There is no plan. All is hazard (ft. Mary)

Plus de cinq ans s'était écoulé depuis que Mary avait quitté son monde. Voilà plus de cinq ans qu'elle était enfermée dans ce monde. Un monde dans lequel elle avait appris à vivre. Malgré la peur de se voir, un jour, éloigné de son fils une fois encore. Malgré la peur de se voir enfermée et exécutée une fois encore. Une peur fondée, puisque Elizabeth était ici, elle aussi. Une peur qui l'avait poussé à faire des choses qu'elle regrettait aujourd'hui. Des choses qu'elle avait l'impression de ne jamais pouvoir arrêter. Si elle n'avait pas été seule à son arrivée - son enfant étant trop jeune pour lui apporter un quelconque conseil - si elle avait été entourée de ses plus fidèles amies, de ses conseillères de toujours, alors jamais elle n'aurait agi comme elle l'avait fait. Si elle avait retrouvé François dès le début. Si la ville lui avait accordé cette chance, la vie de Mary sur cette planète aurait tout de suite été embellie. Elle l'avait perdu une première fois, puisqu'il l'avait quitté bien trop tôt. Puis elle l'avait retrouvé dans ce qu'elle croyait être le Paradis, juste après son exécution et voilà qu'on lui avait à nouveau arraché. Si Mary faisait face, si elle ne montrait que très peu ses faiblesses, elle pouvait, malgré tout, avouer assez facilement que l'absence de François était l'une de ses plus grandes faiblesses. Elle avait longtemps cauchemardé de sa mort en arrivant dans ce monde, attristée à l'idée de ne, peut-être, jamais le revoir. Si avec le temps les cauchemars s'étaient estompée, la peine et le manque, eux, étaient toujours pleinement là. Mais Mary ne perdait pas espoir. Elle ne perdait pas l'espoir de le revoir un jour dans ce monde. Un jour, elle allait de nouveau pouvoir entendre sa voix, elle allait de nouveau voir son sourire et elle allait pouvoir être de nouveau dans ses bras.

En attendant que tout cela se passe, Mary vivait sa vie, espérant retrouver n'importe quelle personne - à condition qu'elle lui soit amicale - de son passé. Alors forcément, quand on lui avait parlé de certains portraits, présent dans une exposition, Mary n'avait pas hésité à s'y rendre. Ce visage lui ressemblait peut-être, ce n'était peut-être pas le sien - ce monde semblait héberger de nombreux visages jumeaux, même s'il n'y avait aucun lien de parenté entre toutes ces personnes - mais elle devait voir cela de ses propres yeux. Curiosité ? Ou espoir, sans doute vain, de retrouver une personne de son monde ? Mary n'en savait rien, mais elle voulait y aller.

À peine l'avait-elle appris que, déjà, elle s'était mise en route et était arrivée le plus vite possible. Elle avait pris le temps d'observer les quelques tableaux qui se trouvaient près de l'entrée - ne voulant certainement pas se précipiter, par crainte d'être déçue. Les premières peintures ne lui évoquaient rien. Ni les visages, ni les paysages ne lui étaient familiers. Alors, elle avait continué, continuée jusqu'à ce que ses yeux se posent sur des choses plus familières. Après avoir observé une ou deux peintures, c'est un visage qui lui était apparu. Un visage familier. Très familier. Un visage qu'elle rêvait de revoir depuis ce qui lui semblait être une éternité. François... François était là. Quelques mètres les séparés. Le cœur de la brune se mit à battre de plus en plus vite, ses yeux s'emplirent de larmes de joie, de soulagement et un immense sourire se dessina sur son visage. Pourtant, elle était là, immobile, incapable de bouger durant un court instant. « François ! » Lâcha-t-elle enfin, assez fort pour que celui qu'elle aimait l'entende, pour qu'il puisse tourner les yeux vers elles. Et sans vraiment s'en rendre compte, elle avait commencé à s'avancer vers lui.

Les tableaux exposés ici étaient tous magnifiques, mais Mary n’en reconnaissait aucun. En tout cas, elle n’avait reconnu aucun des premiers tableaux. Seules certaines peintures avaient su attirer son attention. Une attention qui s’était rapidement portée sur tout autre chose. Sur un visage en particulier. Un visage bien réel. Un visage qui était souvent apparu dans ses rêves, dans ses souvenirs. Un visage qu’elle n’avait pas vu depuis si longtemps. François. Son François était là. L’homme qu’elle aimait. L’homme qu’elle avait longtemps pleuré. Ce monde avait enfin choisi de les réunir pour le plus grand bonheur de l’ancienne reine. 

Si, en voyant ce visage, la jeune femme n’avait pas réussi à bouger durant un instant, elle avait finalement réussi à prononcer le prénom de son épou. Elle avait finalement réussi à faire quelques pas en sa direction. Mais c’est François qui avait brisé le vide qui les séparait l’un de l’autre. En entendant son prénom, ce dernier s’était mis à avancer d’un pas rapide en direction de celle qui avait partagé sa vie à la cour de France. Mary ressentit quelque chose d’étrange lorsque François l’avait serré contre lui. Lorsqu’il avait prononcé son prénom. Elle avait ressenti une sorte de soulagement. Elle savait que sa vie dans ce monde allait être différente maintenant qu’il était là. Qu’il était bon de sentir les mains de François sur son visage. Qu’il était bon de le voir pour de vrai. Qu’il était bon de le savoir là, avec elle. « Oui… Oui, c’est bien moi. » Affirma-t-elle alors que les larmes de joie, qui avaient envahi ses yeux un peu plus tôt, coulaient désormais. « J’avais peur de ne jamais te revoir, moi aussi. » Même si, dans ce monde, les morts avaient tendance à revenir à la vie. Mary en était la preuve. Elle était morte, pourtant, elle était là aujourd’hui. Ce monde lui avait offert une seconde chance. Et elle en avait également offert une à François. « Tu m’as tellement manqué François. Si tu savais combien de fois, j’ai rêvé ce moment, depuis ces cinq dernières années. » Parce que Mary était là depuis cinq ans elle. Et en cinq ans, elle avait toujours espéré le retrouver. Elle avait toujours rêvé de ce moment. En cinq ans, elle avait perdu espoir, mais jamais elle n’avait cessé d’espérer. François était tout pour elle. Vivre cette nouvelle vie sans lui, lui était impossible.

Enfin, ils étaient de nouveau réunis. Après cinq années loin de l’homme qu’elle aimait, la ville avait enfin décidé de les réunir. Mary s’était toujours demandé comment allaient être leurs retrouvailles. Elle s’était imaginé mille scénarios, mais celui-ci était le meilleur. Celui-ci n’avait pas la même saveur. Uniquement parce que, si elle savait que ces retrouvailles allaient être un véritable bonheur, elle préférait la réalité à l’imaginaire. De nombreuses fois, elle s’était demandé comment elle pouvait faire pour le retrouver. De nombreuses fois, elle s’était demandé si elle ne devait pas faire quelque chose de particulier pour avoir le droit de goûter au bonheur d’être de nouveau près de lui. Des milliers de questions lui avaient déjà traversé l’esprit. Elle venait de le retrouver et elle n’avait pas plus de réponses, pourtant, maintenant, cela n’avait plus aucune importance, puisqu’il était là.

François avait raison. Peu importe le monde, peu importe les années passées, peu importe les épreuves… Ils allaient toujours se retrouver. Leur destin était intimement lié. Il n’y avait pas un monde, pas une vie, dans laquelle ils ne finissaient pas par être réunis. Ces retrouvailles en étaient la preuve. D’un signe de tête, toujours souriante - et toujours avec ses larmes de joie coulant le long de ses joues, même si François tentait de les chasser - Mary avait confirmé que toujours, ils se retrouveraient. Et cela, pour elle, était un immense soulagement.

Cinq ans. Oui, Mary était enfermée dans ce monde depuis cinq longues années maintenant. Au vu de la réaction de François, Mary pouvait facilement deviner que lui, faisait partie de ces nouveaux arrivants. Ceux que la lune avait envoyés ici quelques mois plus tôt. Elle n’avait jamais su si toutes ces histoires étaient vraies, mais maintenant, elle en avait la preuve. François était sa preuve. L’ancienne reine n’eut pas le temps de répondre, puisque son époux ajouta qu’ils avaient certainement des choses à se dire. En effet, ils avaient des tas de choses à se dire. Mary, en tout cas, avait des tas de choses à lui raconter. Tant des choses concernant leur monde, sa vie après la mort de François, que des choses concernant ce monde, ses années passées ici. « D’accord. Je t’attends ici. » Répondit-elle simplement, un sourire aux lèvres. Même si elle avait envie de passer tout son temps à ses côtés, même si elle ne voulait plus le lâcher une seconde, elle craignait de devoir lui avouer certaines choses. François allait certainement comprendre certaines d’entre elles, mais malgré tout, il n’est pas simple d’avouer certaines choses à l’homme que l’on aime. Après la mort de François, Mary avait fini par refaire sa vie, elle avait même fini par se remarier et elle avait eu un enfant. Et dans ce monde, elle avait fait quelques erreurs. Pour se protéger et pour protéger son fils, elle avait agi sans véritablement réfléchir.