Nagini est nerveuse, et la nervosité ne lui fait jamais grand bien. Toute émotion trop grande peut avoir des conséquences néfastes. Malheureusement, en avoir conscience ne l’aide pas à les contrôler, et la situation ne s’est guère arrangée depuis que son chemin a croisé celui de celui dont elle a emprunté le nom sans pour autant savoir qui il était réellement. A plus d’une reprise, elle s’est cherché l’une ou l’autre excuse qui lui offrirait de se soustraire à cet impératif qu’elle réalise avoir accepté trop légèrement quand elle aurait plutôt dû faire profil bas ou refuser tout net. Jacob ne ferait jamais rien la concernant sans avoir son plein consentement, Nagini le sait, et pourtant, elle s’est contentée de hocher la tête, et sans doute a-t-elle-même souri, comme une approbation silencieuse de ce dont, déjà, elle ne se réjouissait pas le moins du monde. Elle sait qu’il prend à cœur le fait de l’aider, et elle ne peut prétendre ne pas être touchée, car au fond, personne n’a jamais fait cela pour elle. On a souvent exploité sa malédiction, jamais, ô grand jamais, on n’a en revanche envisagé de la résoudre. Le seul qui, avant Jacob, l’avait considérée dans toute son humanité (ce qui avait rendu son rejet, plus tard, plus violent encore) avait eu ce mérite de l’accepter pour tout ce qu’elle était, comme elle-même acceptait pleinement la malédiction dont lui-même était affligé, mais Credence tout comme elle s’étaient considérés comme condamnés et avaient admis qu’il n’y avait rien à faire…
Auprès de Jacob, Nagini nourrit un sentiment complexe car elle le sait dangereux, au-delà de ce qu’elle éprouve de plus en plus sûrement pour lui. Elle sent poindre en elle un espoir d’autant plus nocifs qu’il a les meilleures chances du monde d’être déçu. Non, elle ne devrait pas accepter de rencontrer Newt Scamander. Elle devrait se résoudre… Ou encore, elle devrait partir, comme elle avait dit qu’elle le ferait, comme une manière de protéger enfin Jacob comme elle ne le fait pas assez… Peut-être, aussi, devrait-elle accepter une bonne fois pour toutes la main tendue par celui qui fut son maître, quand bien même elle n’en garde aucun souvenir. Ainsi seulement sera-t-elle peut-être enfin libérée de ce poids trop violent qu’elle ressent en son cœur, un fardeau que Jacob, qui a pourtant déjà trop subi, subit aussi en partie, Nagini le sait pertinemment.
Non, elle n’a pas envie d’aller voir Newt Scamander. Elle n’a rien de particulier contre lui, pourtant – il faut dire qu’en fin de compte, elle le connaît à peine –, et elle sait qu’il saura faire preuve à son égard d’une bienveillance dont ne seraient pas capables beaucoup d’autres, mais ce n’est certainement pas pour autant qu’elle est ravie, au moment de quitter la maison qu’elle partage avec Jacob, de rejoindre la demeure du magizoologiste. Elle laisse peser sur eux, d’ailleurs, un silence des plus oppressants tandis que leurs pas les mènent jusqu’à l’adresse indiquée. Alors que quelques mètres seulement les séparent du perron, Nagini, par réflexe, saisit la main de Jacob dans la sienne, sans doute trop fort, beaucoup trop fort, comme une manière de garder prise sur quelque chose, et plus encore de s’assurer son soutien dans ces circonstances qui la dépassent et lui déplaisent.
Le temps suspend son envol tandis qu’elle attend que Newt vienne leur ouvrir. Quand elle le voit dans l’encadrement de la porte, elle peine à ne serait-ce que lui adresser un sourire, et plus encore à dire ne serait-ce qu’un seul mot.
« Bonsoir… »
Elle devrait peut-être ajouter qu’elle est contente de le revoir, mais elle n’est pas certaine de l’être. Ou bien le remercier du temps qu’il accepte de lui consacrer, mais elle n’est pas convaincue non plus de vouloir manifester une telle gratitude. Alors, pour la peine, elle se contente de se taire.
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Dim 15 Mai - 20:17
À force de discussions avec Albus et Nagini, Jacob s’était rendu à l’évidence : Nagini ne pouvait être sauvée de l’inévitable qui la guettait. S’accommoder de cette réalité cruelle ne signifiait pas qu’il l’acceptait, loin de là. Elle le déchirait en deux, le minait même encore plus — la faute de ces sentiments de plus en plus prégnants en lui. Nagini finirait par lui échapper comme Queenie. Mais dans le cas de la maledictus, elle aurait aimé que la situation soit tout autre alors que la blondinette avait eu le choix. Il savait au fond de lui qu’il était injuste envers la sorcière qu’il aimait encore, à son plus grand regret, mais l’amertume était en train de prendre le pas sur tout. Jacob tentait de faire l’impasse comme il le pouvait sur le futur de Nagini, mais le soir, il était rattrapé par ses angoisses les plus profondes au point de le plonger dans des nuits d’insomnie. Toutefois, cette résignation quant à l’état de Nagini ne lui retira pas l’envie sincère de l’aider ou du moins de la protéger. Comme Albus Dumbledore lui avait expliqué, sous sa forme de serpent, la maledictus appartenait à quelqu’un et ce quelqu’un se moquait pas mal que Nagini enchaine les phases humaines et serpent : elle restait dans tous les cas sa possession. Alors, Tom Jedusor viendrait la chercher coûte que coute et gare à celui qui viendrait se mettre entre lui et elle — Lord Voldemort avait la gâchette facile, mais encore plus lorsque son horcruxe entrait dans l’équation. Une raison de plus pour laquelle il fallait mettre Nagini au plus vite en sécurité : le Seigneur des Ténèbres fera tout pour défendre son morceau d’âme logée en elle. Il y avait aussi une autre menace qui planait sur la jeune femme et à laquelle peu de personnes avaient pensé. Autant dans le clan de Dumbledore que ceux indépendants qui voulait la mort Voldemort, tous ceux qui connaitront la véritable nature de Nagini voudront l’anéantir. Et ça, Jacob n’était pas prêt du tout à une telle éventualité. Accepter qu’elle devienne un serpent pour l’éternité était une chose, mais qu’elle soit sacrifiée afin que son maître soit annihilé définitivement ? Il ne voulait même pas y penser. Il ne pouvait physiquement pas y penser. La seule fois où il l’avait fait… Il avait été dans un état épouvantable pendant de nombreux jours sans qu’il puisse explique à Nagini la raison de son état. Sa protection était donc devenue sa priorité et il pensait que Newt, son ami de toujours et avec lequel il avait déjà parlé d’elle, était la personne adéquate pour cela. Il laissait à Albus Dumbledore et à toute autre personne du même niveau que lui (c’est-à-dire très peu) la tâche de gérer le cas Jedusor. Newt et lui se concentreraient sur la sécurité de l’horcruxe en attendant de trouver mieux.
Il n’avait pas osé parler tout de suite de son idée à Nagini. Jacob ne voulait pas qu’elle croie qu’il la pensait incapable de se défendre ou même qu’il minimisait son pouvoir de nuisance. C’était d’ailleurs très loin d’être le cas. Mais puisqu’on lisait en lui comme un livre ouvert dès qu’il était préoccupé, il avait fini par cracher le morceau et lui parler de Newt qui était au courant de sa condition. Jacob avait très bien remarqué qu’elle avait accepté à contrecœur, peu emballée par l’idée. Puisqu’il ne voulait la forcer à rien, il n’avait donc pas pu s’empêcher d’ajouter, avec la même douceur dont il avait toujours usité avec elle. « Écoute, on va juste lui rendre visite et voir ce qu’il nous propose. Et si jamais tu veux vraiment pas ou que ça t’emballe pas du tout… On trouvera autre chose, Nagini. » Lui aussi lui avait offert un maigre sourire et, protecteur, toujours aussi respectueux avec elle, il avait déposé un baiser contre son front. Tout ce qui lui importait, c’était que Nagini se sente soutenue et surtout pas seule dans cette épreuve, comme Albus Dumbledore lui avait recommandé de le faire. Tom Jedusor aurait des armes plus puissantes pour l’isoler et se montrer comme l’unique solution pour Nagini alors ce n’était définitivement pas le moment de la laisser tomber. Une idée qui ne viendrait jamais à l’esprit de Jacob en dépit du danger de toute façon.
Les voilà hors de chez eux en direction du domicile de Newt. Jacob avait respecté le vœu de silence de son amie sans chercher à forcer la conversation même si ce mutisme l’inquiétait. Il arrivait malgré tout à rester à l’écart, à ne pas être lourd. Sinon, il craignait trop d’éveiller les démons de Nagini et avait peur que la situation dérape si elle se transformait sans qu’il ne puisse faire quoique ce soit. Heureusement, tout le trajet se passa bien. Il s’était contenté de lui jeter des coups de temps à autre et de lui offrir des sourires réconfortants les quelques fois où leurs regards s’étaient croisés. Devant le perron de chez Newt, Jacob fut fort surpris quand Nagini lui prit aussi subitement la main. Il ne put d’ailleurs s’empêcher de regarder leurs mains enlacées pour avoir la confirmation que ce n’était pas une hallucination de son esprit. Ce geste avait beau être le plus anodin du monde, il réconfortait Jacob d’une certaine façon et lui réchauffait le cœur, le faisant même battre un peu plus vite — une sensation très loin de lui déplaire et qui devenait de plus en plus fréquente ces derniers temps. Il serrait sans aucune hésitation sa main en retour, la caressant même discrètement avec son pouce. Il se servait de cette énergie qu’il le galvanisait pour donner un peu de son courage à Nagini. « Ca va aller, je te promets. » Il aurait aimé baiser le dessus de sa main en plus, dans un élan galant, mais voilà que la porte s’ouvrait devant eux. Jacob saluait son ami avec sa main libre, car hors de question de lâcher celle de Nagini maintenant qu’il l’avait. « Salut, Newt. Voilà Nagini, celle dont je t’ai parlé plusieurs fois… Tu l’as déjà vu quelquefois chez nous de toute façon. C’est gentil de ta part de nous recevoir. » Le sourire de Jacob était nerveux, se tordant un peu.