(Terminé) Les sculptures de citrouilles - Qui fera la lanterne la plus effrayante ? - Sophie

Sophie était plus qu'impatiente. Elle n'avait qu'une hâte, que l'heure du rendez-vous avec sa soeur soit arrivée. Elle avait choisi son costume avec soin depuis des jours. Elle se déguiserait en vampire. C'était le costume le plus effrayant qu'elle avait trouvé après avoir fouillé des tonnes et des tonnes de boutiques. Puis, il lui plaisait.

Avec un peu d'avance, costume enfilé depuis plus d'une heure, Sophie avait quitté la maison pour se rendre à la fête. Elle avait attendu plus d'une heure assise sur son canapé, à soupirer, parce que l'heure n'arrivait pas alors qu'elle était prête. Comme toujours, ce fut donc à pied que la rousse se rendit à la fête. Sauf que si elle était partie en avance, elle avait traînassé en route et arriva donc pile à l'heure. La ville était magnifiquement décorée, tout le monde semblait se prendre au jeu. L'ambiance était agréable, effrayante et amusante. Sophie était aux anges.

Aussitôt arrivée, après avoir marché près d'une heure, Sophie remarqua, d'abord, qu'il y avait pas mal de monde à cette fête. Tant mieux, ils ne s’ennuieraient sans doute pas. Puis le monde donnait une toute autre allure à cette fête. Sans oublier que voir tant de monde la rassurait. Si elle avait hâte de vivre cette journée, elle n'oubliait pas la nuit d'horreur qu'elle avait passé dans la maison hantée il y a deux ans. Nombreux, elle s'imaginait que ça ne pouvait pas se reproduire.

La jeune femme chercha donc sa soeur et son neveu du regard et, rapidement, elle les trouva. Ils attendaient patiemment, citrouilles devant eux, au stand des sculptures. Sophie se précipita alors vers eux, sautillant comme une enfant, embrassant Georges sur le sommet du front. « Je suis là ! » lança-t-elle, peut-être un peu trop fort puisque certains se retournèrent. « Oh George, tu es effrayant ! » Plaisanta-t-elle, le trouvant plutôt adorable avec son costume de citrouille. « Et toi aussi, Camille ! » ajouta-t-elle, souriante, s'installant à son tour. « J'avais tellement hâte d'être ici ! Ça a l'air génial ! Comment tu trouves mon déguisement ? » Questionna la jeune femme. Elle était si joyeuse qu'elle le partageait avec tout le monde en parlant beaucoup trop fort. « Alors prêts pour me voir gagner et faire la meilleure citrouille de toute la ville ? » S'était-elle un peu entraînée chez elle avant ? Juste un peu, mais c'était pour la bonne cause : gagner.

Sophie était si heureuse d'assister à cette fête avec sa soeur et son neveu, qu'elle partageait sa joie en étant un peu trop enjouée et en parlant un peu trop fort. Quelques regards se tournaient vers elle, sans doute surpris d'entendre quelqu'un parlait si fort, mais elle s'en moquait pas mal.

Aux mots de sa soeur, Sophie se mit à sourire, la remerciant. Elle aussi, elle était heureuse de la voir. Elle jugeait qu'elles ne passaient jamais trop de temps ensemble. Par la suite, Sophie complimenta les costumes de Georges, heureux et persuadé d'être le plus effrayant, puis de Camille. Ils formaient un trio d'enfer, selon Sophie. Et comme toujours, elle n'oublia pas de demander comment était son costume. La jeune femme espérait avoir fait le bon choix, espérait être un minimum effrayante alors elle avait hâte de l'entendre de la bouche de sa soeur. Ses compliments lui firent évidemment plaisir et le sourire de Sophie s'agrandit à mesure que Camille parlait. « Je suis heureuse d'avoir fait le bon choix alors ! Un peu moins de ne pas t'effrayer. » Plaisanta-t-elle, après s'être installée à côté de Georges.

Sophie observa un temps la citrouille que sa soeur lui avait préparé, puis les ustensiles dont elle ne savait pas grand chose. Elle ne put s'empêcher, également, de leur demander s'ils étaient prêts à perdre. Sophie était réellement persuadée de faire la plus belle citrouille de la ville. Il fallait dire que deux ou trois citrouilles étaient déjà passées sous ses couteaux afin qu'elle puisse s'entraîner. C'était une activité qu'elle voulait vraiment réussir. « Georges, peut-être. Toi, je suis certaine que non. » lança-t-elle, n'oubliant pas de tirer la langue.

Sophie avait attrapé un feutre et avait observé longuement la citrouille devant elle. Elle imaginait la chose la plus effrayante qu'elle pouvait faire. C'était difficile. Elle avait déjà une petite idée, mais elle voulait tant que tout soit parfait qu'elle avait encore besoin d'y réfléchir pour en être certaine. Dans un premier temps, Sophie dessina les contours des yeux, concentrée et silencieuse comme jamais. Il fallait que cette citrouille ait le regard le plus effrayant possible. Mais alors qu'elle était en train de tracer le second oeil, Camille reprit la parole. « Bien sûr que je suis inspirée et que je sais déjà comment faire ! J'y ai réfléchi ! Je prends ce concours très au sérieux. » Sophie voyait un concours là où il n'y avait qu'une activité, mais ce n'était pas étonnant. « Et toi, alors ? » demanda-t-elle curieuse, reprenant le dessin de son oeil pendant que sa soeur répondait. Puis, elle posa le feutre et observa les yeux de sa citrouille. Elle était plutôt convaincue. Elle devait maintenant s'attaquer à la bouche, mais avant cela Sophie s'intéressa un instant à ce que Georges faisait. Après tout, ils faisaient aussi cette activité pour lui. Le petit garçon avait plus de feutre sur les mains que sur la citrouille, mais il semblait appliqué dans son activité. « Georges a l'air de bien s'amuser, en tout cas. » Autant que Sophie, au moins.

Sophie était déterminée à gagner. Ce n'était qu'une activité, un jeu amusant, mais elle prenait ça pour une véritable compétition. Elle aimait l'idée de se mesurer à Camille et de la battre. Sophie s'était donc entraînée à plusieurs reprises chez elle, pour être certaine d'avoir la meilleure technique pour découper une citrouille sans y laisser un doigt au passage. « Georges sera toujours le premier évidemment ! Il est toujours le meilleur d'entre-nous ! » Ajouta la rousse en lançant un clin d'oeil complice à son neveu. Si elle était compétitrice et pire qu'une enfant parfois, elle voulait que Georges s'amuse avant tout. Quoi de mieux alors que de lui faire gagner chaque jeu ou chaque activité ? Rien ne valait ses petits yeux brillants lorsqu'il était heureux d'avoir accompli quelque chose. Mais comme le disait Camille, ce n'était pas à eux de juger - malheureusement.

Avec une précision et un calme que l'on voyait rarement chez Sophie, elle dessina les yeux de sa citrouille. Après de multiples essais, elle avait défini quels yeux étaient les plus effrayants, selon elle. Elle s'appliquait donc à les dessiner avec le plus grand des sérieux, très silencieuse. Camille affirma alors que ça n'avait rien d'étonnant que Sophie soit persuadée de gagner, parce que Sophie avait toujours aimé la compétition, ce qui n'était pas faux. « Je ne déteste pas perdre, simplement j'aime gagner ! » précisa Sophie, ne souhaitant pas donner raison à Camille. « C'est amusant la compétition... » lança-t-elle alors en haussant les épaules. Ce n'était pas tant pour être première - enfin si, quand même un peu - ou pour battre les autres que pour s'amuser tout en donnant le meilleur d'elle-même. En revanche, elle n'allait pas prétendre que si elle perdait aujourd'hui elle le prendrait avec le sourire.

Sa soeur lui affirma ensuite qu'elle, en revanche, ne s'était pas entraînée. Tant mieux ! C'était une chance supplémentaire pour elle de remporter ce concours ! « Alors tu ne pourras t'en prendre qu'à toi-même lorsque tu auras perdu. » répondit Sophie amusée. « Je ne peux pas parler et me concentrer en même temps. Ce n'est pas la peine d'essayer de me distraire pour me faire perdre. »  

Avant de se reconcentrer sur son dessin, la rousse observa le petit garçon qui avait plus de feutres sur les mains que sur la citrouille. « Il faut dire que c'est plus amusant de se dessiner sur les mains que sur la citrouille... » Il était amusant de voir le plaisir que prenait le petit garçon à faire cette activité. « C'est qu'il me ressemble beaucoup... » plaisanta-t-elle. « Tu vas voir dans quelques années, tu vas beaucoup t'amuser avec lui et moi, je peux te promettre, que je vais lui apprendre toutes les bêtises qu'il est possible de lui apprendre. » Quitte à lui ressembler autant lui ressembler jusque dans les bêtises, non ? Tout en souriant, Sophie reprit alors son dessin. Il fallait qu'elle s'attaque maintenant à la bouche de cette citrouille, resterait alors le nez puis les découpes.

Sophie était rarement aussi concentrée sur ce qu'elle faisait. Plutôt distraite et n'aimant pas rester en place, elle avait tendance à s'agiter ou à ne jamais s'arrêter de parler. Sauf qu'il s'agissait d'une compétition aux yeux de la rousse. Et qui disait compétition, disait concentration. Pouvait-on trop aimer gagner ? Ce n'était pas un mal, du moment où elle ne trichait pas pour atteindre son objectif et du moment où elle acceptait la défaite - en faisant la tête souvent, il fallait l'admettre. « Est-il possible de trop aimer gagner ? » Lança alors Sophie, joignant les mots à ses pensées, tout en haussant les épaules. « Ça me pousse à donner le meilleur de moi-même, tu devrais être fière. » Faisait-elle en sorte de tout retourner de sorte à obtenir la fierté de sa soeur ? Totalement ! Sophie n'était jamais aussi heureuse que lorsqu'elle lisait de la fierté dans les yeux de ceux qu'elle aimait. Trop longtemps elle y avait lu de la colère, de la déception ou de la peine. Aujourd'hui, elle voulait qu'ils soient fiers d'elle, même pour les choses les plus insignifiantes de la vie.

Si Camille n'avait pas pris le temps de s'entraîner pour ce concours, ce n'était pas le cas de Sophie qui l'avait pris très au sérieux. Elle comptait bien gagner - après Georges, évidemment. C'était son objectif en venant ici. Mais sa soeur, qui lui parlait sans cesse, la déconcentrait ou, plutôt, Sophie y voyait un moyen de tricher pour la déconcentrer alors elle s'en amusait. « Ne te moque pas ! Je vais gagner malgré tes tentatives malhonnêtes pour me faire perdre. » Camille passait beaucoup trop de temps à se moquer de sa pauvre soeur alors Sophie lui montrerait qu'elle avait tort. Et elle ne se privait pas de se moquer d'elle à son tour en voyant son petit garçon plein de feutre partout. Il semblait toujours plus amusant pour les enfants de s'écrire sur les mains, les bras et le visage plutôt que sur les feuilles ou objets qu'ils avaient à colorier. Il était certain que Camille allait passer un temps fou à le nettoyer, ce qui amusait grandement la jeune femme. « Si tu ne veux pas avoir à nettoyer, ne lui confie pas de feutres. » indiqua la rousse, choisissant la solution la plus facile, sourire amusé sur les lèvres. « Mais comme il est trop tard désormais, je te souhaite bonne chance. » Autant elle réussirait à retirer le feutre des mains de son fils avec des efforts, autant pour détacher ce pauvre costume, elle devrait compter sur la chance.

Terminant de s'occuper de la bouche de sa citrouille avant d'attaquer le nez, Sophie expliquait à sa soeur que Georges lui ressemblait beaucoup. Pour parfaire cette ressemblance, Sophie avait bien l'intention de lui expliquer toutes les bêtises qu'elle avait faites elle-même étant enfant pour l'inciter à les reproduire et à en inventer de nouvelles. « Pourquoi ? » S'offusqua faussement la plus jeune lorsque Camille avouait ne pas vouloir élever une mini-Sophie. « J'étais une enfant sage et exemplaire ! » mentit-elle avant de rire. « Avoue, au moins, qu'on ne s'ennuyait pas lorsque nous étions enfants. » Sophie avait la fâcheuse habitude d'entraîner ses amis dans ses bêtises alors ils n'avaient pas vraiment le temps de s'ennuyer. « Tu n'as rien à me laisser faire Camille, je lui apprendrai que tu le veuilles ou non. » Ajouta-t-elle, malicieuse. Oh, elle avait tellement hâte de lui apprendre un tas de bêtises et de voir sa soeur enrager.

Peaufinant les détails du nez de sa citrouille, Sophie se mit à rire en entendant la recommandation que la mère faisait à son fils et en voyant le regard noir qu'elle lançait à Sophie. « Il sera comme moi, que tu le veuilles ou non. T'inquiète pas, ce n'est pas si difficile à gérer. » se moquait Sophie tout en observant sa citrouille entièrement dessinée. Il ne manquait plus que les découpes. « Il faut bien que quelqu'un reprenne la relève, n'est-ce pas Georges ? » Après tout, il fallait bien un enfant insupportable dans leur famille. Comme Camille était pour l'instant la seule à avoir un enfant ici, le choix était rapidement fait sur qui deviendrait le nouveau petit monstre de cette famille.

Sophie aimait gagner et aimait la compétition. Enfant, elle passait son temps à organiser ce genre de jeux. Son seul problème était qu'elle détestait perdre et qu'elle avait si mauvais caractère qu'elle se retrouvait souvent à faire la tête. Pourtant, Sophie essayait de retourner ça en sa faveur. Si elle aimait tant la compétition, c'était pour donner le meilleur d'elle-même, alors sa soeur ne devrait-elle pas être fière de la voir aussi investie et impliquée quand elle faisait quelque chose ? « J'accepte de perdre. » En faisant la tête comme une enfant et en s'énervant, parfois. « Et tu sais bien que je ne fais jamais la tête bien longtemps, même lorsque je perds. » Sophie était du genre à faire la tête quelques minutes. Ses colères passaient souvent bien vite parce qu'elle ne pouvait pas se passer trop longtemps de sa famille ou de ses amis.  

Concentrée - pour gagner, toujours - la jeune femme terminait les dessins sur sa citrouille. Appliquée comme jamais, elle jugeait que sa soeur ne parlait que pour la déconcentrer et la faire perdre. Mauvaise perdante, elle n'hésiterait pas à faire valoir cette excuse et à lui rappeler comme elle était responsable pendant des semaines si elle devait perdre. « Merci. » Rétorqua-t-elle en levant exagérément la tête, faussement fière, lorsque sa soeur s'excusa lui assurant la laisser à son chef-d'oeuvre. Néanmoins, même si Camille se taisait, Sophie qui réclamait pourtant du silence ne faisait que parler. Elle se moquait, cette fois-ci, de sa pauvre soeur qui devrait s'atteler à la difficile tâche de retirer le crayon des vêtements de Georges. Ce dernier semblait confondre son costume et sa citrouille, ce qui amusait évidemment beaucoup la rousse. La solution de Sophie était toute simple et toute trouvée pour éviter ce genre de choses : ne pas lui donner de feutres. « C'est ça. Tu le laisses assis sur une chaise toute la journée, sans jouer et sans manger. » Plaisanta-t-elle, l'air sévère, avant de reprendre. « Bien sûr que non. La prochaine fois essaye les crayons de couleur, il évitera de redécorer ses vêtements. » Ici, c'était compliqué, le pauvre Georges n'allait pas dessiner sur une citrouille avec un crayon, mais chez elle autant éviter les accidents fâcheux en trouvant des alternatives. « Pour la nourriture, je n'ai pas de solution miracle à te proposer. » ajouta-t-elle, faussement désolée. « Mais je ne suis pas sa mère, alors si je suis ravie de te soutenir, débrouille-toi avec lui. » Faussement agacée, cette fois-ci, elle ne put s'empêcher de rire. Lorsque Sophie s'imaginait avec un enfant, elle imaginait surtout Jean devoir les gérer tous les deux, empêchant la mère d'apprendre à son enfant un tas de bêtises. Elle ignorait quel genre de mère elle serait, mais elle ne s'imaginait pas faire toutes ces tâches que Camille devait faire. C'était le genre de choses qu'elle laisserait volontiers à Jean.

La mauvaise influence de Sophie sur Georges l'amusait toujours autant. Dès que Camille avait le dos tourné, la rousse lui apprenait ses premières bêtises ou l'encourageait dans celles qu'il s'apprêtait à faire. L'âge ne l'avait finalement pas vraiment rendue raisonnable. Elle ne souhaitait qu'une chose : faire de ce pauvre Georges le nouveau petit monstre de la famille - et il y arrivait déjà très bien tout seul. Comme le petit garçon la dénonçait à chaque fois - incapable de tenir sa langue et préférant que sa tante se fasse gronder plutôt que lui - Camille connaissait parfaitement le petit jeu de Sophie. Sophie continuait pourtant à prétendre être une enfant sage et qu'il n'y avait donc aucun mal à ce que son neveu lui ressemble. Elle n'avait pas été une enfant facile, mais ils ne s'étaient pas ennuyés grâce à son imagination débordante et ses milliers de bêtises en stock, Camille ne devait pas l'oublier. « J'étais une enfant sage, mais incomprise. » Souffla-t-elle en fronçant les sourcils. « Tu aurais préféré avoir une amie douce et tranquille, comme toi ? » rétorqua-t-elle avant d'ajouter : « Comme on se serait ennuyés. » Ajouta-t-elle en souriant, taquinant sa soeur. « Aujourd'hui ? Je ne fais plus aucune bêtise ! Je suis devenue une adulte sage et responsable, la parfaite petite fille sage, comme vous le vouliez. » C'était un mensonge. Elle avait changé et s'était assagie, mais elle continuait à faire un nombre incroyable de bêtises. « Tu ne peux pas lui interdire de me voir ! Il m'aime trop ! » Sauf si Sophie venait à faire une énorme bêtise, jamais Camille ne l'empêcherait de voir Georges. Sophie en était certaine. « Tu sais que tu me vexes ? » Boudeuse, elle faisait semblant de ne pas comprendre pourquoi Camille refusait que Georges ne devienne comme elle ! « Je n'étais pas si mauvaise. » A l'écouter, Sophie n'avait que des défauts. « Notre mère n'aurait jamais accepté de m'élever si j'étais le monstre que tu décris. » Jamais leur mère n'aurait eu envie d'adopter une enfant infernale et incontrôlable. Alors malgré ses nombreux défauts, Sophie n'avait pas été qu'un monstre.

A la réflexion de sa soeur, Sophie leva les yeux au ciel. L'objet pour découper entre les mains, la rousse se reconcentra sur sa citrouille pour commencer les découpes de la bouche. « C'est toi qui me parles pour me déconcentrer. » Silencieuse, désormais, elle se concentrait sur sa première découpe, avant d'attaquer la deuxième : un oeil. « C'est difficile. » Souffla-t-elle, déjà fatiguée par ce qu'elle faisait. « C'est fatigant. » Se plaignait-elle. « Pourquoi c'est si difficile de découper une citrouille ? » S'agaçait-elle désormais, ne cessant de se plaindre en attaquant le deuxième oeil. « Regarde, ça gâche tout ! » Comme ça n'allait pas comme elle le voulait, l'agacement grandissait chez Sophie qui montrait le premier oeil découpé à sa soeur. « Leurs outils sont mauvais ! Ça fonctionnait très bien chez moi ! » Souffla-t-elle, agacée.

Contrairement au sous-entendu de Camille, Sophie jugeait avoir souvent de bonnes idées. Donner des crayons de couleurs plutôt que des feutres à un si jeune enfant était pour elle d'une logique, que le conseiller à sa soeur la rendait plutôt fière. Quant aux taches faites à cause de la nourriture, cette fois-ci, la rousse n'avait pas de solution miracle à proposer. Alors, elle se contentait de hausser les épaules et de sourire en entendant la réflexion de sa soeur. « Si Georges était mon fils, il s'amuserait comme un fou. Faire le bien et faire des bêtises, ce n'est pas incompatible, tu sais ? » Camille n'avait sans doute pas tort. Si Georges était son fils, elle le pousserait certainement à faire bien trop de bêtises pour rendre Jean complètement fou. Elle s'imaginait parfois avec une famille. Jean qui devait la gérer autant que ses propres enfants. Sophie qui poussait ses enfants à faire des bêtises. Sophie qui les observait, cachée dans un coin, en train d'embêter Jean sur les bons conseils de cette dernière. Mais ça ne l'empêcherait pas d'être une mère sérieuse, s'il le fallait. Ou de leur apprendre à faire le bien, comme on le lui avait appris, à elle.

« Je n'étais pas insupportable. J'avais une imagination débordante. J'étais très calme lorsque je vous ai servi ce thé. Je ne vous ai pas forcés à le boire. » Assura-t-elle dans un haussement d'épaules. Elle se moquait clairement d'elle. Bien sûr que Camille ne parlait pas d'être calme, dans ce sens-là. Bien sûr que Sophie ne les avait pas forcés à boire, mais elle leur avait fait croire qu'il s'agissait véritablement de thé pour les pousser à le faire. De toute façon, aux yeux de sa famille, Sophie serait toujours cette insupportable petite fille, même si, aujourd'hui, elle était adulte. Alors, elle n'allait pas argumenter auprès de Camille lorsque cette dernière prétendait que Sophie n'était pas devenue sage. Camille n'assumerait jamais, de toute façon. Il fallait bien avoir quelqu'un à qui toujours reprocher quelque chose et Sophie était la personne idéale pour ça parce qu'elle avait eu le malheur de faire quelques petites bêtises durant son enfance. « Je sais. » Répondit la jeune femme, un sourire sur les lèvres, lorsque sa soeur lui assura qu'elle ne pourrait pas la séparer de Georges. Sophie s'était beaucoup attachée à cet enfant qu'elle voyait presque chaque jour depuis trois ans. En être séparée serait une épreuve terrible pour la jeune femme, mais jamais Camille ne ferait ça.

Puis, Camille poursuivit sur la sagesse de Sophie. Sagesse qu'elle avait acquise en vivant à Fleurville, après le départ de sa belle-mère. Depuis son arrivée dans ce nouveau monde, Sophie avait l'impression d'être redevenue cette petite fille craintive. La ville avait réveillé ses cauchemars bien trop de fois pour qu'elle ne tremble pas à l'évocation de Fichini. Dans un autre monde, elle s'était guérie de cette peur. Ici, les plaies s'étaient ouvertes à nouveau. Néanmoins, pour ne pas gâcher ce moment, Sophie fit abstraction de ce qu'elle ressentait pour se concentrer uniquement sur la mère de Camille. « Elle a eu beaucoup de patience avec moi, c'est certain. » Admettait, malgré tout, Sophie, à l'évocation de sa mère adoptive, qui l'avait grandement aidée.

Les dessins sur la citrouille terminés, Sophie s'attelait à une tâche beaucoup plus difficile : la découpe. C'était un travail minutieux, précis. A tel point que la jeune femme n'avait, évidemment pas, la patience pour le réaliser correctement. Elle pestait donc. C'était trop difficile. Les outils étaient mauvais. Elle réussissait mieux chez elle. Tous les arguments étaient bons pour se plaindre et justifier de ce qu'elle trouvait être un mauvais résultat. Bien sûr, Camille se moquait d'elle, ce qui rendait Sophie davantage boudeuse, encore. « Je me suis entraînée, ça ne veut pas dire que je maîtrise la découpe de la citrouille à la perfection. Surtout pas avec des outils de cette qualité... » Pesta-t-elle, en tentant de se concentrer. « Puis, tais-toi, tu me déconcentres. » Affirma-t-elle, sérieuse, en se moquant totalement de son impolitesse. Elle se moquait bien des compliments de sa soeur - même si, en réalité, ils lui faisaient toujours plaisir - elle voulait réussir et faire que tout soit parfait. Comme toujours. « Non, je n'en veux pas. Je vais me débrouiller. » Hors de question qu'elle utilise les outils de sa soeur, quelles excuses aurait-elle ensuite ? Alors, dans le plus grand des silences, et avec la plus grande des applications, la jeune femme termina ses découpes. Déçue, elle avait fini par poser, un peu trop brutalement, les outils sur la table, à côté d'elle. « J'ai terminé. Je vais me plaindre de la qualité de leurs outils. Tu vois le résultat ? Ça ne ressemble pas à ce que je voulais faire. » Déçue, vexée de ne pas avoir réussi, la jeune femme croisa les bras avant de soupirer. « Regarde ta citrouille ! Le travail est propre, la découpe est parfaite ! C'est injuste, tu as été aidée. Les outils étaient meilleurs et ta citrouille était sans doute plus facile à découper. » Un nouveau soupir s'échappa d'entre ses lèvres, puis elle ajouta finalement : « Mais je me suis bien amusée. Et toi ? » Comme toujours, sa mine boudeuse s'effaça au profit d'un sourire, incapable de faire la tête trop longtemps. Encore une fois, elle ne voulait pas gâcher ce moment. Elle voulait simplement en profiter.