tw: idées noires, pulsions suicidaires et tentative de suicide.

2022.

Tu ne savais plus du tout comment tu l’avais appris. Il faut dire que tout ce qui entourait cette période était assez brumeux dans ton esprit, comme si ton cerveau cherchait à te protéger de ce passé trop difficile à surmonter. Parfois tu voulais t’en rappeler, du moins essayer de t’en souvenir en ayant cette terriblement sensation de creuser dans ton cerveau avec une pelle. Mais ta cervelle ne voulait rien savoir. Tu devais visiblement rester dans l’ignorance pour le moment. Qu’est-ce que cela changeait de toute manière ? Albus n’était plus là. Te souvenir des événements ne le fera pas revenir. Alors, puisque ton cerveau te soustrayait à tes souvenirs, tu eus ce mécanisme morbide d’en créer d’autres si affreux qu’il tordait douloureusement ton estomac et serrait ta gorge au-delà du raisonnable. Tu en devenais presque fou d’imaginer Albus là, seul, en détresse entre les mains de Voldemort qui devait lui infliger dieu seul sait quoi comme souffrances abominables. Tu avais envie de crier, parfois, tant ça te faisait mal. Tu étais terriblement en colère contre la terre entière, mais surtout contre toi-même de n’avoir pu strictement rien fait pour empêcher ça. Malgré tes mises en garde et suspicions qui passaient pour de la jalousie, Albus avait été tellement entêté alors que tu savais que l’homme qui lui tournait autour était néfaste. Parce qu’il avait la même aura, la même odeur pestilentielle de fausse bienveillance, d’intérêt artificiel pour lui que Delphini. Tout chez Tom Jedusor puait le faux comme tout chez Delphini puait la traitrise. Père et fille avaient le même talent — celui de la manipulation subtile et la prise de plaisir dans cette dernière. Alors Albus n’avait rien vu. Tout comme tu n’avais rien vu malgré ta méfiance qui relevait presque du don naturel chez toi. Drago n’avait pas compris ce revirement de comportement chez toi — habituellement solaire, tu t’étais ensuite caché derrière la lune pour profiter de ses ténèbres et y pleurer en silence. Tu ne parlais plus, ne te divertissais plus, ne sortais plus et chacune de tes interactions avec ton père débouchait sur des disputes interminables. Tu lui avais dit des horreurs. Lui aussi. Et aucun de vous n’avait été capable de faire un pas vers l’autre pour s’excuser — la faute de cette foutue fierté mal placée et de ce côté pédant si cher à votre famille. L’isolement était la meilleure solution que tu trouvas. Drago avait beau te tendre des perches pour te confier, à sa manière, tu refusais pourtant de les saisir. Mais pas qu’avec lui. Tu ne voulais pas te confier, qu’on prenne pitié de toi et qu’on ne te réduise plus qu’à cela — le pauvre petit Scorpius qui avait perdu son amoureux. Au contraire, tu voulais te battre, foutre le feu au monde. Tu ne voulais pas que qui que ce soit tente d’éteindre ou de réprimer ta fureur parce que « ça n’est pas bon pour toi », « ne fais pas de vague » ou pire « Albus n’aurait pas voulu ça. » C’était déconcertant pour tout le monde, mais aussi pour toi, parce que tu n’avais jamais ressenti une telle fureur bouillir au fond de tes entrailles.

Personne ne pouvait comprendre, pas même ton père, ô combien il était douloureux de vivre sans celui qui partageait ta vie depuis que tu avais onze ans, d’abord en meilleur ami, puis en fiancé. Tu n’aurais pas pu survivre à Poudlard sans lui. Tu n’aurais pas pu survivre tout court en réalité. Tu étais si timide, si peureux, si gentil, trop peut-être, que tu te serais fait manger par les autres de ta promotion et aurais été le souffre-douleur de tout le monde sans Albus. Vous vous étiez toujours protégés mutuellement, toujours motivés, soutenus. Tu n’étais pas dans l’exagération quand tu disais avoir perdu un bout de toi, un morceau nécessaire à ta survie, un membre vital à la disparition d’Albus ou pire encore quand tu expliquais qu’une partie de toi était morte avec lui et que jamais plus tu ne retrouverais ta pleine gaité d’antan. Tout ceci, tu le confiais au carnet magique qui buvait tes paroles manuscrites à peine furent-elles couchées sur le papier. Ça faisait un bien fou sans que ce soit totalement libérateur. En effet, tes nuits étaient faites d’insomnie et de pleurs tandis que tes jours, c’était de la survie pure. Mais au bout d’un moment, le corps ne suivait plus, encore plus avec le carnet qui avait un effet dévastateur sur toi. La douleur était tellement quotidienne et diffuse que tu ne la sentais même plus. Depuis longtemps. Tu végétais, te muais de plus en plus en un zombie qui fonctionnait mécaniquement jusqu’à ce que de nombreuses idées noires viennent parasiter ce fonctionnement robotique. A qui bon rester ici ? À quoi bon mener une existence d’apparence et sans saveur ? À quoi bon subsister sans lui ? Bien des êtres vivants craignaient la mort, mais pas toi. Quand tu y pensais, tu l’imaginais douce et salvatrice. Tu rejoindrais Albus, la seule chose que tu désirais ardemment depuis qu’on te l’avait arraché injustement. Tu souriais même quand tu réfléchissais à tout ça, au fin fond de ton lit. Et forcément, une pulsion suicidaire en entrainant une autre, poussée par le carnet, elle s’imposa comme l’unique solution dans ton cœur. Tu n’en pouvais plus de pleurer. Tu n’en pouvais plus de ressentir cette douleur lancinante et insurmontable qui piquait ton cœur.

L’observatoire semblait le lieu idéal — en dehors de son architecture sublime, il était le bâtiment le plus haut que tu avais trouvé, te garantissant automatiquement une chute sans possibilité de survie. Au départ tu allais bien, tu étais même très serein à l’idée de mourir dans quelques minutes à peine. Pourquoi avoir peur alors que tu allais rejoindre Albus ? En revanche, tu étais bien moins confiant à mesure que tu gravissais les escaliers de la bâtisse, encore moins lorsque tu te retrouvais sur le toit plat. Tu avais peur. Vais-je avoir mal ? Tu sentais ton estomac se tordre en t’approchant du bord. Et si je me loupais ? Et si je mourais pas ? Tu tremblais sous l’angoisse. Et si je meurs, papa va se retrouver tout seul… Tu avais envie de pleurer. Et Aelita ? Et Queenie ? Je peux pas leur infliger cette peine… Malgré tout, tu montais sur le rebord. Un vague vertige te parcourut quand tu te penchais un peu pour voir la distance qui te séparait du sol. Tu avais envie de vomir. Je peux pas leur faire ça… Désolé pour eux, mais ton amour pour Albus était plus fort que tout le reste. Personne ne pouvait te sauver. Parce que tu ne voulais pas être sauvé. Tu avais pris ta décision et elle était irrévocable malgré les tourments qui te traversaient. Avant de sauter, tu appréciais une dernière fois le coucher de soleil, voyant l’astre de feu décliner à l’horizon et darder le ciel de ses rayons orangés. Tu appréciais une dernière fois cette bourrasque qui caressait ton visage et fit virevolter tes mèches blanches. Tu avais même l’impression que c’était Albus qui caressait ton visage ou ta mère… Tu ne pouvais que les rejoindre. Tu prenais alors une dernière bouffée d’air frais, t’apprêtant à te jeter dans le vide. Ca y est, c’est la fin…, Mais quelque chose, des bruits de pas en l’occurrence, te coupait dans ton élan. Tu poussais un profond soupir d’exaspération. « Putain, on peut pas se suicider tranquille ?! » Tu avais le même ton sec et dédaigneux de ton père quand tu disais ça et ça te surprenait autant que ton langage fleuri. Pardon pour cette personne, mais ça n’était vraiment pas le bon moment pour te déranger. D’ailleurs, tu tournais brièvement ta tête pour voir à qui tu avais à faire. Tu étais sacrément décontenancé en voyant ce type dans un costume intégral bleu et rouge. « Mais qu’est-ce… ? Mais qu’est-ce que tu fous là-dedans ? C’est quoi cette blague ?! » Tu étouffais un rire jaune et te surprenais encore en entendant ô combien tu étais froid, piquant et agressif. Ça ne te ressemblait tellement pas ! Mais tu voulais juste sauter, toi. Et ça t’agaçait qu’un type bizarre, sorti de nulle part, vienne perturber ton emploi du temps calculé à la seconde prêt. « Casse-toi, laisse-moi ! J’ai des choses à faire ! » Sanglotant, tu lui fis signe d’un geste de la main de partir tout en te tournant à nouveau vers le vide.