[Terminé] Une nouvelle confrontation - Elizabeth

Comme chaque midi, ou presque, Elizabeth se rendait au central perk pour déjeuner. Lorsqu'elle en avait le temps, elle aimait se rendre dans ce genre d'endroit où l'on cuisinait pour elle en échange d'un peu d'argent. Si vraiment elle était trop pressée ou si elle ne souhaitait croiser personne, elle se contentait de manger quelque chose de rapide dans son cabinet. Elizabeth, avec le temps, s'était faite aux coutumes et aux habitudes de ce nouveau monde. Si son passé restait gravé au fond d'elle et de sa mémoire, elle mettait un point d'honneur à ne jamais l'évoquer. D'ailleurs, avec qui en parlerait-elle ? Elizabeth s'était habituée, mais pas adaptée. Elle avait appris, mais ne s'était pas liée. Elle se sentait bien plus en sécurité dans ce nouveau monde. Ici, aucune couronne, pas de pays, pas de royaume, pas de pouvoir. Ici, elle était Elizabeth Tudor, psychologue et non Elizabeth Tudor, reine d'Angleterre. Malgré tout, elle gardait les nombreuses blessures de son passé et les nombreuses peurs. Elle ne faisait confiance à personne, elle ne se liait à personne, craignant toujours la trahison. Elle fréquentait uniquement ses patients dans le cadre de son emploi, son assistante dans le cadre de son emploi et ses voisins, par simple courtoisie. Elle n'avait ni ami, ni famille. Souvent, Elizabeth se sentait bien seule. Elle avait toujours été entourée. Seule, mais entourée. Aujourd'hui, elle était juste seule. C'était pourquoi, chaque midi ou presque, elle prenait le temps de déjeuner en dehors de son cabinet, simplement pour voir du monde, même sans leur parler. Pour ça et aussi parce qu'Elizabeth ne savait absolument pas cuisiner.

Comme chaque midi, elle était donc installée à cette table. Elle commença à manger lorsqu'une mauvaise surprise arriva devant elle. Sans relever les yeux, elle savait qui était là. Son coeur s'était dangereusement accéléré, tous ses sens étaient en alerte, sa gorge s'était serrée et sa peur était plus forte. Mary Stuart. Depuis leur première et dernière rencontre, elles ne s'étaient pas vues, mais Elizabeth savait que sa cousine la faisait suivre. Au départ, elle pensait qu'il s'agissait d'une simple impression, souvenir de ses blessures passées. Puis elle s'était dit qu'elle était peut-être tout simplement devenue paranoïaque. Au bout de plusieurs mois, les preuves étaient là et les doutes s'étaient dissipés. Personne, à part Mary, ne pouvait faire suivre Elizabeth à la recherche d'un moindre faux pas. Mais Elizabeth était aussi prudente qu'effrayée. Il était compliqué de la piéger ainsi. Pour se sentir davantage en sécurité et pour essayer de découvrir ce que sa cousine mijotait, Elizabeth avait fait suivre sa cousine à son tour. Elle espérait simplement lui faire peur ou avoir suffisamment de preuves pour la faire enfermer pour de bon. Malgré tout ça, Elizabeth qui ne voulait rien avoir à faire avec sa cousine ne s'était pas imaginée cette rencontre. Pas ici. Pas si tôt. Elle avait longtemps espéré que cette dernière se soit calmée, vive sa vie loin d'Elizabeth et de leur horrible passé commun. Ce n'était pas le cas, malheureusement. « Encore vous ! » Lâcha-t-elle, feignant la surprise et colère. Il lui avait fallu des heures, la fois dernière, pour se calmer réellement. « J'espérais ne jamais vous revoir ! Mais puisque vous êtes là, que puis-je faire pour vous ? » avoua-t-elle en avalant une autre cuillère de son déjeuner. Elle devait rester naturelle, pas trop agacée, pas trop effrayée. Elle devait jouer le jeu, encore.

Pauvre Elizabeth. Elle n'aspirait qu'à la paix. Elle ne voulait plus de toutes ces guerres, ces horreurs, cette peur permanente, cette douleur impossible. Pourtant Mary ne semblait pas être de cette avis. Elle s'en prenait à elle, elle l'avait retrouvé et ne la lâchait plus. Il semblait même, désormais, qu'elle la faisait suivre. Elizabeth n'en pouvait plus, psychologiquement, elle était à bout. Elle voulait la paix et la tranquillité. Pourquoi Mary ne le comprenait pas ? Pourquoi Mary n'aspirait pas à la même chose ? Après tout ce qu'elle avait vécu, pourquoi ne souhaitait-elle pas simplement vivre cette seconde chance ? Pour elle, c'en était vraiment une. Après tout, sauf si la mémoire de l'ancienne reine, Mary avait été exécutée, loin de son fils. Aujourd'hui, elle était vivante grâce à elle ne sait quel miracle, et elle était avec son fils, petit. Il avait besoin d'une mère, pas d'une reine qui ne souhaitait que la vengeance. Elizabeth ne comprenait pas ce comportement de haine et de vengeance, même si elle comprenait la haine et la vengeance. « Si vous attendez des réponses de la fille imaginaire de l'autre jour, vous perdez votre temps. » De l'ancienne Elizabeth, elle n'obtiendrait rien puisque dans ce monde, elle n'existait plus. Elle n'existait aux yeux de personne, personne ne savait qu'elle simulait cette amnésie. C'était un secret bien lourd à porter, mais elle n'avait pas le choix. Aux menaces de sa cousine, qu'elle reconnaissait bien là, Elizabeth se crispa de peur. Peur que chacun pouvait ressentir, même sans être coupable, ce qui ne la trahissait donc pas. « Comment osez-vous ? Comment osez-vous venir jusqu'ici et me menacer, encore une fois ? L'autre fois, je n'ai pas porté plainte contre vous, mais ne jouez pas trop souvent avec le feu ! » Si Mary voulait jouer, Elizabeth jouerait. Elle ferait tout pour la faire souffrir si c'est ce qu'elle souhaite tant. Mais pour l'instant, elle savait que face à cet homme elle ne ferait pas le poids, jamais. Elle n'était pas spécialement forte physiquement et à main nue, elle n'avait aucune chance. Inutile de rêver.

A sa première question, Elizabeth ravale difficilement et aussi discrètement que possible sa salive. Elle se sent prise au piège, elle a peur comme autrefois et craint pour sa vie. Elle hésitait et ne savait si elle devait dire la vérité ou non. « Qu'inventez-vous encore une fois ? Maintenant je vous fais suivre, vous délirez complètement. » Lâcha-t-elle en continuant de manger comme si de rien était. « Je n'ai jamais demandé à ce qu'on vous suive, vos hommes sont certainement de beaux menteurs prêts à tout pour vous satisfaire en vous avouant ce que vous aimeriez entendre. » elle se défendait comme elle le pouvait, ce n'était pas simple. « Alors serait-il possible que je finisse mon déjeuner tranquillement ? Prenez vos hommes et fichez moi la paix une bonne fois pour toutes, je ne vais pas me laisser faire éternellement Mary, j'ai également des contacts, vous me menacez, vous me suivez, je peux très bien porter plainte contre vous. Imaginez un peu ce qui arrivera à votre pauvre fils dans ce cas. » Oui, elle était menace, oui, ce n'était pas une bonne chose, peut-être même se mettait-elle en danger, mais elle se disait que n'importe qui, même d'innocent, se défendrait dans ce genre de situation. Et quoi de mieux comme défense que de faire appel à ceux qui maintenaient l'ordre ?

Pourquoi était-il complètement improbable qu'elle soit devenue amnésique ? Pourquoi Mary ne pouvait pas le concevoir un instant ? Ou pourquoi ne pouvait-elle pas accepter qu'Elizabeth n'était pas la Elizabeth qu'elle croyait ? Mary avait tout à fait raison. Elizabeth Tudor était bien devant elle, elle n'était pas amnésique. Elle aurait préféré oublier toutes les horreurs de son passé, mais ce n'était pas le cas. Avec le temps, si Mary ne l'avait pas retrouvé, elle était certaine qu'elle aurait pu passer autre chose, mettre son histoire dans un coin dans sa tête et vivre une vie aussi banale que possible. « Je sais qui vous êtes, en effet. Vous ne faîtes que me suivre et me harceler, comment pourrais-je l'ignorer ? »souffla-t-elle, fatiguée. Croyait-elle vraiment la faire céder avec si peu ? Elizabeth avait vécu bien pire, alors quelques menaces, bien qu'étant fatigantes, n'allaient pas la faire avouer quoi que ce soit.

Elizabeth avait beaucoup de mal à faire la distinction entre les menaces et les mises en garde de sa chère cousine. Autant dire qu'il s'agissait de la même chose, avec des noms différents. Mary avait toujours été très douée pour menacer les autres, une sorte de seconde nature chez elle, semblait-t-il. Néanmoins, Elizabeth ne pouvait nier que sa cousine était douée. Elle lui faisait peur. Elle s'entourait, elle se préparait à un affrontement qui finirait certainement par avoir lieu. Et voir sa cousine se préparer autant faisait craindre Elizabeth pour la suite. « Le monstre ? Dîtes-moi qui passe son temps à suivre et agresser l'autre ? Dîtes-moi qui passe son temps à mettre en garde l'autre ? Maintenant dîtes-moi laquelle de nous ressemble le plus à un monstre de l'extérieur ? » Évidemment, Elizabeth ne voulait pas griller sa couverture. Évidemment, elle voulait se protéger. Malgré tout, elle ne pouvait pas se laisser faire, elle avait besoin de répondre et de répliquer. Rester trop passive pourrait paraître tout aussi étrange. Après tout, qui se laisserait faire de toutes ces menaces ? « Vous cherchez l'affrontement avec une femme qui n'existe pas, c'est de vous que vous devriez vous protéger ! »

Et voilà maintenant que Mary accusait sa cousine de la faire suivre. C'était une blague ? Mary l'accusait de quelque chose qu'elle faisait elle-même, c'était vraiment se moquer du monde. Elizabeth avait bel et bien fait suivre sa cousine, uniquement parce qu'elle était elle-même suivie. Mary lui faisait son petit discours sur la confiance en ses hommes et blabla et blabla. Elizabeth aurait aimé pouvoir ne pas l'écouter. Ce qu'elle pouvait être agaçante. Mary était une victime. C'était en tout cas le rôle qu'elle se donnait en permanence. Bien sûr, Elizabeth était responsable, en partie, de son malheur et était loin d'être parfaite. Des erreurs, elle en avait faite et beaucoup. Mais Mary aussi en avait de nombreuses à son actif. Elle aurait pu obtenir la paix entre l'Angleterre et l'Ecosse à de nombreuses reprises, mais trop impulsive et irréfléchie, elle avait tout gâché à plusieurs reprises.

Mary lui demandait d'assumer, simplement ? Elizabeth savait que si elle faisait l'erreur d'assumer, elle se retrouverait en danger. Elle aurait aimé s'excuser sincèrement, se faire pardonner, mais avec Mary, c'était impossible. Alors Elizabeth préférait manger, essayant d'ignorer Mary. Elle aimerait tant pouvoir la faire disparaître, l'effacer. Mais fatiguée de ces remarques, de ces réflexions et de ces menaces, Elizabeth soupira et se mit à son tour à mettre en garde sa cousine contre son comportement et les retombées possibles. Avec tout ce qu'elle faisait, Mary pouvait finir en prison, privée de son fils pour longtemps, encore une fois. Comment une femme qui se disait être une mère détruite par l'absence de son enfant, à qui l'on donnait une deuxième chance, pouvait risquer de le perdre de nouveau ? Cela dépassait Elizabeth. « Si je comprends bien, chacun de mes mouvements est surveillé ? Pourquoi, dans ce cas, perdre autant de temps ? Vous cherchez à me pousser à bout pour me faire avouer quelque chose qui n'existe pas ? Vous rendez-vous compte de la bêtise de cette situation ? » Essayait-elle encore une fois. A force, peut-être que le mensonge deviendrait vérité aux yeux de sa cousine. Elle n'y croyait pas elle-même, connaissant sa cousine. Elle était bien trop entêtée pour abandonner comme ça. Alors qu'Elizabeth s'apprêtait à prendre une nouvelle fourchette de son assiette, sa cousine lui fit un aveu. Aussitôt, elle reposa sa fourchette et leva les yeux vers le monstre. Le dégoût et la peur se lisaient sur son visage, elle porta même une main sur son ventre. Mary venait-elle réellement de l'empoisonner ? Comment aurait-elle pu ? Mary était bien capable de tout. « qu'avez-vous fait ? » demanda-t-elle simplement. Elle se sentait bien, mais un poison pouvait faire effet des heures voire des jours plus tard. Si Mary voulait effrayer Elizabeth, elle avait réussi. Elle craignait désormais pour sa vie, voyant sa cousine prête à tout, comme autrefois.

Pourquoi Mary ne pouvait pas croire en ce qu'Elizabeth racontait ? Pourquoi Elizabeth ne pouvait-elle pas être réellement amnésique ? Pourquoi Elizabeth ne pouvait pas ne pas être la Elizabeth de Mary ? « Quoi que je dise, vous ne me croyez pas, alors à quoi bon me justifier encore et encore ? » Peut-être que jouer cette carte pourrait fonctionner ? Ce n'était pas tout à fait un jeu puisqu'Elizabeth était réellement lassée par cette situation, alors jouer la lassitude face aux mots de Mary pouvait peut-être fonctionner ? En réalité, même si elle l'espérait, elle savait très bien que tout ne servait à rien. Mary avait une idée en tête et elle ne la lâcherait plus avant d'obtenir ce qu'elle voulait.  

Elizabeth voulait avoir une vie tranquille et goûter au bonheur dans ce monde. Mary y avait goûté dans le leur en épousant l'homme qu'elle aimait et en passant du temps avec lui. Elizabeth avait toujours été contrainte à la discrétion et n'avait jamais eu l'occasion d'épouser l'homme qu'elle aimait officiellement. Dans ce monde, c'était Mary qui était venue la chercher, lui montrer qu'elle était là aussi. Si elle était restée bien sagement de son côté, Elizabeth n'aurait peut-être jamais su qu'elle était ici et n'aurait jamais été une menace. Elle l'avait cherché elle-même. « Je ne vous ai jamais rien fait, ni à vous, ni à votre enfant ! Vous vous acharnez sans raison. » Nier encore et toujours, désormais elle ne pouvait plus revenir en arrière. « Un monstre ? Vous êtes si effrayée pour voir en moi un monstre ? » Dans le fond, même dans leur monde, si elle avait des choses affreuses, Elizabeth ne se considérait pas tout à fait comme un monstre. Après tout, Mary aurait tué Elizabeth un jour ou l'autre, alors elle n'avait fait que se défendre. Et ici Elizabeth ne voulait plus jouer à ce jeu, elle voulait s'éloigner de toutes ces intrigues et vivre tranquillement. Sauf que si Mary ne lui laissait pas le choix, elle serait forcée un jour ou l'autre de réagir et de mettre fin à ça définitivement. Elle ne répondit rien à la suite, elle aussi elle était lasse, mais ça Mary s'en moquait sans doute.

Mary n'avait même aucune gêne à lui dire qu'elle faisait suivre sa cousine, même si cette dernière l'avait bien remarqué depuis le temps. Elle se sentait épiée et ne se sentait pas en sécurité. Elizabeth aurait presque préféré que sa cousine l'attaque une bonne fois pour toute afin d'être tranquille. « Il est compliqué d'avoir une vie lorsque l'on se sent épiée de tous les côtés ! » riposta-t-elle, agacée. Elle ne pouvait pas chercher à avoir une véritable vie épanouie dans ces conditions, c'était impossible pour elle. Elle craignait trop pour sa vie et sa sécurité pour faire confiance à quelqu'un d'autre qu'elle-même. « Vous me menacez de quoi exactement ? » Les pires méthodes ? Mary était connue pour quelques-unes de ses tortures. Elle savait user de méthodes affreuses lorsqu'il le fallait. Les rumeurs étaient aller jusqu'en Angleterre et Catherine de Médicis, en venant en Angleterre, lui avait confié quelques-unes des histoires concernant la reine d'Ecosse.

Elizabeth essayait de continuer son repas et d'ignorer sa cousine. Sauf que cette dernière lui donna un sage conseil : ne pas profiter davantage de ce repas. Elle venait de l'empoisonner. Elizabeth se sentit mal immédiatement. Elle ressentit plus violemment encore la peur d'autrefois. L'ancienne reine était perdue. Elle avait survécu à tant et elle allait mourir à cause de sa cousine, dans cet Enfer, à cause d'un repas ? Elle ne cachait nullement la peur sur son visage, l'inquiétude s'y lisait facilement. A quoi bon faire comme s'il ne se passait rien ? Elle venait de l'empoisonner. « Vous êtes folle ! » Dit-elle en repoussant l'assiette. Elle se sentait mal, elle avait l'impression que son repas allait ressortir. « Je... Vous ne vous en sortirez pas comme ça, vous payerez tout ce que vous avez fait ! » Et par tout, elle entendait bien plus que ce simple empoisonnement. « Mary... » Elle devait retrouver son calme, elle ne lui donnerait pas le plaisir de tout avouer avant de mourir. « Partez ! Laissez-moi tranquille ! Laissez-moi tranquille Mary ou j'utilise le peu de temps qu'il me reste pour vous le faire payer ! » Pour le calme, on repassera. Il était compliqué de garder son calme lorsqu'on venait d'apprendre que notre vie était en danger. Elizabeth n'avait qu'une hâte, pouvoir quitter cet endroit et se rendre à l'hôpital. Dans ce nouveau monde, tout était soigné plus facilement alors peut-être qu'elle n'y resterait pas finalement.

Mary réagissait, cherchait sans doute à mettre Elizabeth hors d'elle pour qu'elle se trahisse. Elle savait y faire, elle savait quoi dire et quoi utiliser. Pourtant Elizabeth ne pouvait pas céder, ne pouvait pas montrer le moindre sentiment, la moindre vérité. Si elle se trahissait, elle était perdue. Si elle se trahissait, Mary lui ferait payer pour de bon et elle dirait sans doute adieu à ce monde, pour toujours. Elizabeth lui avait pris sa tête une fois, dans une autre vie, Mary voulait sans doute la même chose aujourd'hui. Une vie pour une vie. La vengeance. Sinon, pour quoi s'acharner autant ? Son rire agaça Elizabeth qui essayait de ne rien montrer. Impassible. Elle ne répondit rien à la suite. Il était vrai qu'elle avait été un monstre par le passé. Par obligation plus que par choix. Lui avait-on laissé le choix d'être si cruelle ? Mary avait comploté contre elle. Elizabeth n'allait tout de même pas attendre bêtement que sa fin vienne en la laissant comploter tranquillement ? Pourquoi ne comprenait-elle pas ? Pourquoi ne passait-elle pas à autre chose ? Mary était aussi coupable qu'Elizabeth. Sauf qu'elle n'assumait rien, se cachant derrière son malheur et sa fin tragique.

La vie avait toujours été cruelle avec les deux femmes. Aujourd'hui, elle continuait de l'être avec Elizabeth, lui ôtant toutes les possibilités de mener une vie heureuse et tranquille. Mary avait, elle, la chance d'avoir retrouvé son fils. Elle pouvait rattraper tout le temps qu'on lui avait volé. Elle, elle n'avait récupéré personne. Gideon ne reviendrait pas. Et il était sans doute le seul qu'elle aimerait tant revoir. Elle n'avait pas d'ami, pas de proche. Personne à revoir, personne qui n'aimerait la revoir. Dans ce monde, elle avait tant voulu avoir une nouvelle vie et être heureuse. Sauf que bien vite sa cousine l'avait retrouvé, réduisant à néant tous ses efforts pour apprendre et s'intégrer. La peur était revenue plus forte que jamais. « Je n'ai rien à cacher... » souffla la jeune femme, montrant que sa phrase n'était pas finie. « Je n'ai aucune vérité à vous avouer. Et je ne suis pas seule ! » lança-t-elle, consciente de son mensonge. Elle avait été seule depuis le début, bien avant l'arrivée de Mary.

Dans un long soupir, Elizabeth priait pour avoir enfin la paix. Sauf que sa cousine venait de lui apprendre que son repas avait été empoisonné. Choquée, puis en colère, Elizabeth avait bien du mal à contenir l'explosion. Elle avait envie de hurler, d'arracher de ses mains cette tête qui n'avait plus sa place sur ce corps depuis des siècles. Elle avait envie de se venger, de supprimer une fois encore l'objet de sa peur. Elle avait envie de la voir souffrir, de lui faire payer tout ce qu'elle faisait et avait fait. Elle avait envie de la priver de ce petit garçon qu'elle mettait en danger, lui offrant une vie meilleure loin de cette affreuse mère. Elle la menaça alors, lui promettant de lui faire payer dans le peu de temps qu'il lui restait si elle ne la laissait pas tranquille. Ses yeux s'emplirent de larmes à la réponse de Mary. Aucune pitié, aucun sentiment, aucune compassion. Cette femme était le véritable monstre. Et Elizabeth avait bien compris qu'elle n'aurait aucune possibilité de sortir de chez elle, une fois qu'elle y aurait remis les pieds. D'un regard suppliant, elle cherchait de l'aide autour d'elle, mais personne ne la regardait. Elle aurait dû s'entourer comme l'avait fait Mary. Ancienne reine, elle aurait dû savoir le danger que le monde représentait. Elle avait été bien naïve de croire qu'elle pourrait s'en tirer et être heureuse. Alors, elle partirait si elle n'avait plus le choix. Et même si elle devait mourir dans les prochaines heures, elle n'offrirait jamais ce que Mary demandait. Jamais la reine d'Ecosse n'obtiendrait un mot de la part de la reine d'Angleterre. Pas un aveu. Pas un pardon. Rien. Se mettant debout à son tour, essayant de retrouver un regard fier et de supprimer les larmes qui emplissaient ses yeux à l'idée de mourir, elle reprit. « Monstre. » souffla-t-elle en avançant son visage près de celui de sa cousine. Les barrières tombaient, mais elle se contenait suffisamment pour ne laisser aucun signe clair. Elle tiendrait son amnésie jusqu'au bout. « Vous payerez tous vos actes un jour ou l'autre. Aucun crime ne reste impuni. Vous payerez et vous regretterez. Me tuer ne changera rien à toutes ces histoires que vous vous êtes inventées. Vos peurs seront toujours là, vos soi-disant souvenirs aussi et j'espère qu'ils vous hanteront pour toujours. J'espère que vous vivrez dans la peur. Vous n'êtes personne. Vous avez peur, quoi que vous disiez, si vous n'aviez pas peur, jamais vous ne m'auriez attaqué ! » elle avait dit ce qu'elle avait à dire, restant correcte et ne pouvant trop en dévoiler. Mary avait peur. Seule la peur pouvait faire réagir ainsi et parce qu'elle était faible, elle était incapable de l'avouer. Si elle avait fait sa vie loin d'Elizabeth, n'aurait-elle pas été plus heureuse ? A croire que les intrigues lui manquaient et qu'elle recherchait ce conflit pourtant disparu depuis une éternité. Elle pouvait être heureuse, elle avait enfin gagné. Après avoir tant cherché à l'éliminer, après des complots ratés, après des tentatives échouées, Mary, la reine d'Ecosse avait réussi. Elle tuait Elizabeth, celle qui lui avait tout pris par le passé. Cette fois-ci, elle avait été la plus forte.