(Terminé) Nouvelle confrontation | Elizabeth

Depuis quelques mois, la vie d'Elizabeth avait pris une tournure plus agréable. Elle était bien loin encore de la vie idéale dont elle avait rêvé toutes ces années, mais elle avait bien plus qu'elle n'avait jamais osé l'espérer depuis qu'elle était dans cette ville. Elle avait passé plus de trois ans à se refuser tous les bonheurs et toutes les joies que cette nouvelle chance lui offrait. Il lui fallait se concentrer sur sa survie et sur rien d'autre. Survivre, plutôt que vivre. Résister aux attaques perpétuelles de sa cousine. Ne jamais céder. Ne jamais flancher. Mentir. Se protéger. Se battre. La vie d'Elizabeth avait été rythmée par toutes ces choses qu'elle aurait aimé laisser derrière elle définitivement. Aux côtés d'Alexander, finalement, elle n'aspirait à rien d'autre qu'au bonheur. Elle se moquait de son passé, du pouvoir ou de la vengeance. Ou, plutôt, elle aurait aimé se moquer de tout cela. Son passé la hantait toujours : elle craignait Mary et elle craignait que d'autres éléments de sa vie d'autrefois ne fassent réaliser à Alexander à quel point elle était monstrueuse. Le pouvoir gardait une place dans sa vie, à travers les ambitions d'Alexander qu'elle voulait voir atteindre les sommets. La vengeance n'avait jamais vraiment disparu entre Mary qui cherchait à l'obtenir à tout prix et elle, qui en rêvait chaque fois que sa cousine s'approchait un peu trop d'elle ou de son bonheur naissant.

Elle aurait aimé connaître la paix. Le bonheur. Rien d'autre. Elle aurait aimé, oui, mais comment ne serait-ce que l'espérer quand Mary continuait ses attaques ? Toujours discrètes, toujours sans lui faire de mal, mais elle était là, toujours dans son ombre, à veiller à ce qu'elle ne fasse aucune erreur. Elizabeth le savait, un mot de travers de sa part ou de celle d'Alexander - qui était le seul à connaître sa véritable identité - et elle était fichue pour de bon. Mary était une menace constante qui planait au-dessus de sa tête. La solution la plus efficace et la plus radicale aurait été de l'éliminer définitivement, mais elle ne le pouvait pas. Non seulement, elle n'était pas entourée contrairement à cette dernière et, pour ne rien arranger, Alexander ne lui pardonnerait certainement pas un tel acte. Alors, elle devait subir et accepter son sort. Mérité, très certainement.

Si Elizabeth ne vivait plus chez elle, elle ne s'était toujours pas débarrassée de ce qui avait été son refuge durant trois ans. C'était rassurant, quelque part, d'avoir toujours cet endroit où se réfugier si les choses tournaient mal. Aujourd'hui, Elizabeth devait se rendre chez elle pour reprendre quelques affaires dont elle n'avait pas eu besoin jusqu'à présent. Ce n'était qu'un léger détour en revenant du cabinet, avant de rentrer chez elle. Ce n'était que l'histoire de quelques minutes. Ça n'aurait dû être l'histoire que de quelques minutes. La porte qui n'était plus verrouillée aurait dû l'alerter davantage et lui faire prendre la fuite, mais Elizabeth avait compris ce qui était en train de se passer et elle avait compris qu'il n'était pas utile de fuir. On l'observait, la fuite serait certainement perçue comme un aveu de faiblesse, ce qu'elle refusait. Alors, elle était entrée pour trouver Mary chez elle, accompagnée, dans cette maison où elle n'était jamais entrée, dans ce refuge qu'Elizabeth s'était créé. « Sortez d'ici, immédiatement. » Elle tentait de garder son calme, de paraître sereine, sûre d'elle et de dissimuler la peur qui grandissait en elle de seconde en seconde. Si elle savait que ça ne fonctionnerait pas, il n'y avait pas grand-chose d'autre à dire, maintenant qu'elle se retrouvait face à celle qui finirait par avoir raison d'elle, elle le craignait.

Quelques minutes. Un malheureux détour. Rapide. Sans danger. Cette maison avait été son refuge pendant trois années entières sans que jamais Mary n'y pénètre. Pourquoi les choses changeraient-elles ? Pourquoi, subitement, cet endroit ne serait plus l'endroit où Elizabeth était le plus en sécurité ? Pourquoi, soudainement, Mary avait décidé d'entrer ici ? Il n'y avait plus d'échappatoire possible. Elle était entrée. Elizabeth était si stupide, parfois. Ou, au contraire, suffisamment intelligente pour comprendre que fuir était une preuve de culpabilité ? Un aveu silencieux ? L'affronter, comme toujours, était sans doute la seule véritable solution qui s'offrait à elle.

Qu'importe finalement. Qu'importe puisqu'elle était là, face à sa cousine - bien entourée, comme d'habitude. Une fois encore, elle allait devoir l'affronter. Une fois encore, elle allait devoir se battre pour se protéger. Ce jeu ne prendrait-il jamais fin ? Mary ne se lassait-elle donc pas ? Ne se lasserait-elle donc jamais ? Tout l'être d'Elizabeth avait peur. Chaque parcelle de son corps tremblait à l'idée de se retrouver face à Mary, à l'idée de faire la moindre petite erreur. Néanmoins, elle essayait de ne rien montrer. Elle essayait de paraître forte, sûre d'elle, en confiance. Elle lui ordonnait de quitter cet endroit, consciente qu'elle n'en ferait rien, mais c'était la première chose à faire.

Mary, égale à elle-même, se comportait comme si cette maison lui appartenait - elle avait toujours cette fâcheuse tendance à vouloir tout ce qui appartenait à Elizabeth. En quelques mots, elle lui expliquait qu'elle était là pour parler. Simplement. Elle l'invitait même à s'asseoir, en désignant une chaise de la main, tandis qu'elle-même prenait place. Elizabeth ne put retenir un sourire agacé. « Je n'ai rien de plus à vous dire, nous avons suffisamment parlé vous et moi, vous ne croyez pas ? » Souffla-t-elle, son agacement prenant le dessus sur sa peur - dans le ton, tout du moins. Combien de fois Elizabeth avait-elle eu le droit à ce genre de discours ? A ce genre de questions ? Mary n'obtiendrait rien. Ou, si elle s'obstinait, elle causerait sa propre chute, rien de plus. D'Elizabeth, elle n'aura pas le moindre aveu. C'était une certitude aux yeux de la jeune femme - une erreur, très certainement, elle avait des points faibles et, malheureusement pour elle, Mary les connaissait parfaitement. « J'imagine que vous allez tout de même insister pour avoir cette conversation... » Après tout, si elle avait pris la peine de se déplacer, ce n'était pas pour repartir après un simple refus. « Accordez-moi au moins une faveur... Dites-leur de nous laisser. » D'un signe de tête, elle désigna les gardes qui se trouvaient près d'elles. A de nombreuses reprises, les deux cousines s'étaient retrouvées dans la même pièce et jamais Elizabeth n'avait été menaçante ou dangereuse alors elle pouvait bien lui accorder cette faveur - Elizabeth n'avait pas l'intention de tenter quoi que ce soit de toute façon et elle se sentirait plus à l'aise sans eux, évidemment.

Entre elles, l'histoire se répétait toujours. Autrefois, elles se faisaient la guerre. Aujourd'hui, d'une autre façon, elles continuaient. Elizabeth aurait aimé faire la paix. Vraiment. Mais Mary l'avait attaquée, encore et encore, depuis qu'elles étaient ici. Ses attaques étaient légitimes et justifiées - au début, tout du moins. Désormais, après tant d'années sans qu'Elizabeth ne réagisse ou n'attaque, n'était-il pas temps d'arrêter ? Peut-être craignait-elle qu'elle n'attaque à l'instant où elle baisserait la garde ? Etaient-elles donc condamnées à vivre ainsi éternellement ? A se faire la guerre pour toujours ? Elizabeth aurait aimé pouvoir dire que non, qu'il y avait forcément une issue favorable à cette situation, mais elle n'y croyait plus. Plus après que tant de choses se soient passées.

Alors, malgré maintes conversations inutiles, elle allait devoir supporter la présence de sa cousine dans cette maison, pour recommencer. Elle allait devoir supporter une énième discussion inutile où Elizabeth mentirait, prétendrait ne rien savoir et ne dirait rien. Mary perdrait patience, questionnerait, s'interrogerait, en vain. Installée, Elizabeth n'avait plus qu'à attendre que ce moment désagréable commence, puisqu'elle n'avait pas vraiment d'autres choix. Elle n'avait qu'une seule exigence - ou demande, plutôt. Difficile de parler d'exigence lorsqu'on était en situation d'infériorité et de faiblesse - que les gardes de sa cousine ne reste pas dans la pièce pendant qu'elles discutaient. Bien sûr, ils ne seraient jamais loin et Elizabeth ne pouvait rien tenter, mais elle se sentirait plus à l'aise et plus en sécurité - à tort, très certainement - sans qu'ils ne soient dans les parages.

Mary accepta. Elles étaient désormais seules. Elizabeth se détendit donc légèrement, en attendant que sa cousine prenne la parole pour justifier sa présence ici. Mary se mit alors à lui raconter une histoire sans qu'Elizabeth ne comprenne où elle voulait en venir. De quoi parlait-elle ? Pourquoi lui raconter sa vie en France - celle de Catherine et Nostradamus, pour être plus précise, même ? Elizabeth tentait de rester neutre et de l'écouter patiemment. Pourquoi lui raconter tout ça ? Qu'était-ce censé provoquer chez Elizabeth ? Avait-elle perdu la tête ? Elizabeth perdait déjà patience, après quelques minutes de conversation seulement. « Vos histoires sont vraiment passionnantes, mais je ne vois pas en quoi votre vie en France et votre ami devin me concernent. » Elizabeth restait calme. Inutile de s'emporter. Néanmoins, elle s'agaçait intérieurement de perdre du temps, d'être morte de peur et d'être coincée avec Mary pour que cette dernière lui raconte des choses qui semblaient n'avoir ni queue ni tête. Même si Elizabeth mentait sur ses souvenirs et sur qui elle était, elle n'avait réellement pas la moindre idée du but recherché par Mary en évoquant ces histoires de leur passé. Des histoires qui ne la concernaient même pas.

Le calme d'Elizabeth n'existait qu'en surface. Au fond d'elle, elle était à la fois terrifiée et terriblement en colère que cette femme ait pu entrer ici, le seul endroit qui avait été son refuge durant toutes ces années. Mary n'abandonnait jamais. Elle était entêtée et faisait preuve d'une détermination à toute épreuve. Elizabeth était fatiguée de cette guerre interminable qu'elles se menaient toutes les deux depuis toujours. Elle était inoffensive ici. Jamais elle ne lui avait fait le moindre mal - dans ce monde, tout du moins. Pourtant, Mary n'abandonnait pas et restait persuadée qu'Elizabeth avait un plan derrière la tête. Elle se sentait en danger et craignait pour sa vie et celle de ses proches, alors elle tentait de pousser Elizabeth à bout pour la faire craquer.

Mary s'entêtait donc pour obtenir des réponses. Des réponses qu'Elizabeth lui refusaient, pour se protéger. Elle insistait, pourtant. Trop. Au point où Elizabeth s'était enfermée pour se protéger. Au point où Elizabeth s'était interdit de vivre pour éviter la colère de sa cousine. Tous les efforts d'Elizabeth ne payaient pas. Mary restait persuadée qu'elle cachait quelque chose et qu'elle n'attendait que le bon moment pour agir. Aujourd'hui, comme toutes les autres fois, la jeune femme ne comprenait pas pourquoi sa cousine s'obstinait. Elle ne comprenait pas plus avec le début de ses explications. Pourquoi lui raconter ses histoires, son passé, lorsqu'elle était en France ? Etait-ce une façon de voir les réactions d'Elizabeth ? D'éveiller quelque chose chez elle ?

D'après Mary, tout cela avait un sens. Et, bien vite, Elizabeth avait compris avec la suite des explications. Comme avec Nostradamus autrefois, Mary avait espéré obtenir des informations auprès d'une voyante qu'elle était allée voir ici, dans ce monde. Cette dernière lui avait dit bien des choses, mais une phrase l'avait particulièrement interpellée. Une certaine panique envahissait Elizabeth, craignant qu'elle puisse avoir obtenu une information capitale, quelque chose qui la mettait en danger. Mais il y avait bien peu de chances pour que cette voyante soit réellement capable de prédire quelque chose, n'est-ce pas ?

Mary semblait y croire, en tout cas, et elle semblait réellement préoccupée. Elle semblait même aller mal - ce qui inquiétait plus encore la jeune femme. Incapable de prononcer cette fameuse phrase, malgré plusieurs essais, elle se contenta d'accuser Elizabeth, comme toujours. Elle prétendait qu'elle complotait quelque chose, pour la tuer, une fois encore. Elizabeth tentait de ne rien laisser paraître, de rester calme et de se mesurer - mais elle ne contrôlait pas les réactions naturelles de son visage qui se crispait face à cette accusation. « Je n'ai jamais voulu votre mort. » C'était vrai. Elizabeth mentait très peu en réalité, lorsqu'elle discutait avec Mary, en dehors du fait qu'elle niait qui elle était. Elle se contentait de vérités, des vérités qui pouvaient passer avec son état actuel et celle qu'elle prétendait être. Elizabeth n'avait jamais voulu la mort de Mary, mais elle avait dû la lui donner pour sa propre sécurité. « Et je ne complote rien contre vous. J'essaie de vivre, simplement. Je ne cherche rien, je veux simplement que... J'aimerais simplement que vous compreniez que je ne suis pas une menace pour vous. » Pas tant qu'elle ne s'attaquait pas à elle ou à Alexander - et malgré les quelques envies d'en finir qui la prenaient parfois, lassée et usée par tout ce que Mary lui faisait subir, elle n'avait pas l'intention d'attaquer sa cousine. « Vous avez déjà perdu quatre années de votre vie, peut-être serait-il temps de le comprendre ? » Quatre ans, c'était beaucoup, comptait-elle en gâcher beaucoup d'autres ? Comptait-elle s'acharner jusqu'à la fin ? Elizabeth finirait par riposter, c'était une évidence et elles finiraient par se détruire. Une fois encore.

Elizabeth avait envie de croire Mary quand cette dernière prétendait qu'elle n'avait jamais voulu de cette situation. Elle donnerait tout pour la croire sur parole, pour régler leurs différends, pour passer à autre chose, mais comment faire ? Comment faire quand Mary avait passé quatre ans à l'attaquer ? Comment faire quand Mary avait passé quatre ans à lui faire vivre un véritable enfer ? Impossible. Elizabeth, pour sa survie et sa sécurité, ne devait jamais baisser la garde. Elle devait, en toute circonstance, rester méfiante, prête à esquiver le moindre coup. Croire Mary sur parole ou lui faire confiance serait une preuve de sa faiblesse et signerait, très certainement, sa fin. Alors, peut-être qu'elle ne devait pas croire Mary lorsqu'elle assurait qu'elle n'avait jamais voulu de tout ça. Consciemment, peut-être s'en était-elle persuadée, mais elle était bel et bien à l'origine de tous les événements qui marquaient la vie des deux femmes depuis toutes ces années. Sans sa première intervention, les deux cousines ne se seraient peut-être même jamais revues.

Evidemment, comme à chaque fois, Mary ressassait leur passé. Incapable de passer à autre chose, de voir la chance merveilleuse qui lui était donnée de passer du temps avec son petit garçon, elle ne vivait qu'à travers le passé et la vengeance. Elizabeth avait commis des erreurs terribles pour se protéger, pour conserver sa place et son trône, parce que Mary l'avait attaquée. Qu'aurait-elle dû faire ? Se laisser faire et mourir ? Pourquoi aurait-elle dû se sacrifier pour ne pas avoir à sacrifier sa cousine ? L'une méritait-elle de vivre, plus que l'autre ? Les deux femmes avaient mené une guerre et l'une devait perdre. Mary avait perdu. Et elle était incapable de l'accepter. Elle ne voyait les actes d'Elizabeth que comme des actions injustes dirigées vers elle, que comme des attaques, sans jamais admettre qu'Elizabeth n'avait pas eu le choix parce que ça avait toujours été l'une ou l'autre. La jeune femme avait simplement donné le dernier coup avant de le recevoir. Dans la situation inverse, l’Écossaise aurait fait très précisément la même chose, sans hésitation et avec force, comme elle l'avait fait.

Elizabeth aurait aimé lui répéter ces choses, encore et encore, mais elle se l'interdisait. Avouer qui elle était, c'était signer sa fin, elle en était persuadée. Elizabeth, parce qu'elle était seule et vulnérable, avait fait le choix du silence et elle comptait bien poursuivre sur cette voie. « Lors de notre première rencontre, vous vous êtes invitée dans mon cabinet pour me menacer. Je n'appelle pas cela essayer de parler. » Précisa-t-elle, tout en tentant de garder un calme de façade, en se souvenant des premiers instants de leur rencontre. Ce n'était pas facile, mais Elizabeth tentait de rester impassible. Rien ne devait transparaître sur son visage. Pas le moindre signe. Même si ses traits se tendaient perceptiblement lorsque Mary assurait ne pas avoir le choix. Elle l'avait, en réalité. C'était son choix d'attaquer Elizabeth, de la pousser à mener une vie insupportable, de la torturer psychologiquement, mais elle niait pour se rendre victime, comme toujours.

« Si c'était votre plus grand souhait, vous le feriez. » Si elle voulait profiter de son fils, elle oublierait tout le reste pour lui. Comment croire qu'elle se préoccupait tant de son enfant si elle était capable de le mettre de côté pour des histoires sans fondement ? Pour des suppositions ? Pour des craintes ? Elizabeth n'avait jamais été une menace concrète dans ce monde et Mary perdait un temps précieux pour quelque chose qui n'était pas concret. « Vous n'avez pas la moindre preuve puisqu'il n'y en a pas. Vous n'avez aucune épée au-dessus de la tête. Et je n'ai aucune mauvaise intention à votre égard. » Résumait-elle, s'agaçant légèrement de devoir se répéter inlassablement, pour rien.

L'ultimatum de Mary agaçait profondément Elizabeth. Jamais elle n'avait cherché la guerre, mais c'était à elle de tout faire, de se mettre en danger, de faire des compromis pour y mettre fin ? Non. C'était injuste. « Je veux que vous sortiez de chez moi. Maintenant. » Sa voix était froide et son ton était assuré. Elle n'avait plus de temps à perdre. Elle voulait quitter cette maison, s'éloigner de Mary et retrouver son nouveau refuge. Elle craignait que la situation ne lui échappe. Elle voulait retrouver la sécurité toute relative qu'elle connaissait lorsque Mary n'était pas dans les parages. « Je ne vous dois rien et je n'ai rien à vous prouver. » Elle était l'agresseuse, pas Elizabeth. Alors, elle ne devait rien à personne. « Il n'y a rien à avouer. Vous refusez de voir qui je suis, vous refusez de m'écouter, alors je ne perdrai pas davantage de temps avec vous. » Et sur ces mots, Elizabeth s'était redressée, pour signifier à sa cousine que cette conversation s'arrêtait là.

Elizabeth et Mary avaient deux visions des choses très différentes. Pour chacune, l'autre avait commencé. L'autre était l'agresseur. L'autre était responsable. Aucune n'était réellement prête à faire un premier pas. Elizabeth craignait la réaction de Mary si elle venait à dire toute la vérité. Quoi que cette dernière puisse dire, Elizabeth la connaissait. Elle avait la vengeance dans le sang. Un jour ou l'autre, jugeant que sa cousine était une menace trop grande, elle s'en prendrait à elle. Mary ne ferait pas le premier pas non plus, convaincue qu'Elizabeth lui voulait du mal. Ainsi, elle ne cesserait jamais sa surveillance, le risque étant trop grand à ses yeux. Alors, elles resteraient éternellement coincées dans cette situation. « Vous avez eu le choix. Vous avez décidé de me menacer et de me faire vivre cet enfer. Je n'ai jamais été menaçante, mais vous vous êtes convaincue que je vous voulais du mal. Vous auriez pu simplement me laisser tranquille, rester sur vos gardes si ça vous rassurait et vivre. » Mary ne pouvait pas toujours tout mettre sur le dos des autres. Elle avait pris la décision d'attaquer elle-même. Personne ne l'y avait obligée. Si elle ne l'avait pas fait, tout en se protégeant si cela l'amusait, elle aurait bien vu qu'Elizabeth ne représentait pas une menace. Alors, elles auraient pu vivre chacune de leur côté, sans avoir à se soucier de l'autre.

Mary rêvait de pouvoir profiter de cette seconde chance avec son fils, mais elle la gâchait. Elizabeth n'en était pas responsable, Mary était la seule à l'être. Mais non, malgré le comportement irréprochable d'Elizabeth depuis quatre ans, malgré ses promesses, malgré tout, elle restait persuadée qu'elle avait de mauvaises intentions envers elle. Elle la rendait responsable de tous ses maux. Elizabeth n'avait aucune mauvaises intentions envers sa cousine - sauf lorsqu'elle se sentait acculée, fatiguée ou lorsqu'elle craignait pour la vie de ceux qu'elle aimait. Mary était celle qui avait agressé Elizabeth, pas l'inverse. Mais Mary jouait les victimes, comme toujours. Alors qu'elle était celle qui avait déclenché la guerre. Elle ne voulait pas de la paix. Elle se mentait à elle-même. Sauf qu'Elizabeth était fatiguée de jouer à ce petit jeu. Elle voulait rentrer chez elle. Elle voulait se débarrasser de Mary. Elle voulait être en sécurité. Elle refusait d'avouer quoi que ce soit. Elle refusait de se mettre en danger. Elle refusait d'entrer dans ce jeu. Mary devait cesser, devait passer à autre chose, devait comprendre ses torts.

Elizabeth, froide, indiquait à Mary que cette conversation était terminée et qu'elle devait sortir d'ici. Elle n'avait plus envie d'entendre quoi que ce soit. Les accusations, les menaces... c'en était trop pour elle. « Je ne suis pas celle qui a déclenché cette guerre. Ce n'est pas à moi d'y mettre fin en vous donnant la victoire. » Et puis quoi encore ? Elizabeth n’était coupable de rien dans ce monde. Elle voulait simplement vivre. Mary le lui refusait. C’était donc à cette femme de faire un effort, de faire quelque chose. Pas l'inverse. Il n'était pas question que Mary soit gagnante sur tous les points. « Vous êtes la seule à pouvoir nous offrir la paix. Il vous suffit d'arrêter tout ça. D'arrêter de vous faire passer pour une victime, alors que je suis la seule victime de cette guerre que vous me menez sans que jamais je ne riposte. » Et pourtant, elle aurait dû le faire, à de nombreuses reprises. Riposter. Se défendre. Mettre fin à cette torture pour se donner une chance. Mais elle n'avait jamais pu s'y résoudre, comprenant la peine et la paranoïa de Mary mieux que personne, elle voulait lui donner une chance - et même si elle l'avait voulu, elle n'avait pas les moyens de s'opposer à elle. Alors, elle n'allait certainement pas inverser les rôles. La paix, c'était Mary qui la refusait. Pas elle. Si Mary ne l'admettait jamais, Elizabeth ne ferait pas le moindre effort. Il n'était plus question qu'elle passe pour le monstre quand Mary passait pour l'innocente victime à protéger et défendre.

« Maintenant, sortez d'ici. » Afin qu'Elizabeth puisse faire ce qu'elle avait à faire dans cette maison qui avait été son refuge pendant des années - mais qui ne l'était plus, maintenant que Mary était entrée ici - pour pouvoir rentrer au plus vite dans ce qui était désormais son nouveau refuge. Cet endroit où Mary n'était jamais entrée en présence d'Elizabeth, cet endroit où Elizabeth espérait ne jamais voir Mary. Elles n'avaient, de toute façon, plus rien à se dire. Rester davantage l'une avec l'autre ne leur ferait que perdre du temps à toutes les deux. Autant se l'éviter.