"- Vous êtes chauds ce soiiir ?" une foule poivrots pleins-aux-as crie "- Vous l'attendiez, le voilà, Angel Dust" Tu tapes dans la main de la danseuse qui descend de la scène et t'ouvre la voie, et lance un regard oblique à celle qui vient de t'annoncer. Elle appelait ça chauffer un public elle? Peu importe. Tout ce que tu avais à faire c'était être fabuleux, comme tous les soirs. Un spot au dessus de toi s'allume, te cramant à moitié la rétine. Tu fermes les yeux. Tu prends une courte inspiration, le temps que la chanson démarre. Ayant laissé suffisamment la musique s'emparer de ton être tu te lances. Tu ne connais que trop bien, les rythmes sensuels, les enchaînements de figures. Et même si ton art est moins précis qu'autrefois, car entravé par ce corps aux pauvres performances, tu restes un artiste manipulant son outil avec savoir.

Cependant au bout de la septième chanson enchaînée sans pause, ton corps commence quelque peu à fatiguer. D'un bond agile, tu clôtures alors ta chorégraphie au pole. Salues ton public euphorique avec un sourire jusqu'aux oreilles, avant de rejoindre ta loge d'un pas décidé. Tu enfiles ton peignoir rouge préféré. Bois une gorgée d'eau avant de sortir un joint de la poche de ton sac et tirer une taf dessus. Assez vite les effets du stupéfiant se font sentir. Tu te sens comme plus léger, comme sur un nuage. La sensation, tu la connaissais par coeur, et pourtant il n'y avait que comme cela que tu te sentais bien. C'était triste. Triste et pathétique. Peu à peu la fumée commence à emplir la pièce, de cette odeur insupportable, et qui pourtant t'enivre. Tu lèves des yeux las au plafond. Ce regard qui en a vu tant. Et puis tu l'entends à nouveau. Alors que ta vue se brouille, tu l'entends, comme s'il était là dans ton dos à te susurrer des insanités. Tu sens sa main imaginaire se refermer sur ta gorge. Une larme roule silencieusement sur ta joue, alors que tu t'étouffes. Pourquoi ? Ce mot t'obsède. Pourquoi maintenant ? IL n'est pas là.

Dans un état de confusion avancé, tu te redresses difficilement. La poitrine complètement encombrée par une pression invisible. C'est une collègue danseuse qui te sors de ta torpeur. "- Angel, regarde ce que j'ai chourré pendant ton show, tiens prends en un peu" Encore passablement troublé par ce qui vient de se passer, tu hoches tout de même la tête, et jette distraitement la liasse de billets dans ton sac. Tu prends une autre taf sur ton joint. Il est tôt encore, la nuit ne fait que débuter. Arborant un sourire et une aura solaire, tu retournes sous les projecteurs avec tes collègues. Le sourire, avant la douleur. Les billets pleuvaient tout au tour de toi. Et si autrefois cette vie te ravissais, aujourd'hui ce n'était plus vraiment le cas. Mais c'est tout ce que tu savais faire, hein ? 

Quelle nuit de merde ! Pourtant elle avait si bien commencé. Le public était chaud et en joie. Tu pouvais te délecter de toute leur attention que tu méritais amplement de toute façon. Enfin ça c'était jusqu'à l'incident. Il t'avait pas raté ce con. La douleur pulsait violemment dans tes côtes. Tu soupires. Enfin tu avais plutôt une bonne résistance à la douleur, avec les balafres à moitié refermées que tu tenais de ton passé. Mais ce n'était jamais agréable non plus. Même si ça avait au moins le mérite de te faire sentir vivant. Enfin c'était pas super glorieux quand même. Le random avait bien de la chance en tout cas que tu l'avais pas eu à portée de dents. Là tu avais la rage, parce qu'en te tapant dessus, il avait mis fin à ta longue nuit de travail. Et moins de travail signifiait moins d'argent dans ta poche. Damn it !

Le pire étant que là ce n'est pas encore ce qui te troubles le plus. Le souvenir si réel de Valentino, la sensation de ses mains enserrant ton cou. Tremblant, tu posas une main sur ta bouche, pour ne pas crier. Tu te mords l'intérieur de la joue avec tant de force que tu t'ouvres. Et un autre pic de douleur. Le goût métallique de ton propre sang te dégouta un peu. Pourquoi ? POURQUOII ?! Tu ne pleures pas, tu n'en as pas l'énergie. Mais tes blessures sales et dont les cicatrices sont fragiles viennent de s'ouvrir en grand. Ce sale con d'abuseur arrivait encore à exercer son contrôle sur toi, alors même que vous n'étiez plus dans le même plan d'existence. Tu avais été sa chose bien trop longtemps. Tu ne comprenais toujours pas comment un simple souvenir pouvait te faire autant de mal. Tu n'avais qu'une envie, te frapper la tête sur le mur jusqu'à ce que tu ne sentes plus rien, plus jamais.

Et bon quel avait été ton premier réflexe en arrivant sur cette île ? Te trouver un autre Daddy, yup. Si ce n'est qu'avec Barty, tu avais au moins l'impression d'avoir le choix, et ça ça faisait toute la différence. Tu avais choisi de passer ton temps avec lui, et d'en faire ton colloc. Si au début ce n'était simplement qu'une sorte de transaction donnant-donnant, aujourd'hui c'était devenu bien plus que ça. Il t'étais nécessaire pour vivre. En plus c'est un canon super bien monté, et c'est un vrai bad boy, bien edgy comme tu les aimes. Et puis il était là lui. Enfin là ça faisait un moment que tu ne l'avais pas vu, mais tu n'étais pas spécialement inquiet, il est un dur à cuire. Perdu dans le tourbillon tumultueux de tes pensées tu avais commencé à te griffer les bras assez fort, sans même t'en rendre compte.

« Dure soirée ? » dit une voix que tu connaissais si bien. Cette voix suave te rendait barge. Quand on parlait du loup tiens. Tu te figes un instant et le regardes sortir de la pénombre. Tu hoches la tête, puis la baisses. Il te dit sans ménagement qu'il a envie de toi. Et c'est réciproque. Il s'approche d'un geste rapide, s'agenouille, pour se mettre à ta hauteur. Tu sens le désir t'embraser, te distrayant de la douleur que tu ressentais il y a seulement quelques secondes encore. Ton sauveur. Il posa un doigt sous ton menton, te forçant à le regarder. Et tu vis le désir déserter ses belles prunelles vertes. Tu étais si moche que ça ? Tu vis le feu de la colère embraser son regard. Il resserra sa prise sur ton visage, t'arrachant un petit gémissement au passage, et cracha d'une voix vibrante de colère. « Qui t’a fait ça bordel ? » Tu essayes de bouger, mais sa prise est trop forte. Et de toute façon pour aller où ? Il te bloque la route. Une goutte de sang perle à ta lèvre, venant de ta blessure à la joue. Tu hausses les épaules. Ca aussi c'est douloureux, tu serres les dents. Et lui dis finalement d'une voix contrite. "-Je sais pas moi, un weirdo qui voulait ce corps parfait, et que j'ai repoussé" tu te débats contre lui, arrives à te dégager finalement et vint l'embrasser avec fougue. Comment désamorcer une bombe ? Se jeter dessus. A voir si ta stratégie serrait payante ou non. C'était entre ses mains. A moitié dans ses bras, et complètement à bout de souffle, tu dus briser ce baiser si délicieux. "-Sois pas comme ça Daddy" lui susurres-tu à l'oreille, horny comme jamais.