[Terminé]Quand le passé resurgit ▿ Sophie.

« FRANÇOIS ! » Mary venait de refaire cet affreux cauchemar. Celui où François perdait la vie. Elle revoyait chaque seconde de cette scène. Elle n’avait rien oublié de cela. Depuis son arrivée dans ce monde, elle source de nouveau de la mort de François, comme s'il venait tout juste de la quitter. Cela venait certainement du fait de l’avoir retrouvé après sa mort et de l’avoir de nouveau perdu aujourd’hui. Cette nuit-là, ce cauchemar fut particulièrement douloureux. Mary s’était réveillait en criant le nom de François, mais c’était également réveillait en larmes. Pourquoi est-ce que cette nuit-là, c’était plus dur que les autres nuits ? Mary ne savait pas pourquoi, mais ça l’était. Elle était loin de ses proches, ne connaissait personnes de son ancien monde ici. Elle avait fait de nouvelles rencontre ici, des personnes avec qui elle s’entendait sincèrement bien, mais ce n’était pas la même chose. Après quelques minutes sans bouger, assise dans son lit, Mary s’était habillée. Elle ne se sentait pas bien et avait besoin de compagnie. La solitude l’angoissée soudainement. Une fois habillait, elle avait pris soin de prendre son petit garçon sans le réveiller, pour une fois qu’il dormait plus ou moins paisiblement. Stirling, son chien était aussi de la partie. Mary quittait sa maison, avant de se rendre chez l’une de ses voisines et amies désormais. Ce n’était pas quelqu’un de très sérieux, elle était assez amusante et c’était ce don Mary avait besoin. Avant de toquer à la porte, Mary regardait sa montre, il était presque huit heures. Elle espérait ne pas la réveiller, mais elle avait besoin de parler à quelqu’un, de se changer un peu les esprits. Mary toquait quelques coups à la porte de Sophie. Elle avait attendu peu de temps avant que la porte ne s’ouvre. « Bonjour. J’espère que je ne te réveille pas. Je peux entrer ? » Mary n’avait pas pour habitude d’être seule et espérait que son amie n’allait pas lui refuser d’entrer, même si ce serait très étonnant.

Sophie était installée confortablement au fond de son lit, la couverture sur le visage pour se protéger de la lumière extérieure. Elle ignorait quelle heure il était, tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle voulait dormir. Encore plus précisément puisqu'elle s'était levée il y a moins d'une heure pour manger puisqu'elle était affamée. Au moins, lorsqu'elle dormait, elle était loin de toutes ces nouveautés effrayantes et elle pouvait retrouver ses amis. Il ne passait pas une nuit sans qu'un souvenir ne refasse surface dans ses songes. Ou parfois, elle rêvait de ce qu'elle aurait pu devenir. C'est pourquoi, elle aimait tant dormir. Sauf qu'aujourd'hui, quelqu'un avait décidé de l'empêcher de dormir. En effet, une personne avait trouvé la bonne idée de toquer à la porte. Elle enfila rapidement une robe de chambre par-dessus son pyjama et descendit en courant les escaliers. Si de nombreuses fois, elle s'était cassée la figure avant d'arriver en bas, cette fois-ci, elle arrivait sans chute. Elle ouvrit la porte, curieuse de savoir qui la dérangeait de si bon matin. Les cheveux décoiffés, l'air endormi, la porte s'ouvrit sur Mary. C'était une voisine et nouvelle amie de Sophie. « Oh, Mary ! » Dit-elle, contente de la voir. « Entre . » Dit-elle en se poussant pour qu'elle entre. « Tu ne me réveilles pas... pas vraiment, en fait. J'essayais de me rendormir, mais ça ne marchait pas. » Dit-elle en y réfléchissant. Elle s'avançait pour mener Mary vers le salon. « Mais pourquoi est-ce que tu viens si tôt ? » C'était étonnant. Jamais personne ne venait la voir aussi tôt habituellement. Peut-être avait-elle fait quelque chose de mal ? Ou peut-être que Mary devait lui dire quelque chose ? Il y avait peu de chances pour qu'il ne s'agisse que d'une visite de courtoisie.

Ce rêve était insupportable. Ne pouvait-elle pas rêver des bons moments aux côtés de François et des autres personnes qu’elle aimait ? Pourquoi fallait-elle qu’elle rêve du pire ? Elle revivait la mort de François presque toutes les nuits et la douleur ressentit lui était insupportable, encore plus ce matin. Le manque commençait à se faire ressentir. Elle pensait l’avait retrouvé pour de bon et voilà qu’il avait de nouveau disparu, qu’on la privé de lui une nouvelle fois. Il était tôt, mais Mary avait pour habitude de se lever tôt, elle ne savait pas à quelle heure les autres se lever habituellement, mais savait que ça ne correspondait pas forcément aux mêmes heures qu’elle. Pourtant, elle avait tenté d’aller frapper chez l’une de ses voisines et amies, car elle avait véritablement besoin de se sentir entourée. La solitude l’avait soudainement angoissé.« Je suis sincèrement désolée, je ne voulais pas te déranger. » Quand la porte s’était ouverte Mary avait bien remarqué que Sophie sortait à peine du lit, la tenue et la coiffure ne pouvait pas mentir. Elle se sentait gênait de déranger, mais avait besoin de ne pas être seule. Surtout que Sophie disait bien qu’elle essayait de se rendormir, même si elle n’y arrivait pas, elle essayait. Sophie laissait entrer Mary chez elle, sans hésitation la jeune mère fit entrer Stirling avant d’entrer elle même James dans les bras. Et se dirigea vers le salon, où elle prit place dans le canapé. Mary s’était retourné vers Sophie qui avait repris la parole. Elle s’étonnait de l’avoir vu débarquer à une heure si matinale, ce qui était compréhensible. Mary n’était encore jamais venue voir son amie si tôt dans la matinée. « C’est vrai qu’il est tôt, je n’ai pas vraiment fait attention à l’heure, je suis désolée. J’avais besoin de compagnie. J’ai été prise d’angoisse tout à coup. J’ai fait un cauchemar et j’ai ressenti le besoin d’avoir de la compagnie. » Mary n’avait pas su vers qui se diriger. Elle n’avait plus tous ses proches ici. Autrefois, il lui aurait suffi de crier pour que du monde accoure et là, elle avait crié et personne n’avait accouru. « Mais si je te dérange, je peux repartir, ce n’est pas grave. Je ne veux pas me montrer imposante. » Mary n’avait pas envie de s’imposer, si elle n’allait pas bien, peut-être qu’allait faire un tour à l’extérieur pourrait lui suffire. De toute façon, si Sophie voulait qu’elle parte, ce qui serait étonnant, elle n’aurait pas le choix que de tenter cette option, n’ayant pas envie de se retrouver de nouveau seule chez elle.

« Tu ne me déranges pas. » Se contenta de répondre Sophie. Après tout, elle ne dormait pas et ne faisait rien d'important, alors elle ne pouvait pas la déranger. Sans hésitation, elle fit entrer son amie, qui était évidemment accompagnée de son fils et elle avait également amené son chien. Les jeunes femmes se dirigèrent vers le salon et elles s'installèrent dans le canapé. Sophie reprit ensuite la parole pour s'étonner de l'heure si matinale de la visite de Mary. Après tout, jusqu'à présent, personne ne venait jamais la voir si tôt dans la journée. Elle avait eu l'habitude de recevoir pour dîner ou encore pour le goûter, l'après-midi, mais jamais si tôt le matin. Ce n'était en aucun cas un reproche, elle s'étonnait juste et s'interrogeait. « François ? » Demanda simplement Sophie. Quel cauchemar pouvait être pire que celui de perdre un être cher, un être que l'on aimait plus que tout. Sophie avait beau ressembler à une enfant, elle en avait perdu des gens qu'elle aimait et elle savait quel horrible sentiment cela était. Mary lui avait contait son histoire quelques fois, alors même si elle ne savait pas tout, elle savait ce qui faisait souffrir son amie, ce qui pouvait lui faire peur et l'angoisser, ce qui pouvait lui faire du mal et la faire venir. Dans ces situations, étrangement, Sophie savait devenir plus sérieuse et se tenir mieux qu'à l'habitude. « Tu ne me déranges pas enfin ! Les amies sont faits pour aider, écouter et consoler, non ? » Dit-elle en souriant. Puis elle se mit debout, « Tu veux du chocolat chaud ? C'est que j'ai encore faim... » Dit-elle, toujours aussi gourmande, même si elle avait pris son petit déjeuner il y a moins d'une heure. Puis, c'était plus agréable de discuter avec une tasse de chocolat. « Et après tu me racontes tout, d'accord ? »

Un cauchemar. Ce cauchemar. Toujours le même. Celui de la mort de François. Comme toujours, il mettait Mary dans un sale état, mais là, c’était amplifié. « Oui, François. » Mary avait déjà parlé à Sophie de ce cauchemar, elle lui avait déjà parlé de François, de sa vie d’autrefois. Perdre l’homme que l’on aimait, perdre des gens que l’on aimait laissait forcément des séquelles et parfois, il était nécessaire d’en parler. Sophie et la gourmandise, une véritable histoire d’amour. Mary ne la connaissait pas depuis très longtemps, mais elle avait déjà pu remarquer à de nombreuses reprises qu’elle était gourmande, qu’elle aimait très particulièrement la nourriture. Elle proposait à Mary un chocolat chaud, ce qui ne pouvait faire que du bien. « Je veux bien Sophie, merci. Et puis si tu as encore faim, je ne peux pas t’empêcher de manger. » Mary souriait en prononçant ses mots, même si elle n’avait pas le cœur à sourire. Sophie se comportait comme une enfant et avait le don de faire sourire n’importe qui même la personne la plus triste. Mary n’avait pas réellement fin, l’angoisse et la boule qui s’était logée dans son estomac lui coupait l’appétit, mais elle allait faire un effort pour boire le chocolat chaud que proposait Sophie. « D’accord. Je t’attends ici. » Mary regardait sa jeune amie quitter les lieux. Une fois hors de sa vue, elle détournait le regard vers son merveilleux petit garçon, qui dormait toujours aussi paisiblement. Puis son regard c’était porté sur Stirling qui venait de poser sa tête sur les jambes de la jeune mère. Elle déposait une main sur sa tête et lui déposait machinalement quelques caresses, se remémorant ses premiers instants en France, après son retour, quand elle ramassait quelques pierres pour François. Sa première vrai rencontre avec Bath. Tout lui semblait si loin désormais. Le bruit qu’avait fait Sophie en entrant dans le salon avait sorti Mary de ses pensées. Sophie était à peine dans la pièce que Mary avait repris la parole. Elle avait tellement besoin de se confier, elle n’avait plus envie d’attendre pour le faire. « Comme tu le sais, François est… Il est mort dans mes bras. J’ai cru le retrouver, mais je l’ai aussitôt perdu une nouvelle fois. À cause de ça, je repense sans cesse à sa mort, j’en cauchemarde presque chaque nuit. Et cette nuit encore. Mais je ne sais pas, j’ai ressenti une telle douleur, elle était intense et vive. Je me suis soudain senti suffoquer et le fait d’être seule m’angoissait. C’est horrible de devoir revivre cet instant presque toutes les nuits. J’ai perdu l’homme que j’aime dans des conditions déplorables, il était tout prêt de moi quand c’est arrivé, je le tenais. Je l’ai tué Sophie. Il est mort parce qu’il voulait me sauver, c’est de ma faute. C’est moi qui ai voulu qu’on s’arrête un instant. Il ne serait pas mort si nous avions continué notre chemin, comme cela était prévu au départ. » Mary essuyait la larme qui commençait à ruisseler sur sa joue. Elle aimerait tellement que François soit en face d’elle, elle aimerait tellement qu’il soit là pour lui prendre la main, lui dire que tout va bien et la rassurer, comme il savait si bien le faire.

Pour Sophie, il n'était pas difficile de deviner quel cauchemar pouvait mettre Mary dans cet état. Elle pouvait se tromper, évidemment, mais ce n'était pas le cas puisque Mary venait de confirmer. Pour discuter, Sophie préférait avoir quelque chose à manger ou à boire. Elle avait alors proposé à Mary un chocolat chaud. C'était fou comme un simple chocolat pouvait faire du bien. Et la gourmandise jouait aussi beaucoup. Sophie avait toujours faim. Toujours. A la réponse de son amie, Sophie ne put que sourire. Elle s'était alors précipitée vers la cuisine pour préparer deux tasses de chocolat bien chaud. Les deux tasses dans les mains, elle revint dans le salon. Immédiatement son amie reprit la parole. Alors qu'elle commençait à parler, Sophie avait déposé la tasse sur la table près de son amie, tandis qu'elle, elle gardait la sienne dans les mains.

Sophie pouvait être chiante, faire des bêtises, ne pas écouter, mais lorsqu'il s'agissait d'un sujet sérieux, elle pouvait se transformer en l'adulte qu'on attendait qu'elle soit. Elle écoutait donc attentivement les mots de Mary, non sans un pincement au coeur. Son histoire était déchirante et Sophie connaissait le sentiment de perdre quelqu'un. Sophie fixait son chocolat, les larmes lui montaient comme à chaque fois. Trop émotive, elle détestait ça. « Ne dis pas ça Mary. » commença Sophie en relevant les yeux. « Ne dis pas ça ! Ce n'est pas de ta faute ! C'est le destin et tu n'y peux rien... Tu n'es pas responsable Mary. » essayait-elle de dire calmement, comme le faisaient les adultes. Si Mary était responsable de la mort de son François, alors Sophie était responsable de la mort de sa mère, de son oncle, de sa tante ? Après tout, elle avait tant voulu voir et vivre une vraie tempête. Soudain, ce sentiment de culpabilité l'avait envahi de nouveau. Sauf que ce n'était pas le moment. Pour l'instant, elle devait être là pour Mary. « Si tu as pu le retrouver une première fois, tu dois garder espoir ! Il te reviendra si vous êtes faits pour être ensemble. Mary, regarde, tu as ton bébé, il est là ! Tu as la chance de pouvoir être avec lui et je suis certaine que tu auras la chance d'être avec François aussi. » Elle lui faisait cette promesse ou lui disait cette certitude sans savoir, mais plutôt parce qu'elle espérait elle-même. Elle ignorait où elles étaient, mais ce monde semblait mystérieux et fantastique, alors pourquoi ne pas croire en ses rêves et en ses désirs ? Elle ignorait si ses mots rassureraient ou consoleraient son amie, elle n'était pas douée pour ça, mais elle l'espérait sincèrement.

Sophie était une personne adorable. Elle était une bonne amie pour Mary. Elle se sentait en sécurité à ses côtés et son côté enfantin lui rappelait ses jeunes années, celles où tout semblait si simple. Celles où Mary n’avait pas encore conscience de tous les dangers qui l’attendaient, ni même de tous les malheurs qu’elle allait connaître. « J’ai voulu que l’on s’arrête là. C’est moi qui ai fait tardé les choses. Je l’ai laissé tout seul, j’ai été prise en embuscade par mon peuple, par des protestants Écossais. Ils ne voulaient pas d’une catholique sur le trône de leur pays. François est venu me défendre. C’est pour cela qu’il a été frappé au sol. C’est ce qui a causé sa perte. C’est une succession d’événements qui ont été causés par moi qui ont causé sa mort. » Mary s’en voulait, elle s’en était toujours voulue, car il ne fallait pas oublier la vision de Nostradamus, celle qui annonçait la mort de François s’il épousait la reine Mary. Par conséquent, elle restait persuadé que si elle ne l’avait pas épousé, il ne serait pas mort. Mary écoutait sa jeune amie parler, en s’emparant de sa tasse, qui dégageait une forte chaleur. C’était agréable avec le froid qu’il faisait ce matin. Mary en bu une gorgée avant de reprendre la parole pour répondre à ce que venait de dire Sophie. « Je l’espère, Sophie. J’ai besoin de François. J’ai tellement besoin de lui. Et on m’a arraché à lui une seconde fois. Mais comme tu le dis heureusement que James est là, il me redonne espoir et me permet de garder le sourire et l’espoir. Mais je ne comprends pas pourquoi nous ne sommes pas arrivés dans ce monde auprès des gens que l’on connaît, auprès des gens que l’on aime. Je pense qu’une bonne partie d’entre nous avons déjà beaucoup souffert par le passé. Je pense que nous avions bien le droit à un peu de répit. Jusqu’à quand allons-nous devoir souffrir ? » Mary avait connu la souffrance. Elle avait connu la perte des êtres chers. Elle pensait qu’après la mort, elle allait enfin pouvoir avoir une vie paisible, calme et heureuse auprès de Françoise et des êtres qu’elles avaient déjà perdu et aimé. Elle pensait pouvoir être loin des intrigues de la cours, loin des complots, loin des trahisons, loin des souffrances. Mais au final, même si elle n’était plus reine ici, elle n’en avait pas perdu les désavantages. Elle n’en avait pas perdu la souffrance. Pourtant, elle gardait espoir, elle le devait. Peut-être que si elle retrouvait ceux qu’elle aime, peut-être pourrait-elle enfin vivre tout simplement. Vivre sans souffrance, vivre sans crainte, vivre sans une épée au-dessus de la tête en permanence. Être souverain n’était pas simple, mais être une femme souveraine l’été encore moins. « Est-ce que tu souffres d’être loin de tes proches ? Est-ce que tu souffres de ne plus être chez toi ? Est-ce que le monde extérieur, le monde dans lequel nous sommes aujourd’hui t’effraie ? » Mary connaissait parfaitement les réponses, du moins, elle les devinait. Elles avaient déjà eu ce genre de conversations. Mais Mary avait besoin de l’entendre dire. Elle avait besoin d’entendre qu’elle n’était pas la seule dans cette épreuve, besoin de savoir qu’elle n’était pas seule à souffrir.

Mary faisait beaucoup de peine à Sophie. Voir ses amis malheureux et se sentir impuissante face à cela, ce n'était pas simple à vivre. Elle essayait tant bien que mal de la conseiller, de l'aider, mais Sophie n'était pas forcément la plus douée pour ça. Aux mots de son amie, Sophie baissa les yeux vers sa tasse encore fumante. Pour prendre le temps de répondre, elle but une gorgée puis releva doucement les yeux vers son amie. « Mary... Ce n'est pas ta faute, tu n'y pouvais rien. Si son destin était de... de mourir, quoi que tu aurais pu faire, tu n'aurais pas pu l'empêcher. » La Mort était quelque chose de bien plus grand qu'elles. Ni l'une, ni l'autre ne pouvaient influer sur cela. Le destin, un Dieu ou n'importe quoi d'autre, selon ses croyances, décidait pour eux. Pour le reste, elle ne pouvait rien dire. Les catholiques, les protestants... Sur tout ça, elle ne connaissait pas grand chose de la vie de Mary. Alors elle préférait ne rien dire, se contentant de la rassurer et de lui dire ce qu'elle pensait.

Sophie ignorait le monde dans lequel elle était désormais. Elle ignorait comment elle avait pu atterrir dans un monde si étrange. Si différent. L'idée qu'ils étaient tous morts était présente. Évidemment. Après tout, quelle autre explication rationnelle pouvait-il exister ? Aucune, selon Sophie. Aucune qu'elle ait trouvé en tout cas. « Je ne sais pas Mary... » jusque quand allaient-ils tous souffrir ? Elle n'en savait rien. Elle aimerait répondre que plus jamais elles ne souffriraient, mais ce n'était pas le cas. La souffrance existait, peu importe où l'on était. « J'ai l'impression que le destin aime s'amuser avec nous et avec nos peines... » souffla-t-elle. Il devait aimer les voir souffrir pour les séparer de leurs proches les rendant ainsi plus vulnérables que jamais.

Aux nouvelles questions de son amie Sophie releva les yeux, la fixant intensément avant de baisser le regard peu à peu. Les réponses étaient évidentes, mais Sophie n'aimait pas parler de tout ça. Elle n'aimait pas parler de ses craintes et de ses peines. Pourtant, en compagnie de son amie, elle allait le faire. Pour lui montrer qu'elle n'était pas seule et qu'elle la comprenait. « Bien sûr. Je me sens seule et je suis terrifiée... Ce n'est pas simple lorsqu'on vient d'un monde... comme le nôtre de s'adapter ici. Tout est tellement différent, nouveau. On doit réapprendre à vivre et seule... c'est compliqué. Je suis certaine qu'avec mes soeurs, mon cousin ou Jean, tout serait différent et plus facile. Je suis certaine que je pourrais être plus forte et accepter plus facilement d'être bloquée ici. Je voudrais retourner chez moi, retrouver ceux que j'aime, mais j'ai l'impression que ça n'arrivera pas. J'ai l'impression que si l'on veut revoir ceux que l'on aime, on doit les chercher et les retrouver ici... » A condition qu'ils soient là, se retint-elle de dire pour ne pas peiner davantage Mary. Si au moins, ils étaient arrivés tous ensemble, même sans rien comprendre à ce nouveau monde, au pourquoi et au comment, la vie serait peut-être bien plus facile.

Ce cauchemar encore et toujours. Celui où elle revivait la perte de François. C’était absurde. Pourquoi cela ? Pourquoi ne pouvait-elle pas vivre enfin en paix ? Pourquoi ne pouvait-elle pas vivre heureuse aux côtés de François et pourquoi ne pouvaient-ils pas fonder la famille qu’ils souhaitaient avoir tous les deux ? « Je n’aurais pas dû l’écouter, j’aurais quand même dû essayer de le sauver. J’aurais dû essayer d’échanger sa vie contre une autre. Nous avions déjà réussi à le faire une fois et je suis certaine que nous aurions pu le faire une seconde fois. » Mary était bouleversée, elle n’arrivait pas à s’en remettre, malgré les mots rassurant de Sophie. L’ancienne reine était persuadée qu’elle aurait pu sauver François et qu’elle n’avait pas fait assez pour lui. Sophie disait que le destin aimait se jouer des habitants de cette ville, qu’il aimait se jouer de Sophie, comme de Mary et elle avait tellement raison. « Ce n’est pas moi qui dirais le contraire. Le destin a toujours aimé se jouer de moi et apparemment, il n’est pas prêt de s’arrêter. Ce doit être un trop bon divertissement pour y mettre fin. » Mary voudrait pourtant que le destin cesse de s’acharner sur elle. En tant que reine, il n’avait pas cessait d’être mauvais.

« Je sais être forte, j’ai su faire face à des épreuves atroces durant mon existence, j’ai appris à vivre sans François, sans mes dames de compagnie, sans mes amis, sans mes fidèles, j’ai su me battre pour survivre, mais ici j’ai l’impression d’avoir besoin d’eux. J’ai besoin de François, j’ai besoin des autres personnes à qui je tiens. Je veux les revoir, je veux vivre avec eux. » Mary voulait simplement être heureuse. Elle voulait retrouver les moments de joies qu’elle avait connu avec François, effacer tous ceux qu’elle avait regretté. Elle voulait que ces petits instants de bonheur s’éternisent. Elle serait prête à tout pour retrouver ceux qu’elle aimait. Elle le voulait plus que tout. Elle avait tellement envie de retrouver son innocence. Elle avait envie d’être de nouveau celle qu’elle était en sortant du couvent. Malheureusement, elle savait que même ici, même si la vie semblait lui offrir une seconde chance avec son fils, elle n’y pourrait rien. Tous ces actes, tous ces souvenirs resteraient à jamais gravés dans sa mémoire. James commençait à avoir faim, il commençait à pleurer et Mary se devait de jouer son rôle de mère avant de penser à son propre bonheur, comme elle faisait autrefois passer son rôle de reine avant tout cela. Le visage de Mary s’apaisait à chaque fois qu’elle voyait son doux garçon. Elle voulait tellement qu’il ait une vie merveilleuse. « Je crois que je vais devoir te laisser Sophie. Ça vaut mieux, James commence à avoir faim et moi, j’ai besoin de penser à autre chose pour ce matin. Je te remercie infiniment de m’avoir apporté ton aide et je suis sincèrement désolée d’avoir débarqué comme cela, te sortant ainsi du lit. Je te fais la promesse de ne plus jamais recommencer. Merci pour tout en-tout-cas. » Il fallait dire que Mary ne savait pas bien à qui elle pouvait se confier ici. Elle craignait toujours les complots, même loin des aléas de la cour. Mary remerciait son amie par un signe de la tête, habitude sans doute, puis s’était relevée afin de quitter la demeure de Sophie et de rejoindre la sienne qui n’était qu’à quelques pas.