(terminé) Tu es là ⊹ Jean.

Jean voyait juste. Avec ou sans ses amis, Sophie aurait fait exactement les mêmes bêtises - peut-être même davantage, s'ils n'avaient pas été là pour la raisonner, parfois. « Je ne faisais ça que vous pour amuser et vous occuper. » Mentait-elle, en lui souriant. « Sans vous, j'étais bien plus sage. » Encore une fois, évidemment, elle mentait. Jean savait mieux que personne que non, rien n'aurait pu l'empêcher de faire des bêtises. Lorsque Sophie avait une idée en tête, malheureusement, elle ne l'oubliait jamais avant de l'avoir réalisée. Et ses amis la suivaient. Peut-être pour la raisonner ou l'empêcher de faire pire, mais qu'importe, elle ne retenait qu'une chose : d'une certaine façon, eux aussi participaient à ses mauvaises actions.  

Sophie était si heureuse de pouvoir discuter ainsi des bons souvenirs du passé. Leur enfance passée ensemble, les bêtises qu'ils avaient pu faire... Tendrement enlacés, la jeune femme profitait de ces quelques instants, qu'elle trouverait toujours bien trop court. Jean avait fini par mettre fin à ce moment en s'éloignant légèrement d'elle pour lui poser une question, à propos de ses parents. Sophie avait été troublée par cette dernière. Elle n'arrivait pas à comprendre de qui il parlait. Et pourquoi il pouvait parler, peut-être, de ses véritables parents. Ils étaient morts et c'était une idée folle que de croire qu'ils pouvaient être ici, non ? Sophie y avait déjà songé, mais elle se refusait à le croire. Bien trop souvent, elle avait cru au retour de madame Fichini. Et si ses parents étaient là, elle l'était, sans doute, aussi. Elle ne voulait plus être malheureuse. Elle ne voulait pas être éloignée de son époux pour retourner entre les griffes de cette horrible femme. Sophie s'emportait alors un peu trop, le questionnant de bien des façons, sans l'écouter et sans vraiment lui laisser le temps de répondre. Elle n'écoutait pas ses excuses et, alors qu'il étreignait davantage ses mains dans les siennes, elle les retira brutalement. Sophie n'était pas véritablement en colère après lui, elle se trouvait simplement perdue face aux possibilités qu'il évoquait. Partagée entre l'envie de revoir un jour ses parents et la crainte de voir sa belle-mère être de nouveau dans sa vie. Non. Elle ne voulait plus en parler. C'était beaucoup trop d'espoir et de peur à la fois. Beaucoup plus qu'elle ne pouvait en supporter pour le moment.

Jean avait fini par se rapprocher d'elle pour reprendre, de nouveau, ses mains dans les siennes. Silencieuse, cette fois-ci, elle le laissait parler. Il s'excusait, expliquant qu'il n'avait fait qu'émettre une hypothèse face aux pouvoirs que semblait posséder la ville. Sophie comprenait. Elle comprenait parce qu'elle y avait déjà pensé elle-même. Mais non. Elle ne voulait pas l'espérer. Ses mains quittèrent alors celles de la jeune femme pour venir se poser sur ses épaules, ses yeux se plantèrent dans les siens et il lui promit de ne plus en parler. Elle lisait tant de choses dans ses yeux qu'elle se sentait rassurée juste en les regardant. Et même si Fichini était de retour, même si elle réapparaissait dans sa vie, Sophie était l'épouse de Jean désormais, elle ne pouvait plus rien lui faire... Sa belle-mère n'avait plus aucun pouvoir sur elle. Elle voulait, en tout cas, y croire plus que tout, pour se rassurer.  

Sans dire un mot à propos des excuses ou des explications de Jean, elle continuait de le fixer et de l'observer. Sentant qu'il fallait détendre l'atmosphère, sans doute, l'homme avait repris la parole sur un ton plus léger. Un sourire s'était alors dessiné sur les lèvres de la jeune femme, oubliant peu à peu la peur qu'il avait involontairement provoquée chez elle. « La barbe te va bien. Tu es parfait comme ça. » Elle n'avait aucun souvenir d'un Jean qui n'en portait pas, alors elle ne pouvait pas vraiment comparer. Puis, parce qu'elle trouvait important d'y revenir pour partager ses excuses, elle reprit : « Je suis désolée, Jean. Je n'aurais pas dû m'emporter comme ça. Tu voulais simplement être gentil et... Tu me pardonnes ? » Lui demanda-t-elle en lui offrant un sourire et un regard auxquels, elle l'espérait, il ne pouvait pas résister.

« Je vais prendre une douche. Tu peux te reposer un peu si tu veux, ou visiter la maison, ou descendre à la cuisine pour manger quelque chose. » Il faisait ce qu'il voulait, du moment où il restait là et qu'il n'en profitait pas pour fuir. « Je fais vite. » Elle aurait pu attendre le départ de Jean, mais elle n'en pouvait plus d'avoir ses vêtements qui avaient été trempés sur le dos. Elle n'avait qu'une hâte, c'était se changer. « Ne disparais pas... » Souffla-t-elle contre lui, après avoir déposé un baiser sur sa joue. Pour la première fois, depuis qu'elle l'avait retrouvé, elle n'allait plus le sentir contre elle ou entendre le bruit de sa respiration. Cette simple réalité l'effrayait. Et s'il disparaissait pour de bon ? Comme si le temps était compté, la jeune femme attrapa des vêtements de rechange et se précipita dans la salle de bain. Aussi vite qu'il lui était possible de le faire, elle s'était douchée et préparée. Puis, elle était ressortie pour retrouver Jean, la crainte qu'il ait pu disparaître, toujours ancrée au fond d'elle.

Sophie s'était emportée un peu rapidement, alors elle s'excusait auprès de ce pauvre Jean. Il n'avait pas voulu lui faire de mal. Au contraire, il avait essayé de lui dire quelque chose de gentil. De rassurant. Il n'avait simplement pas pensé à toutes les conséquences que ses mots pouvaient avoir pour Sophie, mais il ne pouvait pas penser à tout. Elle ne pouvait pas lui en vouloir pour si peu. « Je ne t'en veux pas, Jean. » Assurait-elle, en lui caressant le dos de la main, alors qu'il supposait être celui qui devait s'excuser. Elle ne lui en voulait réellement pas. Sa réaction n'était liée qu'à ses propres peurs, réveillées par ce qu'il avait dit et il ne devait pas s'en sentir responsable.

L'envie de prendre une douche devenait pressante. Elle se sentait sale avec ses vêtements actuels qui avaient pris l'eau et elle avait hâte d'enfiler des vêtements propres. Sophie l'avait donc expliqué à Jean, avant de venir déposer un baiser sur sa joue. Effrayée à l'idée de le perdre une nouvelle fois ou de se réveiller après un si beau rêve, elle lui demandait de ne pas disparaître. Elle craignait tant qu'il ne reste pas là, près d'elle. Si tout ça n'était que le fruit de son imagination ? S'il n'était que le résultat de son désir de le retrouver ? S'il n'était pas réel ? Non. Il l'était forcément. Il fallait, du moins, qu'elle essaie de s'en convaincre, une fois encore, pour avoir le courage de quitter cette pièce.

A une vitesse incroyable, la jeune femme s'était douchée et changée, avant de rejoindre Jean, qui lui avait promis de ne pas disparaître. Un immense soulagement l'avait envahie lorsqu'elle l'avait aperçu, allongé dans son lit. Il n'avait pas disparu. Il était toujours là. Comme il l'avait entendu arriver, il s'était redressé légèrement pour lui faire une réflexion. « Ne te moque pas de moi. » Avait-elle soufflé en venant s'allonger à ses côtés pour se blottir contre lui. Ce contact lui faisait tant de bien. Elle était si heureuse. Si heureuse d'y avoir le droit de nouveau. Si heureuse de le sentir contre elle. Si heureuse qu'il soit là, tout simplement. « J'ai peur de te perdre à nouveau. » Il devait l'avoir compris, tant elle le lui avait montré et répété, mais c'était une peur réelle et profondément ancrée en elle. Une peur qui était née à l'instant où elle avait compris qui il était.

Ses yeux se fermèrent, mais elle n'avait pas l'intention de dormir. Elle voulait discuter avec lui et profiter de chaque minute en sa compagnie. « Tu es heureux d'avoir pu revoir notre carnet ? » Il était leur premier souvenir, le premier cadeau de Jean pour Sophie et il avait une importance toute particulière et symbolique pour eux. « Je suis impatiente que tu retrouves Camille et Madeleine... Que l'on soit tous réunis, comme avant. » Un sourire s'était aussitôt dessiné sur ses lèvres, à cette pensée. « J'ai tellement hâte. » répétait-elle, imaginant la joie de Jean en retrouvant ses cousines. Puis, ses yeux s'étaient lentement ouverts, de nouveau, et avaient cherché à rencontrer ceux de Jean. « Ça va être... Comment... Enfin, je veux dire... » Elle n'arrivait pas à exprimer une pensée qui était pourtant si claire dans son esprit. « Elle va ressembler à quoi, notre vie, maintenant ? » Ils étaient un couple marié qui n'avait plus réellement le souvenir de l'être. Ils s'aimaient, mais ne savaient pas grand chose l'un de l'autre, en tant qu'adulte. Sophie n'avait pas la moindre idée des attentes de Jean, de tout ce qu'ils avaient pu imaginer ou prévoir lorsqu'ils étaient chez eux ou de ce qu'ils espéraient désormais. Ils avaient besoin de temps, c'était une évidence. Néanmoins, Sophie avait besoin de savoir, d'avoir une idée de ce qui les attendait dans un monde si différent de chez eux et avec des souvenirs en moins. Parce que Sophie n'avait qu'une crainte : décevoir Jean et le voir l'abandonner.

Blottie contre Jean, Sophie avait envie de céder à l'appel du sommeil, mais elle avait plus envie encore de le regarder et de parler avec lui. Plus elle le voyait, plus elle lui parlait, plus elle comprenait qu'il était réel et plus elle avait véritablement l'impression qu'il était là, à ses côtés. Elle aimait l'entendre. Elle ne se souvenait pas vraiment de sa voix avant aujourd'hui, désormais, elle tentait d'imprimer dans son esprit chaque intonation, chaque mot qu'il prononçait. Tout comme elle tentait de repérer et d'enregistrer chaque expression de son visage, chaque sourire. Elle aimait voir son regard brillant et ce sourire qu'il avait sur les lèvres lorsqu'elle lui parlait de leur carnet. Elle aimait l'entendre dire qu'il était plus heureux encore qu'elle ait pu le garder comme un souvenir d'eux. Sophie n'avait rien répondu à tout ça, elle lui avait simplement souri. Elle était si heureuse. Si heureuse d'avoir le droit à tout ça. Si heureuse de savoir que, bientôt, il retrouverait ses cousines et que sa famille se réunissait peu à peu.

Malgré toutes ces bonnes choses, certains détails perturbaient l'esprit de Sophie. Ils étaient peut-être mariés, mais Sophie n'en avait gardé aucun souvenir. Au mieux, elle se souvenait de ce qu'elle ressentait pour lui et elle possédait une bague qui lui rappelait son mariage. Mais elle n'avait aucun souvenir de ce passé. Avaient-ils eu des discussions à propos de leur avenir ? Des attentes de l'un et de l'autre ? C'était un sentiment perturbant pour Sophie, savoir qu'elle aimait quelqu'un sans réellement se souvenir de ce quelqu'un. Elle n'avait qu'à sentir sa main sur elle ou ses lèvres contre les siennes pour avoir la certitude qu'elle l'aimait et qu'elle avait besoin de lui près d'elle, mais c'était tout. Il n'y avait rien d'autre que quelques certitudes et des impressions. Alors elle avait besoin de savoir, de connaître les attentes de Jean à propos de leur vie, maintenant qu'ils s'étaient retrouvés.

Avec quelques hésitations, la jeune femme avait fini par poser la question. Jean lui avait attrapé les mains, avant de lui avouer qu'il n'en savait rien et de lui retourner la question. Sophie avait baissé les yeux un instant, pour y réfléchir. Comment pouvait-elle imaginer une vie sans se souvenir véritablement de qui ils étaient. Avant qu'elle ne puisse formuler une réponse, Jean avait repris la parole. Il lui expliquait qu'il possédait un grand appartement sur Baker Street, mais qu'il pouvait venir ici si elle le voulait vraiment. Ses yeux remontèrent aussitôt vers ceux de Jean. L'esprit de Sophie était en plein combat. Elle aimerait le garder avec elle à chaque instant, le savoir dans la même maison qu'elle. Et, en même temps, elle ne se sentait pas prête. Aussi horrible était cet aveu, ce Jean restait un inconnu pour elle. Un inconnu qu'elle aimait sans le moindre doute, un inconnu qu'elle avait envie de garder dans ses bras pour l'éternité, un inconnu qu'elle ne voulait plus voir disparaître, mais un inconnu tout de même. Sophie paniquait face aux mots de Jean. Bien sûr, il n'avait pas dit qu'il allait emménager dans l'heure, mais rien que cette éventualité éveillait en elle un nombre important de craintes. Elle n'avait aucun souvenir d'avoir déjà vécu avec lui. Ici, elle vivait seule depuis trois ans. Enfin, depuis quelque temps, elle partageait cette maison avec Sabrina. Elle avait pris goût à cette liberté, en serait-il de même lorsqu'il serait là avec elle ? Certainement. Après tout, Jean connaissait Sophie et il savait qu'elle avait besoin de faire ce qui lui plaisait au moment où elle en avait envie. Mais si elle le décevait, malgré tout ? Si elle était trop différente de l'image qu'il avait d'elle ? Si elle le rendait malheureux ?

Se rendant compte qu'elle était silencieuse depuis bien trop longtemps, la jeune femme avait tenté de formuler une réponse qui ne le vexerait pas. « Tu sais à quel point je t'aime et j'aimerais t'avoir près de moi à chaque instant, mais... » Son regard lâcha le sien pour ne pas voir sa réaction, avant de poursuivre : « Jean, je ne me souviens de rien... Je ne connais pas ce Jean. » Souffla-t-elle en posant sa main sur lui. « Je... Je ne suis pas prête à ce qu'on vive ensemble. Je sais que c'est ce qu'on devrait faire puisque nous sommes mariés, mais j'ai besoin de temps. » Elle avait peur qu'il ne croie qu'elle le rejette ou de le vexer, mais elle devait se montrer franche. « J'ai besoin de te connaître, de savoir qui tu es aujourd'hui avant de... » Sophie était trop hésitante et se reprenait beaucoup, mais il était difficile pour elle d'exprimer le fond de sa pensée. « Je ne me sens pas prête à ce qu'on vive comme un couple. » Pas sous le même toit, pas avec tout ce que ça signifiait. « Et si je n'étais pas l'épouse que tu voulais ? » Sophie avait sans doute changé en trois ans. Déjà, à leur époque, elle n'avait rien de ce qu'on attendait d'elle - mais ça, Jean l'avait épousée en le sachant. Aujourd'hui, elle avait trouvé de nouvelles libertés dans ce monde et si tout ça ne lui convenait pas ? « Le jour où nous serons prêts, j'aimerais garder cette maison, si tu ne vois pas d'inconvénient à ça. Je sais que ce n'est pas juste de te demander de quitter ton appartement, mais j'aime cet endroit. C'est grand et je m'y sens bien. » C'était loin du château de Réan, mais c'était grand. Elle avait plusieurs chambres et un extérieur, de quoi accueillir sa famille si elle le souhaitait, aussi souvent que possible. « Puis je ne vis pas seule ici. Il y a Sabrina. » Et soudain, une idée lui était venue à l'esprit. « Jean, tu ne me demanderas pas de dire à Sabrina de partir, n'est-ce pas ? » Elle lui avait parlé d'elle cette nuit, il n'avait rien dit de tel, mais peut-être ne voudrait-il plus d'elle lorsqu'ils seraient installés ensemble ? Pourtant Sophie ne pourrait pas s'y résoudre. Elle tenait beaucoup trop à cette amie qui avait été d'un soutien important pour elle ces dernières années. « Je veux qu'on prenne notre temps, qu'on apprenne à se connaître, qu'on se crée de nouveaux souvenirs et qu'on soit prêt. N'allons pas trop vite, tu veux bien ? » Souffla-t-elle en posant sa main sur sa joue. Enfin, elle lui laissait l'occasion de parler après avoir beaucoup trop parlé pour donner beaucoup trop d'explications, de peur qu'il ne se vexe de ses réponses.

Sophie ne voulait pas le blesser ou le vexer, mais elle ne pouvait pas reprendre leur vie comme si de rien n'était. Comment reprendre quelque chose qu'elle avait oublié ? Pour elle, tout était nouveau. Si elle avait bel et bien le souvenir d'avoir été mariée, elle n'avait aucun souvenir d'avoir déjà vécu avec Jean. Il lui était impossible de reprendre là où ils en étaient avant de se retrouver dans ce monde puisque, aux yeux de la jeune femme, ils n'étaient nulle part. Ses seules certitudes étaient qu'elle aimait Jean et qu'elle le voulait près d'elle, mais elle avait besoin de temps pour s'adapter à cette nouvelle vie. Elle ne le connaissait même pas. Pas ce Jean. Pas ce Jean adulte qui était son mari. Ses sentiments ne laissaient aucun doute, mais il restait un étranger à ses yeux. Alors, à l'idée qu'il puisse vouloir venir vivre chez elle trop vite, Sophie paniquait. Devoir prendre des décisions à deux, devoir évoluer ensemble, devoir vivre comme un couple. Sophie ne s'en sentait pas encore capable. Elle voulait avoir le temps de redécouvrir Jean et d'apprendre à le connaître. Elle voulait l'aimer sans se préoccuper des enjeux et des défis de la vie à deux, sous le même toit. Elle voulait profiter de sa présence, sans craindre de le décevoir si elle n'était pas comme il le souhaitait. Alors, elle avait tenté de lui expliquer ça en choisissant le mieux possible ses mots pour ne pas lui faire de mal. Elle avait tenté d'exprimer ses craintes et ses envies quant à leur avenir.

Evidemment, même si Jean semblait comprendre et accepter ce que Sophie disait, il tentait de la rassurer. Il savait être toujours le même Jean, Sophie n'en avait pas la moindre idée, elle. Sa main libre était venue se poser sur la joue de Jean, tandis que son autre main serrait toujours celle de Jean. « Je ne me souvenais même pas de ce visage. » Alors comment pouvait-elle savoir s'il était toujours exactement le même ? Elle avait presque tout oublié de lui. Tout, sauf ses sentiments. « J'ai parfois l'impression qu'il s'est passé beaucoup plus de trois ans. Pour moi, c'est un peu comme si je devais tout recommencer depuis le début. Je n'ai aucun souvenir auquel me raccrocher. » Elle ne se souvenait pas de sa demande en mariage, du premier baiser qu'ils avaient échangé, de l'instant où ils s'étaient dévoilés ce qu'ils ressentaient l'un pour l'autre, de leur mariage ou de ce qui avait suivi. Elle ne se souvenait de rien. Elle avait besoin de créer de nouveaux souvenirs et de s'y accrocher avant de pouvoir vivre avec lui.  

Puis, elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer qu'elle ne lui plairait pas. Ce monde ne l'avait pas complètement changée, mais elle avait gagné en liberté. Plus encore qu'autrefois, elle faisait ce qui lui plaisait quand ça lui plaisait. Sophie n'avait peut-être plus rien de celle qu'il avait épousé. Et, même ça, elle était incapable de le dire. « Parce qu'ici je me sens plus libre qu'avant d'être comme j'en ai envie ou de faire ce qui me plaît. » Jean la connaissait déjà comme ça, mais elle avait fini par s'assagir en vivant avec la mère de ses amies. Aujourd'hui, bien qu'elle conservait certaines choses qu'on lui avait apprises, si elle n'avait pas tout rejeté de son éducation, elle se retrouvait souvent à être celle qu'elle avait envie d'être et pas celle qu'on lui avait demandé d'être. Et s'il avait épousé la Sophie plus sage, plus retenue, plus calme, plus raisonnable qu'elle avait peut-être été ? C'était ça, qui lui faisait peur. Peur que ce Jean n'aime pas suffisamment cette Sophie. Peur de devoir changer à nouveau pour le garder près d'elle. Peur qu'ils n'aient pas la même vision du mariage. Mais, comme ils le disaient, ils devaient désormais prendre le temps de réapprendre à se connaître avant de pouvoir répondre à toutes ces craintes.

Lorsque ce jour arriverait, lorsqu'ils auraient appris à se connaître et lorsqu'ils se sentiraient prêts à vivre comme un couple, alors ils pourraient s'installer ensemble. Sophie espérait de tout son coeur que Jean accepterait de venir vivre ici. Ce n'était pas juste de lui demander de quitter son appartement, mais elle ne voulait pas quitter cette maison. Elle ne voulait pas abandonner cet endroit qui, par certains côtés, lui rappelait le château de Réan parce qu'elle y avait créé un espace pour que sa famille s'y sente bien et puisse venir s'y réfugier à chaque instant. Puis, elle ne vivait pas seule ici. Il y avait Sabrina. Sophie ne voulait pas délaisser ses nouveaux amis parce qu'elle avait retrouvé sa famille ou son mari. Sabrina faisait, désormais, autant partie de sa vie que Camille, Madeleine, Jean ou n'importe qui d'autre. Pourtant, la jeune femme craignait que Jean ne lui demande de la faire partir s'ils s'installaient ensemble. Elle aurait aimé entendre que non, jamais il ne lui demanderait une telle chose. Pourtant, il se montrait davantage modéré en précisant qu'il ne la connaissait pas. Et alors, s'ils ne s'entendaient pas, elle devrait lui demander de partir ? « Bien sûr que tu la rencontreras. Elle te connaît déjà par coeur, tu sais ? Et je suis certaine que tu l'aimeras autant que moi. » Enfin, plus que certaine, elle l'espérait plus que tout.

Avant qu'elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, Jean avait repris la parole, lui indiquant qu'il devrait l'inviter à venir manger chez lui, pour qu'elle découvre où il vivait. Puis, aussitôt, il lui avait demandé de parler de Sabrina. Il était vrai qu'elle n'en avait que brièvement parlé lors de cette nuit, mais Sophie ne savait pas tellement quoi dire à son sujet. La sorcière refusait que Sophie ne parle à qui que ce soit de ce qu'elle était, alors, quoi qu'elle puisse raconter à Jean, elle devrait lui mentir jusqu'à avoir convaincu Sabrina de la laisser parler. « J'ai hâte de découvrir où tu vis. » Et c'était sincère, elle avait hâte de découvrir où Jean avait construit sa vie ces dernières années. Mais, pour le moment, un autre sujet la préoccupait toujours : Sabrina. Alors, pour commencer, elle répondait aux questions de Jean à son sujet. « C'est une fille adorable. Elle est amusante et drôle et elle adore s'amuser. C'est vraiment une fille géniale et pleine de vie, Jean. J'y suis beaucoup attachée et... » Elle avait soufflé pour se donner du courage, avant d'ajouter : « Et je ne veux pas qu'elle parte. Même si tu ne l'apprécies pas, je ne pourrais pas lui demander de partir. C'est chez elle, ici. Je lui ai dit qu'elle pourrait vivre dans cette maison aussi longtemps qu'elle en aurait envie. » Et elle ne voulait pas revenir sur sa parole, donc autant être claire dès le départ avec lui. Même s'il ne l'appréciait pas et même s'il venait vivre ici, Sabrina resterait ici. Elle était chez elle. Sophie lui avait fait une promesse et elle comptait bien la tenir.

Les choses auraient difficilement pu être plus compliquées - si, Sophie aurait pu oublier tout de Jean, jusqu'à ses souvenirs d'enfance et ses sentiments pour lui. Sophie aimait Jean. C'était bien l'une des choses dont elle était le plus certaine à l'heure actuelle. Dès l'instant où elle avait ouvert les yeux dans ce monde, elle avait su qu'elle l'aimait. Pourtant, elle avait passé près de trois ans à aimer un fantôme, un être dont elle ne savait presque plus rien. Elle se souvenait des instants où ils ne ressentaient pas encore de l'amour véritable l'un pour l'autre, elle se souvenait des instants où ils n'étaient que deux enfants s'appréciant énormément. Elle n'avait aucun souvenir de l'homme, de celui qu'elle avait appris à aimer en grandissant, de celui qu'elle avait épousé avant d'arriver dans ce monde. Cette vie, à deux, cette relation qu'ils avaient su construire au fil des années... Sophie devait recommencer de zéro parce qu’elle n’existait pas pour elle. Elle devait réapprendre à le connaître. Elle devait tout réapprendre. Ou presque. Naturellement, grâce à ce qu'elle ressentait en sa présence - avant même qu'elle ne sache qui il était - elle n'avait aucune crainte à le savoir près d'elle et, dès l'instant où elle avait compris qui il était, elle n'avait eu aucune réticence à ce qu'il la prenne dans ses bras ou à ce qu’ils soient l’un près de l’autre. Parce que son corps se souvenait du contact rassurant de ses bras autour d'elle, parce que son corps n'avait pas oublié ce que son esprit avait oublié, lui. Dans l'esprit de Sophie, tout était confus et difficile. Il lui fallait du temps. Combien, elle l'ignorait, mais du temps.

Jean semblait le comprendre et l'accepter, mais il était touché par ce qu'il entendait, malgré tout. Sophie pouvait se mettre à sa place et imaginer comme il était difficile de ne pas pouvoir avoir tout ce dont il rêvait pour eux. « Je suis désolée, Jean... » Souffla-t-elle en baissant les yeux lorsqu'il avait conclu sur le fait qu'ils devaient tout reprendre au début alors. Elle qui craignait tant de le décevoir, elle avait l’impression de le décevoir plus que jamais à cet instant précis, en lui réclamant du temps et de la patience. Pourtant, même si elle aurait aimé lui donner tout, tout de suite, elle ne le pouvait pas.

Leur discussion les conduisit à parler de Sabrina, la colocataire de Sophie. Cette dernière craignait de voir Jean lui demander de dire à Sabrina de partir. Sophie n’avait plus vraiment de repère dans ce nouveau monde, pas en tant qu’épouse, en tout cas. Elle ignorait à quel point Jean interviendrait dans sa vie ou non, mais elle lui affirmait déjà que jamais elle ne demanderait à son amie de partir. C’était une certitude puisqu’elle lui en avait fait la promesse. A la demande de Jean, Sophie décrivit rapidement Sabrina et lui expliquait que cette dernière le connaissait déjà par coeur – toujours dans l’exagération, comme à chaque fois qu’il s’agissait de Sophie. Aux mots de Jean, Sophie n’avait pu se retenir de sourire. « Je crois que j'exagère un peu quand je dis qu'elle te connaît par coeur. » ajouta Sophie, en souriant, amusée. « Disons que je lui ai raconté toutes les bêtises que tu faisais avec moi lorsque nous étions jeunes. » Précisa la jeune femme, avant d’ajouter : « Et elle sait comme je t’aime. » Parce que Sabrina et Sophie avaient passé de longues heures à discuter des gens qu’elles aimaient et qu’elles n’avaient pas retrouvé. « Oh, j’ai hâte que vous vous rencontrez, moi aussi ! Tu verras comme c’est quelqu’un de bien ! » Souffla-t-elle, pour confirmer de nouveau les propos de Jean qui tentait de la rassurer. « Il faut que tu la remercies pour les bêtises qu’elle m’a aidée à faire, aussi. » Rétorqua Sophie, amusée par l’idée de ne pas en dire davantage à Jean afin qu’il puisse s’imaginer toutes les bêtises que Sophie avait pu faire en trois années passées ici. « Je suis sûre que c’est un endroit magnifique. » Souffla Sophie, tout en serrant davantage les mains de Jean, à son tour. Oui, elle avait hâte de découvrir cet endroit et d’avoir l’impression qu’ils n’avaient jamais été séparés en apprenant tout de sa vie ici. L’endroit où il avait vécu lui en apprendrait sans doute beaucoup à ce sujet, alors elle avait hâte de le découvrir.

Sophie sentait au regard de Jean que l’heure de son départ approchait. Elle avait l’impression d’être capable de le comprendre sans qu’il n’ait à parler. Elle avait l’impression de ressentir ce qu’il ressentait – ou elle se trompait avec ses propres émotions, peut-être. « Tu vas devoir bientôt partir, n'est-ce pas ? » souffla la jeune femme, en baissant les yeux, consciente qu’il n’y pouvait rien, quand bien même, elle aurait aimé passer la journée avec lui.

Comme à chaque fois que Sophie doutait - autant que ses souvenirs d'enfant lui permettaient de se rappeler, du moins - Jean était là pour la rassurer. Il aurait été bien plus simple de pouvoir reprendre là où ils s'étaient arrêtés, mais Sophie ne s'en sentait pas capable puisqu'il n'y avait rien, pour elle, là où ils s'étaient arrêtés. Elle avait toujours su qu'ils étaient mariés, mais ça n'avait jamais été une certitude, simplement un sentiment puissant et profond lié à cette bague qu'elle portait à son réveil dans cet endroit. C'était en le voyant ainsi, dévouée et amoureux, prêt à tout pour la rassurer, ses mains dans les siennes dans un geste rassurant, qu'elle savait pourquoi elle l'aimait et qu'elle savait qu'il ne lui faudrait que du temps pour que ce sentiment reprenne toute sa place dans sa vie. A ses mots rassurants, Sophie se contentait de sourire pour le remercier de tout ce qu'il faisait. Elle n'avait pas voulu oublier, bien sûr, mais elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour se souvenir et pour retrouver la mémoire, grâce à lui et avec lui. C'était une promesse qu'elle se faisait à elle-même. Pour eux. Pour leur avenir. Une promesse qu'elle comptait bien tenir.

La discussion continuait et déviait sur la colocataire de Sophie, Sabrina. Comme à son habitude, la jeune femme exagérait légèrement en expliquant à quel point son amie connaissait déjà Jean, avant même de l'avoir rencontré. Sabrina savait à quel point Sophie aimait ce dernier et les bêtises qu'ils avaient pu faire enfant, mais elle n'avait malheureusement pas pu lui apprendre autre chose. « Vous m'avez suivie, vous êtes aussi responsable que moi. » Rétorqua Sophie à son tour, à propos de ses bêtises d'enfant, son rire se joignant à celui de Jean. C'était en ça que Sophie savait que tout n'avait pas disparu entre eux. Ils se comprenaient toujours et il y avait une connexion naturelle entre les deux. L'alchimie n'avait pas disparu. L'amour, non plus. Il ne manquait que les souvenirs. Alors, leur histoire n'était pas peine perdue. Ils se battraient pour retrouver ce qui avait existé et ils réussiraient parce qu'ils s'aimaient suffisamment pour ça. « Tu crois qu'il n'y a rien d'autre à savoir à ton sujet ? » Ajouta Sophie pour plaisanter quand il assurait que si Sabrina savait comme Sophie aimait Jean, il n'y avait plus grand chose d'autre à savoir. « Je ne sais pas. Laisse-moi quelques jours pour organiser ce dîner et tu la rencontreras. » Expliqua-t-elle dans un haussement d'épaules. Sophie aurait aimé qu'ils se rencontrent très vite, mais elle ne connaissait pas les disponibilités de Sabrina qui passait parfois du temps chez son père et puis, un peu égoïstement, elle voulait profiter d'avoir Jean pour elle toute seule, à chaque fois qu'ils devraient se voir, au moins pour quelques jours. Elle venait à peine de le retrouver, elle avait bien le droit d'en profiter un maximum.

L'air faussement outré de Jean amusait beaucoup Sophie. Elle l'écoutait la sermonnait pour plaisanter et elle riait. « Tu m'aimerais moins si je changeais. » Affirmait-elle avec certitude, tout en souriant. « Non, tu ne sauras rien du tout ! Comme ça, tu ne pourras rien en dire ! » S'il ne connaissait pas les bêtises de Sophie, il ne pouvait pas lui faire la morale ou lui rappeler telle ou telle chose, alors elle ne dirait rien - pour l'instant, il était évident qu'elle plaisantait et qu'elle raconterait tout un jour ou l'autre, fière de ses actions, comme toujours.

Mains dans les mains, Jean et Sophie discutaient de l'endroit où ils vivaient. Sophie avait évidemment hâte de découvrir l'endroit où Jean avait passé ces trois dernières années, d'autant qu'il y semblait vraiment très attaché. « Oh, nous pourrions prendre notre repas à l'extérieur, près de la fontaine, si le temps nous le permet. » S'enthousiasma Sophie, comme une enfant, s'imaginant déjà ce repas en compagnie de son mari, oubliant le reste de la description que Jean avait faite de sa maison - comme toujours, la jeune femme ne retenait que ce qui l'intéressait le plus.

Sophie sentait bien que l'instant de la séparation arrivait. Elle lisait dans les yeux de Jean qu'il n'en avait pas plus envie qu'elle et qu'il aurait aimé pouvoir reculer ce moment, encore et encore. Comme il aurait été bon de pouvoir figer le temps et de se créer une bulle de laquelle ils n'auraient jamais eu à sortir. Alors, attristée à cette idée, la jeune femme lui demanda confirmation. Jean confirma et reprécisa aussitôt qu'ils se reverraient très vite : ce midi et ce soir. Ce n'était que quelques heures, mais quelques heures qui paraîtraient être une éternité pour Sophie. Ils se retrouvaient à peine et ils étaient déjà obligés de se séparer. Alors, aux questions de Jean, Sophie se contenta de hocher la tête de haut en bas. Oui, ils se reverraient pour le repas et oui, elle le tiendrait au courant pour Sabrina, néanmoins, ça n'apaisait en rien ce qu'elle éprouvait à l'idée de devoir le quitter bientôt. Puis, parce qu'il cherchait sans doute à la rassurer, il lui avait assuré qu'il n'allait pas disparaître. C'était bien là l'une des plus grandes craintes de la jeune femme, que cette ville se soit jouée d'eux et que Jean ne disparaisse à nouveau. Comme pour sceller sa promesse de ne pas disparaître, Jean avait relevé le menton de Sophie de l'une de ses mains avant de venir l'embrasser. Elle profitait de l'instant autant qu'elle le pouvait, même si ça ne suffisait pas à l'apaiser, comme s'il s'agissait de la dernière fois - bien décidée, cette fois-ci, à conserver ce souvenir, quoi qu'il arrive. « Ce n'est pas toi qui décide, malheureusement. » souffla-t-elle contre ses lèvres, pour qu'il ne s'en veuille pas s'il devait ne pas la retrouver après cette séparation. « Je t'aime. » Elle lui avait suffisamment répété depuis leurs retrouvailles, mais elle ne voulait pas qu'il l'oublie. Elle voulait qu'il parte travailler avec ces mots imprimés dans son esprit. « Tu devrais partir, maintenant. » Parce que faire durer cet instant, c'était rendre la séparation plus difficile encore pour Sophie, alors autant ne pas la faire durer éternellement, même si elle appréciait chaque seconde qui lui était donné.

Retrouver Jean était un grand bonheur pour Sophie qui n'avait attendu que ça depuis les trois ans où elle était dans cette ville. Elle était rassurée parce qu'elle ne s'était pas imaginée ce qu'il y avait entre eux, ils étaient bel et bien mariés et leurs sentiments étaient réciproques. Pourtant, le retrouver faisait naître beaucoup de craintes chez Sophie. Elle craignait d'avoir beaucoup trop changer ou de ne pas être celle qu'il s'était imaginée durant toutes ces années. Sophie n'avait jamais été ce que les autres voulaient d'elle. Ici, elle s'était découvert une liberté qu'elle n'avait jamais eu autrefois. Et elle craignait que Jean ne puisse pas aimer cette Sophie. Une part d'elle tentait néanmoins de la rassurer. Sophie avait toujours été ainsi, libre et déterminée à faire ce qui lui plaisait, simplement. Et c'était, après tout, de cette Sophie là qu'il était tombé amoureux, donc devait-elle réellement s'inquiéter ?

Malgré ses craintes, ils devaient avancer. Ils se retrouvaient à peine, mais ils avaient énormément de temps à rattraper - et de souvenirs, malheureusement. Comme ils devaient déjà bientôt se séparer pour une partie de la journée, Jean lui expliquait où ils pourraient déjeuner, chez lui. Aussitôt la description du jardin faite, aussitôt Sophie proposa d'y prendre leur repas. Le cadre semblait tellement agréable que la jeune femme voulait en profiter. « J'ai hâte d'y être ! » Avait assuré la jeune femme lorsque Jean lui expliqua que ce jardin était clos et que, donc, ils seraient tranquilles. Enfin, il se nuança de lui-même en lui racontant une anecdote qui faisait beaucoup rire Sophie, après l'avoir étonnée. « Je te préviens, je vais vouloir connaître chaque détail. » Parce qu'il n'était pas courant d'entendre qu'un homme prenne des coccinelles pour des extraterrestres, elle voulait connaître les moindres détails de cette rencontre pour le moins étonnante. Une raison de plus pour avoir hâte de retrouver Jean pour le repas afin d'entendre cette histoire qui les ferait beaucoup rire, elle en était certaine.

Sophie aurait aimé pouvoir rester toute la journée avec Jean, mais ce n'était pas possible. Il devait partir. Sophie craignait que la ville ne s'amuse d'eux et les empêche de se revoir, mais elle essayait de garder espoir face aux promesses de Jean - qui pourtant n'avait aucune maîtrise sur les événements, comme elle. « D'accord. » Souffla-t-elle lorsqu'il lui promit donc de la retrouver, de la contacter très vite et de l'appeler. Garder contact les aiderait sans doute à se rappeler qu'ils se retrouveraient très vite. Jean devait partir et Sophie préférait le voir partir maintenant parce qu'il lui était difficile de prolonger ce moment. Plus ils restaient ensemble, plus le départ de Jean allait être difficile, elle le savait. Sophie ferma les yeux lorsque les lèvres de Jean se posèrent sur son front. Elle lui souffla qu'elle l'aimait et il en fit de même. Il craignait d'être en retard pour un rendez-vous très important et craignait que son collègue ne soit pas content, alors, sans plus faire durer les choses, il se leva. Sophie avait hésité à le suivre, mais elle avait réussi à se faire entendre raison. Si elle l'accompagnait jusqu'à l'entrée, le départ n'en serait que plus retardé et plus difficile, alors elle préférait rester là, priant pour que l'heure du déjeuner arrive rapidement. En attendant, elle aurait tout le temps de se remémorer cette nuit qui venait de changer à jamais son futur dans cette ville.