(Terminé) La folie qui condamne à la solitude ft. Sophie

Sophie s'était longtemps baladée en ville, n'entrant nul part, marchant juste, observant ce qu'elle voyait. Même si elle était dans ce nouveau monde depuis plus d'un an maintenant, elle avait toujours l'impression de découvrir ce qui l'entourait. Tout était si différent désormais, dans ce monde et Sophie ne comprenait toujours pas pourquoi ou comment. Son ancien monde lui manquait tellement et elle détestait tant celui-ci. Préférant se changer les idées, elle quitta le centre-ville pour retrouver un endroit qui lui rappelait son monde à elle. Elle s'était arrêtée dans un parc pour manger un beignet et s'asseoir un peu. Les gens autour d'elle semblaient être dans un endroit qui leur était familier. Ils semblaient appartenir à ce monde. Elle aussi elle aurait aimé avoir cette impression. Sa journée lui paraissait si longue. L'après-midi semblait être à peine commencée qu'elle n'avait déjà plus rien à faire. Elle n'avait pas besoin de faire de courses, elle s'était longuement promenée et elle n'avait personne à voir. Personne n'était disponible pour passer un peu de temps avec elle. Non, décidément, elle sentait que cette journée allait être bien trop longue. Après avoir poussé un énorme soupire, Sophie s'était relevée, ne souhaitant plus rester ici, pour rentrer chez elle.

Elle avait donc marché un certain temps pour arriver dans son quartier, mécontente à l'idée de déjà rentrer s'enfermer dans cette maison. Tandis qu'elle avançait, elle aperçut une jeune femme devant elle qui semblait mal en point. En effet, Sophie la suivait depuis quelques minutes déjà et elle avait remarqué qu'elle avait plaqué ses mains contre ses oreilles sans raison apparente. Puis elle s'était mise à hurler comme si quelqu'un lui avait parlé. Cri qui avait fait sursauter Sophie tant elle ne s'y attendait pas. Il n'y avait pourtant personne, après vérification, et Sophie ne comprit pas bien ce qui était en train de se passer. Bêtement peut-être et sans réfléchir, comme souvent, Sophie avait accéléré pour rejoindre la jeune femme qui continuait d'avancer. Et sans réfléchir, une fois encore, elle lança simplement, une fois juste derrière elle, un : « Tout va bien ? Vous avez besoin d'aide ? »

Sophie s'était approchée de cette étrange jeune fille. Elle paraissait perdue, ou peut-être avait-elle peur ? Elle avait crié alors qu'il n'y avait personne, elle semblait vouloir ne plus entendre quelque chose ou quelqu'un. Sophie ne comprenait rien, mais elle ne voulait pas laisser cette femme se débrouiller seule si elle avait un problème. Dans la même situation, Sophie aimerait que quelqu'un lui vienne en aide et prenne du temps pour comprendre. Peut-être n'était-ce pas le cas de cette femme, elle n'en savait rien, mais elle s'était tout de même approchée pour lui parler et s'assurer que tout allait bien.

Sophie la fit sursauter sans le vouloir et la jeune fille eut une réaction étrange, se reculant, évitant un instant son regard, hésitant même à répondre... Sophie ne comprenait pas pourquoi ! Lui avait-elle fait peur ? Avait-elle peur de quelque chose ? Si Sophie se comportait comme une enfant la plupart du temps, elle était également capable de comprendre lorsqu'une situation n'était pas normale ou méritait un certain sérieux. Et cette situation en faisait partie.

La femme se justifia, ou essaya plutôt, mais elle était plus qu'hésitante. Et selon Sophie, personne ne réfléchissait jamais en se mettant à crier comme ça, d'un coup. Elle trouvait la réponse étrange, trop pour partir et abandonner l'idée de l'aider. Ne lui avait-on pas appris, dans son monde, qu'il fallait toujours aider les autres, ceux qui en avaient besoin ? C'était une leçon qu'elle avait apprise et qu'elle essayait toujours d'appliquer lorsque cela était possible. Mais Sophie n'eut pas le temps d'y réfléchir davantage que la jeune femme reprit la parole pour la remercier de sa question, les larmes aux yeux. Ce qui mit immédiatement Sophie mal à l'aise, persuadée qu'elle avait fait quelque chose de mal ou qu'elle lui avait fait peur. « Je suis désolée si je vous ai fait peur, je ne voulais pas... » parce qu'autrement, pourquoi aurait-elle les larmes aux yeux ? Sophie ne savait plus très bien quoi dire ou quoi faire, mais elle ne partirait pas en abandonnant quelqu'un qui en avait besoin, ça elle en était certaine. « Vous n'avez vraiment pas l'air d'aller bien ! Je veux juste vous aider... » se justifia-t-elle, au cas-où la femme se méfierait. Et pourtant même Sophie savait que ce genre de phrase n'aidait en rien à rassurer une personne méfiante. « Peut-être que vous devriez vous asseoir un instant ? » Ce n'était pas les bancs qui manquaient dans le quartier, alors peut-être avait-elle besoin de se reposer un instant pour reprendre ses esprits ? Sophie était pleine de bonnes intentions, mais ça ne l'aidait pas pour autant à trouver les bons mots ou les bonnes choses à faire, alors elle faisait du mieux qu'elle le pouvait.

Sophie voulait venir en aide à cette personne. Lorsqu'elle avait vécu chez madame de Fleurville, après avoir quitté sa belle-mère, elle avait appris à quel point il était important de penser aux autres et de les aider lorsque l'on en avait les moyens. Il était impossible pour elle de laisser cette jeune fille se débrouiller toute seule. Sauf qu'elle semblait lui avoir fait peur. Alors elle s'excusait. Les explications de l'inconnu n'aidait pas Sophie à comprendre la situation. La jeune fille assurait ne pas avoir peur, mais aussi de ne pas se contrôler. Si elle n'avait pas eu peur, pourquoi avait-elle eu cette réaction alors ? Sophie était curieuse de nature, et elle aimait comprendre les choses. Sauf que cette fois-ci, elle ne répondit rien parce qu'elle savait que le moment était mal choisi pour poser un million de questions et jouer la curieuse comme d'habitude.

Sophie lui proposa alors de s'asseoir un instant. Peut-être avait-elle besoin d'une pause et de prendre quelques minutes pour elle, pour se calmer ? Sophie l'accompagna alors vers le banc le plus proche et se plaça à côté d'elle. Tandis que la jeune femme levait les yeux vers le soleil qu'elle semblait observer avec attention, Sophie ne bougea pas, la laissant si cela pouvait la calmer. A sa question, Sophie tourna les yeux vers l'inconnue pour répondre. « Parce que c'est ce qu'on doit faire. » commença la jeune fille. « Vous avez besoin d'aide, je ne veux pas vous laisser vous débrouiller toute seule. Je ne peux pas passer à côté de vous et faire comme si je n'avais pas vu que vous aviez besoin d'aide... » elle, on l'avait aidé à l'époque, et heureusement. Elle aurait aimé être aidée plus tôt, mais ça n'avait pas été le cas. Et elle ne souhaitait à personne de devoir se débrouiller seul. Et puis, elle aimait venir en aide aux autres comme on lui avait appris. C'était quelque chose qu'elle essayait toujours de rendre naturel chez elle. « Et si vous m'expliquiez ce qui ne va pas ? » si Sophie pouvait l'aider à régler son problème ou lui venir en aide, elle le ferait avec plaisir, mais pour cela elle avait besoin de connaître son problème.

Sophie tentait tant bien que mal de venir en aide à cette inconnue, mais cette dernière semblait plus disposer à poser des questions qu'à accepter tout simplement l'aide de Sophie. Et elle la comprenait. Il était sans doute stupide de faire aveuglément confiance au premier inconnu qui passait en vous affirmant vouloir vous venir en aide. Elle avait sans doute besoin d'être rassurée quant aux véritables intentions de Sophie. A sa question, la rousse prit une seconde pour réfléchir. « Vous avez crié et puis... Votre comportement... Ça se sent, tout simplement. » Elle ne saurait s'expliquer plus en détail, elle l'avait juste vu. Le fait de l'avoir vu crier aussi, ça l'avait aidé à comprendre que quelque chose n'allait pas. Personne ne se mettait à crier sans raison, alors qu'il n'y avait personne. Sauf si quelque chose n'allait pas, évidemment. Alors, Sophie en avait conclu avec ce cri et ce comportement étrange, qu'elle n'allait pas bien. Et elle ne s'était pas trompée, elle le savait, sinon la jeune fille lui aurait déjà dit depuis le début.

Sophie poursuivit alors, lui demandant d'expliquer ce qui n'allait pas pour elle. Après tout, il était impossible de l'aider si elle ne savait pas pourquoi elle allait mal, cela semblait logique. Et Sophie voulait vraiment l'aider. Elle voulait vraiment se sentir utile et faire quelque chose de bien. Et surtout, elle voulait vraiment soulager cette inconnue, si elle le pouvait. Sophie fut surprise de la réponse de la jeune fille. Elle ne s'y attendait pas. Et surtout, elle n'y croyait pas. Elle ne croyait pas qu'un simple mal de tête pouvait causer tout ça. « Je ne comprends pas... » souffla Sophie, ne prenant pas le temps de réfléchir à ses réponses d'abord. « Pourquoi est-ce que vous devriez m'aider ? C'est moi qui cherche à vous aider... et pour votre mal de tête, pourquoi n'allez-vous pas voir un médecin ? » l'incompréhension devait sans doute se lire clairement sur le visage de la jeune fille, et elle espérait bien comprendre où l'inconnue voulait en venir.

Sophie était de plus en plus perdue, elle devait bien l'avouer. Elle ne comprenait pas comment un simple mal de tête, aussi violent qu'il puisse l'être, pouvait provoquer un tel comportement. Ce n'était pas si important dans le fond, le plus important était que cette femme avait besoin d'aide. Le reste importait peu. Sophie aurait tout le temps d'essayer de comprendre plus tard. « Stopper quoi ? » ne put-elle pourtant pas s'empêcher de demander. Après tout, il lui fallait bien comprendre un minimum pour l'aider correctement, non ?

Mais ce que Sophie comprit encore moins, ce fut lorsque l'inconnue lui proposa de l'aider elle. Sophie n'avait pourtant besoin d'aucune aide, si ? C'était elle qui proposait d'aider, elle n'avait pas demandé à être aidée. Tout était en train de se compliquer. Alors Sophie n'oubliant pas le problème de la jeune fille la questionna sur le pourquoi ne jamais être allée voir un médecin avant de la questionner sur le pourquoi elle aurait besoin d'aide. Et Sophie fut plus que surprise par la réponse de la jeune femme. Qu'elle ne connaisse pas de médecin était déjà une chose surprenante pour Sophie, mais la suite le fut bien plus encore. Comment pouvait-elle savoir ou deviner le passé douloureux de la rousse ? C'était le passé maintenant et elle avait raison, Sophie avait eu besoin d'aide. De l'aide qu'elle avait heureusement fini par trouver. Comment aurait-elle survécu à sa belle-mère avec le temps ? Elle n'aurait sans doute pas pu... Mais aujourd'hui, tout allait mieux pour elle. Et tout serait encore plus parfait si elle retrouvait sa famille, mais elle gardait espoir et savait qu'un jour ils seraient de nouveau tous réunis. Alors elle n'était pas à plaindre. « Comment vous savez ça ? » souffla-t-elle d'abord, surprise. « Je... Ce n'est pas la question et je ne veux pas en parler maintenant. On doit d'abord s'occuper de vous. » souffla-t-elle, parce que c'était du passé et que pour raviver les souvenirs douloureux avec une inconnue, elle ne se sentait pas prête. « Vous pouvez venir chez moi si vous voulez, je n'habite pas loin dans cette rue, j'ai de quoi soigner votre mal de tête si vous voulez et vous pourrez vous y reposer. » Sophie n'était pas prudente et était prête à inviter la jeune femme même si elle n'était qu'une inconnue. Mais Sophie n'avait jamais été très prudente malgré les recommandations de sa famille et les mises en garde.

Sophie ne comprenait pas tout à la situation et à la conversation. L'inconnue se plaignait d'abord de maux de tête puis elle affirma qu'elle criait pour les faire stopper. Mais stopper quoi ? C'était ça que Sophie ne comprenait pas. Elle s'attendait sans doute à n'importe quelle réponse, mais pas à celle-ci. A aucun moment, elle n'avait imaginé entendre ça et son regard devait montrer son incompréhension et sa surprise. C'était tout ce qu'elle était à cet instant, intriguée par cette réponse étrange qu'elle ne comprenait qu'à moitié. Les questions de Sophie étaient nombreuses, notamment ce que l'inconnue entendait par des voix dans la tête ou pourquoi elles étaient là. Sauf qu'elle n'en demandait pas plus, ne voulant forcer la jeune femme à parler si elle n'en avait pas envie. Et puis, elle avait besoin d'un certain temps pour mieux assimiler cette information et savoir ce qu'elle devait en faire. Peut-être que cela aurait dû l'effrayer davantage ? Ou la faire fuir ? Ou la faire appeler quelqu'un de plus compétent qu'elle ? Ou simplement continuer à l'aider, comme elle voulait le faire à cet instant parce qu'elle avait besoin d'aide... Sophie ignorait quelle réaction était la bonne, mais elle avait fait son choix.

Elle ne répondit rien, laissant l'inconnue reprendre. Inconnue qui reprit sur le passé douloureux de Sophie. Cette dernière fut d'autant plus surprise, ne comprenant pas comment elle pouvait deviner ça aujourd'hui. Mal à l'aise, elle refusa d'en parler et évita le sujet clairement. Elle ne voulait surtout pas vexée l'autre femme ou lui paraître désagréable. Elle ne se sentait juste pas capable de parler de ça maintenant, sans la connaître. C'était un moment de sa vie qu'elle avait accepté depuis longtemps, et il ne la rendait plus aussi malheureuse qu'avant, mais c'était toujours une épreuve d'en parler, d'autant plus dans ce nouveau monde où elle avait perdu tout le monde, de nouveau. A l'exception de sa soeur, et heureusement.

Et toujours dans l'idée d'aider la jeune femme, Sophie lui proposa de l'accompagner chez elle pour qu'elle puisse se reposer un peu et prendre de quoi soulager ses maux de tête. Ce n'était peut-être pas prudent puisqu'elle ne la connaissait pas et qu'elle ignorait de quoi elle était capable, mais Sophie restait fixée sur cette idée de lui venir en aide à tout prix. « Vous ne me faîtes pas peur... » souffla-t-elle pour la rassurer, parce que pour le moment c'était vrai. Elle n'avait aucun comportement violent à son égard et c'était sans doute tout ce qui pourrait effrayer la jeune femme. « Suivez-moi, alors. » elle attendit que la jeune femme se lève pour l'accompagner jusqu'à chez elle, ce n'était vraiment pas loin. Une minute à peine. « Au fait, je m'appelle Sophie, et vous ? » Lança la jeune fille une fois dans l'allée, la main dans la poche à la recherche de ses clés. Il était peut-être temps de se présenter, après tout. Et puis une fois les clés sorties de sa poche, elle ouvrit la porte et invita la jeune femme à entrer, heureuse d'avoir un peu de compagnie dans cette grande maison. « Vous pouvez entrer ! »

Sophie s'avança donc avec l'inconnue qui semblait aller un peu mieux qu'au début de leur conversation. Elle n'était pas effrayée par ce qu'elle avait entendu, mais elle se posait des questions. Ce qui ne l'empêchait pas, malgré tout, de l'inviter à venir se reposer chez elle. Sophie aimait avoir de la compagnie et elle aimait venir en aide à ceux qui en avaient vraiment besoin, alors elle sautait forcément sur cette occasion. Pendant quelques minutes ou quelques heures, elle aurait de la compagnie. Quelqu'un avec qui discuter. Puis elle pourrait être fière d'expliquer sa bonne action à sa grande soeur.

Approchant de sa maison, Sophie se présenta, jugeant qu'il était utile de connaître le prénom l'une de l'autre pour discuter. Et puis, c'était plus simple aussi. « Contente de vous avoir rencontré, Senua. » affirma Sophie, un grand sourire aux lèvres. Sophie ouvrit alors la porte de chez elle, et invita Senua à entrer à l'intérieur. La jeune fille semblait étonnée de cette grande maison, elle semblait même peut-être un peu hésitante à l'idée d'entrer dans cette maison. Pour Sophie qui avait toujours vécu dans ce type de maison, cela n'avait rien de surprenant ou d'inhabituel, mais elle comprenait que pour d'autres, ça l'était. A sa question, Sophie fut à la fois étonnée, intriguée et heureuse. Étonnée d'entendre une telle question, intriguée qu'elle ne connaisse pas cette chose qu'ils appelaient ici l'électricité et heureuse de voir qu'elle n'était pas la seule étrangère à toutes ces choses qu'ils appelaient la modernité. « Oh vous ne connaissez pas non plus ? Chez moi non plus ça n'existait pas ! Ils ont une chose qu'ils appellent l'électricité qui fait fonctionner toutes les lumières et bien d'autres choses. Regardez. » Et comme pour confirmer ses dires, après avoir fermé la porte derrière elle, Sophie appuya sur l'interrupteur, pour allumer et éteindre, qui se trouvait près de la porte d'entrée. « Et ça reste allumé sauf si on appuie de nouveau. Et ça dure plus longtemps qu'une bougie, ça ne fond pas ! » Elle était presque fière de pouvoir montrer quelque chose à quelqu'un alors qu'elle n'y connaissait rien non plus. L'électricité était l'une des seules choses que Sophie acceptait d'utiliser. Le reste, elle le craignait bien trop.

Senua ne semblait pas connaître toutes ces choses, comme Sophie. Sauf que Sophie, avec le temps, avait appris en posant des questions. Néanmoins, elle refusait toujours de se servir de nombreuses choses comme de ces appareils qu'ils appelaient télévision ou de ces voitures roulantes qui n'avaient pas besoin de chevaux. Sophie les comparait souvent aux trains, mais en beaucoup plus petits. Pour autant, ça ne la rassurait pas le moins du monde. Alors elle comprenait la méfiance de la femme envers l'électricité. Ce n'était pas facile d'accepter la nouveauté, surtout lorsqu'elle était aussi effrayante.

Aux questionnements de l'autre femme sur l'électricité, Sophie lui expliqua rapidement, joignant aux explications une démonstration. L'autre femme en avait sursauté. Comment pouvait-elle ignorer tout ça ? Venait-elle simplement d'arriver en ville ? Il devait exister bien des explications possible. La porte refermée, les femmes s'avancèrent un peu vers le salon quand l'inconnue reprit la parole. « Des amis, des voisins... Ils m'apprennent et m'aident souvent depuis que je suis arrivée ici. Beaucoup de choses m'étaient inconnues lorsque je suis arrivée... » expliqua-t-elle, avant d'ajouter. « Vous êtes en ville depuis longtemps ? » se questionna la rousse tout en s'avançant vers le canapé. « Vous pouvez vous asseoir, je vais chercher quelque chose pour votre mal de tête et je reviens tout de suite. » précisa-t-elle, sans laisser le temps à l'inconnue de lui répondre. Une fois dans la cuisine Sophie prépara un verre d'eau et sortit une boite de comprimés que lui avait ramené sa soeur une fois lorsque Sophie se plaignait de maux de tête. Elle ramena le tout à Senua, lui tendit et ajouta : « Prenez ça avec le verre d'eau et ça devrait passer rapidement. » Pour Sophie, il ne s'agissait que d'un mal de tête ordinaire, difficile d'imaginer la réalité même après ce que la jeune femme lui avait expliqué.

Sophie était heureuse d'avoir un peu de compagnie dans sa grande maison même si ce n'était que pour quelques minutes. Tout comme elle était heureuse de venir en aide à quelqu'un. Sa mère lui avait appris à quel point il était important de venir en aide lorsqu'on le pouvait, qu'il s'agissait d'un devoir. Depuis qu'elle avait compris cela et qu'elle avait vu la joie que cela pouvait procurer chez les autres, elle tentait de le faire dès que possible.

Senua était désormais à l'intérieur, Sophie lui expliquait ce qu'était l'électricité. Dans son monde, elle non plus ne connaissait pas tout ça. Toutes ces nouveautés l'avaient effrayé au début et continuaient de l'effrayer encore, parfois. Elle refusait même d'utiliser certaines choses. Alors elle pouvait comprendre ce que ressentait Senua, même si Sophie était étonnée que cette dernière ne sache toujours rien après autant de temps ici. Mais peut-être n'avait-elle pas la même chance que Sophie ? Peut-être n'avait-elle pas d'amis ou de famille pour lui expliquer ? Heureusement que la jeune femme avait un entourage prêt à l'aider et patient. Il en fallait de la patience avec Sophie.

Sophie invita son invitée à s'asseoir tandis qu'elle allait chercher un verre d'eau et un médicament pour soulager son mal de tête. Sophie ignorait si Senua était méfiante, mais elle semblait l'être. Imaginait-elle que Sophie puisse lui donner quelque chose de dangereux ou de mauvais ? Sophie ne s'en vexa pas, comprenant qu'elles ne se connaissaient pas et qu'il était logique d'être méfiante. A la nouvelle question de la jeune femme, Sophie haussa les épaules. « Je ne sais pas. C'est ma soeur qui m'a ramené ça une fois lorsque j'étais malade. Et ça a fonctionné. » Comment ils étaient faits ou avec quoi, elle n'en avait aucune idée. Camille lui avait simplement expliqué à quoi ils servaient, dans quels cas les utiliser et comment les prendre. Rien d'autre.

A sa première question, qui n'en était peut-être pas une, Sophie l'ignorait, elle secoua la tête de haut en bas. « Je suis là depuis plus d'un an, oui. » affirma-t-elle en venant s'installer dans le canapé, elle-aussi. « Au départ, j'étais toute seule ici, et effrayée. Puis j'ai demandé de l'aide à des voisins. Ils ont été vraiment gentils avec moi et patients. » expliqua-t-elle, ne se demandant pas une seule seconde si son invitée en avait quelque chose à faire. « Puis j'ai retrouvé ma soeur et elle m'a expliqué bien des choses. » continua-t-elle. « J'ai eu bien de la chance, je le sais. Et je suis désolée que n'ayez pas eu la même chance. » elle était sincère. Elle savait comme c'était difficile de se retrouver dans un monde inconnu, seule. « Vous êtes seule ici ? » Ni famille, ni ami ? Après tout, depuis tout à l'heure, elle n'évoquait personne donc c'était bien possible. « Vous voulez quelque chose à manger ? » demanda-t-elle finalement, se disant qu'elle avait peut-être besoin de manger quelque chose.

Sophie se félicitait intérieurement de venir en aide à cette jeune femme qui semblait en avoir bien besoin. Et d'une certaine façon, cette femme lui venait en aide également, l'empêchant de se retrouver seule ici jusqu'à la fin de la journée. Dès qu'elle le pouvait, Sophie faisait en sorte de ne pas être seule dans cette trop grande maison ou de ne pas y rester. Alors la présence de Senua lui faisait du bien, lui donnait l'impression d'être utile. D'abord en l'invitant à entrer chez elle, ensuite en lui proposant ce médicament pour calmer ses maux de tête. A cet instant, lorsque Sophie expliqua ce qu'elle savait à propos du médicament, la jeune femme lui affirma qu'une soeur était toujours mieux que la solitude. Sophie ne pouvait que confirmer. Jamais elle n'aurait pu survivre seule ici éternellement. Camille était là et heureusement, mais sa famille lui manquait. Il y avait tellement d'absents. Jamais Sophie n'aurait pu continuer toute seule, elle avait toujours eu besoin des autres pour avancer et ce monde n'avait rien changé. Elle connaissait la solitude, elle connaissait ce sentiment de n'avoir personne à qui parler ou personne vers qui se tourner, elle ne souhaitait ça à personne.

La jeune femme expliqua donc comment elle avait appris tout ce qu'elle connaissait sur ce nouveau monde. Elle avait demandé de l'aide à ses voisins, puis à sa soeur lorsqu'elle l'avait retrouvé. Elle avait appris beaucoup et avait refusé d'apprendre certaines choses également. La technologie avait ses avantages, mais elle paraissait souvent effrayantes aux yeux de la jeune femme. « Pourquoi restez-vous seule si la solitude vous pèse ? » c'était une question innocente aux yeux de Sophie qui ne pensait pas forcément qu'elle pouvait blesser, tout comme elle ne pensait pas que ce genre de questions ne se posait pas. Des tas de raisons pouvaient expliquer pourquoi elle était seule, et elle savait très bien qu'il ne s'agissait pas toujours d'un choix. « Elle ne peut pas vivre ici à cause de son travail... » soupira Sophie. Si Camille n'avait pas été directrice d'un orphelinat, Sophie était certaine qu'elles auraient partagé la même maison, comme autrefois, pour affronter ce nouveau monde. « Et si pour l'instant, je me sens seule, je continue d’espérer qu'un jour cette maison se remplira... J'ai perdu des gens que j'aime, ils ne sont pas ici avec moi, mais je ne veux pas croire qu'ils ne reviendront pas. Un jour, ça ne paraîtra plus si grand. Plus quand ils seront tous ici. » Elle ne perdait pas espoir. Enfin, parfois un peu. Mais elle voulait croire que toute sa famille et ses amis seraient réunis un jour. Ici. Dans cette maison. Comme autrefois et qu'ils ne se sépareront plus jamais. Laissant la peine de côté, Sophie proposa à manger à la jeune femme qui devait avoir bien faim. Sophie le supposait en tout cas. Et sa réaction confirma ses idées. Sophie fit d'abord un oui de la tête, confirmant qu'elle pouvait rester, en effet. « A me sentir moins seule ? » demanda-t-elle, ne comprenant pas le sens de sa question. « Je ne sais pas cuisiner, mais j'ai des repas tout préparés qu'il suffit de réchauffer et j'ai des biscuits aussi. » elle avait plus de biscuits que de plats préparés d'ailleurs, mais elle laissait le choix à la jeune femme, peu importe l'heure qu'il était, si elle préférait un repas chaud, Sophie le lui préparerait.

Si Sophie était ravie d'avoir rencontré une nouvelle personne et si elle était ravie d'essayer de l'aider, elle ne comprenait pas tout à la conversation. La solitude semblait peser l'inconnue. Innocemment, Sophie cherchait donc à comprendre pourquoi elle ne la rompait pas. Elle était bien placée pour savoir que ce n'était pas simple, elle-même se sentait bien souvent seule alors qu'elle n'avait pas vraiment de difficultés pour aborder les gens. Mais ce n'était qu'une question, après tout, une question pour mieux comprendre la jeune femme. « Pourquoi ? » Elle ne comprenait pas pourquoi elle lui affirmait ne jamais être seule alors qu'elle semblait prétendre le contraire quelques minutes plus tôt. Alors pourquoi désormais disait-elle ne jamais être seule ? Sophie n'y comprenait rien.

A son tour, Sophie se confia sur sa propre solitude. Elle se sentait bien souvent seule alors qu'elle avait sa soeur et des amis. Mais elle était habituée à vivre entourée des siens, en permanence. Aujourd'hui, ici, il n'y avait plus que Camille. Les autres n'étaient pas là et Camille n'avait pas autant de temps à accorder à Sophie, pas autant que cette dernière le voudrait. Alors oui, la plupart du temps elle se sentait seule. Sophie assurait à l'inconnue qu'un jour cette solitude n'existerait plus, qu'un jour cette maison serait remplie des gens qu'elle aimait. Si parfois elle perdait espoir, aujourd'hui elle voulait y croire. A la réponse de la jeune femme, Sophie haussa les épaules. Oui, c'était pesant, mais au moins elle avait sa soeur avec elle.

Sophie ne répondit rien d'autre, bien vite l'inconnue eut une réaction étrange qui surprit Sophie. Elle semblait avoir peur. La jeune fille ne releva pas, ne voulant pas la brusquer ou la mettre en colère. Senua reprit la parole, mais Sophie n'était pas certaine d'avoir compris. Elle demanda alors confirmation. « C'est vrai que je n'aime pas ça, être seule. Alors oui, votre présence m'aide à me sentir moins seule, même si ce n'est que pour quelques instants. » précisa Sophie qui observait toujours l'inconnue qui se blottissait sur elle-même comme si elle avait peur de quelque chose. Ses réactions étaient étranges, inquiétantes pour Sophie qui ne comprenait pas, mais elle tentait de ne rien montrer.

Ne relevant toujours rien, Sophie préféra, à la place, comme elle semblait avoir faim, lui proposer quelque chose à manger. L'inconnue ne semblait pas connaître les plats dont parlait Sophie, alors elle cherchait un instant comment lui expliquer. « Ce sont des repas que j'achète déjà cuisiné. Je les ouvre et je les réchauffe et c'est prêt à être mangé. » Elle ignorait comment expliquer mieux. « Tu veux en goûter un ? Je te le prépare, si tu en veux. » demanda alors Sophie, voulant que cette inconnue se sente bien ici et cesse d'être si effrayée.

Cette rencontre était étrange. Sophie ne comprenait pas tout. La jeune femme semblait souffrir de la solitude et elle assurait, en même temps, ne jamais être seule. Comment était-ce possible ? Sophie questionna, comme souvent, curieuse comme toujours. Elle ne s'attendait pourtant pas à recevoir ce genre de réponse. Sophie resta perplexe un instant. Silencieuse. Elle observait la jeune femme qui ne la regardait pas et qui avait un comportement étrange. A vrai dire, elle doutait pendant une seconde : disait-elle la vérité ou était-elle en train de plaisanter ? Bien vite, Sophie comprit qu'il s'agissait de la vérité. Elle n'avait pas du tout la tête ou le comportement de quelqu'un qui était en train de plaisanter. Mais en même temps... Comment pouvait-elle entendre des voix ? Comment cela pouvait être possible ? « Comment est-ce possible ? » questionna alors la rousse qui faisait face à quelque chose de totalement inconnu pour elle. Elle n'avait jamais vu ou entendu cela, alors elle avait des tas de questions et de craintes, évidemment. L'inconnu faisait toujours peur. « Je ne vous rejetterai pas. » assura Sophie, souriante pour se montrer rassurante. Tant que cette inconnue ne montrait aucun signe d'agressivité, Sophie tenterait de l'aider. « Vous n'avez pas à avoir peur. Je vous assure que vous êtes en sécurité ici. » Si c'était bien de ça dont elle avait peur. Sophie pouvait la rassurer. Devait, en tout cas. Elle savait ce que c'était de se retrouver dans un endroit inconnu, seule. Elle avait déjà bien trop souvent ressenti ça. Et elle savait ce que c'était d'avoir peur et d'avoir besoin d'une présence rassurante.

Comme pour prouver qu'elle ne voulait que l'aider, Sophie lui proposa quelque chose à manger. Elle devait certainement avoir faim. Si Sophie ne cuisinait pas, elle avait tout un tas de plats prêts à être cuisinés ou réchauffés, plutôt. Puisque la réponse était positive, Sophie ajouta : « Alors attendez une minute, je reviens. » lança-t-elle en se précipitant vers sa cuisine. Elle attrapa le premier plat qui lui vint et le passa au micro-ondes. Elle en profita pour sortir un plateau et y déposer un verre, une bouteille de soda, quelques biscuits et une fourchette. Une fois l'assiette réchauffée, la jeune femme déposa le tout sur le plateau qu'elle ramena à Senua. « C'est pour vous. Mangez et ensuite vous pourrez vous reposer si vous le souhaitez. » lança Sophie en déposant le plateau devant elle et en s'installant sur un petit fauteuil, en face d'elle.