My Lord and Master [Tom]

Alors que Tom se trouvait dans une pièce annexe de sa boutique, ses serpents le fuyaient. Leur échappé était si précipité qu’il n’était pas rare de les voir ramper les uns sur les autres pour trouver une cachette le plus rapidement possible. Les plus jeunes et les plus petits étaient les grands perdants de cette course paniquée. Fort heureusement pour eux, ils arrivaient tous à trouver une cachette de choix — certains se dissimulaient sous des plantes pour se faire oublier, d’autres étaient retournés fissa dans leur vivarium qu’ils partageaient à l’occasion avec des reptiles qui n’avait pas l’habitude de se trouver là, mais qui n’avait pas eu le choix dans l’empressement. Le plus notable dans ce désordre était surement cette fratrie de crotales diamantins qui s’était empilée sur elle-même. Ils tremblaient tellement de peur que leur sonnette sifflait désagréablement et en écho dans la partie de la serre où ils s’étaient repliés. Seuls le boa constricteur et l’anaconda avaient trouvé le courage nécessaire de rester aux côtés de leur maître et de s’enrouler autour de ses chevilles et de sa jambe dans une vaine tentative d’apaisement. Une question restait néanmoins en suspens : qu’est-ce qui avait valu un tel vent de panique au sein de la communauté serpentine qui vivait là ? Et bien, leur maître avait cédé à un violent accès de colère, hurlant de tout son souffle sa rage tandis qu’il balayait la totalité des objets disposés sur la table d’un revers brutal de la main. Il s’était ensuite tapé la tête avec une force folle au niveau des tempes avec ses mains avant d’empoigner ses cheveux. Il avait l’impression qu’ainsi, cela réveillerait les moindres détails de son apprentissage à Poudlard, mais qu’en plus cela canaliserait sa colère. Sans surprise, ça l’avait empiré. Au point qu’il manquait de souffle. Parce que rien ne s’était révélé à lui. Pas d’illumination. Que dalle. Voldemort récupérait ensuite un des livres qu’il avait violemment jetés à terre et parcourait ses pages avec frénésie. En réalité, Tom Jedusor était paniqué. Et la source de cette épouvante n’était nulle autre que sa mère, Merope. Il l’avait rencontré par hasard, dans une faille connectée à ce monde. Et en croisant celle qui lui avait donné la vie, une nouvelle peur s’était ajouté à celle de mourir : celle de la recroiser en ville et qu’elle l’enchante avec une version modifiée de l’amortentia, pour qu’il l’aime comme un fils se devait d’aimer sa mère. Sa paranoïa grimpante et dominant sa raison, il ne voyait que par ce potentiel piège une façon pour Merope de le contrôler. Ayant échoué avec le père, pourquoi ne retenterait-elle pas la manœuvre avec le fils, après tout ? Puisqu’il n’en était tout bonnement hors de question, Tom farfouillait à nouveau dans sa mémoire et dans ses livres à la recherche d’une contre potion pour éviter ce fâcheux problème. Il ne trouvait rien. Son angoisse engendra alors de la colère et de la frustration et ses deux sentiments étaient loin d’être mère de tempérance chez Tom Jedusor. Le second feuilletage de l’épais grimoire ne menant à rien, il évacuait sa rage en le fermant d’un geste sec avant de frapper avec cruauté l’anaconda et le boa qui s’étaient enroulés autour de ses jambes au niveau de leur tête. « Disparaissez ! Hors de ma vue ! » vociférait-il en fourchelang. Les deux géants s’enfuyaient immédiatement après avoir reçu plusieurs coups violents dans un sifflement plaintif. Agressif, Tom jetait à nouveau le livre au sol maintenant qu’il se retrouvait seul. Il faisait les cent pas, soufflant comme un bœuf à la recherche d’une solution…

… Puis aussi soudainement qu’il s’était emporté, il se calma. Nagini. En raison du lien profond qui les unissait, il avait pu capter sa venue avant même qu’elle soit aux abords du quartier de Lockwood Hill. Aussi étrange que cela puisse paraitre, il n’y avait qu’auprès d’elle qu’il arrivait à garder un calme tout relatif puisque c’était la seule créature qu’il consentait à traiter un tant soit peu décemment. Leur connexion allait même au-delà du lien créateur-horcruxe — Voldemort comptait dans ses rangs beaucoup de fidèles très qualifiés, mais aucun n’était du niveau de Nagini et en aucun il n’accordait un tel niveau de confiance. Tom était très loin de considérer Nagini comme son égale, mais dans la hiérarchie de son organisation, elle était au-dessus des autres et donc elle bénéficiait d’un léger traitement de faveur. Sentant qu’elle approchait de plus en plus, il s’évertuait à retrouver un certain contrôle de lui-même en prenant notamment une grande bouffée d’air frais. Se regardant dans le reflet d’une des fenêtres de la serre, il veillait à replacer ses cheveux correctement ainsi que ces vêtements pour entretenir cet idéal de perfection qu’il convoitait depuis qu’il avait retrouvé son physique de jadis. C’était également une manœuvre pour que Nagini ne se doute pas de la tempête qui venait d’avoir lieu entre ces murs, qu’elle ne s’angoisse pas et qu’elle ne pose pas de question à ce sujet. D’ailleurs, d’un coup de baguette, il arrangeait le désordre dans la pièce. Livres, plantes et morceaux de meubles et de vitres en tout genre volaient autour de lui pour retrouver leur place initiale. Comme si de rien n’était. Pile au moment où Nagini passait le pas de la porte de la boutique. Remarquant sa présence, la nervosité des serpents se dissipait, parce que leur reine les rassurait. Ils savaient qu’à l’instant où elle se présenterait à leur maître, il ne s’emporterait pas. Encore moins à cause des raisons qui ont motivé son récent accès de colère — hors de question que Nagini sache pour Merope. Quand elle mit un pied dans l’annexe de la boutique et qu’elle l’appelait, Lord Voldemort sortit de l’ombre d’une plante grasse aux feuillages larges et épais. « Ma chère Nagini. » Si sa voix était sifflante parce qu’il s’adressait à elle dans la langue des serpents, elle n’en restait pas moins effroyablement doucereuse. La tendresse (?) étrange qui se dégageait même de ses propos rendait le tout encore plus terrifiant. « Ne me remercie pas. J’aurais toujours du temps à t’accorder et tu le sais. » Il y avait probablement un fond de sincérité dans ses paroles en vertu de la forme d’attachement qu’il nourrissait pour elle. Toutefois, en présence d’un sociopathe dans son genre, il ne valait mieux pas prendre cela pour argent comptant. Tout n’était qu’histoire d’intérêt, surtout avec les propos que Nagini avançait ensuite. « J’ai récemment fait quelques découvertes dont il me paraissait essentiel de vous informer. » Il plissait les yeux, la toisant du regard. Sa curiosité était immédiatement piquée. L’adrénaline battait à plein poumon dans ses veines. Enfin du nouveau. Avait-elle retrouvé Harry Potter ? Scorpius Malefoy ou un autre des membres de sa famille traitresse ? Avait-elle une piste dans la quête d’un de ses précieux objets perdus ? Ou alors se décidait-elle enfin à se confier sur la nature de ses angoisses ? Impatient, il ordonnait sèchement, toujours en fourchelang. « Parle. Je t’écoute. » Il espérait que les nouvelles soient bonnes pour une fois puisque le Seigneur des Ténèbres enchaînait plus d’échecs que de victoires depuis plus d’un an.