Un rencard qui tourne au cauchemar

feat Sam Witwicky

Tu serres les dents tandis que Mutt s’emporte contre toi. Non, tu ne le prends pas pour un con, mais tu t’inquiètes pour lui, tu n’as pas envie d’aller voir la police si c’est pour qu’il se retrouve à avoir des problèmes lui. Mêler la police à tout ça une fois de plus, c’est le risque que Mutt accuse les conséquences de son faux témoignage, et c’est ce que tu veux éviter. C’est pour ça que tu lui demandes ce qu’il est allé raconter exactement, pour savoir à quoi t’en tenir et mesurer les risques. Mais au lieu de répondre à ta question, tu… t’en prends plein la gueule. T’as l’impression que c’est toi qui t’en prends plein la gueule, en l’occurrence, comme si t’étais pas capable de savoir ce que Mutt traverse. T’étais pas en train de remettre ses raisons en question, c’est ses actes que tu discutais. Tu ne peux pas prétendre que la situation n’est pas grave alors qu’elle l’est. Tu te fais un sang d’encre pour lui, et t’as l’impression d’être traitée en retour comme une gamine pourrie-gâtée qui ne comprend rien à la vie et qui n’a pas de vraies bonnes raisons de croire que faire un faux témoignage à la police pourrait coûter cher à ton meilleur ami.

"Moi je m’en fous ?" tu t’agaces en retour. "Moi je peux pas comprendre ? C’est toi qui te fous de ma gueule, là…" Tu passes une main agacée dans tes cheveux roses. Toi aussi t’as les larmes aux yeux. Tu te sens infantilisée, et c’est peut-être mérité, parce que tu es encore bien jeune, mais en même temps, t’essayais justement d’être responsable. D’accord, t’as été injuste envers lui dans tes messages, t’as mal agi sous l’effet de la panique, mais là, tu voulais juste prendre la mesure de la situation. Mais résultat des courses, tu te fais fustiger de tous les côtés. Et le pire, c’est que Sam en ajoute de tous les côtés. Putain, mais pourquoi tu restes seulement là s’ils ont ce regard là sur toi, s’ils pensent vraiment que tu peux comprendre. "C’est sûr que j’ai jamais été harcelée en cours vu que j’y suis jamais allée, j’étais juste la fille bizarre qui avait zéro amis parce que personne voulait la fréquenter." Des amis, il a fallu attendre Isla nublar pour t'en faire, et encore, au début, aucun d'eux ne t'appréciait vraiment. "Et sérieusement, tout le monde m’aime avec tous mes followers ? Tu sais combien de commentaires haineux je reçois par jour ? Y a pas une journée où je me fais pas traiter de salope dans mes commentaires, où je me mange pas des putains de commentaires sexistes, des menaces à la con ou des commentaires obscènes de connards qui m’envoient non stop des photos de leur bite…" Quand t’es en colère, tu t’exprimes vulgairement, mais là aussi, t’aimerais bien qu’on te comprennes. "J’avais quatorze ans quand un type a commencé à me stalker, à menacer ma famille, on a déjà dû déménager trois fois et…" Tu te reprends. "Vous avez pas le droit de me dire que je comprends pas."

Tu essuies tes larmes d’un revers de la manche. C’est pas ce que tu voulais, tu voulais pas jouer les victimes, t’en es pas une. Les vraies victimes dans ces circonstances, c’est eux, pas toi.

"Désolée, j’aurais pas dû m’emporter. Ça me fait juste mal que vous ayez ce genre d’image de moi…" Tu prends une grande inspiration, revois le sens de tes priorités. "Je voulais pas minimiser ce que vous avez vécu, je voulais juste… Je voulais savoir ce que tu avais dit parce que si on va à la police maintenant et que ça te revient dans la tronche, alors on a rien gagné. J’en donne peut-être pas l’impression, mais je veux vous protéger."

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Un rencard qui tourne au cauchemar

feat Sam Witwicky

Tu serres les dents pour te retenir de répliquer à Mutt qu'il ne t'a écoutée qu'à moitié et qu'il n'a entendu que ce qu'il voulait entendre quand il affirme que tu ne manques pas d'amis, ce qui est vrai, mais ce n'est pas ce que tu as dit. Tu as dit que tu n'en avais pas avant et que ça avait rendu ta propre adolescence difficile. Mais tu as le sentiment que ta propre expérience sera constamment invalidée par tes propres interlocuteurs, et tu répugnes presque d'avoir à justifier le fait d'être capable de les comprendre, comme si tu hiérarchisais vos traumas respectifs, comme si c'était un concours, alors que jamais tu ne te permettrais, pourtant, de remettre en question ce que Mutt a vécu, pas plus que ce que Sam a subi. T'avais juste eu envie de leur faire comprendre que tu pouvais te mettre à leur place, c'est tout, que tu n'étais pas contre eux et avec eux. C'est pour ça que tu te permets de parler de toi, et tu t'en veux un peu dans le même temps parce que tu ne te sens pas vraiment légitime à ainsi exposer tes failles et faiblesses comme tu es en train de le faire... Tes problèmes passés ou présents sont sans la moindre importance en comparaison de ce que subissent ce à qui tu tiens, et tu regrettes très vite ton égoïsme, mais au moins, c'est dit.

Tu t'en veux parce que t'as pas cherché à ce qu'on te réconforte, t'as juste du mal à savoir être une bonne amie, ou même une bonne petite amie, là, tout de suite. Malgré tout, quand Mutt vient te prendre dans ses bras, quand Sam complète votre étreinte, ça te fait du bien, et ça t'extirpe même un fin sourire, qui n'est sans doute pas de refus dans ces circonstances assez chaotiques. Tu laisses le temps couler sur vous un petit moment, et tu dois admettre que ça te fait du bien, l'air de rien. Vous êtes tous sous tension, ça n'aide pas. Tu ris doucement quand Sam, encore à l'ouest, remarque que ce bon vieux Freud aurait sans doute un paquet de choses à dire sur la question. Tu t'écartes, ça te fait du bien.

"Désolée, je voulais pas monologuer sur moi. Je vous en ai pas parlé parce que c'est pas si important..." Sauf que ce n'est pas tout à fait vrai : ce que tu dis, c'est ce dont tu essaies du mieux que tu peux de te convaincre, mais ce n'est pas, en revanche, ce que tu penses réellement, très loin de là.

Tu délègues le sujet pour te concentrer sur ce qui compte véritablement, et ce qui compte, ce n'est pas toi. T'as beau être sérieusement narcissique, parfois, tu le sais bien, et tu veux te montrer digne de la confiance qu'il place en toi en accueillant les confidences de Mutt, qui au passage de déchirent le coeur en mille morceaux. Ce qu'il a vécu est insupportable, insoutenable, et explique aussi de nombreuses choses quant à son comportement. Il a vécu des choses terribles, innommables, et d'une violence inexprimable... inacceptable, surtout... Toi aussi t'as les larmes aux yeux quand tu l'entends parler. Personne ne devrait jamais vivre ce genre de choses, jamais.

"Hey..." Tant pis si on doit considérer que vous vous êtes fait trop de calins pour une journée, tu te diriges vers lui et le gratifie de ton étreinte la plus sincère. "Je suis désolée, sincèrement désolée." Tu marques une pause. "Il va pas s'en tirer comme ça, tu sais. Il t'a fait la misère, mais il a pas encore goûté à la colère de Brooklyn Fairbanks. Je te promets qu'il va payer, et dans les règles de l'art, et quand j'en aurais fini avec lui, il regrettera d'être venu au monde. T'auras plus à t'en faire. Mais en attendant, faut que tu te protèges, que tu voies quelqu'un... C'est en train de te bouffer, je peux pas supporter de te voir comme ça."

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