Sous le règne de Blodreina | Jodie

Voilà quelques années, maintenant, que Blodreina avait pris le contrôle de l’île. Quelques années que la vie ici était devenue un véritable enfer. La vie ici était presque semblable à la vie dans le bunker. Presque, parce qu’ici personne n’était enfermé, privé du monde extérieur, en dehors des prisonniers. Mais sur cette île, tout le monde était sous l’autorité de l’impitoyable Blodreina. Dans cette réalité alternative, Octavia a toujours cette soif de pouvoir, elle a toujours cette envie de gouverner, cette envie de se faire obéir. Dans cette réalité, elle n’a jamais changé, il n’y a jamais eu de rédemption, jamais eu de pardon. Ici, comme dans le bunker, il y avait des règles, si elles étaient transgressées, si les habitants s’opposaient à elle, si les Wonkru n’étaient pas de véritable Wonkru, alors l’arène les attendait. Ici aussi, les habitants devaient racheter leur liberté. Pour obtenir le pardon et pour quitter la prison, ils devaient se battre. Le combat n’était pas terminé tant qu’il restait plus d’un combattant dans l’arène. Alors même face à un ami ou face à un membre de la famille, personne n’avait le choix, il fallait se battre et tuer les autres criminels.

Rien n’avait été simple au début. Le régime de Blodreina avait été contesté. Certains avaient essayé de la renverser, ne voulant pas vivre sous l’autorité d’un tirant assoiffé de sang. Mais Blodreina avait gagné. Cette version de Blodreina était pire encore que celle du bunker. Chaque personne s’opposant à elle avait fini transpercée par son épée. Et peu à peu, son armée s’était constituée. Peu à peu, les gens avaient cessé de la combattre. Peu à peu, elle s’était imposée comme l’unique souveraine de cette île. Tous n’étaient pas d’accord avec elle, mais ils préféraient se taire, se cacher et laisser les choses se faire pour éviter d’être enfermé, pour éviter d’être tué ou de devoir tuer. Nombreux étaient ceux qui avaient perdu la vie en essayant de s’opposer à elle.

Accompagnée de certains de ses soldats et couverte de ses peintures de guerre, Blodreina parcourait les rues de la ville en ruine - signe des nombreux conflits qui avaient eu lieu au début de son règne, signe des punitions impitoyables qu’elle infligeait à ceux qui n’étaient pas de son côté. Personne n’osait réellement s’adresser à elle, par peur de dire quelque chose qui allait être mal pris ou mal compris. Ou simplement parce qu’ils avaient peur des protecteurs de la souveraine qui ne laissaient personne l’approcher, par crainte que quelque chose de mal lui arrive.

Jodie ne comprenait pas. Jodie n'y comprenait plus rien. Un instant, elle se trouvait dans les rues animées de sa nouvelle ville, évitant de justesse un passant qui avait les yeux rivés sur son téléphone, alors qu'elle se rendait au travail et, l'instant d'après, elle était dans une ville en ruine, une ville qui ne lui offrait qu'un paysage de désolation. En un clignement d'yeux, les choses n'avaient pas pu autant changer. Pourtant, elle reconnaissait chaque endroit. Simplement, ces endroits devenus si familier avec le temps, étaient partiellement détruits.

Si Jodie ne se l'expliquait pas totalement, elle supposait pourtant que ce ne pouvait être qu'un mauvais coup de la ville dans laquelle elle vivait. Une nouvelle épreuve. Très bien, puisqu'elle n'avait pas le choix, elle jouerait le jeu et elle en ressortirait vainqueur, comme à chaque fois. Après tout, elle avait dû supporter beaucoup d'épreuves dans la vie et elle s'en était toujours sortie d'une façon ou d'une autre.

Ses pas la menaient vers un endroit familier, pour voir à quel point la ville était détruite. Sur son passage, il n'y avait que peu de monde et, partout, le paysage était le même. Un vrai décor d'apocalypse. En quelques minutes, ses yeux s'étaient posés sur le bâtiment dans lequel elle travaillait depuis cinq ans. Il n'en restait rien. A peine des fondations, sur lesquelles trônait un reste de bâtiment détruit depuis longtemps.

C'était une vision choquante parce qu'elle ne se l'expliquait pas et parce qu'elle craignait que, désormais, sa vie ne soit plus que ça. Non, elle refusait de vivre dans un endroit comme celui-ci. Elle refusait de devoir se battre, encore. Elle ne désirait qu'une chose : la paix.

Comme par miracle, alors qu'elle avait détourné les yeux un court instant en entendant des bruits de pas, nombreux, derrière elle, elle avait aperçu un visage familier. Celui d'Octavia. Une ancienne collègue, une amie. Elle était très différente et portait des peintures étranges sur le visage. Ses vêtements également étaient très différents de ceux qu'elle portait habituellement. Ces détails, Jodie les avait remarqués, mais elle ne s'en était pas souciée plus que cela. Peut-être pour se rassurer ? Pour ne pas s'effrayer davantage ?

Peu importe. En la voyant, sans réfléchir une seule seconde aux conséquences de ses actes, elle s'était précipitée vers son amie en criant son nom, heureuse de la voir, soulagée de ne pas être seule. « Octavia ! » Mais à peine avait-elle eu le temps de prononcer son prénom que l'un des hommes qui l'entourait lui avait mis un coup dans le ventre. Sous la surprise, elle était tombée à genoux, à bout de souffler. « Octavia, qu'est-ce qui se passe ? » Avait-elle fini par articulé, perdue et désemparée.