contact pour leur montrer que l’autre était toujours là. Surtout qu’Elizabeth avait raison, elles devaient garder le silence. Durant un temps du moins. En attendant de voir si cette chose allait agir. Alors elles avaient cessé de parler, la respiration de Camille s’était faite plus lente, plus discrète. Le temps paraissait long, très long. Camille ne pouvait dire combien de temps, elles étaient restées silencieuses avant qu’Elizabeth ne brise le silence. Peut-être que cela avait duré quelques secondes, ou une minute, peut-être même plus. En entendant la rousse reprendre la parole, Camille avait eu un léger sursaut, comme si cela allait faire que cette chose ne les repère. Pourtant, elles parlaient depuis leur réveil et cette chose ne s’était encore jamais manifestée. « Je ne sais pas. On aurait dit une ombre. » Humanoïde ou non, Camille n’en savait rien, elle avait vu cette chose que trop rapidement pour voir plus de détails. « Il y a quelque chose avec nous. » Dit-elle le plus doucement possible, même si Elizabeth l’avait déjà compris. Ce que Camille voulait dire, c’était que ce n’était pas leur imagination, ni une chose qu’elle avait mal interprété, il y avait bien quelque chose dans cette pièce, avec elles. « On doit sortir d’ici au plus vite. »

▿ Date de naissance : 07/09/1988

Elizabeth était soulagée. Pas de savoir l'une de ses rares proches en danger, mais plutôt de ne pas être seule à devoir affronter une situation qui n'avait rien de nouveau pour elle. Enfin, celle-ci, en particulier, était toute nouvelle, mais les aventures que la ville la forçait à vivre, elles, n'avaient rien de nouveau. Combien de fois s'étaient-elles retrouvées dans ce genre de situation ? Trop, certainement. Elle ne comptait plus depuis bien longtemps. C'était toujours la même chose. Encore et encore, comme un rituel sans fin. Un rituel qui n'amusait pas du tout la jeune femme, mais qui n'avait d'autres choix que de s'y plier comme elle devait se plier à toutes les volontés de cette ville ou de la chose qui la contrôlait. Cette fois encore, Elizabeth allait se battre de toutes ses forces pour s'en sortir et faire en sorte que Camille s'en sorte elle aussi. Il fallait absolument qu'elle s'en sorte, il n'y avait pas le choix. Elle avait un enfant et il n'était pas question que ce dernier finisse orphelin. Non, plus que jamais, Elizabeth devait se battre autant pour elle que pour son amie - elle qui, pourtant, faisait toujours passer sa propre survie avant tout autre chose.

Camille avait trouvé des allumettes et avait tenté d'en allumer une. Aussitôt, du coin de l'oeil, Elizabeth avait vu quelque chose se déplacer à toute allure. Les deux femmes sursautèrent. Camille cria et lâcha l'allumette, les plongeant, ainsi, de nouveau dans l'obscurité. Par instinct, Elizabeth avait attrapé le bras de Camille. Il fallait absolument qu'elles gardent le contact, qu'elles ne s'éloignent pas. A son tour, Camille l'avait attrapée. Accrochées fermement l'une à l'autre, les deux femmes avaient gardé le silence absolu. Leurs respirations s'étaient faites plus discrètes. Elles ne bougeaient plus. Elles attendaient. Que quelque chose se passe, que cette chose s'abatte sur elles. Que les lumières s'allument. Que les choses s'éclaircissent. Rien. Il ne se passait rien du tout. Alors, quoi ? Qu'étaient-elles censées faire ?

Au bout d'un certain temps, qu'Elizabeth était bien incapable de déterminer, tant le temps lui avait paru s'être arrêté, elle avait repris la parole. Ce n'était qu'un souffle, un murmure, mais il le fallait. Elles ne pouvaient pas rester silencieuses et plongées dans le noir éternellement, elles avaient besoin de discuter, de se comprendre, de se mettre d'accord, si elles espéraient s'allier pour sortir de cet endroit. Alors, oui, parler était risqué, peut-être, mais il fallait essayer, prendre ce risque. Aux mots d'Elizabeth, Camille semblait s'être tendue. Par crainte, très certainement, de voir cette chose arriver. Comment ne pas craindre le contraire, après tout ? Néanmoins, elle ne lui avait pas demandé de se taire. Sans doute avait-elle conscience, elle aussi, qu'il s'agissait d'une nécessité - puis, il ne fallait pas oublier que, jusqu'à présent, malgré les paroles échangées, il ne s'était rien passé.

Camille tentait de répondre à la question d'Elizabeth. Elle ne semblait pas en savoir plus qu'elle, ce qui n'avait rien d'étonnant. Tout comme elle, elle avait vu une ombre. Juste une ombre. Trop rapide pour pouvoir déterminer quoi que ce soit d'autre, malheureusement. Humaine ou non, elles n'étaient même pas capables de le déterminer. Ce qu'elles savaient, c'était qu'elles avaient vu quelque chose et qu'elles n'avaient pas rêvé ou imaginé. « Pourquoi ne nous attaque-t-elle pas ? » Camille n'en savait certainement pas plus qu'Elizabeth à ce sujet non plus, mais la question ne quittait pas son esprit et elle avait besoin de la formuler à voix haute. Si cette chose était là depuis le début, pourquoi ne les attaquait-elle pas ? Quel était son intérêt ? Son but ? Devait-elle simplement les surveiller ? Les effrayer ? Attendre le bon moment pour frapper ?

La main d'Elizabeth, toujours fermement accrochée au bras de Camille, descendit jusqu'à trouver la main de cette dernière pour s'en emparer. « Tu ne me lâches pas. » Hors de question que par surprise ou autre, elles ne se retrouvent séparées. Peut-être était-ce d'ailleurs ce que cette chose attendait ? « Il doit y avoir une porte ou une fenêtre quelque part. » Affirma-t-elle en avançant très lentement, sa main libre devant elle pour s'assurer de l'absence d'obstacles, à la recherche du mur le plus proche. « Il y en a forcément une. » Comme elles n'avaient pas beaucoup d'allumettes, elles n'allaient pas s'éclairer inutilement et elles chercheraient dans l'obscurité - même si Elizabeth était morte de peur. « De ta main libre, cherche une ouverture ou quelque chose pouvant ressembler à une poignée. » Expliqua-t-elle à Camille, en trouvant enfin le mur le plus proche. « On va s'en sortir. » Promit Elizabeth qui n'avait pourtant aucun contrôle sur la situation.

▿ Date de naissance : 29/10/1991

Elles n’étaient pas seules. Des ombres étaient présentes dans cette pièce, avec elles. Qui étaient-elles ? Et que voulaient-elles ? Étaient-elles seulement hostiles ? Leur voulaient-elles du mal ? Comment le savoir ? Dès que ces choses étaient apparues, Camille avait lâché la seule chose qui leur permettait de voir, les replongeant aussitôt dans l’obscurité. Mais Camille savait qu’elle n’avait pas imaginé cette chose. Elle en était certaine puisque Elizabeth avait vu la même chose. Les deux femmes ne devaient pas s’éloigner, elles devaient rester ensemble. Après tout, elles ignoraient tout de ces choses, elles ne savaient pas qui elles étaient ni ce qu’elles voulaient et elle savait encore moins combien elles étaient.

Après un long moment de silence, Elizabeth avait fini par prononcer quelques mots. Cette simple action avait fait se raidir Camille, qui avait peur que ces choses attaquent. Même si depuis qu’elles s’étaient rejointes dans cette pièce, elles avaient parlé sans que rien ne se passe. Elizabeth ne savait pas bien ce qu’elle avait vu. Elle semblait aussi perdue que Camille. En même temps, comment ne pas l’être dans une telle situation ? « Je ne sais pas. » Camille ne comprenait vraiment pas. Les deux femmes avaient été endormies durant un temps et étaient maintenant réveillées depuis de longues minutes. Ces choses avaient eu tout le temps qu’elles voulaient pour attaquer. Alors pourquoi ne le faisaient-elles pas ? Quel était leur but ? Cherchaient-elles seulement à les effrayer ? Ou attendaient-elles le bon moment pour attaquer ?

« J’en avais pas l’intention. » Ça non. Les deux femmes se tenaient la main si fortement, si fermement, que rien ne pouvait les faire se lâcher. Il était hors de question d’être séparées. Elles devaient rester ensemble. Elles devaient garder le contact afin d’être certaine de ne jamais être éloignées. « Tu as raison, il y a forcément une issue. C’est obligé. » Sinon comment seraient-elles entrées là. D’un signe de tête – qu’Elizabeth ne pouvait pas apercevoir – la brune affirma qu’elle allait chercher ce qui ressemblait à une ouverture ou à une issue. « Bien évidemment. Je sais que nous en sommes capable. » Elles étaient toutes les deux fortes et intelligentes, il n’y avait aucune raison pour qu’elles ne s’en sortent pas. « Là. » Dit-elle alors que sa main venait de heurter une bosse sur le mur, une bosse qui ressemblait – d’après le toucher – à une poignée de porte, ancienne et ronde. « On dirait une poignée. » Dit-elle en amenant Elizabeth à ce qui ressemblait à une poignée. « On essaie d’ouvrir ? » Maintenant qu’elle l’avait trouvé, Camille craignait de trouver pire derrière. « On n'a pas le choix, on doit l’ouvrir. » Reprit-elle presque aussitôt, se répondant à elle-même, sans laisser le temps, à Elizabeth, d’intervenir.

▿ Date de naissance : 07/09/1988

Il y avait dans ce genre de situation, qui se répétait en boucle, quelque chose d'impossible à comprendre, d'illogique. Ces choses, cette ville, la personne qui la contrôlait - qu'importe le responsable finalement puisque le résultat était le même - s'amusaient à les mettre en danger, mais ne semblaient pas vouloir leur mort. Ce n'était qu'un jeu pour eux. Un jeu où l'on jouait avec leurs peurs, où l'on jouait avec leurs nerfs. Un jeu où on ne cherchait même pas forcément à les tuer, mais simplement à les pousser jusque dans leurs derniers retranchements. Un jeu auquel Elizabeth était fatiguée de jouer, mais qu'elle devait subir en silence, comme à chaque fois. Se plaindre ne mènerait à rien. Il fallait simplement trouver une issue ou une solution pour fuir cet endroit.

C'était difficile à faire lorsque l'on était plongé dans le noir, dans une pièce que l'on ne connaissait pas. Pourtant, elles allaient le faire et réussir. Elizabeth en était persuadée parce qu'il n'était pas question qu'elle meure aujourd'hui. Pas question que cette ville gagne. Sa main fermement accrochée à celle de Camille, elles se promettaient de ne surtout pas se lâcher. Sous aucun prétexte. Elizabeth proposait alors de chercher une ouverte - porte ou fenêtre - de leur main libre, tout en tentant d'insuffler de la force et du courage. Elles allaient y arriver, si elles restaient positives et si elles croyaient suffisamment en elles.

Les deux femmes se mirent donc en action. Elles tâtonnaient les murs avec attention, essayant de ne rater aucun endroit. Chaque millimètre devait être inspecté. Si les recherches d'Elizabeth restaient vaines pour le moment, Camille semblait avoir trouvé quelque chose. Une poignée. Sa main fut conduite par celle de Camille jusqu'à cette dernière. S'il y avait une poignée, il y avait très certainement une ouverture de l'autre côté - fallait-il l'espérer tout du moins et prier pour que ce ne soit pas une énième plaisanterie de cet endroit.

Camille se questionnait : devait-elle l'ouvrir ? Elizabeth sentait sa peur et elle ressentait la même. Difficile de l'ouvrir sans appréhender ce qui pouvait se cacher de l'autre côté et, en même temps, difficile de rester là, de ne pas bouger, d'attendre alors que la sortie était peut-être juste là. La jeune femme était en train d'y réfléchir, mais Camille avait répondu, elle-même, à sa propre question. Elles n'avaient pas le choix. « Vas-y. » Souffla-t-elle, tremblante, en se tenant prête à devoir agir. Toujours main dans la main, Camille ouvrit la porte. Elizabeth sentait son coeur battre toujours plus vite. Pourtant, à l'ouverture, il n'y avait rien de l'autre côté. L'obscurité une fois encore. Juste l'obscurité. Ces ombres étaient peut-être là aussi, mais elles n'y voyaient rien. « Je crois que ce sera comme ça jusqu'au bout. On va devoir refaire la même chose encore et encore. » C'était une supposition, en tout cas, et quelque part, Elizabeth préférait ça à une attaque quelconque ou à d'autres mauvaises surprises. S'il fallait passer de pièce sombre à pièce sombre pendant des heures, elles le feraient.

▿ Date de naissance : 29/10/1991

Cette ville aimait s’amuser avec ses habitants. Elle aimait les mettre dans des situations dangereuses. Elle aimait les pousser à bout. Dans quelle but ? Camille n’en savait rien. Elle avait parfois l’impression d’être un cobaye. Elle se demandait parfois si tout cela n’était pas qu’une expérience dans le but de trouver une ou plusieurs personnes pour faire x chose. Sinon, pourquoi les mettre à l’épreuve constamment ? Tout cela n’avait aucun sens. Sauf si cette ville tenait simplement à s’amuser un peu, à s’offrir du spectacle, de la distraction.

Cette fois-ci, Camille était en compagnie d’Elizabeth. Les deux femmes devaient échapper à des ombres, qui semblaient s’animer lorsqu’une source de lumière les éclairait. Elles devaient donc parcourir, dans le noir, la pièce dans laquelle elles se trouvaient afin de trouver une sortie. Main dans la main, les deux femmes tapotaient le mur à la recherche de la moindre fente, de la moindre ouverture, de la moindre poignée.

Après un court instant de recherche, Camille était tombée sur ce qui ressemblait à une poignée de porte. Ne sachant pas ce qui les attendait derrière, la brune se questionnait. Devait-elle ouvrir cette porte ? Mais la réponse était évidente, oui, elle devait l’ouvrir. Elles ne pouvaient pas rester là, à attendre bêtement que les choses se passent. Elles devaient bien essayer. Elles devaient avancer. Alors elle devait ouvrir. Et puisque Elizabeth était prête, Camille tourna la poignée, poussant la porte délicatement prête à refermer en cas de danger apparent, mais il n’y avait rien. En ouvrant, il ne s’était rien passé. Et une fois de plus, seule l’obscurité se trouvait derrière et peut-être encore les mêmes ombres qu’elles avaient aperçues un peu plus tôt. « Je pense que tu as raison. » La maison était plongée dans l’obscurité. Chaque pièce était perdue dans un noir sombre et profond dans lequel on ne pouvait rien distinguer. « Mais je préfère encore devoir avancer dans le noir. Parce que, malgré tout, l’obscurité semble nous protéger… Pour le moment en tout cas. » Camille avait toujours sa boîte d’allumettes, elle l’avait glissé dans sa poche de pantalon, au cas où elles auraient besoin de lumière, mais Camille préférait devoir avancer dans l’obscurité, plutôt que de devoir affronter ces choses. Camille voulut alors commencer à avancer, tenant toujours fermement la main d’Elizabeth. Mais lorsqu’elle fit un premier pas, la lumière s’était allumée, laissant des dizaines d’ombres apparaître. Et lorsqu’elles s’étaient stoppées, la lumière s’était éteinte. Alors sans un mot, Camille avait fait un nouveau pas et la lumière s’était de nouveau allumée. Et elle s’était éteinte lorsqu’elle s’était arrêtée. Et cette fois-ci, les ombres étaient un peu plus proches que la première fois. « On est tombée dans un piège Elizabeth. On est coincée dans cette pièce. » Chaque pas déclenché la lumière et faisait avancer les ombres à leur côté. « On est trop loin de l’autre porte. » Que Camille avait aperçu lors du second éclair lumineux. « Les ombres nous auront attrapées bien avant qu’on l’ait atteinte. »

▿ Date de naissance : 07/09/1988

Elizabeth ignorait s'il s'agissait d'une mise à l'épreuve quelconque, mais elle était persuadée d'une chose : cette ville n'arrêterait jamais. En quatre ans, elle avait vécu tellement de choses qu'il lui paraissait improbable de goûter à la paix et à la tranquillité un jour ou l'autre. Cette fois-ci, accompagnée de Camille, la jeune femme devait passer de pièce sombre en pièce sombre, à la recherche d'une ouverture. Pour ne rien arranger, des ombres semblaient hanter les lieux et elles étaient particulièrement attirées par les sources lumineuses. Pour survivre et espérer sortir, les deux femmes étaient donc condamnées à évoluer dans cette obscurité angoissante et profonde. « Je partage ton avis. » Rétorqua simplement la jeune femme lorsque son amie affirma qu'elle préférait encore l'obscurité à ce que la lumière leur réservait. En effet, l'obscurité leur apportait une certaine forme de protection - jusqu'à présent, tout du moins - et il fallait jouer là-dessus pour espérer pouvoir sortir.

Les deux femmes s'apprêtaient donc à continuer leur périple, cherchant la prochaine ouverture, dans cette pièce. Toujours main dans la main pour ne pas être séparées, elles s'apprêtaient à avancer, mais elles furent stoppées aussitôt. Des lumières s'étaient soudainement allumées autour d'elles et des ombres apparurent aussitôt. Et tout ça avait disparu à l'instant où elles avaient cessé d'avancer. Après un nouvel essai, elles avaient pu confirmer que les lumières s'allumaient à chaque pas. Rester sur place était l'assurance qu'elles resteraient coincées ici pour toujours, avancer était l'assurance que ces ombres attaqueraient - elles s'approchaient déjà dangereusement - alors qu'étaient-elles censées faire ? Impossible de faire demi-tour et impossible d'atteindre l'autre porte, trop loin. Camille avait raison, elles étaient coincées après être tombées dans un piège. Comment étaient-elles censées faire pour s'en sortir ? Existait-il seulement une solution ? « On ne peut pas rester ici, ça n'arrangera pas notre situation. » Rétorqua-t-elle alors même que Camille le savait tout aussi bien qu'elle. « Il y a forcément une solution. » Laquelle, en revanche, c'était une bonne question. Question à laquelle la jeune femme n'avait malheureusement pas de réponse. « Si on essaie de courir jusqu'à la prochaine porte, ces ombres n'auront peut-être pas le temps de nous attraper ? » Mais ce n'était qu'une hypothèse, sans la moindre certitude. « Ou peut-être devrions-nous nous séparer ? » Les ombres seraient obligées de faire de même, mais est-ce que ça les aiderait réellement ? C'était dangereux et l'une d'elles pouvait rester coincée ici, dans cette pièce. Non, à bien y réfléchir, ce n'était certainement pas la solution, mais alors que devaient-elles faire ? Elizabeth avait beau y réfléchir, elle n'arrivait pas à trouver, à avoir l'idée qui les sortirait d'ici toutes les deux, entières et vivantes. Elle avait simplement qu'elles étaient condamnées cette fois-ci, prises au piège de cet endroit pour toujours.

▿ Date de naissance : 29/10/1991

Une fois de plus, Camille s’était retrouvée dans une situation qu’elle ne maîtrisait pas. Cette fois-ci, accompagnée d’Elizabeth, elles étaient plongées dans l’obscurité la plus totale. Progresser dans cet endroit inconnu sans rien voir n’avait rien d’évident. Le problème étant qu’il leur était impossible de s’éclairer, puisque des créatures, des ombres, semblaient être attirées par la moindre lumière. Dans l’obscurité, ces ombres semblaient ne pas pouvoir exister ou peut-être ne pouvaient-elles simplement pas bouger ou attaquer. Alors même si Camille avait trouvé de quoi s’éclairer en se réveillant, il était clair qu’elles ne devaient pas s’en servir. L’obscurité semblait être le meilleur moyen de les protéger toutes les deux.

Puisque les deux amies semblaient être décidées à progresser dans le noir, la maison, la ville ou quelque chose d’autre avait décidé de compliquer un peu les choses. Après être entrées dans une nouvelle pièce, les deux femmes remarquèrent qu’elles venaient de tomber dans un piège. Après quelques pas, une lumière s’était allumée, laissant les ombres progresser et s’avancer vers elles. Après s’être stoppée un instant, la lumière s’était éteinte et les deux femmes étaient de nouveau plongées dans l’obscurité la plus totale. Après un nouveau pas, la lumière s’était de nouveau allumée, et de nouveau éteinte une fois leur progression stoppée. Marcher déclenchait l’allumage de la lumière et donc la progression des ombres. Se stopper les condamnées à attendre éternellement. Alors que devaient-elles faire ? Attendre en espérant que les choses s’arrangent ? Ou continuer en espérant ne pas se faire attraper ? Un choix difficile, mais pourtant évident. Il était presque certain que les choses n’allaient pas s’arranger si les deux amies attendaient. Alors elles allaient devoir trouver un moyen de sortir d’ici rapidement et en vie. Elizabeth semblait penser la même chose. Elles ne pouvaient pas rester ici, ça ne les aiderait pas. Courir jusqu’à la prochaine pièce était une bonne idée. Si les ombres étaient plus lentes qu’elles, elles avaient une véritable chance de s’en sortir. Et si la porte était fermée de l’autre côté, ça voulait dire qu’elle allait devoir faire demi-tour, même si les ombres étaient sur leur chemin. « Non, on ne se sépare pas. » Dit-elle d’un ton autoritaire sans même sans rendre compte. Sa main se serra alors un peu plus, comme si elle craignait qu’Elizabeth ne la lâche. Camille ne voulait pas se retrouver seule ici et elle ne voulait pas que son amie se retrouve seule. Se séparer ne servait à rien. Les ombres allaient peut-être se séparer à leur tour afin de pouvoir les suivre toutes les deux, mais finalement, elles restaient en nombre supérieur et face à ces créatures, les deux amies ne pouvaient pas se défendre. « On reste ensemble. » Ajouta-t-elle avec un ton plus calme, un ton plus fidèle aux habitudes de Camille. « On va essayer de courir jusqu’à l’autre porte, c’est une bonne idée. » Les risques pouvaient être oubliés durant un court instant, puisque cette course semblait être le seul moyen pour elles de s’en sortir. « Tu es prête ? » Camille avait attendu la réponse d’Elizabeth avant de se mettre à courir le plus vite possible, sans prendre la peine de se retourner. Comme prévu, la lumière était restée allumée durant toute la durée de la course et les ombres les avaient suivies. Ces dernières étaient plus rapides qu’elles n’en avaient l’air, mais fort heureusement, elles n’avaient pas réussi à les atteindre.

À peine devant la porte, Camille avait saisi la poignée et l’avait tourné, enfonçant la porte qui s’ouvrait sans mal à la plus grande surprise de Camille. « On a réussi. » Lâcha Camille, pleine de joie, alors qu’elles étaient sans doute loin d’en avoir fini avec cette maison. « On progresse, c’est bien. Je suis certaine qu’on ne tardera plus à trouver la sortie. » Elle voulait donner de l’espoir à Elizabeth et s’en donner à elle-même.

▿ Date de naissance : 07/09/1988

Comme toujours, prendre des décisions dans ce genre de moment s'avérait particulièrement difficile. Chaque choix pouvait être fatal ou changer considérablement le cours des événements. Ouvrir cette porte et entrer dans cette pièce avaient eu des conséquences : elles étaient coincées. Impossible d'avancer sans que la lumière ne s'allume, impossible de rester sur place, sinon éternellement. Il fallait alors faire un choix : attendre et espérer que la situation s'arrange d'elle-même - ce qui était fort peu probable - ou avancer - ce qui était particulièrement dangereux. Elizabeth proposait alors deux choses : courir ou se séparer. Dans le premier cas, si les ombres étaient lentes et si les filles étaient rapides, elles pouvaient peut-être atteindre la porte avant d'être attaquées. Dans le second cas, les ombres seraient forcées de se séparer et elles seraient moins fortes. Les deux options représentaient des avantages et des inconvénients, des points forts et des points faibles.

Cependant, catégoriquement, Camille avait refusé qu'elles se séparent. En réalité, Elizabeth en était rassurée puisqu'elle n'aimait pas du tout cette solution, elle non plus. Se séparer, c'était prendre le risque de se mettre davantage en danger sans être certaine de pouvoir se rejoindre et s'aider si besoin. Comme pour confirmer sa réponse, la jeune femme avait resserré son étreinte sur la main d'Elizabeth. Elizabeth en fit de même, pour la rassurer. Elle n'irait nulle part. Les deux femmes resteraient ensemble, quoi qu'il se passe. « On reste ensemble. » Répéta Elizabeth en adoptant le même temps calme que son amie - bien différent de celui qu'elle avait employé un instant plus tôt, sous la peur, certainement.

Camille préférait l'autre solution proposée par Elizabeth : elles allaient courir. C'était tout aussi risqué puisque les lumières s'allumeraient, mais elles allaient essayer. D'un signe de la tête, elle indiquait à son amie qu'elle était prête. Autant que possible. Il n'y aurait jamais de bon moment de toute façon, alors autant ne pas perdre de temps et y aller directement. Les deux femmes avaient couru aussi vite que possible - ce qui était facilité par le fait que la lumière était désormais allumée. Fort heureusement, et même si les ombres s'étaient dangereusement approchées, elles avaient pu arriver à la porte avant d'être attaquées.

Sans difficulté, la porte s'était ouverte, ce qui réjouissait Camille. Cette dernière avait retrouvé de l'espoir, mais Elizabeth ne voyait pas les choses de la même façon : « J'ai bien peur que ce ne soit que le début, mais tu as raison, nous allons trouver la sortie. » La jeune femme préférait être réaliste que de se faire de faux espoirs qui la déprimeraient et l'empêcheraient d'avancer. Alors, elle se concentrait sur cette nouvelle pièce. Une fois encore, elle était plongée dans le noir. Elizabeth tenta alors un simple pas : aucune lumière ne s'allumait. Néanmoins, Elizabeth restait persuadée qu'il y avait forcément une nouvelle épreuve. On n'allait certainement pas leur faciliter la tâche. « On essaie de trouver une porte en tâtonnant comme la première fois. » Sauf que cette fois-ci, les murs ne donneraient rien puisque la seule issue se trouvait en fait être une trappe dissimulée sous un tapis, sur le sol. « J'ai l'impression que nous avons fait le tour, mais qu'il n'y a rien... » Pas même la précédente porte, disparue comme par magie et ça, ça effrayait Elizabeth - et Camille devait l'entendre au son de sa voix, mais elle devait être dans le même état.

▿ Date de naissance : 29/10/1991

Faire un choix pouvait paraître difficile. Les deux solutions comportaient des risques, mais le plus risqué d’après Camille, c’était de se séparer. Seules, elles étaient plus vulnérables. Elles devaient rester ensemble. Se séparer s’était prendre le risque de ne jamais retrouver l’autre. Même si courir jusqu’à la sortie était risqué, elles n’avaient pas le choix. Mieux valait choisir cette option, d’après Camille en tout cas. Puis finalement, Elizabeth semblait du même avis que Camille. Alors c’était décidé, elles restaient à deux et choisissaient l’option : courir pour atteindre la prochaine sortie et essayer de survivre.

Il n’y avait pas de temps à perdre, il fallait essayer d’avancer, d’arriver à la prochaine pièce. Alors les deux femmes s’étaient mises à courir, réussissant à rejoindre la prochaine porte sans se faire attraper par les ombres qui avaient, malgré tout, bien progressaient. Heureusement, la porte s’était ouverte, les deux amies n’allaient donc pas devoir rester coincées ici et elles n’allaient pas devoir essayer de refaire le chemin en sens inverse, ce qui leur évitait de devoir passer à côté des ombres présentes dans cette pièce. L’ouverture de la porte avait redonné de l’espoir à Camille. Elles progressaient et c’était déjà une bonne chose - sauf si, au contraire, elles s’enfonçaient de plus en plus dans le piège que la ville leur avait tendu. Mais il n’était pas question de penser négativement. Camille préférait garder espoir le plus longtemps possible. Ainsi, elle espérait tenir plus longtemps si les choses venaient à tarder. Parce qu’Elizabeth avait sans doute raison, ce n’était que le début.

Après avoir franchi la porte, les deux amies s’étaient retrouvées dans une nouvelle pièce, entièrement plongée dans le noir une fois encore. « D’accord. » Il n’y avait, de toute façon, pas d’autre moyen pour trouver une sortie. Toujours accrochées l’une à l’autre, les deux femmes faisaient le tour de la pièce, tâtonnant le mur avec précision. La moindre bosse, le moindre trou devait être analysé. Sauf que cette fois-ci, il n’y avait rien. Absolument rien. Le mur était parfait. Ce qui voulait dire qu’il n’y avait aucune issue. Ce qui voulait dire que la porte par laquelle elles étaient entrées avait disparue. « Je crains fort que tu aies raison. » Sauf qu’elles ne pouvaient pas être enfermées ici. Il y avait bien une issue, ou quelque chose à faire. « On doit forcément trouver quelque chose. Ce n’est pas possible autrement, nous ne pouvons pas être coincées ici. » Camille refusait d’y croire. « Il faut peut-être fouiller les objets dans cette pièce, le sol… Enfin, tout ce qu’il est possible de fouiller. » Dit-elle déterminait à trouver une issue, ayant presque perdu l’intégralité de ses espoirs. « Peut-être qu’il y a un bouton ou quelque chose comme ça qui ouvre une issue. » Dit-elle en commençant à fouiller les meubles. En s’avançant, le pied de Camille s’était pris dans quelque chose qui l’avait fait chuter. « Mince… Tu vas bien ? » Demanda-t-elle à Elizabeth qui l’avait accompagné dans sa chute. « Attends, je crois qu’il y a quelque chose sous le tapis. » Dit-elle en tâtonnant le sol d’une main – l’autre tenant toujours fermement Elizabeth – jusqu’à trouver le bout du tapis. Une fois arrivé à l’extrémité, Camille leva le tapis et avait tâtonné le sol à nouveau. « Là ! » Dit-elle en posant sa main sur ce qui ressemblait à une poignée. « On dirait une trappe. » Dit-elle en suivant l’embrasure de sa main.

▿ Date de naissance : 07/09/1988

Aucune porte. Aucune fenêtre. Aucune issue. Il était terrifiant de constater qu'elles étaient désormais enfermées dans une pièce totalement fermée. La porte par laquelle elles étaient entrées avait même disparu. Comment ? Ce n'était certainement pas le moment de se questionner davantage. Etait-ce là le piège de cette ville ? Les enfermer dans cette pièce pour les laisser mourir ? Pourquoi ? Non, ça n'avait aucun sens. Cette ville ne se serait pas donnée tout ce mal pour rien. Il y avait forcément quelque chose à faire, à trouver. « Tu as raison. Il y a forcément quelque chose. » répéta-t-elle après son amie. Cette dernière avait besoin de l'entendre et le dire à voix haute rassurait Elizabeth elle-même, ce n'était donc que bénéfique.

Elizabeth était prête à fouiller chaque objet, chaque meuble. Elle passerait cette pièce en revue, dans les moindres détails, pour être certaine de ne rien louper. « On va trouver. » Se contenta-t-elle d'ajouter après les multiples hypothèses de son amie. Toujours accrochées l'une à l'autre, les deux femmes s'étaient mises à fouiller. Camille buta alors sur quelque chose. Entraînée dans sa chute, Elizabeth se retrouva par terre, en même temps que Camille. Heureusement, il y avait eu plus de peur que de mal. Elle n'était pas blessée, elle avait simplement été surprise. Blessée, les choses se seraient grandement compliquées. « Je vais bien, ne t'en fais pas. Et toi ? » Il fallait espérer que Camille ne soit pas blessée. Cela compliquerait énormément leur avancée dans cette maison.

Malgré la chute, les deux femmes se tenaient toujours fermement la main. De sa main libre, Camille semblait même avoir trouvé quelque chose. Il y avait quelque chose sous le tapis, mais pas n'importe quel quelque chose. Elizabeth ne faisait rien, pour ne pas gêner les mouvements de son amie. Elle se contentait de suivre et de ne pas la ralentir. Cette dernière avait relevé le tapis pour découvrir une poignée. « On l'ouvre à trois. » Elizabeth compta et, à trois, elles ouvrirent la trappe, ensemble. Heureusement, elle n'était pas coincée. Ouverte, Elizabeth tâtonna pour trouver un escalier, une échelle ou quelque chose, mais rien. Le vide. Elles auraient pu se contenter de sauter, mais elles n'avaient aucune idée de la hauteur de cette trappe. Une chute pouvait les tuer. C'était bien trop risqué. « Je crois qu'on va être obligée d'utiliser une allumette. » Souffla simplement la jeune femme, sans rien ajouter. En effet, elles avaient conscience, toutes les deux, de ce que cela signifiait, mais avaient-elles réellement le choix ?

▿ Date de naissance : 29/10/1991

Dans chaque pièce, l’ambiance n’était pas la même. Les dangers étaient différents dans chacune d’elles. Les moyens de sortir également. À chaque fois, elles devaient réfléchir au mieux pour trouver la bonne solution. Si elles échouaient, si elles faisaient le mauvais choix, peut-être que quelque chose de mauvais se produirait. Camille n’en savait rien. Après tout, jusqu’ici, elles semblaient avoir tout réussi, elles semblaient avoir résolu toutes les énigmes, toutes les solutions. Dans cette nouvelle pièce, cela ne devait pas être très différent. Il y avait forcément quelque chose à faire ou à trouver pour sortir et passer à la pièce suivante ou à la sortie. Sauf si en réussissant toutes les précédentes épreuves, elles avaient en réalité échoué parce qu’elle venait de s’enfermer dans une pièce sans issue. Dans ce cas, elles avaient perdu et s’étaient elles-mêmes coincées, se condamnant par la même occasion à une mort certaine.

Les deux femmes devaient fouiller chaque meuble, chaque mur à la recherche d’un bouton ou de quelque chose leur permettant d’ouvrir un passage. Peut-être que cet objet était parfaitement bien caché, fondu dans le décor ou peut-être qu’il n’existait pas. Mais il ne fallait pas s’avouer vaincu tout de suite, il fallait fouiller tout dans le moindre détail avant d’en conclure quoi que ce soit. En s’avançant, Camille avait buté dans quelque chose. Quelque chose de dur et d’accroché au sol. Si cela les avait fait chuter, aucune d’elles n’était blessée, heureusement. « Non, c’est bon, je n’ai rien. » Dit-elle pour la rassurer avant de remarquer qu’il y avait quelque chose sous le tapis. Cette chose qui l’avait fait tomber, elle ressemblait à une poignée. Il ne fallait pas perdre de temps et soulever le tapis pour voir ce qui se cachait dessous.

Après avoir posé la main sur une poignée, la brune en informa Elizabeth. Après un décompte, les deux femmes ouvrirent la trappe. Camille ne voyait rien, mais elle sentait les mouvements d’Elizabeth. Sans doute, cherchait-elle le moyen de descendre. Et puisqu’elle en concluait qu’elles allaient devoir allumer une allumette, cela voulait dire qu’elle n’avait rien trouvé. Allumer une allumette, était très dangereux. Cela voulait dire que les ombres allaient de nouveau se montrer et peut-être même attaquer. Mais avaient-elles le choix ? Pouvaient-elles se contenter de sauter dans une trappe où elles ne voyaient rien ? Le trou était peut-être très profond, dans ce cas, la chute serait mortelle. Ou un autre danger pouvait se cacher à l’intérieur. N’importe quel danger. « Tu as raison. » Dit-elle en lâchant la main d’Elizabeth pour prendre le paquet d’allumettes qu’elle avait pris soin de ranger dans sa poche. Lentement, elle avait ouvert le paquet et avait sorti l’une des rares allumettes. « Tu es prête ? » Elles devaient se préparer à une potentielle attaque. Si c’était le cas, elles n’allaient avoir que quelques secondes, à peine, pour observer la trappe. Après une longue inspiration, Camille posa gratta l’allumette contre la boîte. Comme elles s’y attendaient, les ombres s’étaient manifestées dès que la flamme s’était allumée. Camille laissa l’allumette allumée jusqu’à ce que les ombres soient trop proches d’elles. « Je dois éteindre. » Dit-elle avant de souffler sur la flamme pour les plonger dans le noir à nouveau. « Tu as vu quelque chose ? » Camille n’avait rien vu. Elle n’avait pas eu le temps d’observer comme il se devait, mais elle n’avait pas vu ce qui pouvait les aider à descendre et elle n’avait pas non plus vu la profondeur du trou. Cela voulait peut-être dire qu’il s’agissait d’un trou sans fin ou que le sol était plus bas que ce que la flamme pouvait éclairer.

▿ Date de naissance : 07/09/1988

Cette fois-ci, il n'y avait aucune porte, mais il y avait une trappe, sur le sol. Après avoir décompté, les deux femmes avaient tiré ensemble dans l'espoir de l'ouvrir. Elles avaient réussi. Elles avaient alors découvert un trou, qui semblait plutôt profond, sans être capable, pour autant, de déterminer clairement la hauteur. Selon Elizabeth, il n'y avait alors qu'une seule solution : allumer une allumette. C'était risqué, bien sûr, puisque les ombres s'attaqueraient à elles aussitôt, mais sauter en prenant le risque de tomber dans un trou sans fond l'était tout autant, si ce n'était plus. Et, après quelques recherches, il ne semblait pas y avoir d'échelle pour les aider... Elles n'avaient donc plus le choix.

Camille acquiesça. Elle allait allumer l'une de ses allumettes. Pour cela, elle lui avait lâché la main. C'était étrange comme, tout à coup, elle se sentait bien plus vulnérable encore. Elle avait l'impression qu'elles pourraient être séparées en un claquement de doigts maintenant qu'elles ne se tenaient plus fermement l'une à l'autre. Pourtant, parce qu'elle n'avait pas vraiment le choix, elle prenait sur elle. « Je suis prête. » Répondit-elle dans un souffle. Prête à observer le plus vite possible, prête à contenir sa peur malgré les ombres... Elle était prête.

La flamme à peine allumée, les ombres étaient déjà là, prêtes à attaquer. Elles s'approchaient dangereusement, mais Elizabeth tentait d'en faire abstraction pour observer la profondeur de l'ouverture devant elle. Elle ne voyait rien, l'obscurité restait trop présente. Sans attendre plus longtemps, parce que c'était impossible, Camille avait éteint l'allumette. Les ombres étaient bien trop proches et le risque était donc bien trop grand. « Rien du tout. » Ces mots se prononçaient à peine. Si elles n'avaient rien vu, il y avait deux solutions : soit le trou était bien trop profond, soit il était trop difficile de voir éclairées seulement de la lueur d'une bougie. Devaient-elles descendre par là malgré tout ? Prendre ce risque ? Y avait-il seulement une autre issue, de toute façon ? « Je crois que l'une de nous devrait aider l'autre à descendre... » Souffla-t-elle, en imaginant que l'une tiendrait l'autre pour voir s'il était possible de descendre en toute sécurité, mais il fallait espérer qu'elles aient suffisamment de force pour tenir ainsi. « Non ! On devrait d'abord jeter un objet, juste pour voir. » Se reprit-elle presque aussitôt. Si elles entendaient l'objet tomber sur le sol ou non, elles pourraient s'indiquer plus clairement la distance entre elles et ce dernier.

▿ Date de naissance : 29/10/1991

Qu’est-ce qui pouvait bien se cacher sous cette trappe ? Plongée dans l’obscurité la plus totale, il était impossible de voir ce qui pouvait y avoir plus bas. Pour espérer voir, ne serait-ce que la profondeur, elles devaient utiliser une des allumettes. Mais elles le savaient, elles n’allaient disposer que de très peu de temps, puisque les ombres allaient se jeter sur elles, dès que la moindre lueur allait apparaître. C’était certain. Camille avait alors craqué une allumette et l’avait immédiatement dirigée vers la trappe. Malheureusement, elle avait dû l’éteindre au bout de quelques secondes à peine. Les ombres s’étaient rapprochées bien trop rapidement et laisser allumer l’allumette devenait bien trop dangereux pour elle. Seulement, le laps de temps avait été trop court. La trappe était sans doute trop profonde. Autrement dit, elles n’étaient pas plus avancées et n’avaient rien vu de plus. Alors que devaient-elles faire ? Lancer un objet pour espérer réussir à évaluer la distance qui les séparait du sol ? Sauter, en espérant que la chute n’allait pas les tuer ? « Tu as raison, on va essayer de lancer quelque chose. » Mais quoi ? Qu’avaient-elles d’assez lourd pour espérer entendre un bruit à l’impact ? Rien. Mais Camille n’avait pas songé à utiliser les objets qui se trouvaient tout autour d’elle. Lorsqu’elle avait compris, elle s’était emparée de l’objet qui se trouvait le plus proche d’elle - parce qu’elle ne voulait pas avoir à s’éloigner de la trapper ou d’Elizabeth - c’est-à-dire, une sorte de vase, petit, mais assez lourd. À l’impact, il allait certainement se briser et faire du bruit. « Je vais lancer un vase. Tu es prête ? » Puis après un décompte, elle avait lâché l’objet dans le vide. Et aussitôt, elle s’était mise à compter. « Il a mis environ deux ou trois secondes pour toucher le sol… Je crois… Tu crois que ça veut dire qu’on peut sauter sans risque ? » Camille n’en avait aucune idée. Combien de mettre avait parcouru l’objet durant ces quelques secondes ? C’était difficile à dire. Impossible, peut-être même, puisque cela devait dépendre de bien trop d'éléments.

Camille avait alors cessé de parler et s’était assise, silencieuse, réfléchissant à ce qu’il y avait de mieux à faire. Sauf qu’en réalité, il n’y avait rien de mieux à faire. Rien, parce qu’elles n’avaient pas d’autres choix que de sauter. « Il n’y a aucune autre issue ici. C’est la seule ouverture qu’on a trouvée. Je crois qu’on ne va pas avoir le choix, on va devoir sauter. » Elles devaient prendre le risque. Mais qui devait sauter la première ? Qui devait prendre le risque de mourir dans la chute ? Et qui devait prendre le risque de rester enfermée dans cette maison pour toujours ? « Je passe la première. Aide-moi à descendre. » Camille ne savait pas si ce choix paraissait égoïste ou non, mais pour elle, ça n’avait rien d’un choix égoïste, bien au contraire. Elle était certaine qu'Elizabeth saurait survivre et se défendre seule si jamais il lui arrivait malheur. Quant à Georges… Elle ne voulait pas le laisser seul en cas de chute mortelle, mais elle n’était pas certaine de vivre dans les deux cas après tout. Et elle savait que sa famille était là pour prendre soin de son garçon. Mieux encore, elle voulait croire que rien ne pouvait lui arriver, justement pour lui, parce qu’elle ne devait pas le laisser seul.

▿ Date de naissance : 07/09/1988

La première chose à faire était de lancer un objet pour essayer d'estimer la distance entre elles et le sol. Elizabeth ne savait pas calculer la distance de cette façon, mais elle savait que si l'objet mettait de très longues secondes avant d'atteindre le sol, alors elles ne pouvaient pas sauter. Si, en revanche, elles entendaient le bruit presque aussitôt, elles pouvaient sauter sans risque. Dans le cas d'un entre-deux, difficile à dire, en revanche.

Camille avait donc attrapé quelque chose à portée de main. Il s'agissait d'une sorte de vase qui ferait, normalement, un bruit à l'atterrissage. Elizabeth confirma qu'elle était prête et attendit que son amie lance le vase afin de commencer à compter, en silence. « J'ai compté trois secondes. » Comme Camille, environ - difficile d'être très précise, chacune comptant à sa propre vitesse. « Je ne sais pas, j'ai l'impression que ce n'est pas très haut... » Mais ce n'était qu'une impression, pas une certitude. En revanche, si la chute avait été plus longue, Elizabeth aurait été persuadée que descendre était impossible... Là, c'était difficile à dire, mais elle voulait croire que c'était possible... Parce qu'elle ne pouvait croire à rien d'autre.

De toute façon, avaient-elles vraiment le choix ? Elizabeth n'en avait pas l'impression. C'était ça ou rien. Et Camille semblait penser la même chose puisqu'elle le confirmait à voix haute, sans qu'Elizabeth ne dise quoi que ce soit en ce sens. « Attends, je peux le faire. Tu n'as pas à prendre ce risque... » Camille avait un enfant, elle ne devait pas prendre ce genre de risques, même si ne pas le faire revenait à prendre un risque également. Mais elle semblait décidée à le faire. Difficile donc de la faire changer d'avis. Elizabeth se résignait alors. Elle lui attrapait fermement les mains pour l'aider à descendre. Il aurait été bien plus simple d'avoir des cordes ou n'importe quoi pour s'attacher l'une à l'autre, mais ce n’était pas le cas. Il fallait donc faire comme elles le pouvaient.

Malheureusement pour elles, Elizabeth n'avait pas particulièrement de force dans les bras et elle savait qu'elle ne tiendrait pas éternellement sans pouvoir prendre appui sur quelque chose, et même si elle allait faire au mieux, Camille allait devoir vite se décider à sauter. « Sois prudente Camille. » Si jamais elle survivait à la chute - même si cette pensée était horrible, il ne fallait pas l'oublier et la mettre de côté. « Dis-moi quand tu es prête. » En attendant, malgré la douleur et la difficulté, elle faisait au mieux pour la maintenir, en prenant appui comme elle le pouvait.

▿ Date de naissance : 29/10/1991

Deux ou trois secondes. Difficile à dire en réalité. Peut-être que la chute avait duré bien plus longtemps. En tout cas, ça n’avait pas l’air si profond. Elles pouvaient très certainement descendre dans ce puits et espérer survivre. Espérer fuir par là. Elizabeth avait compté trois secondes, sans certitude bien évidemment et estimait, elle aussi, que ça n’avait pas l’air très haut. Il fallait alors que l’une d’elles se décide à descendre. Camille refusait de laisser Elizabeth passer la première, elle refusait de lui laisser prendre ce risque. Bien évidemment, elle devait penser à Georges avant tout, mais elle avait l’impression de pouvoir le faire. Elle avait la force de le faire, pour lui, pour le retrouver. Et elle se disait que rien ne pouvait lui arriver, parce que son enfant ne devait pas vivre sans mère. De toute façon, ne rien faire était tout aussi risqué. Attendre qu’Elizabeth descende et rester seule ici, l’était également. « Ça ira, Elizabeth. Tout ira bien. » Dit-elle en souriant - même si Elizabeth ne pouvait pas le voir.

Camille commença alors à descendre, tenant fermement les mains d’Elizabeth. Du pied, Camille tâtait le mur à la recherche de quelque chose pour s’appuyer. Elizabeth n’allait pas tenir éternellement et elle devait faire vite pour ne pas être lâchée. « Ne t’en fais pas pour moi. » Bien évidemment qu’elle s’en faisait pour elle. Camille et elle étaient amies et s’il arrivait quelque chose à Camille, alors Elizabeth se retrouverait seule dans cet endroit, coincée dans l’obscurité avec de dangereuses ombres - immobilisé malgré tout, lorsque la lumière était éteinte. « Attends… Je crois que j’ai trouvé quelque chose. » Un peu plus à droite, il y avait quelque chose. Une échelle. « Il faut que tu te décales légèrement sur ta gauche Elizabeth. Je crois qu’il y a une échelle, mais je n’arriverais pas à l’attraper d’ici. » Camille savait que ce n’était pas simple pour Elizabeth, mais elle allait bientôt pouvoir lâcher prise. Et avec cette échelle, elle allait pouvoir descendre elle aussi. Il fallait simplement qu’elle se glisse jusqu’à atteindre l’échelle - puisqu’elle ne semblait pas aller jusqu’en haut.

▿ Date de naissance : 07/09/1988

Elizabeth n'était pas enchantée à l'idée de laisser l'une de ses rares amies risquer sa vie. Cependant, elle la risquerait tout autant en restant ici, seule, dans cette pièce. A vrai dire, il semblait évident qu'il n'y avait aucune solution idéale et que chacune comportait des risques impossibles à prévoir. Alors, elle n'avait pas insisté davantage face aux mots rassurants de Camille et l'avait laissée descendre.

La jeune femme lui tenait fermement les mains et Elizabeth tentait, tant bien que mal, de ne pas la lâcher en prenant appui. Elle savait parfaitement qu'elle ne tiendrait pas longtemps. Camille était plutôt légère, mais à bout de bras comme ça, dans le vide, elle sentait déjà ses forces l'abandonner. Pourtant, elle tenait et n'en faisait pas part à son amie, mais elle savait qu'elle devait faire vite, sans oublier, pour autant, la prudence.

Elizabeth respirait plus vite. Elle sentait ses mains glisser et ses bras se tendre face à la douleur. Silencieuse, elle ne partageait pas sa douleur pour ne pas inquiéter Camille. Elle fut cependant rassurée en entendant Camille lui dire qu'elle avait trouvé quelque chose. La suite, en revanche, la réjouissait moins. Camille voulait qu'Elizabeth se décale sur sa gauche. Camille était toujours accrochée à elle et elle avait l'impression que leurs mains glisseraient d'un instant à l'autre. De plus, sa jambe était prise dans un meuble pour éviter d'être entraînée, par le poids de sa compagne, dans la trappe. Comment se déplacer alors ? « Je ne sais pas si je pourrais... » Souffla-t-elle, sa douleur et ses limites s'entendant clairement au son de sa voix.

Dans un dernier effort, sans savoir où elle allait puiser ses forces, elle avait réussi à se décaler sur la gauche, non sans pousser un gémissement. Ses bras allaient lâcher, elle le sentait. « Tu peux l'atteindre ? » Demanda-t-elle en soufflant, ajoutant aussitôt. « Je vais bientôt lâcher Camille, je n'ai plus de force et je commence à ne plus sentir mes bras. » Enfin, elle les sentait, elle sentait à quel point ils étaient lourds, douloureux et engourdis, ce qui rendait difficile la tâche de porter quelqu'un.

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